2. Les drogues de synthèse : un danger évité ?
Au cours des dix dernières années sont apparues de nouvelles drogues de synthèse (ecstasy, LSD, amphétamines, poppers, gamma OH, kétamine, gaz hilarant, etc.), consommées le plus souvent de façon sporadique dans un contexte festif, sur la scène « techno » notamment.
En 2003, la commission d'enquête du Sénat 8 ( * ) avait considéré, à l'instar des professionnels de la toxicomanie, que ces substances constituaient le danger de demain. Les propos tenus devant cette instance par Didier Jayle, déjà président de la Mildt, et Jean-François Mattei, alors ministre de la santé, étaient à cet égard très clairs : « les drogues de synthèse sont peut-être le fléau de demain. Si vous m'interrogez dans cinq ans, je vous dirai peut-être que le seul problème en France est celui des drogues de synthèse » (Didier Jayle) ; « tous les spécialistes pensent que c'est le grand danger de demain parce que l'on pourra composer des drogues avec des substances inattendues, imprévues » (Jean-François Mattei).
Sans remettre en cause la dangerosité reconnue de ces produits sur les consommateurs, force est toutefois de constater que, depuis cette date, le raz-de-marée des drogues de synthèse n'a pas eu lieu . On constate en effet que l'expérimentation de ce type de produit concerne toujours moins de 4 % des garçons de dix-huit ans, les chiffres étant encore inférieurs chez les filles. Didier Jayle, auditionné par votre rapporteur, a confirmé ce statu quo , qui apparaît comme une singularité française à l'heure où la 24 e conférence internationale sur la répression des drogues, qui a eu lieu au mois de mai dernier à Montréal, tire la sonnette d'alarme sur le trafic et la consommation de drogues chimiques.
3. Une recrudescence des substances traditionnelles à surveiller
L'évolution majeure en termes de consommation concerne la cocaïne (+ 17 %), en raison de la diminution de son prix (divisé par trois du fait de la pression des narcotrafiquants sur le marché européen) et d'un effet de mode dans l'environnement festif et professionnel. Elle touche surtout les trentenaires et les milieux socio-économiques favorisés. Au total, l'expérimentation concerne aujourd'hui 2,6 % des moins de vingt-cinq ans, contre 1,9 % au début des années 2000.
La consommation de cocaïne pose essentiellement, outre la question de la répression du trafic, un problème de prise en charge sanitaire. Celle-ci est, en effet, quasi inexistante en France où aucun protocole de soins visant à stabiliser l'humeur n'a été mis en place, à la différence des Pays-Bas et de l'Allemagne, par exemple. Les études sur l'usage de ce produit sont, en outre, trop limitées : les consommateurs étant identifiés dans des milieux privilégiés, le sujet a, de fait, longtemps été tabou.
L'usage du crack , s'il reste encore marginal (environ 2.000 personnes en métropole) et circonscrit aux arrondissements du Nord-Est de Paris, à la Seine-Saint-Denis et aux Antilles, poursuit son augmentation. Cette évolution est particulièrement inquiétante du fait de la dangerosité du produit et de la violence des comportements qui en accompagne souvent la consommation.
Seule la consommation d' héroïne et des opiacés en général - produits à 87 % en Afghanistan - a diminué ces dernières années, grâce aux moyens mis en oeuvre pour développer les traitements de substitution. La consommation addictive, qui s'accompagne en général d'une grande exclusion sociale, ne touche que 150.000 à 180.000 personnes, même si les derniers chiffres font état d'une légère augmentation.
Le principal enjeu en la matière concerne désormais la lutte contre le trafic de Subutex , aujourd'hui prescrit à 85.000 patients. A la différence de la méthadone, qui concerne 15.000 personnes et doit être prise en présence d'un professionnel de santé, le Subutex peut être délivré par les pharmacies. Si ce régime libéral a, sans conteste, contribué au succès de la politique de réduction des risques depuis une vingtaine d'années (division par cinq du nombre de décès par overdose et quasi-disparition des contaminations au VIH par voie intraveineuse), il a aussi engendré un trafic d'un genre nouveau. Ainsi, on estime à 20 % la proportion des pilules qui sont injectées ou sniffées par les patients et à 4 % celles qui sont revendues dans la rue au prix moyen de 15 euros par comprimé.
Pour pallier ce phénomène, le Mildt a proposé, le 7 juin dernier de classer le Subutex dans la catégorie des produits stupéfiants . Son mode de délivrance serait alors identique à celui de la méthadone et sa revente plus sévèrement punie.
Votre commission est favorable à une telle mesure, aujourd'hui nécessaire à la protection des patients sous Subutex, à condition de s'assurer qu'elle ne conduira pas à fragiliser la politique de réduction des risques. Ce n'est toutefois pas certain qu'elle soit nécessaire si le Subutex est prochainement remplacé par le Suxobone, qui pourra plus difficilement être injecté.
* 8 Drogue : l'autre cancer. Commission d'enquête du Sénat sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites. Rapport n° 321 (2002-2003).