B. UNE LUTTE RÉSOLUE CONTRE LA DÉLINQUANCE ET L'IMMIGRATION CLANDESTINE
1. Des atteintes à l'ordre public d'une nature particulière
Le taux de délinquance dans les départements d'outre-mer apparaît globalement moins élevé qu'en métropole . L'indice de criminalité 9 ( * ) dans ces territoires s'y situe en effet à 55,4 %o , alors qu'il s'élève à 57,5 %o en métropole. Il connaît néanmoins de notables différences d'un département à l'autre : le taux de criminalité en Guyane (109,33 %o) est deux fois supérieur à celui de la métropole, alors que celui de La Réunion dépasse à peine 40,06 %o.
Taux de criminalité dans les départements d'outre-mer (2008) |
|||
Guadeloupe |
Guyane |
Martinique |
La Réunion |
58,24%o |
109,33%o |
55,42%o |
40,06%o |
Source : Direction centrale de la police judiciaire - Délégation générale à l'outre-mer. |
Les chiffres de l'année 2008 semblent confirmer la stabilisation de la délinquance dans les départements d'outre-mer , bien que les statistiques fassent apparaître des divergences importantes selon les territoires.
Faits de délinquance constatés dans les
départements d'outre-mer
(2005-2008)
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Évolution 2007/2008 |
Rappel évolution 2006/2007 |
|
Guadeloupe |
24.765 |
24.872 |
25.939 |
26.032 |
+ 0,36 % |
+ 4,29 % |
Martinique |
22.252 |
21.585 |
21.244 |
22.114 |
+ 4,10 % |
- 1,58 % |
Guyane |
23.458 |
24.333 |
24.839 |
22.084 |
- 11,09 % |
+ 2,08 % |
La Réunion |
34.177 |
31.518 |
30.914 |
31.404 |
+ 1,59 % |
- 1,92 % |
Total DOM |
104.652 |
102.308 |
102.936 |
101.634 |
- 1,26 % |
- 0,61 % |
Total national |
3.775.838 |
3.725.588 |
3.589.293 |
3.558.329 |
- 0,86 % |
- 3,66 % |
Source : Direction centrale de la police judiciaire - Délégation générale à l'outre-mer.
Ainsi, la tendance à la baisse constatée en 2006 et 2007 en Martinique et à La Réunion s'est arrêtée. Ces deux départements enregistrent en effet des hausses respectives de + 4,1 % et + 1,59 % en 2008 par rapport à 2007.
En Guadeloupe, le niveau de la délinquance se stabilise, après une hausse de + 4,29 % des faits de délinquance entre 2006 et 2007.
Pour la première fois depuis plusieurs années, les infractions constatées en Guyane accusent une baisse très sensible, de - 11,09 % par rapport à 2007, ce qui peut sembler en décalage par rapport à la situation ressentie sur le terrain. En revanche, les infractions liées à la criminalité organisée progressent de + 5,26 %, signe d'une évolution de la nature de la criminalité en Guyane.
Les départements d'outre-mer connaissent en revanche des formes de délinquance plus marquées qu'en métropole .
La délinquance apparaît en effet de plus en plus violente , notamment dans les zones de gendarmerie qui représentent 90 % du territoire, 70 % de la population et 53 % des crimes et délits dans les départements d'outre-mer. Cette évolution est illustrée par une forte hausse des atteintes à l'intégrité physique.
À La Réunion, les atteintes volontaires à l'intégrité physique constituent ainsi plus de 20 % de la délinquance du département, contre 12 % en métropole. Par rapport à 2007, elles sont en progression de 12,8 %.
En Martinique, ces atteintes ont augmenté de 26,20 %.
En Guadeloupe, dans la même période, les vols à main armée ont progressé de + 86 %, les coups et blessures volontaires de + 56 % et les homicides de + 37 %. En 2008, 52 homicides ont été constatés, soit environ 13 pour 100 000 habitants, presque six fois plus qu'en métropole. Les vols à main armée ont progressé de 50,72 % par rapport à 2007.
En Guyane, le niveau de violence apparaît particulièrement préoccupant. En 2008, le nombre d'homicides a atteint le chiffre de 31,1 pour 100 000 habitants (soit 12 fois celui de la métropole), les coups et blessures volontaires 380 pour 100 000 habitants (2 fois celui de la métropole) et les vols à main armée 96,7 pour 100 000 (plus de 20 fois celui de la métropole). Les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont crû de 19,28 % en un an.
Par ailleurs, la richesse du sous-sol guyanais constitue le terreau d'une délinquance particulière : l'orpaillage clandestin qui conduit, selon les estimations de la gendarmerie nationale, à l'extraction et l'exportation illégales de 10 tonnes d'or natif par an. L'orpaillage illégal génère d'ailleurs une délinquance associée, constituée de divers trafics ou contrebandes, d'activités de prostitution, d'homicides ainsi que d'activités de blanchiment d'argent et de recel.
Afin de lutter contre ce fléau, le Gouvernement a intensifié les actions des services de gendarmerie, appuyés par les forces armées de Guyane, dans le cadre des opérations « Harpie », désormais concentrées sur le parc amazonien et les zones d'implantation amérindiennes. En 2008, ces mesures ont permis de saisir ou détruire des biens représentant 28 millions d'euros.
|
2008 |
2009 (jusqu'au 22 juillet) |
Nombre d'opérations |
211 |
164 |
Or saisi (en grammes) |
19 369 |
1 867,5 |
Mercure saisi (en grammes) |
211 266 |
42 535 |
Carbets détruits |
1 617 |
1 012 |
Barges ou pirogues saisies ou détruites |
199 |
68 |
Carburant saisi (en litres) |
181 063 |
54 025 |
Moto-pompes détruites |
355 |
124 |
Armes saisies |
179 |
66 |
Valeur des biens saisis ou détruits |
28 M€ |
2,7 M€ |
Source : ministère de l'outre-mer.
En outre, la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a renforcé les moyens juridiques de la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane 10 ( * ) , en alourdissant les peines applicables 11 ( * ) et en facilitant les conditions d'interpellation et de garde à vue des personnes ayant participé à une activité de ce type.
En dernier lieu, l'environnement régional des départements d'outre-mer donne à certaines formes de délinquance un poids important . Tel est le cas, pour les départements français d'Amérique, des infractions à la législation sur les stupéfiants.
La Guadeloupe, la Martinique et la Guyane se situent en effet dans une zone géographique marquée par un trafic local et régional de stupéfiants importés des États voisins : La Dominique et Sainte-Lucie, pour la Guadeloupe et la Martinique ; le Surinam et, dans une moindre mesure, le Guyana et le Brésil, pour la Guyane. Elles sont également sur la route d'un important trafic international qui se manifeste essentiellement par le transit, par voies maritimes et aériennes, d'importantes quantités de cocaïne destinées aux marchés de la drogue métropolitain et européen.
75 % des saisies de cocaïne réalisées en France le sont dans la zone Antilles-Guyane , à l'occasion d'interceptions en mer. Dans cette zone, le nombre d'infractions constatées à la législation sur les stupéfiants a crû de plus de 65 % entre 2006 et 2008.
Infractions à la législation sur les
produits stupéfiants
dans les départements français
d'Amérique
2003 |
2004 |
2005 |
2006 (Évolution 2005-2006) |
2007 (Évolution 2006-2007) |
2008 (Évolution 2007-2008) |
|
Guadeloupe
|
797 |
757 |
842 |
1 333 (+ 58,3 %) |
1 553 (+16,50 %) |
1 949 (+25,50%) |
Martinique |
1 757 |
1 627 |
982 |
1 128 (+ 14,9 %) |
1 602 (+42,02 %) |
2 313 (+44,38%) |
Guyane |
381 |
333 |
378 |
440 (+ 16,4 %) |
601 (+36,59 % ) |
544 (-9,48 %) |
Total |
2 935 |
2 717 |
2 202 |
2 901 (+ 31,7 %) |
3 756 (+29,47 %) |
4 806 (+27,95 %) |
Source : ministère de l'outre-mer.
Face aux spécificités de la délinquance ultramarine, l'Etat a, depuis plusieurs années, renforcé les moyens opérationnels dont il dispose localement. Ainsi, depuis 10 ans, les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale ont été considérablement renforcés dans les quatre départements d'outre-mer, malgré une légère décroissance en 2009.
Evolution des effectifs de la police
nationale
|
||||||||
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
Evol. 08/09 |
|
Guadeloupe |
832 |
916 |
909 |
906 |
930 |
978 |
987 |
+0,9 % |
Guyane |
493 |
531 |
590 |
588 |
575 |
663 |
644 |
-2,8 % |
Martinique |
688 |
767 |
813 |
873 |
863 |
837 |
824 |
-1,5 % |
La Réunion |
881 |
932 |
932 |
1052 |
1096 |
1056 |
1057 |
0 |
TOTAL |
2.894 |
3.146 |
3.244 |
3.419 |
3.464 |
3.534 |
3.512 |
-0,6 % |
Evolution des effectifs de la gendarmerie
nationale
12
(
*
)
|
|||||||||
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
Evol. 08/09 |
||
Guadeloupe |
602 |
607 |
607 |
603 |
600 |
596 |
597 |
+0,1 % |
|
Guyane |
441 |
445 |
445 |
451 |
479 |
469 |
475 |
+1,2 % |
|
Martinique |
623 |
626 |
626 |
626 |
626 |
620 |
621 |
+0,1 % |
|
La Réunion |
716 |
725 |
725 |
725 |
735 |
736 |
733 |
-0,4 % |
|
TOTAL |
2.382 |
2.403 |
2.403 |
2.405 |
2.440 |
2.421 |
2.426 |
+0,2 % |
|
Source : ministère de l'outre-mer. |
Cependant, les effectifs permanents sont souvent confortés par des effectifs ponctuels, et notamment par l'envoi, depuis la métropole, d'escadrons de gendarmes mobiles 13 ( * ) .
Le Gouvernement a également fait porter ses efforts sur le développement des groupes d'intervention régionaux (G.I.R.).
Le G.I.R. de Guyane a été créé en fin d'année 2006. Les G.I.R. de Guadeloupe et La Réunion ont été créés durant l'année 2008, tandis que le G.I.R. de Martinique se met en place depuis le 1 er février 2009.
L'expérience du G.I.R. de Guyane a en effet démontré tout l'intérêt de ce type de structure pour combattre une délinquance de plus en plus organisée.
Ainsi, en 2008, le G.I.R. de Guyane, agissant en co-saisine, a participé aux gardes-à-vue de 117 personnes ayant donné lieu à 10 écrous, 22 contrôles judiciaires et 13 convocations en justice. Les mesures d'éloignement du territoire ont été en nette augmentation (61 en 2008 contre 10 en 2007). Les 272 infractions constatées sont relatives à la législation sur les étrangers (pour un tiers d'entre elles), aux vols et recels, faux et usage de faux, blanchiment et travail dissimulé (5). 17 informations fiscales ont été transmises en 2008. Les saisies ont porté, notamment, sur 7,3 kilos d'or, 532 réals (ancienne monnaie espagnole) et 2 kilos de mercure. Sur le plan patrimonial, les enquêteurs ont confisqué 650 386 € en numéraire (contre 2 927 € en 2007) et bloqué 288 556 € sur les comptes de sociétés de comptoir d'or.
Le premier semestre 2009 a vu le développement de l'action des G.I.R. dans chacun des départements d'outre-mer.
En Guadeloupe, durant cette période, le G.I.R. a participé à 17 opérations permettant la garde-à-vue de 56 personnes (3 incarcérations, 15 contrôles judiciaires, 31 convocations en justice et 6 mesures d'éloignement du territoire ont été prononcées). 140 infractions, notamment en matière de travail dissimulé et en matière financière, ont été constatées ; 39 informations fiscales ont été transmises. Les saisies prononcées ont porté sur 756 600 € en numéraire et sur les comptes bancaires, 1 805 000 € en valeurs mobilières et 7 véhicules appartenant aux auteurs pour un montant estimé à 85 500 €. Deux procédures financières ont permis des saisies pour près de 1 730 000€.
Selon le Gouvernement, au 30 juin 2009, dans le cadre de la lutte contre l'économie souterraine, les G.I.R. d'outre-mer ont globalement participé à la saisie d'environ 2,9 millions d'euros d'avoirs criminels, soit un peu plus de 13 % des saisies effectuées par l'ensemble des G.I.R. en France.
* 9 C'est-à-dire le rapport entre le nombre d'infractions constatées et la population.
* 10 Voir l'avis n° 240 (Sénat, 2008-2009) de M. Jean-Paul Virapoullé, fait au nom de la commission des lois, pp. 56-65.
* 11 Aux termes de l'article 141-1 du code minier, l'infraction d'orpaillage illégal s'accompagnant d'atteintes graves à l'environnement est punissable d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amendes. Dans le cas où elle est commise en bande organisée, ces peines seraient portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende.
* 12 Hors escadrons mobiles.
* 13 Ainsi, lors de l'hiver 2008, le conflit social en Guadeloupe (qui dura 42 jours et prit fin le 5 mars avec la signature d'un accord entre le représentant de l'Etat et le leader du LKP) conduisit à la présence de 10 escadrons de gendarmerie mobile dont 8 en renforts de métropole. En Martinique, les 38 jours de conflit induisirent la présence de 10 escadrons de gendarmerie mobile, dont 9 en renforts de la métropole.