III. PROJECTION, MOBILITÉ, SOUTIEN

Cette capacité -ou système de forces- regroupe les équipements destinés à la projection des forces, par voie aérienne ou maritime, sur des théâtres éloignés de plusieurs milliers de kilomètres ; la mobilité de ces forces à l'intérieur du théâtre à tout moment de l'opération et, enfin, le soutien dans la durée des opérations.

L'ensemble de cette action représente 6,8 % des autorisations d'engagement (6,4 % en 2009) et 9,6 % des crédits de paiement (7,4 % en 2009) du programme 146 -équipement des forces.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a indiqué comme l'une des priorités à court et à moyen terme la résorption du déficit capacitaire en transport aérien stratégique, en aéromobilité tactique, ainsi que l'adaptation de la capacité amphibie.

Malheureusement, l'atteinte de la capacité exigée en matière de projection et de mobilité n'aura lieu qu'à la fin de la prochaine programmation (2015-2020) avec la mise en service d'un nombre significatif d'avions de transport A400M et MRTT 6 ( * ) , l'arrivée des hélicoptères NH 90 et des porteurs polyvalents terrestres (PPT), alors même que les leçons tirées des crises et engagements récents, notamment en Afghanistan et au Liban, ont confirmé le besoin de disposer d'une capacité autonome de projection initiale permettant de mettre rapidement en place les premiers éléments d'une force.

A. LA PROJECTION VERS UN THÉÂTRE D'OPÉRATION

1. L'état des capacités

Dans le domaine de la projection aérienne, l e contrat opérationnel des armées françaises prévoit d'assurer la projection d'une force de réaction immédiate aéroterrestre de 1 500 hommes (avec matériel) à 5 000 km de la métropole en moins de 72 heures .

Pour remplir ce contrat, la capacité de projection aérienne repose, pour le transport à longue distance , sur 5 Airbus (3 A310 et 2 A340) et, pour le transport tactique , sur un parc de 51 C160 Transall, de 14 C130 Hercules et de 19 Casa CN235. La flotte de ravitailleurs en vol est constituée de 11 Boeing C135FR et 3 KC135.

Avec ces moyens, le contrat opérationnel n'est satisfait qu'à 41 %. Avec le retrait progressif des C160 Transall depuis 2006, le déficit capacitaire s'accentuera jusqu'à la mise en service de l'A400M, dont les premières livraisons n'interviendront qu'à la fin de 2012 au mieux.

Des mesures palliatives ont été prises depuis 2006, avec la signature d'un contrat d'affrètement d'avions très gros porteurs Antonov 124 7 ( * ) pour un volume de 550 h de vol par an et plus en cas de besoin.

Cette solution transitoire - qui dure depuis plusieurs années - n'est pas satisfaisante. Seuls des moyens en propre offrent un niveau de réactivité, de confidentialité et de sécurité d'exécution adéquats au transport de forces armées nationales.

Au sein de l'Union européenne, le Royaume-Uni se distingue des autres pays du fait de sa capacité en avions gros porteurs à long rayon d'action (6 Mac Donnel Douglass C-17).

Les flottes d'avions de transport tactique (C130 et C160) françaises et allemandes sont de même niveau.

Aux États-Unis, l'ensemble des composantes de défense (USAF, Army, Navy, National Guard, Marines) possède en propre des moyens de transport et de ravitaillement en vol. La seule armée de l'air américaine dispose de plus de mille avions de transport et cinq cent ravitailleurs en vol.

Rappelons que, dans le cadre de la relance de l'Europe de la défense, la constitution d'une flotte européenne de transport aérien fait partie des projets les plus avancés. Un accord a été signé par douze Etats membres : la France, la Belgique, la Roumanie, l'Allemagne, la République Tchèque, la Grèce, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, la Slovaquie, le Portugal et les Pays-Bas. La Pologne, la Finlande, la Suède et la Hongrie rejoindront rapidement l'initiative ; la création d'une unité multinationale d' A400M avec nos partenaires allemand, belge et luxembourgeois afin d'augmenter significativement les capacités de transport aérien en Europe. Ce projet sera géré par l'Agence européenne de défense (AED).

Pour ce qui est de la projection maritime , le contrat opérationnel prévoit la projection de 5 000 à 26 000 hommes et la mise en oeuvre d'une force amphibie de réaction immédiate (groupement interarmes embarqué de 1 400 hommes avec des composantes terrestre et aéromobile), ainsi que le soutien d'un groupe amphibie et/ou d'un groupe de transport maritime.

Pour remplir ce contrat, la marine dispose aujourd'hui de deux transports de chalands de débarquement (TCD) «Foudre» et «Siroco», admis au service actif en 1990 et 1998, et de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), «Mistral » et «Tonnerre » mis en service en 2006 et 2007, qui possèdent des capacités accrues dans les domaines de l'aéromobilité, du commandement et du soutien santé. Les BPC sont des bateaux ayant une grande polyvalence : évacuation de ressortissants en grand nombre, transport de fret, conduite d'opérations amphibies, embarquement de troupes, accueil d'un soutien santé, accueil d'un état-major embarqué. Un troisième BPC a été commandé, dans le cadre du plan de relance.

En revanche, la batellerie associée, constituée de chalands de transport de matériel (CTM), s'est avérée trop lente et trop limitée par l'état de la mer, nécessitant de rapprocher de la côte les BPC et les TCD en les exposant, de facto, à une menace ennemie venant de la terre. La batellerie actuelle sera remplacée, à partir de 2013, par des engins plus rapides et mieux adaptés aux BPC (projet «engin de débarquement amphibie» - EDA).

L'objectif de 20 % de la capacité de transport stratégique par voie maritime fixé aux bâtiments amphibies est atteint. Pour les 80 % restants, le recours aux affrètements demeure indispensable. L'affrètement permanent de 3 navires permet de satisfaire une part significative des besoins nationaux.

D'après les réponses fournies par le ministère de la défense à vos rapporteurs, un contrat de type partenariat public-privé (PPP) était en cours d'élaboration en 2009 pour une capacité de 5 navires disponibles fin 2013. Il semblerait que ce contrat soit toujours en cours d'élaboration en 2010.

La capacité de transport stratégique maritime britannique est nettement supérieure à celle de la France, en raison notamment d'une composante de six navires rouliers. La mise en service des deux nouveaux BPC confère toutefois à la France une capacité amphibie proche de celle du Royaume-Uni alors que l'Allemagne est nettement en retrait dans ce domaine.

2. Les programmes en cours : l'avion de transport futur A 400M

L'A 400M sera un avion de transport à aile haute, propulsé par quatre turbopropulseurs à hélice. Il disposera d'une forte vitesse de croisière à haute altitude et d'une capacité à utiliser des terrains sommaires. Il est également capable d'assurer le ravitaillement en vol des avions de combat, d'autres A400M et des hélicoptères.

Le programme A 400M a fait l'objet d'investigations poussées de la part du Sénat, lesquelles ont donné lieu à un rapport conjoint de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 8 ( * ) .

Réalisé en coopération à 6 pays (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Turquie et Belgique) et géré par l'OCCAr (organisme conjoint de coopération en matière d'armement), le programme est entré en phase de réalisation en 2003, avec la signature du contrat d'acquisition. L'Afrique du sud et la Malaisie se sont également portées acquéreurs (respectivement 8 et 4 avions). Toutefois, l'Afrique du Sud a annulé sa commande en novembre 2009 et la Grande-Bretagne a réduit sa commande de 25 à 19. Au total, 178 commandes sont toujours enregistrées à ce stade, dont 50 appareils pour la France.

Le coût actualisé du programme aux prix de 2008 est de 7 305 millions d'euros. Le coût par avion est de 125,3 millions d'euros (hors développement) aux conditions juridiques initiales. Selon ces mêmes conditions, il restait à payer 4 979 millions d'euros dont 350 millions au titre de 2009.

En 2009 la plupart des problèmes techniques ont été surmontés, moyennant l'étalement des spécifications dans le temps grâce à l'acceptation de trois standards de livraisons. Les spécifications les moins importantes ont été abandonnées, - comme le suivi de terrain à basse altitude.

Un premier vol devrait avoir lieu en décembre 2009. Le premier avion livré aux forces françaises le sera à la fin 2012, c'est-à-dire au final avec quatre ans de retard sur le calendrier initial.

Il reste à partager le surcoût de l'opération entre l'industriel et les Etats. Compte tenu de l'enjeu que représente un tel programme, à la fois pour les forces armées et pour la construction de l'Europe de la défense, les Etats parties au programme ont décidé une période de moratoire pour examiner la possibilité et les conditions de la poursuite du programme. Airbus Military a accepté ce moratoire.

Fin juillet 2009, les ministres de la défense des Etats partenaires ont décidé d'une phase de renégociation avec Airbus Military. S'étendant jusqu'à la fin de l'année, cette phase est également couverte par un moratoire afin de préserver les droits contractuels des Etats.

Certains Etats semblent avoir accepté de réduire le nombre d'avions livrés pour le même prix. C'est le cas en particulier de la Grande-Bretagne qui accepte de n'avoir que 19 avions au lieu de 25, ce qui se traduit par un surenchérissement du prix de 30 %. D'autres Etats, c'est le cas pour la France, préfèreront étaler dans le temps les livraisons.

Les autres opérations relatives à la projection des forces concernent pour l'essentiel :

• la mise à disposition, sous forme de location de longue durée avec option d'achat, de deux appareils de type A 340-200 à grande capacité et à long rayon d'action (TLRA). Les deux avions sont en service depuis 2007 ; le projet de loi de finances pour 2010 prévoit 32,9 millions d'euros de crédits de paiements pour ce programme (contre 25,8 millions demandés dans le PLF 2009) ;

• le renouvellement de la flotte d'avions à usage gouvernemental (AUG) : le projet de loi de finances prévoit 104 millions d'euros d'autorisations d'engagements et 64,7 millions de crédits de paiement pour ce programme. La commande AUG a fait l'objet de deux contrats distincts, l'un notifié le 9 juillet 2008 (AUG Falcon- couvrant l'acquisition de deux Falcon 7X (8 à 19 passagers) et de deux tranches conditionnelles de deux Falcon 2000 (jusqu'à 10 passagers) chacune et l'autre le 18 juillet 2008 (AUG - LC - long courrier présidentiel - composé d'un Airbus A 300-200 d'occasion). Les Falcon 7X sont des triréacteurs à réaction haut de gamme, d'une capacité d'une vingtaine de places. Ils remplaceront les deux Falcon 900 et les quatre Falcon 50 utilisés jusqu'ici par le gouvernement et dont certains datent d'une vingtaine d'années. La flotte devrait être complétée dans les six ans par quatre autres appareils, sans doute des Falcon 2000.

* 6 Multi Role Transport and Tanker - de type Airbus A330-200

* 7 Contrat SALIS négocié par une agence de l'OTAN au profit de 17 pays de l'OTAN ou de l'Union européenne.

* 8 Rapport d'information n° 205 de MM. Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier, « l'Airbus militaire A 400M sur le chemin critique de l'Europe de la défense ».

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