B. UNE PLACE DANS LA NOUVELLE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE À CLARIFIER AU REGARD DU PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ BUDGÉTAIRE
1. Un rattachement critiquable des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement »
L'inscription des crédits liés à la francophonie institutionnelle au sein du programme n° 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » est due à l'inscription globale, dans le programme n° 209, des crédits dédiés à l'action culturelle menée dans les pays éligibles à l'aide publique au développement, qui découle d'une tradition de la coopération française reliant la diplomatie culturelle à un soutien en faveur du développement. C'est pour cette raison que les sommets de la francophonie sont trop souvent assimilés à tort à des sommets « France-Afrique ».
Or, si les politiques de coopération et de francophonie peuvent s'adresser aux mêmes pays, les deux sphères géographiques tendent de plus en plus à se disjoindre. La francophonie intéresse de nombreux pays ou régions qui ne relèvent pas de notre politique de coopération ; et, en sens inverse, la « zone de solidarité prioritaire » (ZSP) de notre politique de coopération s'est ouverte à de nombreux pays non francophones.
La francophonie a pour objet le rayonnement et la diffusion d'une langue et, en corollaire, d'une culture, dans le monde. Il s'agit donc davantage d'une politique d'influence que de coopération. Le rattachement de la diffusion de la culture française à une politique d'aide au développement peut, cependant, continuer à se concevoir. À ce titre, le ministère des affaires étrangères et européennes avance l'argument selon lequel la contribution de la France à la francophonie multilatérale, financée sur le programme n° 209, concerne aujourd'hui encore majoritairement 41 des 70 pays participant à l'espace francophone multilatéral, principalement ceux d'Afrique subsaharienne francophone.
Néanmoins, votre rapporteur pour avis estime que le maintien des crédits de la promotion de la langue française et de la francophonie institutionnelle au sein du programme n° 209 continue à perpétuer l'idée que le système multilatéral francophone s'achemine vers une « ONU bis sans moyens », comme le déplorait M. Dominique Wolton. Or, la Francophonie ne retrouvera un nouveau souffle qu'à la condition de se recentrer sur sa véritable raison d'être, à savoir un engagement puissant en faveur du français et de la diversité culturelle. À ce titre, votre rapporteur pour avis souhaite que la France milite en faveur d'un renforcement des directions de l'OIF consacrées à la promotion du français et de la diversité culturelle et à l'éducation : à l'heure actuelle, le déséquilibre est navrant par rapport à l'ampleur des directions consacrées à la paix, à la démocratie et aux droits de l'homme ainsi qu'au développement durable et solidaire.
Il ne s'agit pas là de remettre en cause la vocation politique de la francophonie multilatérale, qui a été consacrée à Hanoï. La dimension politique, notamment en ce qui concerne la résolution de crises dans l'espace francophone, doit rester un élément moteur de la francophonie. Néanmoins, dans une période où beaucoup d'espoirs reposent sur notre pays dans la mise en oeuvre effective de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'UNESCO, adoptée en octobre 2005, la France gagnera en crédibilité à recentrer sa politique francophone sur la promotion du français et de la diversité culturelle .
Par ailleurs, le rattachement critiquable des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement » semble ne pas satisfaire complètement aux exigences du principe de spécialité budgétaire, inscrit dans la LOLF, qui prescrit un classement des dépenses en fonction de leur finalité. Les programmes sont supposés couvrir des ensembles cohérents d'actions qui s'inscrivent dans le cadre d'une politique publique déterminée : ces programmes doivent, par conséquent, rendre lisibles les politiques de l'État en termes de finalités et de résultats, d'une part, et d'identification des acteurs responsables de leur mise en oeuvre, d'autre part. La dispersion des crédits de la francophonie et la multiplicité des tutelles ne permettent pas encore à notre politique francophone, pourtant politique publique à part entière dans notre Constitution, de remplir de façon satisfaisante les exigences du principe de spécialité budgétaire.