B. UNE INADAPTATION DE L'OFFRE À LA DEMANDE
Les principales causes de cette crise du logement tiennent à la forte augmentation des besoins de la population, à un retard de la construction, à une insuffisante mobilisation du foncier, qui ont provoqué une flambée des prix et une hausse du taux d'effort des ménages.
1. Une forte augmentation des besoins de la population
Les besoins des Français en matière de logement sont devenus plus importants en raison d'évolutions sociologiques et démographiques. Selon une étude de l'INSEE, le niveau de la demande de logements croît avec l'évolution du nombre des ménages : quand la taille des ménages diminue , leur nombre augmente plus vite que la population. Or le nombre moyen de personnes par ménage est passé de 3,05 en 1954 à 2,40 en 2002.
Cette évolution est liée à plusieurs facteurs sociologiques : d'une part, l'accroissement de l'espérance de vie en bonne santé permet aux personnes âgées de rester plus longtemps dans leur logement, d'autre part, la moindre durabilité des couples mariés et le plus faible attrait pour la vie en couple conduisent à une hausse de la demande de logements.
En prolongeant ces tendances, les niveaux annuels de construction neuve permettant d'équilibrer les besoins nouveaux étaient estimés par l'INSEE à 320.000 logements neufs entre 2000 et 2004 (soit 16.000 logements de plus par an par rapport à la moyenne 1990-1999) à 290.000 entre 2005 et 2009 .
Demande potentielle de logements jusqu'en 2010
(en
milliers de logements annuels)
1990-1999 |
2000-2004 |
2005-2009 |
Moyenne
|
||
Demande de : |
|||||
Résidences principales |
Accroissement annuel du nombre de ménages, issu de la projection tendancielle du nombre de ménages réalisée par l'INSEE après chaque recensement |
252 |
240 |
216 |
228 |
Logements vacants |
Hypothèse d'un taux de vacance stable à 7 % |
11 |
20 |
18 |
19 |
Résidences secondaires et logements occasionnels |
Hypothèses sur l'évolution du taux apparent de ces catégories par rapport au nombre de résidences principales |
10 |
29 |
26 |
28 |
Variations du parc |
273 |
290 |
260 |
275 |
|
Renouvellement du parc (destructions, solde des pertes/gains de l'usage d'habitation, fusions/éclatements) |
Hypothèses de niveau |
32 |
30 |
30 |
30 |
Demande potentielle de logements neufs |
304 |
320 |
290 |
305 |
Source : INSEE Première - n°875 - décembre 2002 - La demande potentielle de logements - A.Jacquot.
2. Un retard de la construction
Le parc de logements actuel peut être évalué à 31 millions d'unités, dont 84,1 % de résidences principales, 9,7 % de résidences occasionnelles et secondaires et 6,1 % de logements vacants. L'accroissement annuel du stock étant compris depuis 1980 entre 250.000 et 400.000 logements, le taux brut d'accroissement est de l'ordre de 1 %.
Pour satisfaire la demande, il faudrait accroître d'un quart le parc de logements à l'horizon 2030 (environ 7,5 millions de logements en 25 ans). Il est donc nécessaire de conforter sur le long terme le niveau de l'offre : le chiffre de 320.000 nouveaux logements par an en moyenne pour la période 2000-2005 représente un minimum, qui pourrait être révisé à la hausse à la lumière de l'enquête Logement de l'INSEE prévue pour 2006.
S'il n'est pas possible de parler de pénurie sur l'ensemble du territoire, la croissance de l'offre ne correspond pas toujours à celle des besoins .
Cette inadéquation est tout d'abord spatiale : la dynamique de la construction bénéficie surtout à la façade ouest et reste insuffisante dans certaines régions démographiquement dynamiques, notamment le littoral méditerranéen, ainsi que dans la plupart des centres-villes universitaires.
Elle concerne également les catégories de logements : l'offre locative sociale neuve a constamment diminué jusqu'à une période récente (80.000 nouveaux logements sociaux en 1994 contre 45.000 en 2002) alors que les demandes de logements sociaux augmentaient fortement, vraisemblablement sous la double pression de l'envolée des loyers et de la flambée des prix de l'immobilier (leur nombre était estimé à un million en 2002, dont 40 % sur la seule agglomération parisienne). En 2002, un tiers des demandes avait plus d'un an, cette proportion étant de 40 % dans l'agglomération parisienne et de 30 % en province ; le nombre des demandes anciennes était plus important dans la seule agglomération parisienne que dans le reste du pays. Un ménage demandeur sur six (soit 170.000 ménages) avait déjà refusé un logement qu'on lui proposait, dans la moitié des cas à cause du quartier où il se trouvait.