II. LE SOUCI D'UNE POLITIQUE PÉNITENTIAIRE PLUS DIVERSIFIÉE

A. LA DIMINUTION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

Au 1 er janvier 2005, le nombre de personnes écrouées n'avait jamais été aussi élevé dans les prisons françaises avec un effectif de 59.522 détenus . A la suite du décret de grâce du 14 juillet, cependant, le nombre de détenus se réduit traditionnellement. Au 1 er novembre 2006, il s'élève à 57.612 personnes -en progression de 2,3 % par rapport au mois précédent.

L'augmentation de la population carcérale recouvre en fait deux évolutions opposées : d'une part, la croissance continue du nombre de personnes condamnées ; d'autre part, la réduction pour la troisième année du nombre de prévenus. Votre rapporteur pour avis se félicite du recours plus limité à la détention provisoire.

Les entrées en détention se sont élevées en 2005 à 85.540 en hausse de 1 % par rapport à l'année antérieure (84.710).

La durée moyenne de détention en 2005 s'élève à 8,3 mois -légèrement inférieure à la durée constatée en 2004 (8,4 mois) mais dans l'ensemble proche des niveaux constatés au cours des dix dernières années.

De même, les parts respectives des personnes condamnées à une peine inférieure à un an d'emprisonnement (31,2 %), comprise entre un et cinq ans (32,7 %) et supérieure à cinq ans (36 %) restent comparables à celles observées l'an passé.

Le nombre de personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité est passé de 538 au 1 er janvier 2005 à 508 au 1 er janvier 2006.

Au premier rang des infractions à l'origine de l'incarcération figurent les viols et autres agressions sexuelles (21 %), les violences (18,2 %), les infractions à la législation sur les stupéfiants (14,4 %), les vols qualifiés (9,6 %) et les crimes de sang (8,8 %).

Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires est resté stable par rapport à l'an passé (59.522 personnes détenues pour 51.142 places soit un taux d'occupation moyen des établissements de l'ordre de 116,3 %).

Cette moyenne marque cependant de fortes disparités entre des maisons d'arrêt 7 ( * ) surpeuplées (avec un taux d'occupation moyenne de 130 %) et les autres catégories d'établissement (compris entre 90 % et 100 %) pour les centres de détention et les maisons centrales.

Sur 117 maisons d'arrêt (métropole et outre-mer) six affichent des taux d'occupation supérieurs à 200 % (Bonneville, Lyon-Saint Paul et Lyon Montluc dans la région pénitentiaire de Lyon ; la Roche-sur-Yon dans la région pénitentiaire de Rennes ; Béziers et Albi dans la région pénitentiaire de Toulouse) ; 19 maisons d'arrêt présentent un taux d'occupation compris entre 160 % et 200 %.

La situation des maisons d'arrêt : trois exemples

Les observations de votre rapporteur pour avis à la suite des visites de la maison d'arrêt de Reims (10 janvier 2006), du centre pénitentiaire de Draguignan (10 février 2006) et de la maison d'arrêt de Rennes (26 octobre 2006).

Malgré la diversité des infrastructures (deux maisons d'arrêt construites à la fin du XIXème siècle à Reims et Rennes - deux maisons d'arrêt pour hommes et pour femmes implantées au sein du centre pénitentiaire de Draguignan mis en service en 1984), les maisons d'arrêt sont confrontées à une difficulté largement partagée : la surpopulation carcérale . Au 1 er juillet 2006, le taux d'occupation dans ces établissements dépassait 135,7 % à Draguignan, 128,4 % à Reims et 148,6 % à Rennes.

A Rennes, la maison d'arrêt compte en théorie 330 places : en 2005, on a dénombré jusqu'à 560 détenus. Le directeur de l'établissement estime à 575 détenus le « seuil » de rupture.

Dans les maisons d'arrêt anciennes, la situation de suroccupation est rendue plus difficile encore par la vétusté et l'inadaptation des locaux. A Rennes, les cellules ne dépassent pas 9 m2 et l'on compte 5 douches pour 72 personnes. En outre, ces établissements anciens sont rarement équipés d'ateliers dotés d'une surface suffisante. A Reims, certains détenus travaillent dans leur cellule alors qu'une telle pratique doit désormais être écartée. Néanmoins, un atelier est en cours d'aménagement. La maison d'arrêt de Rennes offre 120 postes rémunérés (40 en ateliers, 55 au service général, 25 en formation professionnelle), ce qui reste en deçà des demandes.

Dans ces conditions, il apparaît très difficile pour les responsables des établissements de réaliser une différenciation effective des conditions de détention en particulier pour séparer prévenus et condamnés. Cependant, les personnes incarcérées pour affaires de moeurs sont généralement regroupées afin d'éviter qu'elles ne soient victimes de violences de la part des autres détenus.

Dans la maison d'arrêt des hommes de Draguignan, la capacité de l'unité d'hébergement réservée à cette partie de la population pénale s'est rapidement révélée insuffisante et le taux d'occupation y est supérieur à la moyenne annuelle, soit 290 %.

A Reims, le directeur de l'établissement a cherché à mettre en place des cellules fumeurs et on fumeurs. A Draguignan, le dispositif d'observation mis en place au quartier arrivant (constitué de 6 cellules) afin de repérer les difficultés éventuelles des détenus (troubles comportementaux, état suicidaire, etc) a vite été débordé par le flux massif des entrants. Il a donc fallu procéder à une affectation très rapide aux étages de la détention.

Il faut saluer toutefois l'effort des responsables de ces établissements pour assurer, dans un contexte très contraignant, l'entretien de ces locaux et leur rénovation régulière afin d'améliorer les conditions de détention.

La situation française n'est pas exceptionnelle en Europe. Le taux de détention est même généralement supérieur dans les pays voisins avec un dépassement des capacités pénitentiaires comme le montre le tableau suivant fondé sur des données de 2004.

Pays

Nombre d'habitants
(en millions)

Nombre
de détenus

Taux de détention
(pour 100 000 habitants)

Capacité pénitentiaire

France

62,2

56 271

90,5

49 595

Allemagne

82,5

79 676

96,5

79 204

Italie

57,8

56 090

96,9

42 656

Portugal

10,5

13 563

129,0

12 435

Espagne

42,2

59 244

140,3

45 733

Angleterre

53

74 488

140,4

77 927

Source : ministère de la justice .

La population carcérale est très majoritairement masculine (96 %). Votre rapporteur pour avis a souhaité néanmoins s'intéresser aux conditions de détention des femmes en se rendant au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes.

Le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes
Compte rendu de la visite du 26 septembre 2006

Construite en 1865, la prison des femmes de Rennes est aujourd'hui un centre pénitentiaire composé de :

- un centre de détention de 233 places qui se compose de douze divisions dont un quartier réservé à la période d'accueil des détenues transférées (quartier accueil de 15 places) qui peut perdre sa fonction initiale en cas de nécessité. Chaque division est dotée de 16 à 19 cellules, d'un espace commun, d'une cuisine et d'un espace buanderie-séchoir. Les détenues peuvent circuler librement au sein de cette division du matin jusqu'au soir ;

- d'une maison d'arrêt comportant 22 cellules à deux lits -six cellules étant réservées aux mineures le cas échéant ;

- un quartier nursery doté de cinq cellules, occupées indifféremment par des femmes des quartiers maison d'arrêt et centre de détention -au cours de l'année 2005, ce quartier a été occupé en permanence ;

- un quartier de semi-liberté disposant de quatre places dont la configuration actuelle ne permet pas toutefois une utilisation optimale de cet aménagement de peine.

L'établissement compte un quartier disciplinaire (cinq places) mais aucun quartier d'isolement. Lors de la visite de votre rapporteur pour avis, l'aménagement d'une salle de visioconférence s'achevait afin de permettre la tenue d'audiences à distance et de limiter les extractions judiciaires 8 ( * ) .

Le centre de détention reçoit des femmes en provenance de l'ensemble du territoire national y compris de départements d'outre-mer. Au 20 septembre 2006, 236 détenues étaient écrouées au centre de détention (dont trois en placement extérieur) : 43 condamnées à des peines correctionnelles, 42 détenues concernées par des procédures criminelles et condamnées à des peines d'emprisonnement de un à dix ans, 151 condamnées à la réclusion criminelle (dont sept à perpétuité).

Les caractéristiques de cette population -longueur des peines conjuguée à la diversité des origines sur le territoire national- expliquent que la première unité de vie familiale ait été installée au sein de ce centre pénitentiaire. Un développement spécifique sera consacré à cette structure dans les pages qui suivent.

La maison d'arrêt, couvrant les ressorts des cours d'appel de Rennes et d'Angers, reçoit les justiciables du tribunal de grande instance de Rennes, Saint-Malo, Saint-Brieuc, le Mans, Angers, Laval et Saumur auxquelles s'ajoutent désormais depuis la fermeture en 2004 du quartier femmes de la maison d'arrêt de Vannes, les détenues relevant du tribunal de grande instance de Vannes et Lorient.

Atypique, cette maison d'arrêt dont la capacité théorique est de 65 places n'accueillait au 20 septembre 2006 que 29 détenues.

70 % des détenues travaillent (principalement dans des ateliers de confection d'uniformes pour le personnel pénitentiaire mais aussi dans un atelier de restauration de films anciens de l'institut national audiovisuel) ou bénéficient d'une formation.

Le personnel pénitentiaire compte un effectif de 176 agents.

Les observations de votre rapporteur pour avis

- les conditions de détention apparaissent dans l'ensemble satisfaisantes : les espaces communs de travail ou de loisir sont remarquablement équipés et entretenus. Les détenues semblent particulièrement attentives à préserver la qualité de cet environnement ;

- cependant, au sein du centre de détention, comme l'on fait remarquer certaines détenues rencontrées par votre rapporteur pour avis, des femmes condamnées à des peines de longueurs très différentes peuvent cohabiter au sein de la même unité, ce qui peut être source de tensions ; le directeur de l'établissement compte cependant instaurer des régimes de détention différenciés qu'il conviendra d'intégrer dans un cadre architectural contraignant ;

- le vieillissement de la population pénale constitue un fait marquant ; sur 265 détenues, 138 ont plus de quarante ans ; cette évolution conduit à réfléchir sur l'amélioration de l'accessibilité de certaines cellules.

B. LA PROGRESSION SIGNIFICATIVE DES PLACEMENTS SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE

Les mesures d'aménagement de peine progressent pour la deuxième année consécutive (+ 6 % avec 19.141 aménagements de peine) en 2005 après la hausse de 16 % constatée entre 2003 et 2004.

Comme le montre le tableau suivant, cette évolution s'explique pour une large part par l'augmentation des placements sous surveillance électronique (PSE).

Années

Réductions de peines

dont réduction
de peine supplémentaire
(721.1 du CPP)

Permissions
de sorties

Placements à l'extérieur

Placements en semi liberté

Placements sous surveillance électronique

Libération conditionnelle accordée
par le JAP

2000

93 572

22 946

35 674

3 339

6 757

13

5 361

2001

86 771

20 249

33 113

2 682

6 481

130

5 680

2002

94 223

19 460

31 777

2 550

6 527

359

4 876

2003

99 829

20 512

33 786

2 733

6 261

948

5 286

2004

91 631

17 610

35 589

2 230

6 842

2 911

5 866

2005

***

***

35 411

2 478

6 619

4 128

5 671

Le bracelet fixe

Le placement sous surveillance électronique représente désormais 22 % de l'ensemble des aménagements de peine. Au 1 er septembre 2006 et depuis le début de la mise en place du dispositif en octobre 2000 12.449 condamnés avaient fait l'objet d'un PSE. En 2005, 4.128 placements sous surveillance électronique ont été accordés contre 2.911 en 2004.

Malgré ces résultats positifs, la possibilité d'utiliser le placement sous surveillance électronique dans le cadre d'un contrôle judiciaire apparaît encore trop peu utilisée. Deux éléments peuvent expliquer cette situation : d'une part, les délais -brefs- de placement sous contrôle judiciaire ne laissent pas toujours le temps nécessaire pour l'enquête de faisabilité préalable au placement sous surveillance électronique ; d'autre part, le temps passé sous surveillance électronique pendant le temps de l'information judiciaire n'est pas décompté du quantum de peine éventuellement prononcé.

En outre, quel que soit le cadre procédural dans lequel la mesure est décidée, elle ne concerne qu'un public limité doté d'un logement et d'une ligne téléphonique. Une partie de la population pénale en grande précarité socio-professionnelle se trouve donc exclue.

Aussi, afin d'atteindre l'objectif de 3.000 placements simultanés sous surveillance électronique en 2007, l'administration pénitentiaire s'efforce plus particulièrement de :

- mettre à disposition des bracelets GSM permettant le placement sous surveillance électronique à des condamnés ne pouvant, pour des raisons financières, disposer d'une ligne téléphonique ;

- développer des conventions avec des organismes partenaires comme les HLM pour proposer des hébergements équipés d'une ligne téléphonique fixe aux personnes condamnées sans domicile fixe.


Le bracelet mobile : le point sur l'expérimentation en cours

La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a institué le placement sous surveillance électronique mobile. Ce nouveau dispositif peut être appliqué dans trois cadres juridiques distincts :

- dans le cadre d'une libération conditionnelle pour les personnes condamnées pour un crime ou un délit pour lequel la mesure de suivi socio-judiciaire est encourue ;

- dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire à l'encontre de personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à sept ans ;

- dans le cadre, enfin, de la surveillance judiciaire , nouveau régime juridique institué par la loi du 12 décembre 2005 applicable pendant la durée correspondant aux crédits de réductions de peine ou aux réductions de peine supplémentaires obtenues par le condamné ; dans ce cadre, le placement sous surveillance électronique mobile ne pourrait être décidé que pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans et pour des faits pour lesquels la mesure de suivi socio-judiciaire n'est pas prévue.

Le placement sous surveillance électronique mobile est subordonné à un examen destiné à évaluer la dangerosité de l'intéressé et le risque de commission d'une nouvelle infraction.

En outre, comme l'avait prévu le Sénat, le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu'après avoir recueilli le consentement de l'intéressé. Enfin, la durée de placement est de deux ans renouvelable une fois pour les délits et deux fois pour les crimes dans la limite de la durée de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire et de la surveillance judiciaire.

Votre rapporteur pour avis a pu s'entretenir avec les responsables du pôle placement sous surveillance électronique mobile créé au sein de la direction de l'administration pénitentiaire.

En premier lieu, le placement sous surveillance électronique mobile fait l'objet -selon la méthode déjà employée lors de la mise en oeuvre du bracelet fixe en 2000- d'une expérimentation avant sa généralisation sur le territoire national. A cette fin, le Gouvernement a adopté l'arrêté du 24 juillet 2006 portant création à titre expérimental d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux personnes condamnées placées sous surveillance électronique mobile. Ce texte prévoit notamment que la durée de conservation des informations est de deux ans à compter de leur enregistrement et autorise l'expérimentation pour une année au terme de laquelle une évaluation devra être conduite.

Le calendrier de mise en oeuvre s'articule autour de trois étapes :

- une première phase d'une durée de six mois à compter de juin 2006 sur deux sites pilotes : les directions régionales des services pénitentiaires de Rennes et de Lille pour les établissements pénitentiaires se trouvant dans le ressort des cours d'appel de Caen et de Douai. Quarante bracelets ont été répartis entre les deux sites pilotes. Cette première phase ne concerne que les mesures de libération conditionnelle. Trois personnes sont concernées. Une quinzaine pourrait l'être avant la fin de l'année ;

- une deuxième phase d'une durée de 18 mois (de décembre 2006 à mai 2008) sur quatre sites pilotes : les directions régionales des services pénitentiaires de Lille, Rennes, Paris et Marseille. La mesure s'appliquera dans les trois cadres juridiques prévus par la loi dès la parution du décret en Conseil d'Etat. 150 bracelets seront répartis entre ces quatre sites.

Une enveloppe de 240.000 euros a été allouée pour le marché correspondant à la phase de 6 mois et de 1.944.000 euros pour le marché correspondant à la phase de 18 mois.

- Enfin, la mesure sera généralisée à partir de mai 2008 .

La mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile est pour partie assurée par l'administration pénitentiaire, pour partie externalisée. Le personnel de l'administration pénitentiaire procède à la saisie des dispositions des décisions judiciaires concernant la surveillance électronique mobile et, en particulier, des interdictions de se rendre à proximité de tel ou tel lieu. Il assure aussi la pose et la dépose des émetteurs ; il reçoit et traite les alarmes de violation des interdictions et obligations liées aux déplacements de la personne soumise au placement sous surveillance électronique mobile. En revanche, la mise à disposition du matériel de suivi et de surveillance à distance, son exploitation et sa maintenance sont entièrement externalisées.

Le matériel lui-même est doté de trois éléments : un bracelet émetteur à porter à la cheville ou au poignet (doté d'une batterie non rechargeable d'une durée de 36 mois) émet en permanence un signal radio capté par le boîtier récepteur portable qui se porte à la ceinture et comporte un GPS intégré. Le bracelet dispose d'une fonctionnalité permettant au centre de surveillance de communiquer des messages que le porteur peut lire sur l'écran du récepteur. Enfin un récepteur statique , placé au domicile de la personne, complète la surveillance mobile et prend éventuellement le relais du récepteur portable. Ce matériel est fourni par la société Elmotech (qui fabrique aussi le bracelet fixe).

Le logiciel de surveillance électronique mobile, géré par un pôle centralisateur, permet de programmer des zones d'inclusion et d'exclusion, des « zones tampons » ainsi que des horaires d'assignation en un lieu déterminé selon le schéma suivant 9 ( * ) .

Pôle centralisateur

L'agent saisit les données

Décision
du Jap

Modalités d'exécution

du PSEM

Zone d'inclusion

Lieux d'assignation

Zones d'exclusion
Lieux interdits

Zones tampons

Zones autour des lieux interdits (alarme avant que le placé ne pénètre en zone d'exclusion )

Horaires d'assignation

En un lieu déterminé

Logiciel

Logiciel de surveillance électronique mobile

L'administration a privilégié un mode semi-actif de surveillance qui permet de fournir un rapport quotidien du déplacement des personnes placées (transmis au juge de l'application des peines) et d'émettre des alarmes en cas de manquement aux obligations. Lorsque cette alarme est émise il devient alors possible de suivre presque en temps réel les déplacements de la personne.

Les observations de votre rapporteur pour avis

- votre rapporteur pour avis s'est étonné que l'expérimentation n'ait d'abord concerné qu'une seule personne ; cependant une décision de placement implique une longue préparation : décision du juge, intervention des experts pour évaluer la dangerosité de la personne, accompagnement social du placé -en particulier s'agissant de l'hébergement etc ; l'attention accordée à la mise en oeuvre du placement apparaît pleinement justifiée mais souligne aussi que ce dispositif requiert une forte mobilisation des ressources humaines ;

- le premier cas d'application apparaît intéressant à plusieurs titres : il concerne unauteur de viol en état de récidive condamné à 12 ans d'emprisonnement. Celui-ci a accepté le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle alors même qu'il était à un mois de sa libération définitive ; selon les explications apportées à votre rapporteur pour avis, ce choix s'explique par la volonté de l'intéressé de rester sous un contrôle extérieur pour le protéger contre lui-même -cette dimension semble avoir également été déterminante dans le consentement des deux autres personnes auxquelles a été étendue l'expérimentation en novembre dernier. Par ailleurs, le placement actuel est en cours depuis trois mois et paraît très bien supporté. Il apparaît une fois encore essentiel que cette mesure soit assortie d'un accompagnement social afin que la fin du placement ne déstabilise pas l'intéressé.

C. LE PROSÉLYTISME EN PRISON : UN PHÉNOMÈNE PRÉOCCUPANT MAIS CONTENU

Votre rapporteur pour avis a pu s'entretenir avec plusieurs responsables de l'administration pénitentiaire chargés de suivre la question du prosélytisme dans les prisons.

Dans ce domaine, l'administration pénitentiaire s'est fixée pour ligne de conduite de garantir la liberté de culte tout en veillant au respect du principe de laïcité qui, comme dans toute autre institution publique, doit prévaloir au sein des prisons -à ce titre les manifestations du sentiment religieux à visée prosélyte doivent être strictement prohibées.

Les incidents liés au prosélytisme ont eu tendance à augmenter dans la période récente : une quarantaine en 2004, quelque 150 en 2005 (même si cette évolution est aussi pour une grande partie liée à une attention statistique plus grande des pouvoirs publics sur ces affaires). Ils peuvent présenter un caractère collectif (prières collectives, agression ou menace sur des codétenus, refus de plateaux etc..) ou une forme individuelle (refus de prendre une douche en même temps que des « mécréants ».

Ces comportements ne sont pas systématiquement le fait de détenus condamnés pour acte de terrorisme 10 ( * ) même si depuis quelques années ces derniers se distinguent par une formation religieuse plus solide et un professionnalisme acquis à la faveur d'un passage dans des camps d'entraînement à l'étranger.

En effet, une nouvelle « génération » de prosélytes paraît émerger parmi des détenus incarcérés pour des délits de droit commun. Leur audience s'élargit auprès de leurs jeunes codétenus pour lesquels la conversion et la pratique de la religion musulmane permettent de s'insérer dans un réseau de solidarité et d'affirmer leur appartenance à une communauté structurée.

Or, si les actions prosélytes des détenus terroristes peuvent être plus aisément endiguées dans la mesure où les intervenants sont bien identifiés, il apparaît plus difficile en revanche de prendre la juste mesure de cette nouvelle mouvance aux actions plus diffuses.

Quelques 110 détenus seraient identifiés comme prosélytes, en sus des terroristes, 350 autres personnes incarcérées étant en voie de radicalisation.

Cependant, l'administration pénitentiaire a pris plusieurs initiatives destinées à contenir ces phénomènes.

En premier lieu, les autorités s'efforcent de permettre une pratique encadrée du culte musulman en développant la présence des aumôniers des prisons. Or, à cet égard force est de constater que l'islam demeure sous-représenté puisque sur 951 aumôniers -dont 332 rémunérés par l'administration pénitentiaire- on ne compte que 91 musulmans (contre 505 catholiques) alors même que selon certaines estimations, 40 à 50 % de la population carcérale se rattacherait à la religion musulmane. L'administration souhaite favoriser le recrutement d'aumôniers supplémentaires notamment à travers une revalorisation de la rémunération des aumôniers nationaux et régionaux. La désignation l'an passé du premier aumônier national musulman pour les prisons, M. el Aloui Talibi par le conseil français du culte musulman, constitue un progrès incontestable.

Ensuite, l'administration pénitentiaire a cherché à mieux structurer son action en matière de lutte contre le prosélytisme par la création d'un bureau du renseignement.

Par ailleurs, elle a renforcé les échanges avec les services spécialisés de la police et de la gendarmerie pour assurer un suivi très attentif et individualisé des comportements prosélytes. Le croisement des informations permet d'une part aux services de police de communiquer à l'administration pénitentiaire l'identité, le profil, les antécédents et les relations intérieures et extérieures des responsables des groupes terroristes incarcérés, d'autre part, à l'administration pénitentiaire de faire connaître les activités en détention des différents protagonistes ainsi que leurs nouvelles relations. Ces données permettent notamment d'assurer une surveillance plus rigoureuse de l'activité prosélyte à l'issue de la détention.

En outre, une formation spécifique pour lutter contre le prosélytisme est désormais dispensée aux surveillants et au personnel d'encadrement dans le cadre des formations initiales et continues.

L'administration pénitentiaire a également mis en place une cartographie de l'islamisme radical , synthèse actualisée des éléments marquants sur l'islam (revendications, incitation à la prière, refus de réintégration, etc) au sein des prisons. Ce dispositif, actualisé à chaque incident, a vocation à constituer l'instrument d'une véritable politique de prévention . Sur cette base, l'administration peut en effet décider des mesures correctives à prendre tant dans la gestion individuelle des détenus que dans l'organisation générale des structures.

Enfin, l'administration pénitentiaire devrait disposer prochainement des moyens légaux de mieux contrôler le comportement de certains détenus grâce à la possibilité d'écouter leurs communications téléphoniques (à l'exception de celles avec leur avocat) comme le prévoit un amendement au projet de loi relatif à la prévention de la délinquance adopté en première lecture par le Sénat à l'initiative de votre rapporteur pour avis.

* 7 Rappelons que les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an.

* 8 Trente-huit établissements pénitentiaires sont actuellement équipés d'un dispositif de visioconférence.

* 9 Une cinquantaine de zones peut être déterminée pour chaque individu, d'où la complexité de la saisie de ces données dans le système informatique.

* 10 86 personnes détenues dans les prisons françaises sont impliquées dans des réseaux de terrorisme à caractère islamique -parmi lesquelles une vingtaine sont particulièrement signalées et trois placées en quartier d'isolement.

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