2. Le défi posé par l'instauration du droit opposable au logement
La loi du 5 mars 2007 a créé un droit opposable au logement, qui sera progressivement mis en oeuvre à partir du 1 er décembre 2008.
Trois catégories de personnes sont concernées : 1) le demandeur de logement social qui n'a reçu aucune proposition adaptée dans un délai fixé par arrêté du préfet en fonction des circonstances locales ; 2) le demandeur de logement social dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé temporairement dans un logement de transition, logé dans des locaux impropres à l'habitation, logé dans des locaux suroccupés s'il a un enfant mineur, est handicapé ou assume la charge d'une personne handicapée ; 3) toute personne qui a sollicité l'accueil dans une structure d'hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale et n'a reçu aucune proposition adaptée à sa demande. La procédure se déroule en deux temps : - la personne doit d'abord exercer un recours amiable en saisissant la commission de médiation créée auprès du préfet de département ; - si elle est déclarée prioritaire par la commission, elle peut exercer un recours contentieux auprès du tribunal administratif. Dans un délai de deux mois, le juge enjoint au préfet de satisfaire la demande et peut assortir l'injonction d'une astreinte. Celle-ci est versée à un fonds d'aménagement urbain destiné au logement social.
Le droit sera ouvert dès le
1
er
décembre 2008 aux personnes des
catégories 2 et 3 et le 1
er
janvier 2012 aux
personnes de la catégorie 1.
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Il est très difficile d'évaluer le nombre de personnes qui seront susceptibles de faire valoir leur droit devant le juge. Trop de questions restent en effet en suspens : quelle sera la proportion de demandeurs déclarés prioritaires par les commissions de médiation ? Quels seront les délais fixés par les préfets ? Quels seront les nouveaux plafonds de ressources ouvrant droit à un logement social ? Malgré ces incertitudes, l'USH estime à 600 000 le nombre de personnes qui, à partir de l'ouverture entière du droit en 2012, seront en mesure d'exercer un recours contentieux.
Cependant, quelles que soient les estimations, la majorité des acteurs du logement s'accorde à dire que la mise en oeuvre du droit opposable au logement nécessite un effort considérable qui se déclinera selon trois axes principaux.
a) Trois chantiers à mener simultanément
Pouvoir répondre aux demandes de logement d'ici le 1 er janvier 2012 exige à la fois de construire de nouveaux logements sociaux, d'adapter une partie du parc privé et de mettre en place l'organisation administrative adéquate.
Les objectifs de construction de logements sociaux ont été définis par les lois du 18 janvier 2005 et 7 mars 2007 : elles prévoient la production de 591 000 logements entre 2005 et 2009, soit 341 000 Plus, 60 000 PLAI et 190 000 PLS.
Fin 2007, 293 000 logements auront été construits, soit 49,5 % des logements prévus. La dotation 2008 permettra de produire 142 000 logements supplémentaires. Il restera donc 156 000 logements à construire en 2009 pour tenir les engagements.
Il faudra être particulièrement attentif à la réalisation des logements PLAI, qui suscitent davantage de réticences de la part des maires et des riverains que les logements Plus, car ils s'adressent à des populations plus difficiles. La construction de logements PLAI pourrait cependant être relancée si les critères d'attribution étaient assouplis. Actuellement, les deux critères, la difficulté d'insertion sociale et la faiblesse des revenus, sont cumulatifs. Il serait possible d'abandonner le premier critère et d'ouvrir les logements PLAI à toute personne disposant de faibles revenus, afin de vaincre les hésitations des élus et de leurs électeurs.
La réalisation des objectifs ambitieux fixés par le Gouvernement nécessite néanmoins de développer des dispositifs innovants, qui permettraient de surmonter les différents obstacles, notamment le coût du foncier et la réticence des investisseurs privés.
Le mécanisme de l'usufruit locatif social mérite en ce sens d'être exploré.
L'usufruit locatif social a été créé par la loi Engagement national pour le logement en 2006. Il consiste en un démembrement du droit de propriété : la nue-propriété appartient à des investisseurs privés qui financent la construction sans prêt aidé de l'Etat : l'usufruit est acquis par un bailleur social qui perçoit l'intégralité des loyers et assure l'entretien de l'immeuble. La convention d'usufruit est établie pour une durée minimale de quinze ans.
L'acquisition de l'usufruit par le bailleur peut être financée par des prêts aidés. Elle est actuellement éligible au prêt social PLS.
Le locataire bénéficie de garanties en matière de relogement, notamment l'obligation faite au bailleur social de lui proposer, trois mois avant l'expiration de la convention d'usufruit, la location d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.
Le propriétaire bénéficie d'une
décote à l'achat correspondant à la capitalisation des
loyers qu'il aurait perçus durant la période d'usufruit.
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Ce nouveau dispositif présente plusieurs avantages. Il permet aux bailleurs sociaux d'étendre leur parc dans les zones chères, notamment dans les centres-villes où ils sont peu présents. Il ne nécessite pas d'avance de trésorerie des bailleurs. Il donne enfin la possibilité aux collectivités locales de proposer plus de logements sociaux sans avoir à subventionner cette nouvelle offre.
C'est pourquoi votre commission encourage le Gouvernement à s'engager résolument dans cette voie, en prenant rapidement les décrets qui sécuriseront le cadre juridique du dispositif.
Le deuxième chantier est l'adaptation du parc privé. Le plan de cohésion sociale révisé par la loi Dalo prévoit, grâce aux aides de l'agence nationale de l'habitat (Anah), la production de 200 000 logements locatifs privés à loyer maîtrisé et la remise sur le marché de 100 000 logements privés vacants.
Créée en 1971, l'Anah est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés du logement et des finances.
- Développer un parc privé à vocation sociale - contribuer à l'adaptation des logements aux besoins des personnes âgées et handicapées ; - promouvoir la qualité de l'habitat dans un objectif de développement durable et d'économie d'énergie ; - lutter contre l'habitat indigne.
L'agence verse des subventions aux propriétaires bailleurs et sous conditions de ressources aux propriétaires occupants qui réalisent des travaux d'amélioration dans les logements achevés depuis plus de quinze ans, ou depuis plus de dix ans lorsqu'il s'agit de travaux dans un immeuble faisant l'objet d'un plan de sauvegarde. Les travaux doivent permettre d'améliorer l'habitat en matière de sécurité, de salubrité ou d'adaptation aux personnes handicapées et de favoriser la prise en compte du développement durable.
En échange, les propriétaires s'engagent
à occuper leur logement ou le donner en location, pendant neuf ans,
à titre de résidence principale.
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Selon toute probabilité, les objectifs de l'Anah ne seront pas atteints. En effet, fin 2008, 142 000 logements à loyer maîtrisé et 55 000 logements vacants auront été mis sur la marché, soit respectivement 71 % et 55 % des objectifs du plan de cohésion sociale. La difficulté à remettre sur le marché des logements vacants s'explique par la tension sur le marché immobilier : les logements encore vacants sont souvent des produits très dégradés nécessitant un investissement important pour pouvoir être remis en location. La pression immobilière explique également que l'objectif de production de logements à loyer maîtrisé ne sera pas complètement atteint.
Enfin, le troisième chantier à ouvrir dès à présent pour assurer le succès du droit opposable au logement est d'ordre administratif. Il s'agit de doter les commissions de médiation en moyens de fonctionnement et de mettre en place les structures au niveau local qui permettront de suivre les demandes de logement et de répondre aux recours à l'amiable et aux injonctions du juge. Ces structures devront assurer la coordination entre le préfet, la direction départementale de l'équipement, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, les mairies, les conseils généraux et les organismes HLM.