III. LA MILDT SE CONCENTRE SUR LA COORDINATION DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE
Le troisième programme de la mission « Santé », de loin le plus modeste de la mission, rassemble les mesures prises, dans un cadre interministériel , en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Il se décline en trois actions d'inégale importance : « coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif », qui reçoit la très grande majorité des crédits du programme, « expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d'application de la loi » et « coopération internationale ». Leur pilotage est assuré par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt).
Ce programme constitue la traduction budgétaire du plan quinquennal de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool 2004-2008 , qui poursuit plusieurs objectifs : proposer une véritable politique de prévention, faire respecter et évoluer la législation, communiquer sur les risques de consommation, lutter contre le trafic local et international et les nouvelles formes de criminalité organisée, mobiliser les dispositifs d'observation et de recherche, enfin, recadrer l'action extérieure de la France dans une approche équilibrée de réduction de l'offre et de la demande de drogue.
A. UNE CLARIFICATION BIENVENUE DU RÔLE DES DIFFÉRENTS ACTEURS
1. Un retour au positionnement originel de la Mildt
Le décret du 15 septembre 1999 a confié à la Mildt la mission d'animer et de coordonner les actions des vingt ministères concernés par la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie (santé, éducation nationale, intérieur, justice, défense, finances, etc.) et de mobiliser les collectivités territoriales et les associations sur ces problématiques. Elle n'intervient donc pas directement dans la mise en oeuvre des politiques menées mais doit éviter que des mesures isolées ou des approches contradictoires ne portent préjudice à l'efficacité et à la lisibilité de l'action publique dans ce domaine.
Cette stratégie de pilotage interministériel s'applique également au niveau déconcentré, où la Mildt s'appuie sur un sous-préfet chef de projet « drogues » et sur un coordinateur technique issu le plus souvent de la Ddass. Au niveau régional, un chef de projet attaché à la préfecture de région assure la cohérence avec les schémas départementaux en s'appuyant sur les centres d'information et de ressources, qui rassemblent les outils méthodologiques et les données d'observation. Il s'agit d'inscrire la lutte contre la drogue comme un objectif prioritaire des plans d'action des services territoriaux de l'Etat.
En pratique, l'autorité de la Mildt comme coordonnateur de l'action publique est encore loin d'être assise au niveau interministériel comme auprès des différents acteurs de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui peinent parfois à reconnaître et à comprendre le rôle de cet opérateur hybride .
Votre commission estime que son rattachement budgétaire à la mission « Santé » fragilise encore cette position et ce, pour deux raisons majeures :
- d'une part, la DGS a parfois tendance à considérer que la Mildt se trouve placée sous son autorité, comme l'ont mis en lumière, en 2006, l'initiative sénatoriale consistant à transférer 18 millions d'euros destinés aux subventions aux associations du programme « santé publique et prévention » au programme « drogue et toxicomanie » et les difficultés de gestion qui en ont résulté ;
- d'autre part, les autres ministères chargés de cette politique rechignent à reconnaître le rôle de pilotage confié à la Mildt, dans la mesure où celle-ci semble dépendre quasi exclusivement du ministère de la santé et des solidarités. Cette réticence s'est notamment traduite, en 2005, par les menaces que le ministère de l'économie et des finances a fait peser sur l'attribution du fonds de concours.
Ce constat faisait dire l'an passé à votre rapporteur : « le risque est grand de voir le rôle spécifique de la Mildt et son influence se diluer au profit de la seule politique de santé ».
Votre commission se réjouit donc de constater que le présent projet de budget clarifie le rôle des différents acteurs de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Le rôle de coordinateur de la Mildt est, en effet, réaffirmé par trois opérations budgétaires concomitantes :
- le programme « drogue et toxicomanie » consacrera, en 2008, plus de 90 % de ses moyens aux missions de pilotage de la Mildt ;
- les subventions aux associations seront versées par la DGS . De fait, ces structures interviennent le plus souvent pour des actions de prévention et de prise en charge, notamment par le biais des appels à projets pour des expérimentations, qui relèvent de la politique sanitaire ;
- enfin, Drogues alcool tabac info service (Datis), le GIP interministériel de téléphonie créé en 1990 pour conseiller et prévenir les consommations de produits psychoactifs et orienter les usagers vers une prise en charge adaptée, est rattaché à la DGS , via l'Inpes qui gère déjà les autres opérateurs de téléphonie sanitaire et sociale. Avec plus de 2 500 structures recensées et 1 200 appels par jour en moyenne, il constitue l'un des principaux outils pour l'information du grand public et des professionnels. La subvention de 4,7 millions d'euros qui lui était accordée par la Mildt est donc transférée sur le programme « santé publique et prévention » de la mission.
La clarification opérée par le projet de budget initial de la mission « Santé » a été confortée à l'initiative du Gouvernement par l'Assemblée nationale, avec un amendement transférant de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » vers les services généraux du Premier ministre 4,5 millions d'euros correspondant aux fonctions support de la Mildt, soit 25 ETP.
2. Une traduction budgétaire qui intervient dès 2008
a) Une diminution sensible des crédits
Le repositionnement de la Mildt entraîne assez logiquement une baisse des crédits qui lui sont alloués pour l'année 2008. De 36,5 millions d'euros en 2007, le programme « drogue et toxicomanie » passe à 26,6 millions, soit une diminution de 26,7 % de ses moyens.
Les crédits du programme « drogue et
toxicomanie » en 2008
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Actions |
Crédits de paiement (en euros) |
Variation 2008/2007 (en%) |
Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif |
24 600.000 |
-22,4 |
Expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d'application de la loi |
500 000 |
-83,4 |
Coopération internationale |
1 500.000 |
0 |
Total |
26 600 000 |
-26,7 |
Fonds de concours |
2 000 000 |
+33,3 |
Source : direction générale de la santé |
A ces crédits s'ajoute le produit d'un fonds de concours de 2 millions d'euros, rattaché à l'action « coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif » du programme.
Le fonds de concours de la Mildt, créé en 1994, est abondé par la valeur des biens et du numéraire saisis lors de l'interpellation de trafiquants par la police et la gendarmerie. Son montant est en augmentation continue, du fait de la mise en place progressive du dispositif. Il atteignait 70 000 euros en 2004, 600 000 euros en 2005 et 1,5 million en 2006 et en 2007.
Ce fonds de concours est affecté à la Mildt, qui a ensuite la charge d'en ventiler le contenu entre les différents ministères concernés par la lutte contre la drogue et la toxicomanie, notamment ceux qui ont effectué les saisies, en fonction d'un programme chiffré d'actions ou d'achat de matériel en rapport avec cette politique et validé par la Mildt. On notera que, singulièrement, les douanes, qui ne versent pas leurs saisies au fonds de concours dans la mesure où elles disposent d'un fonds particulier, bénéficient de 30 % de ses recettes.
Toutefois, ce système, qui pose par ailleurs un problème d'inscription budgétaire du fait de la suppression théorique des fonds de concours par la Lolf, est menacé chaque année d'être récupéré par le ministère de l'économie et des finances , qui souhaiterait effectuer lui-même la répartition des crédits, avec le risque d'une utilisation mal contrôlée ou, à tout le moins, moins ciblée sur la lutte contre la drogue.
Votre commission constate avec satisfaction que ce fonds de concours est, cette année à nouveau, affecté à la Mildt. Elle souhaite qu'une solution comptable soit rapidement trouvée pour donner à ces crédits un statut légal leur permettant d'être ventilée par la Mildt au profit des ministères qui oeuvrent dans ce domaine.
b) La coordination interministérielle au coeur du programme
La diminution générale des crédits du programme affecte, par une baisse de 22,4 %, les moyens dont la Mildt dispose pour assurer sa mission de pilotage. Toutefois, les modifications de périmètre budgétaires précitées placent plus que jamais l'action « coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif », au coeur du programme : avec 24,6 millions en 2008 , elle sera en effet destinataire de plus de 90 % de ses crédits .
Outre des subventions pour charges de service public à hauteur de 3,9 millions, ces crédits se partagent entre :
•
des dépenses de fonctionnement
courant pour 3,8 millions
Ces moyens permettent à la Mildt d'assurer, au niveau national, l' animation et la coordination des actions menées par les ministères concernés par la lutte contre la drogue et la toxicomanie. L'objectif est d'encourager la mise en oeuvre des actions gouvernementales présentées et validées lors du conseil interministériel annuel de la Mildt, en veillant à la cohérence des mesures prises à ce titre par les administrations. Il s'agit essentiellement d' actions de formation commune, de prévention et de dotation en moyens matériels et pédagogiques innovants pour les personnels , décidées en application du plan quinquennal 2004-2008 dans les domaines de la prévention, de la prise en charge et de la répression.
•
des crédits d'intervention, pour
14,9 millions
Les chefs de projets départementaux seront bénéficiaires de 11,2 millions d'euros pour mener à bien leur mission : coordonner la réflexion des acteurs publics et susciter l'engagement et les cofinancements des administrations déconcentrées, des collectivités territoriales et des autres partenaires dans la mise en oeuvre de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Il s'agit d'une délégation de crédits non fléchée, destinée aux conventions départementales d'objectifs justice/santé pour offrir une prise en charge sanitaire et sociale des usagers sous main de justice, à des actions de formation, de communication et de diffusion d'outils de prévention, et à des actions expérimentales, notamment la mise en place des consultations « cannabis » au niveau local.
Ces crédits sont répartis sur la base de critères épidémiologiques et en fonction des objectifs définis par les plans départementaux de lutte contre les drogues illicites , qui constituent l'échelon local du plan quinquennal. Ces plans sont, comme le plan quinquennal, assortis d'indicateurs de résultats et d'une programmation annuelle d'actions dont les chefs de projet doivent rendre compte. Ils prévoient une stratégie de prévention structurée, concernant en particulier le cannabis, en privilégiant les actions en milieu scolaire et dans les lieux de vie des jeunes. Ils doivent, en outre, soutenir les actions visant à renforcer l'application de la loi Evin dans les lieux publics et la prévention en matière de sécurité routière.
En outre, 3,9 millions d'euros seront versés au bénéfice du réseau régional de documentation. Ce poste budgétaire est l'un des rares du programme « drogue et toxicomanie à augmenter en 2008. L'objectif est de labelliser cinq nouveaux centres d'informations et de ressources sur les drogues et dépendances (CIRDD), pour porter leur nombre à quatorze.
Après l'évaluation du dispositif expérimental des CIRDD en 2002, la Mildt a procédé à la création d'un réseau régional interministériel de lieux d'échanges et de débats ouverts à tous les professionnels, spécialisés ou non. Les CIRDD sont organisés autour de trois fonctions : l'observation des consommations et du trafic, la formation des décideurs locaux dans ce domaine et la mise à disposition d'une documentation complète. Ils ont vocation à offrir aux autorités les outils de diagnostic et de programmation nécessaires à la mise en place d'une politique publique cohérente et lisible pour l'ensemble des citoyens. Chaque CIRDD, adossé à une structure associative existante ou constitué en association nouvelle, emploie en moyenne entre 3,5 et 4 ETP, pour un budget annuel d'environ 300 000 euros. Le dispositif prévoyait initialement un financement de la Mildt à hauteur de 75 % la première année, puis de 50% à partir de la troisième année, les 50 % restants relevant essentiellement des collectivités locales. Les cofinancements attendus n'ont toutefois pas atteint les niveaux envisagés et les CIRDD demeurent financés à 80 % par les crédits de la Mildt . Cette situation n'a pas permis de redéployer aussi rapidement que prévu les crédits nécessaires à la labellisation de nouveaux centres. A ce jour, onze en CIRDD ont été créés. Les capitales régionales, à l'exception de Bordeaux, Lille et Nantes, en bénéficient d'ores et déjà. D'ici la fin de l'année 2008, cinq autres régions, dont celles des trois villes citées auxquelles il convient d'ajouter Orléans et Caen, pourraient être dotées d'un CIRDD, soit un taux de couverture du territoire de 77 %.
L'évaluation du dispositif sera réalisée
en 2008 afin de permettre la rationalisation et l'optimisation du dispositif,
l'objectif étant de privilégier, auprès des chefs de
projets régionaux, un appui en termes d'observation du
phénomène et de conseil méthodologique.
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Enfin, 1,8 million d'euros seront dédiés à un programme de recherches piloté par la Mildt, dont les priorités sont définies par un conseil scientifique. Des appels d'offre seront lancés dans ce cadre auprès des établissements publics de recherche, afin de permettre aux ministères de disposer d'informations actualisées sur les effets des produits, les types de consommation, les marchés des substances illicites ou encore les déterminants socio-économiques des conduites à risque. Sur cette enveloppe, un million d'euros sera directement versé aux ministères concernés pour des projets interministériels validés par le comité de pilotage de la Mildt.
Le projet annuel de performance associe deux objectifs à la mise en oeuvre de l'action « coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif » :
- l'objectif n°1 relate la mobilisation des administrations et des partenaires de la Mildt autour des objectifs du plan quinquennal. L'indicateur associé mesure la prise en compte des soixante objectifs du plan quinquennal dans les stratégies de chaque ministère et de leurs services déconcentrés. Ce taux doit atteindre de 60 % en 2008 ;
- l'objectif n°2 vise le renforcement de la cohérence des actions de lutte contre la drogue et la toxicomanie au niveau central et territorial. Deux indicateurs lui sont rattachés : le degré d'articulation des plans départementaux et des CIRDD avec les autres dispositifs locaux (santé publique, prévention de la délinquance, politique de la ville, etc.), pour lequel il est prévu de formaliser 500 coopérations en 2008 contre 350 en 2007, et la part des crédits de la Mildt dans le financement des plans territoriaux (60 % en 2008) et des CIRDD (30 % en 2008).
c) Des moyens très limités pour l'expérimentation
Compte tenu du recentrage des missions de la Mildt sur la coordination interministérielle, le présent projet de budget prévoit une diminution massive des crédits destinés à l'action « expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d'application de la loi », qui correspondent en réalité aux moyens d'intervention directe de la Mildt.
Cette action bénéficiera ainsi de 500 000 euros en 2008, soit moins de 2 % des crédits du programme . Déjà, en 2007, ce poste avait fait l'objet d'une mesure d'économie de 42,5 %, considérant que la Mildt n'avait pas vocation à pérenniser, sur son programme, les dépenses de fonctionnement des dispositifs qui relevant de la compétence des ministères.
La Mildt se contente donc d'expérimenter, dans certains domaines, sur quelques territoires et pendant un temps donné, de nouveaux modes de prévention, de prise en charge sanitaire et sociale et de respect de la loi pour le compte des ministères concernés. Ces programmes peuvent être cofinancés par des associations, des organisations professionnelles, des collectivités territoriales ou encore par l'assurance maladie. Ils font ensuite l'objet d'une évaluation par l'OFDT pour décider de leur pérennisation ou non sur les crédits ministériels.
En conséquence, l'objectif n°3 associé à cette action porte sur l' amélioration de la pertinence des dispositifs expérimentaux . Il s'agit de renseigner le législateur sur l'efficacité et la capacité d'innovation des projets mis en oeuvre par la Mildt. L'indicateur de performance correspondant est le nombre de dispositifs repris in fine par les ministères ou par d'autres partenaires de la politique de lutte contre la drogue. Ce nombre devrait être maintenu à six en 2008.
L'assurance maladie a ainsi repris à son compte les consultations « cannabis », qui ont pour mission d'accueillir et de soutenir les jeunes consommateurs et leur famille et de répondre aux difficultés rencontrées pour mesurer l'impact réel du produit et évaluer leur propre consommation. Cela a également été le cas du dispositif « lycée sans tabac » par le ministère de l'éducation nationale. En 2007, plusieurs projets lancés en 2006 ont été pérennisés, à l'instar du programme de prévention des accidents du travail liés à la consommation de substances psycho-actives et des nouveaux dispositifs de repérage précoce et de prise en charge diversifiée (programmes sans substitution par exemple), ainsi que le plan « crack » à Paris et aux Antilles.
En 2007, les programmes expérimentaux financés sur cette action ont concerné la prévention dans les entreprises, la formation des enseignants en lien avec l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Clermont-Ferrand, la mise en oeuvre d'actions dans les zones urbaines sensibles et les prisons. En 2008, ces actions seront poursuivies - hormis celle concernant la formation des enseignants du Puy-de-Dôme - par la Mildt et ses partenaires. Elles ne feront toutefois plus l'objet d'appels à projets associatifs, les subventions aux associations étant, rappelons-le, déléguées à la DGS. C'est d'ailleurs ce qui motive la diminution de 83,4 % des crédits de cette action en 2008.
Si votre commission est favorable à ce transfert entre la Mildt et la DGS, elle s'inquiète qu'il réduise presque à néant les capacités d'expérimentation de la Mildt. En effet, certains projets innovants ne concernent pas la prévention et la prise en charge sanitaire , projets que la DGS peut effectivement confier à des associations, mais la lutte contre le trafic ou l'amélioration de l'application de la loi. Compte tenu de la dotation désormais allouée à l'action 2, ce type d'expérimentations sera sans doute limité.
3. Un recadrage des autres opérateurs
La Mildt n'est pas l'unique opérateur du programme, qui s'appuie également sur deux GIP financés sur les crédits de l'action « coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif » pour un total de 3,9 millions d'euros en 2008. Ces structures, dont la Mildt assure la direction, emploient trente-deux personnes en équivalent temps plein.
La subvention aux opérateurs a fait l'objet d'une double opération de clarification budgétaire :
- en 2007, l'association Toxibase, exclusivement financée par la Mildt à hauteur d'environ 450 000 euros, a été intégrée au département de documentation de l'OFDT. Cette structure était chargée, depuis 1986, du pilotage du volet documentaire des CIRDD ;
- en 2008, le GIP Datis sera financé par la DGS, qui prend déjà en charge les opérateurs de téléphonie sanitaires et sociale. Son fonctionnement avait coûté 4,7 millions d'euros à la Mildt en 2007.
Votre commission approuve ces mesures, qui contribuent à simplifier le paysage institutionnel de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie et à recentrer la Mildt sur sa mission de pilotage de cette politique. La Mildt se limite donc à financer :
• l'
OFDT
, qui assure depuis 1995,
sous l'autorité de la Mildt, les fonctions d'observation des
consommations et de diffusion des données et contribue, à ce
titre, à la réflexion sur les politiques conduites. Dans ce
cadre, il publie régulièrement un état complet de la
situation des drogues en France, ainsi que des enquêtes
périodiques sur les consommations (Baromètre santé, Eropp,
Escapad, etc.). Il réalise également une dizaine d'études
chaque année à la demande de la Mildt ou des ministères
concernées. Il constitue enfin l'organisme relais, pour la France, du
réseau européen d'information sur les drogues et les toxicomanies
(Reitox), mis en place par l'observatoire européen des drogues et des
toxicomanies (OEDT).
Il emploie tente-deux équivalents temps plein , dont quatre postes de documentalistes précédemment employés par Toxibase. 3,35 millions lui seront alloués par l'Etat en 2008 , auxquels s'ajoute une subvention du Reitox à hauteur de 100 000 euros ;
• le
centre interministériel de
formation antidrogue
(Cifad), basé à Fort-de-France, qui
propose depuis 2003 des formations aux professionnels de la lutte contre le
trafic de drogue dans la zone des Caraïbes. Elles portent sur la
surveillance du fret et des passagers et sur le blanchiment de capitaux et
s'adressent aux personnels civils et militaires de l'Etat et aux agents des
collectivités territoriales et des hôpitaux en poste dans ces
départements d'outre-mer, mais aussi à certains fonctionnaires
des Etats de cette zone.
La subvention de l'Etat est fixée à 518 100 euros pour 2008 , que complètent les fonds de coopération régionaux à hauteur de 75 000 euros. Si le Cifad emploie 12,1 équivalent temps-plein , le ministère de la santé n'en finance toutefois aucun.
B. UNE POLITIQUE À POURSUIVRE
1. Une consommation encore élevée de substances psychoactives
Les derniers chiffres diffusés par l'OEDT 6 ( * ) confirment que la consommation de substances psychoactives constitue, en France, un phénomène massif et multifactoriel, dont les dommages sanitaires et sociaux sont considérables. Ce constat ne doit toutefois pas masquer les évolutions en matière de consommation, auxquelles il convient d'adapter sans cesse la politique de lutte contre la toxicomanie.
a) La consommation de drogues en France
Quatre niveaux sont généralement retenus par les organismes d'études nationaux et internationaux pour qualifier l'ampleur des consommations, établis :
- l'expérimentation, qui correspond au fait d'avoir utilisé au moins une fois le produit au cours de sa vie ;
- l'usage occasionnel au moins une fois dans l'année ;
- l'usage régulier, soit une consommation intervenant au moins dix fois dans les trente derniers jours ;
- l'usage quotidien.
Plusieurs organismes étudient le niveau et les habitudes de consommation de drogues de la population française. Pour la population adulte, il s'agit essentiellement du Baromètre Santé de l'Inpes et de l'enquête sur les représentations, opinions et perceptions relatives aux psychotropes (Eropp) réalisée tous les trois ans par l'OFDT. Les données connues pour les mineurs proviennent de l' European school survey project on alcohol and other drugs (Espad), réalisée tous les quatre ans par l'Inserm et l'OFDT, et de l'enquête annuelle sur la santé et les comportements lors de la journée d'appel et de préparation à la défense (Escapad).
Il ressort de ces études plusieurs constatations :
• la consommation de « drogues
licites » (
tabac et alcool
) est en
phase
décroissante
. Le phénomène est plus récent
pour le tabac, pour lequel on peut fixer à 2003 le début du
mouvement de baisse de consommation avec la montée en charge des mesures
- notamment tarifaires - mises en oeuvre par Jean-François
Mattei.
Concernant l'alcool, dont la consommation a considérablement baissé, toutes catégories de la population confondues, votre commission s'inquiète toutefois d'un phénomène inquiétant : l' alcoolisation répétée et précoce des jeunes en fin de semaine , même si la France est encore loin de connaître la situation observée dans les pays anglo-saxons.
•
Le cannabis est la substance illicite la
plus consommée en France et sa consommation a augmenté de
façon significative au cours des dix dernières
années
. En 2005, un tiers des 15-64 ans l'avaient
déjà expérimenté et un sur dix en faisaient un
usage occasionnel ou régulier.
La consommation de cannabis concerne globalement tous les milieux sociaux et professionnels, même si certaines nuances peuvent être relevées : son usage est ainsi plus fréquent chez les élèves du secondaire, les étudiants et les chômeurs et, parmi les actifs, les professions intermédiaires.
•
Les expérimentations
déclarées de drogues illicites autres que le cannabis restent
marginales
: si on dénombre plus de douze millions
d'expérimentateurs de cannabis, ce chiffre tombe à
1,1 million de personnes pour la cocaïne, 900 000 pour l'ecstasy
et seulement 360 000 s'agissant de l'héroïne.
Cependant, la légère augmentation des niveaux d'expérimentation chez les 18-44 ans de la cocaïne, des champignons hallucinogènes et de l'ecstasy depuis 2002 témoignent d'une diffusion croissante de ces produits.
L'évolution majeure en termes de consommation concerne la cocaïne (+ 17 %), en raison de la diminution de son prix (divisé par trois du fait de la pression des narcotrafiquants sur le marché européen) et d'un effet de mode dans l'environnement festif et professionnel. Elle touche surtout les trentenaires et les milieux socio-économiques favorisés. Au total, l'expérimentation concerne aujourd'hui 2,6 % des moins de vingt-cinq ans, contre 1,9 % au début des années 2000.
La consommation de cocaïne pose essentiellement, outre la question de la répression du trafic, un problème de prise en charge sanitaire. Celle-ci est, en effet, quasi inexistante en France où aucun protocole de soins visant à stabiliser l'humeur n'a été mis en place, à la différence des Pays-Bas et de l'Allemagne, par exemple. Les études sur l'usage de ce produit sont, en outre, trop limitées : les consommateurs étant identifiés dans des milieux privilégiés, le sujet a, de fait, longtemps été tabou.
L'usage du crack , s'il reste encore marginal (environ deux mille personnes en métropole) et circonscrit aux arrondissements du nord-est de Paris, à la Seine-Saint-Denis et aux Antilles, poursuit son augmentation. Cette évolution est particulièrement inquiétante du fait de la dangerosité du produit et de la violence des comportements qui en accompagne souvent la consommation.
Seule la consommation d' héroïne et des opiacés en général - produits à 87 % en Afghanistan - a diminué ces dernières années, grâce aux moyens mis en oeuvre pour développer les traitements de substitution. La consommation addictive, qui s'accompagne en général d'une grande exclusion sociale, ne touche que 150 000 à 180 000 personnes, même si les derniers chiffres font état d'une légère augmentation.
Le principal enjeu en la matière concerne désormais la lutte contre le trafic de Subutex , aujourd'hui prescrit à 85 000 patients. A la différence de la méthadone, qui concerne 15 000 personnes et doit être prise en présence d'un professionnel de santé, le Subutex peut être délivré par les pharmacies. Si ce régime libéral a, sans conteste, contribué au succès de la politique de réduction des risques depuis une vingtaine d'années (division par cinq du nombre de décès par overdose et quasi-disparition des contaminations au VIH par voie intraveineuse), il a aussi engendré un trafic d'un genre nouveau. Ainsi, on estime à 20 % la proportion des pilules qui sont injectées ou sniffées sous forme de poudre par les patients et à 4 % celles qui sont revendues dans la rue au prix moyen de 15 euros par comprimé.
Vote commission souhaite enfin attirer l'attention sur le problème de la consommation de drogues en milieu professionnel . Bien que la connaissance épidémiologique des toxicomanies dans ce cadre soit freinée par des obstacles d'ordres divers (éthique, technique, financier, temporel, réglementaire, culturel, pratique, etc.), quelques éléments d'appréciation sont disponibles. Ainsi, une étude portant sur les urines anonymisées de deux mille salariés du Nord-Pas-de-Calais a démontré que près de 20 % d'entre eux consommaient au moins une substance psychoactive et jusqu'à 40 % des salariés aux postes de sécurité/sûreté. Ce problème touche également les cadres, qui sont de plus en plus nombreux à consulter pour des addictions à des produits psychoactifs. Il serait souhaitable que les autorités sanitaires et, tout particulièrement la médecine du travail, améliorent la prévention, le dépistage et la prise en charge de la toxicomanie en milieu professionnel.
b) Des conséquences dramatiques
L'usage de drogues peut avoir des conséquences sanitaires diverses, qui justifie la mobilisation constante du ministère de la santé sur cette question :
- le décès du toxicomane d'abord, par surdose du produit le plus souvent. Le nombre de décès constatés par les forces de l'ordre est en décroissance continue - 90 % depuis 1995 - avec cinquante-sept cas enregistrés en 2005. La réduction du nombre de surdoses en France résulte de la conjonction de plusieurs facteurs : l'introduction des traitements de substitution, l'existence de structures et dispositifs de réduction des risques, la modification des produits consommés et de leurs modalités de consommation parmi les usagers. La majorité des décès par surdose est liée à l'héroïne, même si les produits de substitution occupent une place de plus en plus importante depuis 2000 (jusqu'à près du tiers en 2004) et qu'une forte croissance de cas dus à la cocaïne est observée (un cinquième des décès).
Selon l'InVS, les décès liés au SIDA chez les usagers de drogues par voie intraveineuse sont en baisse depuis 1994. Leur part dans l'ensemble des décès dus aux VIH s'est stabilisée, depuis 1998, à environ 25 % ;
- l'apparition de maladies infectieuses , notamment le VIH et les hépatites B et C. Ainsi, la prévalence du VIH parmi les patients ayant déjà utilisé l'injection et pour lesquels la sérologie est connue s'élève à près de 9 % et celle de l'hépatite C à 52 %. Toutefois, le nombre de nouveaux cas de sida liés aux drogues injectables est en baisse continue depuis 1994 (1 377 en 1994 contre 98 en 2005) ;
- la possibilité de comorbidités psychiatriques (schizophrénie liée au cannabis par exemple), même si les quelques travaux existants en France ne permettent pas de tirer des conclusions certaines sur les prévalences de diverses pathologies psychiatriques chez les usagers de drogues.
2. Une réponse internationale indispensable
Malgré les efforts de la Mildt et des ministères concernés pour prévenir la consommation de drogues, prendre en charge les toxicomanes et punir les trafiquants, la lutte contre la drogue et la toxicomanie ne peut être menée indépendamment d'une coopération internationale forte.
La troisième action du programme y est consacrée, conformément aux orientations du plan quinquennal 2004-2008, qui a prévu de renforcer l'action extérieure de la France au travers de quatre objectifs : le rapprochement des politiques des Etats membres de l'Union européenne, la participation active aux travaux des enceintes internationales (conseil exécutif de l'OMS et commission des stupéfiants de l'ONU notamment), l'intensification des contacts bilatéraux et le développement des actions d'assistance technique.
Cette politique respecte les orientations définies respectivement par l'Union européenne dans le cadre de sa stratégie antidrogue pour la période 2005-2012 et des quarante-six objectifs du plan d'action 2005-2008, ainsi que par les Nations Unies.
En 2008, 5,6 % des crédits du programme, soit 1,5 million d'euros , seront consacrés à la coopération internationale. Cette somme, constante par rapport à 2007, correspondent au montant des contributions volontaires de la France aux organismes européens et internationaux et au financement de projets d'assistance technique directe ou bilatérale, avec les ministères de l'intérieur et des affaires étrangères, en direction des pays qui n'ont pas encore adopté de dispositifs antidrogue ou qui sont confrontés à des problèmes spécifiques, en particulier dans les zones de trafic.
Différents projets sont menés dans ce cadre. En Europe, la France participe à des actions de coopération avec les nouveaux Etats membres, notamment la Roumanie, pour permettre à leurs administrations d'intégrer les bonnes pratiques en matière de prévention, de traitement et de répression. Elle aide également les Etats de la CEI dans la mise en oeuvre de programmes de réduction de l'offre et de la demande de drogue. Dans les zones de trafic, le GIP Cifad a organisé en 2007, pour des fonctionnaires français et étrangers, des formations aux techniques de fouille et des séminaires de sensibilisation au trafic de précurseurs chimiques. En 2007, la France a particulièrement contribué à la création du centre européen d'analyse et d'opération contre le narco-trafic maritime (MAOC-N) et a participé à une coopération avec la gendarmerie d'Azerbaïdjan et avec l'Iran.
L' objectif n° 4 du programme « drogue et toxicomanie » est associé à cette action. Il vise à améliorer la pertinence des échanges internationaux en la matière. L'indicateur de performance associé est la proportion de projets arrivés à échéance dans les zones prioritaires (CEI et Europe centrale, Afrique, Amérique latine, Caraïbes) et faisant l'objet d'une reprise par le pays bénéficiaire ou par une organisation internationale. Cette proportion devrait atteindre 50 % en 2008, contre 30 % en 2007.
Afin d'améliorer les résultats attendus des actions d'assistance technique internationales, un comité de pilotage définit en outre, pour trois ans, les zones prioritaires dans lesquelles ses actions sont nécessaires. Les protocoles techniques mis en oeuvre dans ce cadre font l'objet d'une évaluation au terme de cette période.
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Au vu des observations formulées dans le présent avis, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » pour l'année 2008.
* 6 Rapport Reitox-OEDT. France : new development, trends and in-depth information on selected issues. 2007.