F. L'INDISPENSABLE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ DANS LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES
L'article 72-3, premier alinéa, de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, dispose, que : « La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises ».
Ainsi, les Terres australes et antarctiques françaises ne relèvent pas de la catégorie des collectivités d'outre-mer, désormais régies par l'article 74 de la Constitution, mais constituent une collectivité sui generis, régie par la seule loi ordinaire.
L'article 8 du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer modernise le statut des TAAF, défini par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955. Il inscrit dans la loi le rattachement des îles Eparses aux TAAF.
Lors de l'examen de ce texte, le Sénat, à l'initiative de la commission des lois, a inséré le statut de Clipperton au sein de la loi du 6 août 1955, modifiant en conséquence son intitulé 43 ( * ) . Il a en outre précisé les missions de l'administrateur supérieur des TAAF et lui a reconnu la faculté de déroger à la règle de dépôt de la trésorerie des collectivités territoriales au Trésor public, afin de permettre à la collectivité de placer ses disponibilités.
1. L'Antarctique, terre d'observation scientifique
En Antarctique, la souveraineté française sur la Terre Adélie s'exerce dans le cadre du traité de Washington de 1959 , qui a gelé toutes les revendications territoriales et affirmé la liberté de la recherche scientifique sur tout le continent. Le traité a été complété en 1991 par le protocole de Madrid sur la protection de l'environnement, qui fait de ce continent « une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». La France s'intègre dans ce système international en étant à la fois :
- signataire dès l'origine du traité de Washington, avec 12 pays. Les signataires du traité sont aujourd'hui au nombre de 45.
- reconnue par ce traité comme un Etat possessionné (les 6 autres Etats possessionnés sont l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, l'Argentine, le Royaume-Uni et la Norvège) ;
- partie consultative : 28 Etats signataires du traité ont la qualité de partie consultative. Ce groupe comprend les 12 Etats signataires en 1959 et 16 autres Etats qui ont acquis le statut de partie consultative après avoir démontré l'intérêt qu'ils portent à l'Antarctique « en y menant des activités substantielles de recherche scientifique telles que l'établissement d'une station ou l'envoi d'une expédition » (art. 9 du traité sur l'Antarctique). Ces Etats ont un droit de vote lors des réunions des parties consultatives.
Le ministère de l'outre-mer ne finance pas la recherche scientifique en Antarctique. Cependant, des programmes scientifiques se déroulent, notamment sur la base Dumont d'Urville. Ils sont généralement coordonnés par l' Institut polaire français Paul Emile Victor (IPEV) .
Cet institut est un Groupement d'Intérêt Public (GIP) constitué par neuf organismes publics ou parapublics. Trois d'entre eux interviennent de façon plus significative : le ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies, qui alimente pour l'essentiel le budget de l'IPEV, le ministère des affaires étrangères et le CNRS, qui met du personnel à la disposition du GIP.
Les programmes de recherche de l'Institut Paul Emile Victor portent sur les sciences de l'univers :
- observatoires sismologiques globaux (géomagnétisme) ;
- étude de la stratosphère antarctique et de la destruction de l'ozone ;
- observation de la composante nucléonique du rayonnement cosmique ;
- forage à 950 m à Berkner Island pour étudier l'évolution du climat et de la calotte antarctique au cours de l'holocène et de la dernière glaciation, dans le secteur de la mer de Weddell et les shelfs de Ronne et de Filchner ;
- étude du cycle atmosphérique du soufre en relation avec le climat aux moyennes et hautes latitudes sud.
Ces recherches portent également sur les sciences de la vie :
- relations entre variabilité environnementale, effort de reproduction et dynamique des populations de prédateurs marins ;
- mécanismes d'adaptation au froid chez les endothermes et ectothermes 44 ( * ) antarctiques et subantarctiques ;
- stratégie énergétique des prédateurs marins (oiseaux et mammifères plongeurs) et variabilité physique et trophique de l'océan Austral ;
- ichtyologie côtière en Terre Adélie.
Pour mener à bien ses missions de recherche, l'IPEV dispose de bases en Terre Adélie et loue le navire ravitailleur des TAAF, le Marion Dufresne.
Le Marion Dufresne Le Marion Dufresne est un navire polyvalent , à la fois paquebot servant au transport du personnel des bases et des visiteurs vers les Terres Australes (110 passagers), cargo chargeant des containers et des colis lourds d'une capacité de 4.600 m3 et possédant deux grues jumelables de 25 tonnes et trois autres grues de service, pétrolier transportant du fuel pour les stations, porte-hélicoptères et navire de recherche. Il est en effet équipé de 650 m² de laboratoires, un sondeur multifaisceau et d'un carottier géant. Il assure deux fonctions principales : - la logistique des îles australes françaises : Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, sous la responsabilité des TAAF ; - la recherche océanographique sur la majeure partie des océans, sous la responsabilité de l'IPEV. Ce navire de 120,50 m de long sur 20,60 m de large, pouvant embarquer 110 passagers, est utilisé pendant les deux tiers de l'année par l'IPEV, chargé de mettre en oeuvre des campagnes océanographiques à son bord. Son coût de fonctionnement s'élève à 10 millions d'euros par an. Disposant d'équipements modernes, il est opérationnel dans tous les domaines de l'océanographie : géosciences marines, océanographie biologique, physique et chimie des océans... Sa spécificité est reconnue sur le plan international en matière de sédimentologie. Pourvu d'un « carottier géant », il est un des seuls navires à collecter des carottes sédimentaires pouvant atteindre 60 mètres de longueur. Entré en service en 1994, le Marion Dufresne devrait encore être utilisé pendant huit ans. Votre rapporteur souligne la nécessité de préparer la succession du Marion Dufresne avant qu'il n'atteigne le terme de ses vingt années de service . En effet, l'existence d'un navire assurant le ravitaillement des bases des TAAF apparaît essentielle au maintien de la recherche scientifique et à la préservation des ressources naturelles. |
* 43 Cette loi deviendrait la « loi portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton ».
* 44 Un animal ectotherme est un animal dont la température corporelle varie en fonction de la température de son milieu de vie.