II. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE
A. UNE EXIGENCE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE
1. Une exigence économique : convaincre de la détermination à rompre avec le double langage et à équilibrer les comptes publics
Le niveau des dettes publiques hérité de la crise économique et financière et l'accroissement des doutes sur la capacité des Etats à les rembourser rendent indispensables des mesures susceptibles de d'assurer le respect des engagements pris en matière de retour à des niveaux de déficit et de dette plus soutenables.
Tout Etat ayant une dette publique de l'ordre de 100 points de PIB peut faire défaut, dès lors que les marchés anticipent ce risque. A fortiori , tout Etat dans cette situation peut voir ses taux d'intérêt considérablement augmenter en cas de défiance.
Or, la confiance actuelle dans la capacité de la France à rétablir la soutenabilité de ses finances publiques ne va pas de soi et ne peut être tenue pour acquise. La décision, le 18 avril 2011, de l'agence de notation Standard & Poor's de placer « sous perspective négative » la capacité des Etats-Unis à rembourser leur dette publique montre qu'aucun Etat ne peut s'estimer à l'abri d'une dégradation de sa notation, qui s'accompagnerait sans doute d'un renchérissement de ses coûts de financement.
En outre, les perspectives à moyen terme des finances publiques françaises, telles que les évalue la Commission européenne, sont préoccupantes. Ainsi, dans ses prévisions du printemps 2011, la Commission anticipe pour 2012 un déficit public de 5,3 points de PIB (contre 4,6 points de PIB selon le Gouvernement). Le déficit de la France serait alors supérieur non seulement à celui de la zone euro (3,5 points de PIB), mais aussi à celui des autres principaux Etats - Allemagne (1,2 point de PIB), Italie (3,2 points de PIB) - et équivalent à celui de l'Espagne (5,3 points de PIB).
Les prévisions de solde public de la Commission européenne
(en points de PIB)
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Grèce |
-5,7 |
-6,4 |
-9,8 |
-15,4 |
-10,5 |
-9,5 |
-9,3 |
Irlande |
2,9 |
0,1 |
-7,3 |
-14,3 |
-32,4 |
-10,5 |
-8,8 |
Espagne |
2 |
1,9 |
-4,2 |
-11,1 |
-9,2 |
-6,3 |
-5,3 |
France |
-2,3 |
-2,7 |
-3,3 |
-7,5 |
-7 |
-5,8 |
-5,3 |
Slovénie |
-1,4 |
-0,1 |
-1,8 |
-6 |
-5,6 |
-5,8 |
-5 |
Chypre |
-1,2 |
3,4 |
0,9 |
-6 |
-5,3 |
-5,1 |
-4,9 |
Slovaquie |
-3,2 |
-1,8 |
-2,1 |
-8 |
-7,9 |
-5,1 |
-4,6 |
Portugal |
-4,1 |
-3,1 |
-3,5 |
-10,1 |
-9,1 |
-5,9 |
-4,5 |
Belgique |
0,1 |
-0,3 |
-1,3 |
-5,9 |
-4,1 |
-3,7 |
-4,2 |
Autriche |
-1,6 |
-0,9 |
-0,9 |
-4,1 |
-4,6 |
-3,7 |
-3,3 |
Italie |
-3,4 |
-1,5 |
-2,7 |
-5,4 |
-4,6 |
-4 |
-3,2 |
Malte |
-2,8 |
-2,4 |
-4,5 |
-3,7 |
-3,6 |
-3 |
-3 |
Estonie |
2,4 |
2,5 |
-2,8 |
-1,7 |
0,1 |
-0,6 |
-2,4 |
Pays-Bas |
0,5 |
0,2 |
0,6 |
-5,5 |
-5,4 |
-3,7 |
-2,3 |
Allemagne |
-1,6 |
0,3 |
0,1 |
-3 |
-3,3 |
-2 |
-1,2 |
Luxembourg |
1,4 |
3,7 |
3 |
-0,9 |
-1,7 |
-1 |
-1,1 |
Finlande |
4 |
5,2 |
4,2 |
-2,6 |
-2,5 |
-1 |
-0,7 |
Zone euro |
-1,4 |
-0,7 |
-2 |
-6,3 |
-6 |
-4,3 |
-3,5 |
Source : commission européenne, prévisions économiques du printemps 2011
Dans ces conditions, le risque que la France se retrouve classée par les marchés parmi les « mauvais élèves » de la zone euro ne peut être écarté a priori .
Il convient de trouver une voie entre une rigueur excessive qui casserait la croissance et en laquelle ne croiraient pas les marchés, et l'aisance à laquelle notre pays est habitué. Ce juste milieu passe par un retour progressif à l'équilibre qui, parce qu'il doit se faire dans la durée, ne sera jugé crédible que s'il s'appuie sur une trajectoire précise dont la mise en oeuvre serait confirmée chaque année.
2. Un engagement politique : respecter le « Pacte euro + »
A l'initiative de la France et de l'Allemagne, les Etats membres de la zone euro, ainsi que six autres Etats membres de l'Union européenne, ont souscrit lors du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 un « pacte euro + », selon lequel les « États membres participants s'engagent à traduire dans leur législation nationale les règles budgétaires de l'UE figurant dans le pacte de stabilité et de croissance. Les États membres conserveront le choix de l'instrument juridique à utiliser au niveau national mais veilleront à ce qu'il soit par nature suffisamment contraignant et durable (par exemple, la Constitution ou une législation cadre). La formulation exacte de la règle sera également arrêtée par chaque pays (il pourrait par exemple s'agir d'un "frein à l'endettement", d'une règle liée au solde primaire ou d'une règle portant sur les dépenses), mais elle devrait garantir la discipline budgétaire tant au niveau national qu'aux niveaux inférieurs. La Commission aura la possibilité, tout en respectant pleinement les compétences des parlements nationaux, d'être consultée, avant son adoption, sur la formulation précise de la règle budgétaire, afin de s'assurer qu'elle est compatible avec les dispositions européennes et contribue à leur réalisation. »
Compte tenu de la règle que le Gouvernement a choisi de proposer, une révision de la Constitution constitue, dans notre droit, le seul instrument susceptible de permettre la création d'une catégorie de lois dont la valeur serait supérieure, dans la hiérarchie des normes, à celle des lois financières annuelles.
La traduction en droit interne des règles du pacte de stabilité A votre commission des finances qui l'interrogeait sur les conditions dans lesquelles, comme le prévoit le « Pacte euro + », les règles du pacte de stabilité pourraient être introduites dans notre législation nationale, le Gouvernement a apporté la réponse suivante : « Le protocole n°12 sur la procédure concernant les déficits excessifs prévoit déjà que « les Etats membres veillent à ce que les procédures nationales en matière budgétaire leur permettent de remplir les obligations qui leur incombent dans ce domaine en vertu des traités ». La déclaration du 11 mars renouvelle l'engagement des Etats participant à mettre en oeuvre leurs engagements. « La proposition de directive communautaire sur les cadres budgétaires nationaux constitue également une traduction de ces obligations. « En ce qui concerne la France, la négociation a permis de faire ressortir que l'état du droit actuel, ainsi que la pratique, est d'ores et déjà en ligne avec les prescriptions de cette proposition de texte. La Commission a notamment précisé que la directive n'exige pas de rapport de subordination juridique entre les lois pluriannuelles et les lois budgétaires, ce qui place la pratique actuelle des LPFP, à droit constant, en conformité avec la proposition de texte. Certains points techniques (tels que la périodicité de publication des données de comptabilité de caisse) nécessiteront quelques aménagements. La Commission a par ailleurs confirmé son intention d'adopter une déclaration unilatérale confirmant que, pour les besoins de la bonne transposition de cette directive, elle prendra en compte non seulement le droit positif des Etats membres, mais aussi la pratique, dès lors qu'elle fournit un cadre transparent et stable d'application du texte . » Source : Gouvernement, en réponse à un questionnaire de votre commission des finances |
3. L'exemple du « frein à la dette » de l'Allemagne
a) De la « règle d'or » au « frein à la dette »
De la fin des années 1960 à la récente révision de sa Loi fondamentale, l'Allemagne a appliqué la « règle d'or » inscrite à l'article 115 de sa Loi fondamentale, consistant en ce que le déficit public n'excède pas le montant de l'investissement public brut. Il était toutefois explicitement prévu que cette règle ne s'applique pas en cas de perturbation de l'équilibre macroéconomique. Faute de définition suffisamment restrictive de cette notion, cette règle ne s'est pas appliquée en bas de cycle. Par ailleurs, en haut de cycle, elle était peu rigoureuse puisqu'elle permettait une aggravation du déficit structurel, « masquée » par la forte croissance. Ainsi, l'endettement de l'Etat fédéral est passé de 17,5 points de PIB en 1970 à 67,9 points de PIB en 2006.
L'Allemagne a donc à nouveau révisé sa Loi fondamentale, en août 2009. Elle a pour cela modifié, outre son article 115 précité, ses articles 109, 109a et 143d. La règle instituée est dénommée « frein à la dette » ( Schuldenbremse ).
L'encadré ci-après reproduit les dispositions concernées. On voit qu'il s'agit de clauses très précises, qui auraient en France plutôt leur place dans une loi organique.
La Loi fondamentale allemande : extraits Article 109 [Politique budgétaire de la Fédération et des Länder] (1) La Fédération et les Länder sont autonomes et indépendants les uns des autres dans leur gestion budgétaire. (2) La Fédération et les Länder accomplissent ensemble les obligations de la République fédérale d'Allemagne qui résultent des actes juridiques de la Communauté européenne pris sur le fondement de l'article 104 du traité créant la Communauté européenne en vue de respecter la discipline budgétaire et dans ce cadre ils tiennent compte des exigences de l'équilibre de l'ensemble de l'économie. (3) Les budgets de la Fédération et des Länder doivent être par principe équilibrés sans les recettes provenant des emprunts . La Fédération et les Länder peuvent prévoir des règles tendant à prendre en compte de façon symétrique en période de croissance et de récession les effets d'une évolution anormale de la conjoncture ainsi que des règles exceptionnelles en cas de catastrophe naturelle ou de situations exceptionnelles d'urgence qui échappent au contrôle de l'État et qui compromettent considérablement les finances publiques. Pour les règles exceptionnelles, des règles corrélatives de remboursement doivent être prévues. Pour le budget fédéral, l'article 115 fixe les modalités de ces règles, étant entendu qu'il est satisfait à la phrase 1 lorsque les recettes provenant des emprunts ne dépassent pas 0,35 pour cent du produit national brut . Pour les budgets des Länder, ceux-ci fixent les règles dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles, étant entendu qu'il n'est satisfait à la phrase 1 que si aucune recette provenant d'emprunts n'est admise. (4) Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat peut établir pour la Fédération et les Länder des principes communs de droit budgétaire, de politique budgétaire conjoncturelle et de planification financière pluriannuelle. (5) Les mesures de sanction de la Communauté européenne, prises dans le cadre de l'article 104 du traité créant la Communauté européenne pour assurer le respect de la discipline budgétaire, sont supportées par la Fédération et les Länder dans la proportion de 65 à 35. L'ensemble des Länder supporte solidairement 35 pour cent des charges incombant aux Länder, en proportion du nombre de leurs habitants ; 65 pour cent des charges incombant aux Länder sont supportés par les Länder au prorata de leur contribution aux actes sanctionnés. Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat fixe les modalités. Article 109 a [Conseil de stabilité] Pour prévenir des situations de crise budgétaire, une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat fixe : 1. Le contrôle permanent de la gestion (ou politique) budgétaire de la Fédération et des Länder par un organisme collégial commun (Conseil de stabilité), 2. Les conditions et la procédure de déclaration d'une menace de crise budgétaire, 3. Les principes d'établissement et d'exécution des programmes d'assainissement en vue de prévenir les situations de crise budgétaire. Les décisions du Conseil de stabilité et les expertises qui sont à leur base doivent être publiées. Article 115 [Recours à l'emprunt] (1) La souscription d'emprunts ainsi que les engagements sous forme de cautions, de garanties ou de sûretés de toute nature, qui pourraient engendrer des dépenses pour les exercices futurs, doivent être autorisés par une loi fédérale qui en fixe ou permet d'en fixer le montant. (2) Recettes et dépenses doivent être équilibrées sans recettes provenant d'emprunts. Ce principe est satisfait si les recettes provenant d'emprunts ne dépassent pas 0,35 pour cent du produit national brut nominal. De plus, en cas d'évolution de la conjoncture s'écartant de la situation normale, les effets sur le budget en période de croissance et de récession doivent être traités de façon symétrique. Lorsque les opérations effectives d'emprunt s'écartent de la limite maximale fixée par les phrases 1 à 3, elles doivent être inscrites sur un compte de contrôle ; les endettements qui dépassent le seuil de 1,5 pour cent du produit national brut nominal doivent être réduits conformément à la conjoncture. La loi fédérale fixe les modalités, en particulier l'apurement des recettes et des dépenses relatives aux transactions financières et la procédure de calcul de la limite supérieure du montant net des emprunts annuels à la lumière de l'évolution de la conjoncture sur la base d'une procédure d'apurement conjoncturel ainsi que le contrôle et la réduction des écarts entre les opérations effectives d'emprunt et la limite fixée. En cas de catastrophe naturelle ou de situation d'urgence exceptionnelle qui échappent au contrôle de l'État et compromettent considérablement les finances publiques, ces limites supérieures de l'emprunt peuvent être dépassées sur décision de la majorité des membres du Bundestag . La décision doit être liée à l'établissement d'un plan d'amortissement . Le remboursement des emprunts contractés en application de la phrase 6 doit intervenir dans un délai raisonnable . Article 143 d [Dispositions transitoires relatives aux emprunts] (1) Les articles 109 et 115 dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 31 juillet 2009 doivent être appliqués pour la dernière fois à l'année budgétaire 2010. Les articles 109 et 115 dans leur rédaction valable à partir du 1er août 2010 seront appliqués pour la première fois à l'année budgétaire 2011 ; les autorisations d'emprunt existant au 31 décembre 2010 pour des patrimoines spéciaux déjà constitués ne sont pas concernées. Les Länder peuvent dans la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2019 déroger aux exigences de l'article 109, al. 3, en se conformant aux règles en vigueur dans les Länder. Les budgets des Länder doivent être établis de telle façon que les exigences de l'article 115, al. 2, phrase 2 soient satisfaites durant l'année budgétaire 2020. La Fédération peut déroger du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015 aux exigences de l'article 115, al.2, phrase 2. La suppression du déficit existant doit commencer avec l'année budgétaire 2011. Les budgets annuels doivent être établis de telle façon que les exigences de l'article 115, al. 2, phrase 2 soient satisfaites en l'année budgétaire 2016 ; la loi fédérale fixe les modalités. (2) Comme aide au respect des exigences de l'article 109, al. 1 à partir du 1er janvier 2020, les Länder de Berlin, Brême, la Sarre, de la Saxe-Anhalt et du Schleswig-Holstein peuvent, pour la période 2011-2019, recevoir du budget de la Fédération des aides au rééquilibrage d'un montant de 800 millions d'euros par an. De cette somme il revient à Brême 300 millions d'euros, à la Sarre 260 millions d'euros et à Berlin, à la Saxe-Anhalt et au Schleswig-Holstein chacun 80 millions d'euros. Les aides sont versées sur la base d'un accord administratif conformément à une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat. L'attribution d'aides suppose une suppression complète des déficits financiers avant la fin de l'année 2020. Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat et un accord administratif fixent les modalités, notamment les étapes de réduction annuelle des déficits financiers jusqu'à la fin de l'année 2020, la surveillance de la suppression des déficits financiers par le Conseil de stabilité ainsi que les conséquences en cas de non-respect des étapes de la suppression des déficits. Il est exclu d'attribuer simultanément des aides au rééquilibrage et des aides d'assainissement fondées sur une situation de crise financière extrême. (3) La charge financière résultant de l'attribution d'aides au rééquilibrage est supportée par moitié par la Fédération et les Länder, ces derniers par prélèvement sur leur part d'impôts sur le chiffre d'affaires. Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat fixe les modalités. Source : traduction de la Loi fondamentale par le Bundestag |
La révision de l'article 109a instaure un conseil de stabilité, composé du ministre fédéral des finances, du ministre fédéral de l'économie et des 22 ministres des finances des Länder, chargé de suivre l'exécution des budgets de l'Etat fédéral et de chaque Land, et de jouer un rôle de comité d'alerte.
b) Une règle constitutionnelle définie en termes de solde structurel et fixant des objectifs chiffrés
Comme la règle envisagée en France, le frein à la dette ne concerne pas l'ensemble des administrations publiques, mais seulement celles qui représentent un enjeu suffisamment important. Elle se limite en effet à l'Etat fédéral et aux Länder, mais ne concerne ni les communes ni les organismes de sécurité sociale, dont la capacité d'endettement est faible.
Le frein à la dette repose sur les deux obligations suivantes :
- à compter de 2016, le déficit structurel de l'Etat fédéral devra être inférieur ou égal à 0,35 point de PIB ;
- à compter de 2020, les comptes des Länder devront être à l'équilibre structurel.
Comme cela devra également être le cas en France, l'application de la règle peut être suspendue en cas de circonstances exceptionnelles (catastrophes naturelles, situations d'urgence).
L'Allemagne ayant, contrairement à la France, un déficit public déjà faible (3,3 points de PIB en 2010), le problème qui se pose pour elle est moins de savoir comment atteindre ses objectifs - bien que ce sujet soit polémique, comme on le verra ci-après - que d'assurer le respect de la règle en « régime de croisière ». Pour cela, il est prévu qu'à compter de 2016, les écarts constatés, pour le budget de l'Etat fédéral, entre le déficit structurel plafond (0,35 point de PIB) et le déficit structurel réalisé sont enregistrés sur un compte notionnel de contrôle. Dès lors que l'excédent de déficit structurel cumulé atteindrait un certain seuil, des mesures d'apurement des écarts ainsi stockés devraient être prises, dans la limite de 0,35 point de PIB par an et seulement si l'économie est en phase haute du cycle (afin d'éviter un resserrement budgétaire procyclique).
Le recours à un objectif de solde structurel implique que la méthodologie de calcul de celui-ci soit précisément définie. Contrairement à ce qui serait vraisemblablement le cas en France, il ne paraît pas y avoir de polémique en Allemagne à ce sujet. Concrètement, l'Allemagne a retenu une méthodologie s'alignant autant que possible sur les pratiques communautaires, en particulier en ce qui concerne l'estimation de la production potentielle.
Comme votre commission des finances l'a souvent souligné, la notion de solde structurel présente en outre l'inconvénient - contrairement à celle de l'effort structurel - de ne pas corriger le solde effectif des fluctuations spontanées de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB. Cela semble accepté en Allemagne. Ainsi, comme l'indique le rapport Camdessus, « le compte de contrôle enregistrera également des fluctuations d'élasticité du budget à la croissance, qui sont de nature cyclique et n'auraient donc pas vocation à y figurer ».
c) Le sujet de polémique actuel : la trajectoire de réduction du déficit structurel de l'Etat fédéral d'ici 2016
Ainsi que le bureau de la commission des finances a pu le constater lors de sa mission d'information réalisée à Berlin du 10 au 12 avril 2011, les polémiques portent en Allemagne sur la question de la trajectoire de réduction du déficit structurel de l'Etat fédéral d'ici 2016.
Le Gouvernement allemand a déterminé cette trajectoire alors qu'il prévoyait que le déficit structurel fédéral de 2010 serait de 2,21 points de PIB. La trajectoire a été calculée en appliquant une réduction de 0,31 point de PIB par an à compter de 2011, ce qui permet bien de ramener le déficit structurel fédéral à 0,35 point de PIB en 2016. Dans le cas de l'année 2011, cela correspondait à un déficit structurel fédéral de 1,9 point de PIB.
Or, le déficit structurel fédéral n'a pas été en 2010 de 2,21 points de PIB, mais nettement inférieur.
Le Gouvernement allemand a décidé de ne pas prendre pour point de départ le déficit structurel constaté en 2010. En effet, cela l'aurait amené à programmer un moindre déficit en 2011. Il en découle le paradoxe que le déficit structurel fédéral de 2011 sera supérieur à celui de 2010.
Ce choix a été critiqué par le SPD et par la Bundesbank, dans son rapport mensuel de février 2011.