B. DEUX PROGRAMMES ÉQUILIBRÉS ET COHÉRENTS, UN PROJET ANNUEL DE PERFORMANCES EN CONSTRUCTION
1. Le programme 303 « immigration et asile »
Avec près de 423 millions d'euros en autorisations d'engagement et plus de 414 millions d'euros en crédits de paiement (hors FDC et ADP), le programme 303 représente environ les deux tiers des crédits de la mission. Il est doté de 370 ETPT.
Au sein de ce programme, les trois quarts des crédits sont relatifs à la garantie de l'exercice du droit d'asile. Le projet annuel de performances reflète cette prédominance puisque sur les quatre objectifs, déclinés en neuf indicateurs de performance, que compte le programme 303, deux objectifs et quatre indicateurs sont relatifs à l'asile.
On regrettera l'absence d'indicateurs de performance mesurant l'attractivité de notre territoire au regard de l'objectif fixé par le président de la République de 50 % d'immigration économique en 2012.
a) L'exercice du droit d'asile : une dotation qui intègre la baisse de la demande d'asile
Entre 2005 et 2006, la demande d'asile a baissé de 38,3 %, avec 30.748 premières demandes. Au premier semestre 2007, la baisse atteint 21 %. Lors de son audition, M. Brice Hortefeux a estimé que la baisse devrait se poursuivre en 2008 dans une proportion de 10 %.
Cette diminution est concomitante à la résorption du stock des dossiers pendants devant la cour nationale du droit d'asile, anciennement dénommée « commission des recours des réfugiés ».
En conséquence, les crédits de l'action « Garantie de l'exercice du droit d'asile » s'affichent en baisse de 4,1 % en AP et de 3,7 % en CP par rapport à 2007 à 304 millions d'euros.
Seulement 43 millions d'euros correspondant à la subvention de l'Etat à l'OFPRA sont consacrés au traitement de la demande d'asile en tant que telle. Cette subvention est en baisse de 5 % par rapport à l'exercice en cours. Les autres dépenses sont liées à l'hébergement et à l'accompagnement social des demandeurs d'asile :
- 5,28 millions d'euros au titre des plateformes d'accueil des demandeurs d'asile ;
- 192,9 millions d'euros au titre des centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA). Le nombre de places atteint 20.689, soit un quadruplement de la capacité en 7 ans ;
- 35,5 millions d'euros au titre des dispositifs d'hébergement d'urgence d'une capacité estimée de 5.659 places, destinées principalement à accueillir à titre transitoire des demandeurs d'asile avant leur admission en CADA ;
- 28,04 millions au titre de l'allocation temporaire d'attente versée aux demandeurs d'asile pendant toute la durée d'instruction de leur demande. Elle est réservée aux personnes ne pouvant être hébergées en CADA, faute de place. Elle s'élève à 306 euros par mois.
Les indicateurs de performance retenus sont assez pertinents qu'il s'agisse du pourcentage d'hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure, du pourcentage des places de CADA occupées au 31 décembre par des demandeurs d'asile en cours de procédure ou du délai de traitement d'un dossier de demande d'asile par l'OFPRA et d'un dossier de recours par la cour nationale du droit d'asile (CNDA).
En revanche, l'indicateur relatif au coût de l'examen d'une demande d'asile par l'OFPRA et de traitement d'un dossier de recours par la CNDA est moins probant. D'ailleurs, les coûts enregistrés en 2005, 2006 et 2007 montrent des variations erratiques difficiles à interpréter. En outre, on voit mal sur quels éléments agir pour obtenir une baisse significative de ces coûts. Les coûts fixes sont en effet très importants d'une année sur l'autre. En outre, comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, il ne serait pas de bonne méthode de baisser trop brutalement les moyens de l'OFPRA et de la CNDA pour les ajuster sur les variations de la demande d'asile en année n-1. Des moyens suffisants doivent être maintenus pour faire face en temps réel aux inévitables fluctuations de la demande d'asile, et surtout d'éviter de les réduire à la portion congrue dès qu'une crise est passée- au risque de précipiter la suivante.
Le résultat serait un allongement de la durée des procédures et donc des frais d'hébergement et de prise en charge des demandeurs d'asile. Or, on l'a vu, ces dépenses sont beaucoup plus importantes que la seule subvention versée à l'OFPRA. Ce qui serait gagné d'un côté, serait perdu au décuple de l'autre.
Une réforme est en revanche attendue, celle de l'autonomie de la CNDA.
L'indépendance de la CNDA est largement reconnue. Le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA en témoigne 13 ( * ) . Pourtant, elle souffre d'une apparence contraire en raison de son fonctionnement et de son financement. La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a d'ailleurs changé sa dénomination pour affirmer plus clairement son statut de juridiction administrative à part entière.
En effet, l'établissement public OFPRA comporte deux entités en réalité : l'OFPRA proprement dit et la Cour nationale du droit d'asile. Le budget de la CNDA est donc inclus dans la dotation budgétaire allouée à l'OFPRA 14 ( * ) . Le contrôlé finance le contrôleur.
En outre, les rapporteurs qui présentent à la formation de jugement les dossiers sur lesquels elle doit statuer, appartiennent statutairement au même corps que les officiers de protection de l'OFPRA qui prennent la décision d'accorder ou pas le statut de réfugié. La procédure disciplinaire est également commune.
Cette apparence de non indépendance de la CNDA pourrait conduire à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.
Une réforme est donc indispensable. Le projet de budget ne prévoit pas d'accorder l'autonomie budgétaire à la CNDA dès 2008. Des problèmes liés à la passation de marchés publics et aux règles comptables s'y opposeraient. Toutefois, le gouvernement s'est engagé à rattacher le budget de la CNDA au programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » à partir de la loi de finances pour 2009. Cette évolution mérite d'être saluée, tout en regrettant que cela ne puisse se faire dès le budget pour 2008.
Cette réforme devrait être également l'occasion de titulariser une partie des magistrats qui exercent au sein de la CNDA comme vacataires. De même, les rapporteurs ne devraient plus appartenir au même corps que les officiers de protection de l'OFPRA.
Enfin, votre rapporteur souhaiterait qu'à l'occasion de la réforme de l'organisation et du fonctionnement de la CNDA s'engage une réflexion sur son champ de compétence. La CNDA est en effet la juridiction spécialisée en matière de droit d'asile. Il pourrait dès lors y avoir une certaine cohérence à lui confier les recours contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile auxquels la loi du 20 novembre 2007 précitée a donné un effet suspensif.
b) L'éloignement des étrangers : une priorité réaffirmée
L'autre partie importante du programme « Immigration et asile » concerne le coût des éloignements. Les coûts liés à la police des étrangers continuent en revanche de figurer dans la mission « Sécurité » pour un montant de 613,4 millions d'euros en crédits de paiement.
Dotée de 80,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 79,1 millions d'euros en crédits de paiement, elle représente 19 % des crédits du programme 303. La dépense se répartit comme suit :
- 27,6 millions d'euros au titre du fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA) pour 2.391 places prévues à la mi-2008. Le plan triennal de construction et de modernisation des CRA qui s'achèvera en 2009 ne devrait pas être suivi d'un nouveau plan à moyen terme ;
- 39,65 millions d'euros au titre des frais d'éloignement (transports) ;
- 8,09 millions d'euros au titre de la prise en charge sanitaire dans les CRA et en zone d'attente ;
- 5,16 millions d'euros en AE et 3,86 millions d'euros en CP au titre de l'accompagnement social des retenus. Cette mission est exercée par la CIMADE.
Selon le projet annuel de performances pour 2008, ce montant doit permettre de tendre vers un nombre de 26.000 reconduites à la frontière l'an prochain (hors outre-mer), pour un coût moyen de 1.523 euros par reconduite.
Le coût réel est néanmoins supérieur, ne serait-ce qu'en y ajoutant les crédits de la police aux frontières. Il est également difficile de prévoir l'évolution de ces coûts, ceux-ci variant énormément en fonction de la destination de retour (les frais de transport représentant la plus grosse partie du coût total).
2. Le programme 104 « intégration et accès à la nationalité française »
Sous une dénomination nouvelle, le programme 104 de la mission « Immigration, asile et intégration » reprend certains crédits du programme « Accueil des étrangers et intégration » qui, dans la loi de finances initiale pour 2007, se trouvait rattaché à la mission « Solidarité et intégration ».
Par rapport à l'exercice 2007, les crédits devraient peu évoluer. Ils s'élèvent à 195,3 millions d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement, soit 32 % des crédits de la mission. Il est doté de 239 ETPT provenant pour l'essentiel de la direction de la population et des migrations transférée du ministère du travail. La majeure partie des crédits est toutefois constituée des crédits d'intervention versés à l'ANAEM et à l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé).
Votre rapporteur regrette la faiblesse des indicateurs de performance retenus. Le programme 104 ne compte que deux objectifs et deux indicateurs.
a) Une priorité : le contrat d'accueil et d'intégration
Au titre du budget 2008 figurent 44,6 millions d'euros de crédits de paiement dévolus à l'ANAEM. L'agence bénéficie également de ressources propres. Elle est en effet affectataire de six taxes ou redevances dont la taxe perçue à l'occasion de la délivrance du premier titre de séjour 15 ( * ) , la taxe perçue lors du renouvellement des autorisations de travail et des titres de séjour valant autorisation de travail 16 ( * ) , ainsi que la taxe perçue lors de la demande de validation d'une attestation d'accueil 17 ( * ) . Son budget total s'élève en 2007 à 134,5 millions d'euros. Ses effectifs ont été portés à 926 ETPT en 2007, contre 888 en 2006, en raison notamment de la prise en charge du contrat d'accueil et d'intégration.
L'article 45 rattaché à la présente mission dans le projet de loi de finances pour 2008 prévoit à cet égard une augmentation de la taxe sur les attestations d'accueil de 30 à 45 euros. Cette hausse rapporterait 3,58 millions d'euros et financerait notamment la mise en place d'un test de connaissance de la langue française et des valeurs de la République et de cours de langue préalable à l'entrée en France des bénéficiaires du regroupement familial et des conjoints de Français. Ce test et ces cours ont été instaurés par la loi du 20 novembre 2007. Au cours des débats, ce mode de financement qui pèse sur l'ensemble des étrangers et pas seulement sur les bénéficiaires de ces tests et de ces cours avait été annoncé par le Gouvernement.
Un premier bilan du contrat d'accueil et d'intégration, créé en 2003 et rendu obligatoire au 1er janvier 2007, est possible.
Du 1 er janvier au 31 juillet 2007, 62.266 personnes ont été accueillies sur les plates formes de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). Sur cette même période, 61.905 personnes ont signé le contrat d'accueil et d'intégration, soit un taux de signature de 99,42%.
Les premiers résultats du CAI sont plutôt encourageants, même si des ajustements restent à faire, notamment sur la qualité de certains prestataires des formations. Les signataires semblent apprécier le déroulement de la journée d'accueil et les formations prescrites dans leur très large majorité.
Le choix de rendre obligatoire la signature d'un CAI est conforté par le constat d'une corrélation en 2005 entre le niveau de connaissance du français et le taux de signature du contrat : mieux on comprend le français, plus on est enclin à signer le contrat. Le caractère obligatoire du contrat permet donc de toucher les publics ayant le plus de handicap au départ pour s'intégrer, en particulier les femmes ne parlant pas le français.
Fort de ce constat encourageant, la loi du 20 novembre 2007 a rendu obligatoire le bilan de compétences professionnelles.
Bilan du contrat d'accueil et d'intégration depuis 2005
Nombre de signataires |
Statut des signataires |
% de femmes |
Taux de prestations linguistiques prescrites |
Taux de bénéficiaires de la journée d'information « Vivre en France » |
- 58 - Taux de signataires du CAI auxquels a été prescrit un suivi social |
||||||
Conjoints de Français |
Parents d'enfants français |
Liens personnels et familiaux |
Regroupement familial |
Réfugiés et membres de leur famille |
Travailleurs |
||||||
1er janvier au
|
61.905 |
23.785
|
20.708
|
6.948
|
5.550
|
4.423
|
54,17 % |
25,1 % |
36,4 % |
8,7 % |
|
2006 |
95.693 |
53 %
|
20,3 % |
11,6 % |
9,6 % |
8,5 % |
54 % |
25,1 % |
21,7 % |
10,6 % |
|
2005 |
66.450 |
44,4 % |
10,1 % |
13,5 % |
11,7 % |
13,8 % |
5,1 % |
53,1 % |
25,1 % |
18,8 % |
8,1 % |
Source : Commission des Lois du Sénat
b) Un organisme encore en devenir : l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé)
Les moyens de l'ACSé dont les missions concernent aussi bien la politique de la ville que la lutte contre l'illettrisme, l'organisation du service civil volontaire et l'intégration ainsi que la lutte contre les discriminations touchant les étrangers régulièrement installés dans notre pays, figurent principalement au programme 147 de la mission « Ville et logement ».
Pourtant, ce ne sont pas moins de 98,9 millions d'euros de crédits d'intervention, c'est-à-dire de subventions à des organismes et à des associations pour des actions en faveur de l'intégration, qui sont prévus au titre du présent programme - en plus des 7 millions d'euros de participation aux frais de fonctionnement de l'ACSé.
Ces crédits sont notamment destinés à la mise en place de partenariats locaux en faveur de l'intégration des immigrés, à la transformation des foyers de travailleurs immigrants et à la délivrance d'un enseignement linguistique aux migrants non primo-arrivants (les primo-arrivants relevant du contrat d'accueil et d'intégration géré par l'ANAEM).
Plusieurs critiques peuvent être faîtes.
Tout d'abord, aucun objectif ou indicateur de performance relatif à l'ACSé ne figure dans le projet annuel de performance.
Ensuite, se pose la question de la répartition des tâches entre l'ANAEM et l'ACSé, en particulier sur le volet des formations linguistiques. La distinction entre les primo-arrivants et les autres étrangers n'est pas nécessairement pertinente sous l'angle de l'apprentissage linguistique.
Enfin, les organismes divers auxquels l'Agence délègue la réalisation des prestations ne sont pas suffisamment évalués.
c) Des dépenses diverses
D'autres dépenses moins importantes figurent au sein du programme 104.
On notera en particulier :
- une subvention de 3,04 millions d'euros à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, dont le budget global s'élève à 7 millions d'euros ;
- 12,3 millions d'euros pour financer les 28 centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH). D'une capacité de 1.083 places, ils accueillent principalement les réfugiés en graves difficultés d'insertion et nécessitant une prise en charge totale ;
- 1,47 million d'euros couvrant les dépenses de personnel de la sous-direction des naturalisations, composée de 157 agents. Ce service a pour mission d'instruire les demandes de naturalisation des étrangers installés durablement en France par décision de l'autorité publique (87.878 naturalisations et réintégrations par décret en 2006 et 30.177 au premier semestre 2007), ainsi que les demandes d'enregistrement des déclarations de nationalité à raison du mariage avec un conjoint français (29.276 en 2006 et 19.247 au premier semestre 2007).
* 13 19,5 % au premier semestre 2007.
* 14 Le budget de la CNDA représente environ 38 % de la subvention attribuée à l'OFPRA.
* 15 Cette taxe est d'un montant de 55 euros pour la carte « étudiant » et de 275 euros pour les autres cartes. Le produit total de cette carte est de 22 millions d'euros
* 16 Cette taxe est d'un montant de 70 euros.
* 17 Tout étranger qui souhaite effectuer en France un séjour de moins de 3 mois, dans le cadre d'une visite privée et familiale, doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif consiste en une attestation d'accueil. L'attestation est demandée et signée par la personne (française ou étrangère) qui se propose de l'héberger en France.