3. L'approche excessivement globalisante et quantitative des indicateurs de performance
La mesure de la performance, instituée par la LOLF, est centralisée au sein de chaque cour d'appel, les chefs de Cour étant responsables de budget opérationnel de programme. La mesure de la performance est confiée par les chefs de Cour à leurs secrétariats généraux ou à leur directeur délégué à l'administration régionale judiciaire.
Selon le ministère de la justice, l'une des difficultés principales pour renseigner les indicateurs de performance est d'agréger les données de l'ensemble des juridictions du ressort de la cour d'appel, afin de calculer la performance moyenne par type de juridiction.
Les modes de recensements des données sont en effet variables selon les cours d'appel (mise en réseau des données par chaque juridiction, envois de fichiers par mail,..). La multiplicité des outils statistiques ne facilite pas une utilisation rapide et aisée des différentes données.
Lors d'une conférence relative à la performance tenue en avril 2009, la Mission d'Evaluation des Politiques Publiques a proposé plusieurs modifications (déplacement et suppression d'indicateurs) de la maquette du programme « justice judiciaire ». Ces proposions visent à rendre plus lisible la maquette en regroupant certains indicateurs dans une thématique, et non selon une étape d'une procédure civile ou pénale.
Désormais, l'objectif n°1, « rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile », est évalué par sept indicateurs :
- indicateur 1.1 : délai moyen de traitement des procédures par type de juridiction. Ce délai devrait atteindre en 2009 15,2 mois devant la Cour de cassation, 11,7 mois devant les cours d'appel, 6,5 mois devant les tribunaux de grande instance, 4,5 mois devant les tribunaux d'instance, 10 mois devant les conseils de prud'hommes et 5,2 mois devant les tribunaux de commerce. Les valeurs cibles fixées pour 2010 et 2011 apparaissent modestes pour les juridictions devant lesquelles ce délai de traitement demeure élevé. Ainsi, en 2010, le délai resterait inchangé devant la Cour de cassation et les tribunaux de grande instance. Il serait porté à 11,3 mois devant les cours d'appel, 4,3 mois dans les tribunaux d'instance, 9,5 mois dans les conseils de prud'hommes et 5 mois dans les tribunaux de commerce ;
- indicateur 1.2 : pourcentage des juridictions dépassant le délai seuil de traitement. Ainsi, 21,2 % des cours d'appel ont un délai seuil de traitement supérieur à 14 mois en 2009, 25 % des tribunaux de grande instance ont un délai seuil supérieur à 7,5 mois et 22 % des tribunaux d'instance ont un délai seuil qui dépasse 5,5 mois ;
- indicateur 1.3 : ancienneté moyenne du stock par type de juridiction. En 2009, cette ancienneté devrait s'établir à 8,5 mois à la Cour de cassation, 9,5 mois dans les cours d'appel, 13 mois dans les tribunaux de grande instance et 12 mois dans les conseils de prud'hommes ;
- indicateur 1.4 : délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire ;
- indicateur 1.5 : taux de cassation des affaires civiles (1,8 % des décisions rendues en appel devraient faire l'objet d'une cassation, selon la prévision établie pour 2009 par le projet annuel de performance) ;
- indicateur 1.6 : nombre d'affaires civiles traitées par magistrat du siège ou par conseiller rapporteur (en équivalents temps plein travaillé), soit, selon la prévision pour 2009, 90 affaires par rapporteur à la Cour de cassation (cible 2011 : plus de 115), 265 affaires terminées par magistrat du siège dans les cours d'appel (plus de 280 en 2011), 485 affaires terminées par magistrat du siège dans les tribunaux de grande instance (plus de 500 en 2011) ;
- indicateur 1.7 : nombre d'affaires traitées par fonctionnaire (en équivalents temps plein travaillé). La prévision est établie à 275 affaires par fonctionnaire de la Cour de cassation ou de cour d'appel en 2009, et 312 affaires par fonctionnaire de tribunal de grande instance.
L'objectif n°2, « rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale », se compose des indicateurs suivants :
- indicateur 2.1 : délai moyen de traitement des procédures pénales. Ce délai devrait s'établir en 2009 à 131 jours à la Cour de cassation, à 35 mois dans les autres juridictions pour les crimes et à 11,5 mois pour les délits ;
- indicateur 2.2 : taux de rejet par le Casier judiciaire national. Ce taux, de 4,5 % en 2009, permet de mesurer la proportion de décisions qui ne peuvent être enregistrées par le Casier judiciaire national, en raison d'une erreur de retranscription sur l'identité de la personne condamnée, sur la nature de l'infraction ou de la peine ;
- indicateur 2.3 : taux de cassation des affaires pénales (0,45 % en 2009, selon la prévision figurant dans le projet annuel de performance) ;
- indicateur 2.4 : nombre d'affaires poursuivables traitées par magistrat du parquet (en équivalents temps plein travaillé). La prévision s'établit en 2009 à 1.120 affaires poursuivables traitées par magistrat du parquet, la cible étant fixée à plus de 1 150 en 2011 ;
- indicateur 2.5 : nombre d'affaires pénales traitées par magistrat du siège ou par conseiller rapporteur (en équivalents temps plein travaillé). Ce nombre devrait atteindre en 2009 185 affaires par rapporteur à la Cour de cassation, 350 par magistrat du siège dans les cours d'appel et 510 par magistrat du siège dans les tribunaux de grande instance.
Votre rapporteur considère que la logique de performance définie par la LOLF peut sembler difficile à appliquer à la justice, tributaire d'un examen personnalisé de chaque affaire. Le projet annuel de performance consacré à la mission « Justice » comporte d'ailleurs des indicateurs de performance établis selon une approche essentiellement quantitative , qui n'est pas toujours adaptée.
Ainsi, l'indicateur 1.1 relatif au délai moyen de traitement des procédures prend en compte les référés.
L'indicateur 2.1 relatif aux procédures pénales ne distingue pas entre les différents modes de poursuite (comparution immédiate, information judiciaire...). L'indicateur 2.5, relatif au nombre d'affaires pénales traitées par magistrat du siège, encourt la même critique, puisqu'il agrège, s'agissant des tribunaux de grande instance, les jugements correctionnels, les ordonnances pénales, les compositions pénales et les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité homologuées.
De même, l'indicateur relatif au nombre d'affaires civiles traitées par magistrat du siège ne distingue pas entre les matières (affaires familiales, assistance éducative).
Lors de son audition par votre rapporteur, Mme Natacha Rateau, vice-présidente du Syndicat de la magistrature, a relevé que sur le plan civil, le critère de performance retenu était le délai moyen des procédures, sans que l'on puisse distinguer s'il s'agit du contentieux civil classique, des référés ou des affaires familiales, d'affaires simples ou d'affaires complexes.
Les magistrats du tribunal de grande instance de Bobigny ont également expliqué à votre rapporteur, lors de sa visite dans cette juridiction, que les indicateurs de performance étaient construits sur des amalgames grossiers .
Ainsi, M. François Molins, alors procureur de la République, a indiqué que le tribunal de grande instance de Bobigny connaissait en matière civile un délai moyen de jugement de 4,6 mois, alors que la valeur cible nationale était de 6,5 mois, car dans le ressort de la juridiction, cet indicateur intègre un abondant contentieux lié à la zone d'attente, traité dans des délais très courts. Les données prises en compte pour cet indicateur apparaissent si hétérogènes qu'elles retirent à cet outil l'essentiel de son intérêt.
Votre rapporteur estime que ces indicateurs seraient plus pertinents s'ils intégraient des éléments qualitatifs. Il souhaite par conséquent que le ministère de la justice mette à profit la définition de nouveaux outils informatiques de suivi de la chaîne pénale pour définir des indicateurs de performance plus fins.