C. LES CONDITIONS DU SUCCÈS
La réforme entreprise est particulièrement ambitieuse en cela qu'elle impose simultanément réduction des effectifs, restructurations géographiques et réorganisations fonctionnelles. En matière d'effectif, plusieurs points méritent une attention particulière .
1. La concordance entre le cadrage financier retenu pour l'évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d'effectifs
L'une des difficultés de cette « manoeuvre » tient dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l'évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d'effectifs . Des difficultés pourraient résulter de l'insuffisance des instruments disponibles en matière de pilotage de la masse salariale et des ressources humaines, notamment des systèmes d'information. Les hypothèses de coût moyen, sur lesquelles repose la valorisation des déflations d'effectifs, devront ainsi être vérifiées.
A titre d'exemple, un travail approfondi de plusieurs mois a été conduit au printemps 2009 au sein du ministère pour déterminer la valeur exacte du GVT solde. Au résultat, celui-ci diverge très sensiblement des éléments imposés par Bercy dans le PLF 2009 dans des proportions de 1 à 10. La difficulté principale réside dans l'absence de recul pour aboutir à des travaux fiables. Les deux premières années de réforme (2008/2009) devraient permettre de disposer d'éléments consolidées.
L'exécution de la programmation devra éviter deux écueils : un rythme de déflation des effectifs inférieur aux prévisions, qui conduirait à majorer les crédits du titre 2 au détriment notamment de l'équipement, ou, au contraire, une maîtrise financière du titre 2 dans le cadre prévu, qui s'effectuerait au prix d'une sous-réalisation des objectifs en matière d'effectifs.
Si l'on considère, à l'inverse, que le titre 2 évoluera quoi qu'il arrive selon le schéma prévu, le risque principal sera celui d'une accélération non souhaitée de la déflation des effectifs .
Le calibrage du titre 2 de l'entrée en programmation a déjà conduit à une régulation par les effectifs en exécution 2008, avec une « surdéflation » de plus de 3 800 équivalents temps plein travaillé. Ce phénomène s'est reproduit en 2009.
Le rapport annexé à la LPM précisait que « la conduite de la déflation repose sur la capacité de reclassement du personnel militaire et civil au sein des fonctions publiques et sur le caractère attractif des mesures d'accompagnement social. Son rythme de mise en oeuvre, tel que prévu par l'article 4 de la présente loi, n'a pas vocation à être accéléré, quels que soient les aléas de gestion . » Le texte privilégie une approche capacitaire et non une approche par la masse salariale dont les effets seraient dommageables à la capacité opérationnelle des armées.
Or un des outils de régulation, le reclassement dans la fonction publique, semble ne pas pouvoir atteindre les objectifs fixés.
Dans ce contexte, le deuxième enjeu portera sur la préservation du flux de recrutement . Celui-ci ne doit pas devenir l'unique variable d'ajustement des effectifs à la masse salariale. Ce flux de recrutement est essentiel au maintien de la capacité opérationnelle.
Votre rapporteur a déjà eu l'occasion d'exposer les limites des indicateurs relatifs aux dépenses de personnels sur le programme 178 qui sont, tant pour le recrutement que pour la reconversion, des indicateurs de moyens qui ne retracent pas d'objectif particulier.
Compte tenu de l'ampleur de la réforme envisagée, il lui paraît indispensable de mettre en place de vrais indicateurs d'accompagnement de cette réforme qui feraient état, en particulier, des objectifs suivants :
- adéquation du recrutement en quantité et en qualité (dans les catégories et les spécialités cibles) ;
- fidélisation des spécialités en tension ;
- adéquation de la déflation par rapport à la pyramide cible ;
- départs effectifs vers la fonction publique.
Au-delà du pilotage de la masse salariale, le problème principal n'est pas celui des suppressions de postes au sens strict car, de façon globale, les départs attendus sont supérieurs, sur l'ensemble de la période 2008-2015, aux réductions d'effectifs demandées.
La difficulté est surtout de parvenir à faire coïncider - dans le temps et selon les types d'emplois - les départs naturels et les besoins en réduction de postes.
Pour cela, il faut sans cesse ajuster les nouveaux recrutements aux besoins les plus urgents, mettre en oeuvre des formations adaptées aux spécialités, assurer un soutien spécifique aux mobilités géographiques inévitables et, bien entendu, accompagner les départs et les reconversions, ce qui est parfois difficile à réaliser dans le cadre d'objectifs annuels de réduction des effectifs.
2. La réussite des bases de défense
D'un point de vue qualitatif, la réussite de la manoeuvre dépend de la capacité de mener à bien l'ambitieux chantier de la réorganisation et de la modernisation du soutien et de l'administration générale, faute de quoi le rééquilibrage au profit des capacités opérationnelles serait compromis.
L'un des principaux axes de cette modernisation concerne la création des bases de défense (BdD) qui doit permettre de mutualiser les actions conduites en matière de soutien général.
La mise en place des bases de défenses aura de nombreuses conséquences en matières de dépenses de fonctionnement et de soutien des forces comme nous le verrons plus avant, elle a déjà des conséquences importantes en matière de répartition des effectifs.
Jusqu'à présent, les actions de soutien étaient menées de façon trop cloisonnée par chaque armée. La base de défense les mutualise. Des gains significatifs en matière d'effectifs devraient ainsi être dégagés au profit des unités opérationnelles. L'objectif est de consacrer 60 % des effectifs de la défense aux missions opérationnelles, contre 40 % pour l'administration générale et le soutien.
La mutualisation des soutiens communs vise à créer une chaîne interarmées spécialisée. Placée sous l'autorité du chef d'état-major des armées, cette nouvelle organisation interarmées du soutien est pilotée par le Commandement interarmées des soutiens (COMIAS). Elle regroupera, à terme, plus de 40 000 personnes dont une grande partie de spécialistes, militaires et civils.
Les 11 premières bases de défense ont été mises en place au 1 er janvier 2009 à titre expérimental.
À compter de janvier 2010, 7 nouvelles bases verront le jour pour former les bases de défense « pilotes » à partir desquelles le COMIAS consolidera le déploiement de la totalité des bases de défense de plein exercice en 2011.
La mise en place de ces bases suppose pour les troupes une réorganisation géographique sans précédent, comme l'illustre la carte suivante relative à la transformation de l'armée de terre en 2010.
Enfin, le processus de valorisation des métiers de la défense et de dynamisation des parcours professionnels et de carrière de l'ensemble des personnels militaires et civils sera poursuivi, tout en continuant à recentrer le personnel militaire sur les missions opérationnelles, et le personnel civil sur les tâches de soutien.
L'efficacité attendue du projet est en grande partie liée à sa méthode. Conçues de manière expérimentale, les bases de défense ne relèvent pas d'un modèle unique, mais s'appuient sur les enseignements de l'expérimentation et devraient tenir compte des réalités géographiques, locales et humaines qui caractérisent leur environnement.
Ainsi, il existe aujourd'hui 4 modèles de bases de défense différents, qui seront parachevés et optimisés pendant la phase de montée en puissance des bases pilotes.
Échelon local d'une chaîne interarmées des soutiens, la base de défense inclut, dans un espace géographique donné, les personnels de tous les organismes du ministère de la défense (armées, DGA, SGA). Au sein de chaque base, l'activité de soutien doit être mutualisée et professionnalisée, en valorisant les chaînes métiers par domaine de compétence.
Ainsi, les fonctions de soutien, que chacun exerçait isolément, sont regroupées et assurées par le groupement de soutien des bases de défense (GSBdD). Ce service assure le soutien commun pour l'ensemble des partenaires de la base de défense, tant dans le cadre de leurs fonctions quotidiennes sur la base qu'à l'occasion des entraînements et des opérations réalisés en France et à l'étranger. L'objectif est ainsi de permettre aux armées de se concentrer sur l'activité opérationnelle.
Il ressort de l'ensemble des premiers comptes rendus effectués que la mise en place des bases expérimentales n'a pas causé de rupture dans l'organisation de la défense . Sur l'ensemble des bases expérimentales, un effort de contractualisation est enregistré. Cette démarche est encouragée dans la mesure où elle favorise la claire définition des besoins et des périmètres de responsabilité et permet, au sein de chaque base de défense, l'adaptation des processus, des structures et des ressources nécessaires.
Aucune détérioration du service rendu n'est à déplorer, malgré des délais parfois plus importants dus aux perturbations du fonctionnement consécutives au changement d'organisation et à l'important travail d'harmonisation des procédures et des réglementations. Le nouveau système, encore expérimental, doit être rodé pour traduire son entière réactivité.
Le concept de base de défense semble ainsi démontrer sa viabilité et son potentiel en matière d'économies, même si celles-ci ne sont pas immédiates.
Il apparaît naturellement pour une réforme de cette ampleur des difficultés dans plusieurs domaines : la définition des périmètres, la répartition des contributions financières entre les différentes armes, l'harmonisation des plans comptables, des procédures d'achat, des passations de marchés.
De nombreuses interrogations persistent s'agissant de l'autorité de tutelle, du contrôle et du suivi des externalisations, des questions de ressources humaines, avec une mise en place tardive des personnels civils, des procédures de mutation mal définies, des besoins en formation pour l'acquisition des prérequis nécessaires à la réalisation des achats et à la passation des marchés. Une des tâches majeures pour l'année 2010 sera de répondre à ces interrogations .