C. LES AMÉNAGEMENTS DE PEINE : UN ACCOMPAGNEMENT HUMAIN INDISPENSABLE
La loi pénitentiaire ouvre un cadre juridique très favorable aux aménagements de peine.
Elle fixe deux principes directeurs (art. 132-24 du code pénal) :
- en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ;
- lorsqu'une telle peine est prononcée, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement de peine (semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement de peines).
Ces principes se concrétisent principalement sous quatre formes :
- l'allongement , sauf dans le cas où la personne a été condamnée en état de récidive, de un à deux ans du quantum de peine susceptible de faire l'objet d'un aménagement (total ou partiel) par la juridiction de jugement ab initio ou par le juge de l'application des peines en cours d'exécution de la peine (article 132-25 du code pénal) ;
- l'abaissement de 40 à 20 heures du plancher d'un travail d'intérêt général (dont la durée maximale est restée fixée à 210 heures) -article 131-8 du code pénal- afin d'assouplir les conditions d'utilisation de ce dispositif ;
- des dispositions plus incitatives en faveur de la libération conditionnelle : possibilité d'accorder cette mesure à une personne âgée de soixante-dix ans même si elle n'a pas accompli l'intégralité du temps d'épreuve requis par la loi à la condition, d'une part, que son insertion ou sa réinsertion soit assurée, d'autre part, que sa libération ne risque pas de causer un trouble à l'ordre public ; faculté de prendre en compte l'implication du condamné dans « tout projet sérieux d'insertion ou de réinsertion » (article 729 du code de procédure pénale) ; utilisation du PSE, au même titre que la semi-liberté, comme mesure probatoire à la libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine privative de liberté (article 720-5 du code de procédure pénale) ;
- la simplification des procédures : de nouvelles procédures simplifiées d'aménagement des peines sont appelées à se substituer aux dispositifs introduits par la loi du 9 mars 2004.
Les principales concernent les condamnés incarcérés. Les modifications apportées par la loi pénitentiaire consistent pour l'essentiel à étendre le champ des personnes concernées et à confier au ministère public un rôle de filtre des propositions d'aménagement du SPIP.
L'aménagement de peine pourrait être prononcé dès lors que la durée d'emprisonnement restant à subir est inférieure ou égale à deux ans et non plus à trois ou six mois suivant les cas. Il appartient, comme par le passé, au SPIP d'examiner en temps utile le dossier de chaque détenu et de proposer une mesure d'aménagement de peine qui, toutefois, ne sera pas transmise au JAP, comme tel était le cas selon les règles antérieures, mais au procureur de la République qui, s'il estime la proposition justifiée, la transmet pour homologation au JAP. En cas de non homologation à l'issue du délai de trois semaines, le directeur du SPIP peut mettre en oeuvre la mesure d'aménagement sur instruction du parquet (article 723-20).
Les différentes mesures d'aménagement de peine tendent à progresser en 2008 :
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
|
Libération conditionnelle |
5.911 |
5.648 |
6.057 |
7.494 |
Permissions de sortir (flux) |
35.411 |
* |
53.111 |
53.201 |
Placements à l'extérieur |
1.944 * |
1.980 |
2.289 |
2.608 |
Placement en semi-liberté |
4.128 * |
4.655 |
5.283 |
5.928 |
Placements
|
714 |
884 |
1.689 |
2.566 |
* données incomplètes pour 2005
** changement des règles de comptage
- Les mesures de libération conditionnelle ne tiennent pas compte des libérations conditionnelles ab initio qui ne donnent pas lieu à écrou et ne sont par conséquent pas connues de l'administration pénitentiaire. Le rapport entre le nombre de mesures prononcées (7.494) et le nombre moyen annuel des condamnés écroués permet cependant une approche pondérée, soit un ratio de l'ordre de 0,15. Ainsi, un peu plus d'un écroué sur 10 bénéficie d'une libération conditionnelle.
- Les placements en semi-liberté sont pour une large part déterminés par les places opérationnelles dans les centres de semi-liberté 12 ( * ) ou les quartiers de semi-liberté au sein des établissements pénitentiaires, soit au total 2.300 places. Le nombre de places opérationnelles dans les centres de semi-liberté tend à baisser de manière constante et le taux d'occupation atteint pour la première fois 95 % au 1 er janvier 2009 (contre 73,6 % au 1 er janvier 2007). Cette moyenne marque cependant des disparités entre les établissements en centre-ville pour la plupart surencombrés et ceux qui sont plus excentrés et ne bénéficient pas d'un accès aussi favorable aux lieux de travail et au réseau de transport.
L'administration pénitentiaire envisage le développement de places de semi-liberté sous trois formes : la création, dans le cadre du dispositif d'accroissement des capacités, de 277 places de semi-liberté sur les sites de Saint-Etienne, Melun, Caen, Angers, Seysses et Nouméa ; l'ouverture en 2010 de trois nouveaux quartiers de semi-liberté à Gradignan, Aix-en-Provence et Avignon (au total, 210 places) ; la création, à l'horizon 2012, de 1.700 places au sein des nouveaux quartiers courtes peines (dont un tiers dédiés à la semi-liberté).
- Le placement sous surveillance électronique. Cette mesure est devenue l'une des principales mesures d'aménagement de peine au cours des trois dernières années. Avec la loi pénitentiaire, il pourrait devenir la modalité la plus usuelle d'exécution des fins de peine. En effet, aux termes du nouvel article 723-28 du code de procédure pénale, la personne condamnée à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à 5 ans, lorsqu'aucune mesure d'aménagement de peine n'a été ordonnée six mois avant la fin de peine, et qu'il lui reste 4 mois d'emprisonnement à subir 13 ( * ) exécute le reliquat de la peine selon les modalités du PSE, sauf en cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé, ou d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou le risque de récidive. Afin d'éviter toute dérive vers une « grâce électronique », le Parlement a prévu que cette disposition était mise en oeuvre par le directeur du SPIP sous l'autorité du procureur de la République qui peut fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre. Par ailleurs, en l'absence de décision de placement, la personne condamnée peut saisir le juge de l'application des peines qui statue par jugement après débat contradictoire.
D'ores et déjà, une expérimentation a été engagée depuis septembre 2008 afin de permettre l'examen systématique de la situation des personnes condamnées en fin de peine au regard du PSE.
Au 29 octobre 2009, sur les 14 sites opérationnels et une population de 1.623 personnes éligibles, 285 avaient été admises à ce dispositif. Le nombre d'échecs apparaît limité, seules 11 mesures ayant été révoquées.
- Le placement sous surveillance électronique mobile. Malgré l'élargissement progressif de l'éventail des dispositifs juridiques dans lesquels il peut être utile, le PSEM connaît encore des débuts modestes.
L'expérimentation du dispositif a débuté en juin 2006 dans le cadre de la libération conditionnelle. Le personnel de l'administration pénitentiaire assure la pose et la dépose des émetteurs sur les placés. Il reçoit et traite les alarmes de violation des interdictions et obligations liées aux déplacements du placé. Il procède à la saisie des décisions judiciaires relatives à la surveillance électronique mobile, et notamment des zones d'inclusion (par exemple, le domicile du placé, le lieu de formation), des zones d'exclusion (notamment le domicile des victimes), des zones tampons situées autour des zones d'exclusion ou encore des horaires d'assignation. Ce sont les agents des pôles centralisateurs du placement sous surveillance électronique (PSE) qui assurent le suivi du PSEM. Les autres prestations liées à la surveillance électronique mobile sont entièrement externalisées, assurées et prises en charge par le prestataire.
La durée d'application du PSEM est de deux ans renouvelable une fois pour les délits et de deux ans renouvelable deux fois pour les crimes, dans la limite de la durée de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire prononcés. Cependant, la loi du 25 février 2008 prévoit désormais que le PSEM peut être appliqué, durant toute la durée du suivi socio-judiciaire et de la surveillance judiciaire, sans limite de temps, pour toutes les personnes condamnées à une réclusion criminelle supérieure ou égale à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.
Selon les éléments communiqués par M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, lors de son audition par votre commission, le 10 novembre dernier, 58 mesures de PSEM ont été prononcées dont 43 dans le cadre d'une surveillance judiciaire. 38 mesures sont en cours.
*
* *
Votre rapporteur estime que s'il est possible de connaître les taux d'occupation des établissements pénitentiaires, il serait utile aussi de disposer d'outils permettant de mieux évaluer les capacités d'absorption du milieu ouvert, en particulier au regard des effectifs des conseillers d'insertion et de probation.
La réussite des dispositifs de surveillance électronique -fixe ou mobile- dépendra aussi de l'encadrement humain des personnes concernées (qui ne doivent pas seulement être surveillées mais aussi accompagnées dans leur démarche de réinsertion). Faute des ressources nécessaires en CIP, le nombre d'échecs pourrait augmenter à proportion du nombre de personnes condamnées concernées au risque de discréditer une mesure pourtant très utile.
* 12 Il existe en France 13 centres de semi-liberté : 3 dans le ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, 4 dans celui de Strasbourg, 2 dans celui de Toulouse, 2 dans celui de Lyon, 1 dans celui de Dijon, 1 dans celui de Lille. Les régions pénitentiaires de Bordeaux, Marseille et Rennes, ainsi que la mission d'outre-mer ne disposent d'aucun établissement de ce type.
* 13 Ou pour les peines inférieures ou égales à 6 mois, les personnes à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir.