3. Une stratégie qui s'inscrit dans le cadre européen
Les actions européennes concernant la maîtrise de l'énergie se présentent aujourd'hui essentiellement sous deux formes : le soutien financier à travers des programmes d'une part, la réglementation d'autre part.
Les programmes de soutien à des projets européens sont au nombre de eux : le Programme cadre de recherche et développement (PCRD) et le programme Energie intelligente pour l'Europe . Le premier participe au financement de projets de recherche, de développement et de démonstration, le second au financement d'études, de travaux de normalisation et de projets pilotes. Ces programmes sont dotés de financements pluriannuels, engagés par appels d'offres successifs.
Les deux programmes communautaires de soutien à des projets européens Les dispositions relatives à l'énergie du 6 ème PCRD, adopté en fin d'année 2002, privilégient les énergies renouvelables au sein d'un budget qui, stricto sensu , s'élève à 810 M€ mais qui, au sens large, atteint environ le milliard d'euros dans la mesure où un programme consacré au transport notamment permettra de financer des projets liés à l'énergie. Dans le 7 ème PCRD, dont les travaux de définition sont déjà engagés, l'énergie est reconnue comme une priorité au sein d'un programme dont la structure globale semble, au vu des premiers documents soumis par la Commission, être en continuité avec le dispositif actuel, avec toutefois un budget en forte expansion, puisqu'il doublerait, et une durée de vie prolongée à sept ans. Les propositions de la Commission sont actuellement en cours d'examen par le groupe « recherche » et le Parlement européen. Le programme Energie intelligente pour l'Europe , adopté en juillet 2003, finance pour sa part quatre programmes consacrés respectivement aux énergies renouvelables, à l'utilisation rationnelle de l'énergie, à l'action internationale et aux transports. Son budget de 200 M€ est prioritairement orienté sur les énergies renouvelables et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Ce programme se poursuivra (EIE II) dans le cadre du programme cadre compétitivité et innovation (CIP), en cours d'examen au groupe « industrie » et au Parlement européen. |
S'agissant de la réglementation , les actions proposées par la Commission ont deux objectifs : promouvoir la maîtrise de l'énergie (sécurité des approvisionnements, protection de l'environnement) et harmoniser le marché intérieur (éviter la multiplication de programmes nationaux divergents).
Pour ce qui concerne plus particulièrement l' utilisation rationnelle de l'énergie , le cadre communautaire actuel, bien que déjà substantiel, s'enrichit de manière quasi ininterrompue : les travaux d'étiquetage se poursuivent tandis que, parallèlement, d'autres directives plus contraignantes sont adoptées concernant l'interdiction sur le marché intérieur de produits jugés trop consommateurs d'énergie. Les éléments les plus notables sont les suivants :
- la directive cadre du Conseil du 22 septembre 1992 a rendu obligatoire l'affichage des consommations d'énergie par voie d'étiquetage sur les lieux de vente de nombreux appareils domestiques : réfrigérateurs et congélateurs, lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle, lampes, fours et systèmes de climatisation. L'étiquetage énergétique concernant les chauffe-eau et les téléviseurs est en cours d'examen ;
- des directives ont permis de fixer des seuils minimums de performance aux appareils de froid, aux chaudières et aux ballasts (équipements adaptés sur les lampes fluorescentes). La directive 2005/32/CE du 6 juillet 2005 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d' écoconception applicables aux produits consommateurs d'énergie permettra de prendre ce type de mesures par des directives d'application de la Commission, après vote en comité ;
- la directive visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments , adoptée par le Conseil et le Parlement européen le 16 décembre 2002, a été transposée pour l'essentiel par la LOE. Concernant à la fois les bâtiments neufs et existants, pour lesquels doivent être définies des performances minimales, la loi impose un certificat indiquant les performances énergétiques en cas de changement de propriétaire ou de locataire, ainsi qu'un affichage des consommations d'énergie dans les lieux publics, et prévoit l'inspection périodique des chaudières et des systèmes de climatisation ;
- la directive 2004/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 vise à promouvoir la cogénération fondée sur une demande de chaleur utile ;
- enfin, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques est en cours de négociation. Ce texte, qui vise à compléter le dispositif du marché intérieur de l'énergie libéralisé pour l'orienter vers la promotion de l'efficacité énergétique , a fait l'objet d'un accord politique au Conseil énergie de juin 2005 et sera examiné par le Parlement européen en seconde lecture avant la fin de l'année.
Par ailleurs, la Commission européenne a rédigé un livre vert sur l'efficacité énergétique qui sera soumis à une large consultation publique jusqu'en mars 2006. Ensuite, un plan d'action devrait être proposé au Conseil et au Parlement européen.
La mise en oeuvre communautaire du Protocole de Kyoto En signant le Protocole de Kyoto, entré en vigueur en février 2005 avec la ratification de la Russie, les pays développés se sont engagés à réduire de 5 % leurs émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 . Cet objectif ambitieux nécessite à l'évidence un panel de mesures complémentaires au sein duquel la maîtrise de la consommation apparaît essentielle. Dans ce cadre, dont la définition résulte largement de l'action de l'Union européenne, principal moteur des négociations sur le climat, la France s'est engagée à maintenir ses émissions en 2010 à leur niveau de 1990 . Avec une baisse observée des émissions de -1,9 % entre 1990 et 2003 , elle est aujourd'hui l'un des rares Etats à être en ligne avec son objectif , qui reste toutefois ambitieux pour le pays compte tenu, à la fois, des faibles marges de manoeuvre mobilisables dans le secteur de la production électrique en raison de la structure de son parc, et du coût élevé des mesures de réduction pour les secteurs du bâtiment et des transports , qui connaissent une évolution préoccupante de leurs émissions. Aussi le Gouvernement a-t-il adopté le 22 juillet 2004 le Plan Climat , qui a pour ambition, d'ici 2010, de réduire les émissions de CO 2 par rapport à la tendance actuelle de 72,3 Mt, notamment grâce au marché d'échange de quotas d'émissions . Conformément à la directive communautaire 2003/87, la France a mis en place ce marché dès 2005 afin d' expérimenter le dispositif en vue de la période d'engagement du Protocole. Le système européen ne vise, dans un premier temps, que les seules émissions de CO 2 des secteurs les plus émetteurs (papier, verre, ciment, céramique, chaux, secteur énergétique et raffineries), soit 45 à 50 % du total des émissions de CO 2 de l'industrie . Chaque Etat membre fixe des objectifs de réduction d'émissions à certaines installations industrielles au moyen d'un plan national d'affectation de quotas (dit PNAQ) préalablement validé par la Commission. Deux périodes de mise en oeuvre sont prévues : 2005-2007 (expérimentation) et 2008-2012 (Protocole). Les exploitants concernés doivent, sous peine d'amende, restituer à la fin de chaque période le nombre de quotas correspondant à leurs émissions de CO 2 , en les achetant au besoin sur le marché si celles-ci excèdent leur allocation de quotas. Le marché européen de quotas est « complet » depuis le 20 juin 2005 , date de l'approbation par la Commission européenne du plan grec. On rappellera que la Commission a demandé à 14 des 25 Etats membres de diminuer les enveloppes de quotas initialement notifiées, la réduction imposée s'élevant au total à 4 % de l'enveloppe globale de l'Union européenne. En définitive, le marché européen regroupe près de 11.500 installations qui se sont vu attribuer 6,572 milliards de tonnes de CO 2 de quotas sur la période 2005-2007 , soit 2,19 milliards de tonnes par an. La valeur de ces quotas est évaluée à ce jour à près de 100 milliards d'euros . Le plan français d'affectation de quotas a été approuvé par la Commission européenne le 17 décembre 2004, pour une enveloppe globale de quotas de 156,51 MtCO 2 par an . La liste des 1.150 installations concernées et leur montant de quotas, par an et pour la période 2005-2007, a été notifiée aux exploitants par arrêté préfectoral à la fin du mois de février 2005. Bien que 3 ème puissance économique de l'Union derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni, la France ne représente que 7,1 % des quotas attribués et figure ainsi en 6 ème position derrière l'Allemagne (22,8 %), le Royaume-Uni (11,2 %), la Pologne (10,9 %), l'Italie (10,6 %) et l'Espagne (8 %). Reste que les échanges transfrontières de quotas sont toujours limités car, fin juin 2005, seuls neufs Etats membres disposaient d'un registre de quotas opérationnel et relié au système communautaire développé par la Commission européenne (le registre français étant opérationnel et relié depuis le 18 mai 2005). En effet, les quotas de CO 2 ne sont matérialisés que par l'inscription au registre national que doit développer chaque Etat membre, registre qui retranscrit en outre tous les mouvements sur les comptes de quotas. Parallèlement à la mise en oeuvre du marché européen et des mesures nationales, le protocole de Kyoto offre la possibilité de recourir à des mécanismes dits « de flexibilité » : il s'agit de délivrer à des opérateurs des crédits lorsque leurs projets permettent des réductions additionnelles des émissions de gaz à effet de serre au-delà de ce que la réglementation, l'équilibre financier et la disponibilité des ressources ou des techniques auraient imposé. La France, qui entend utiliser et promouvoir ces mécanismes de flexibilité, a créé un fonds carbone doté de 50 M€ et destiné à l'achat de « crédits Kyoto » générés par des projets « Kyoto ». Toutefois, la directive 2003/87 « quotas » n'autorisait pas la conversion des crédits issus de ces projets en quotas échangeables sur le marché communautaire. C'est la directive 2004/101 « crédits », dont la transposition aurait du intervenir avant le 13 novembre dernier, qui l'autorise, afin de permettre à des opérateurs européens de satisfaire à leurs obligations issues des plans d'affectation des quotas. La France s'est cependant opposée à l'adoption de cette directive , qui limite l'accès au marché communautaire des crédits issus des projets hydrauliques et exclut ceux des projets nucléaires et de projets de boisement ou reboisement , enjeu pourtant majeur de nombreux petits pays en développement. La stigmatisation d'énergies non émettrices de gaz à effet de serre comme le nucléaire nuit, selon la France, à l'efficacité du dispositif mis en place au niveau européen ainsi qu'à sa compréhension, tant par les entreprises que par les pays en développement. Reste que la stabilisation au niveau mondial des émissions de gaz à effet de serre suppose que les pays développés comme la France divisent leurs propres émissions par quatre d'ici 2050. Un groupe de travail pluridisciplinaire va donc être institué en France pour dessiner la trajectoire permettant cette réduction, ce qui suppose une analyse approfondie, au plan national, des modes de production, de consommation et d'organisation, ainsi qu'une orientation de la politique de recherche. Par ailleurs, des discussions devraient s'engager au niveau international sur les mesures à prendre pour poursuivre et compléter l'impulsion donnée par le Protocole de Kyoto. |