8. Les restrictions apportées à la circulation des tabacs
L'article 14 bis du présent projet de loi de financement, issu de l'adoption par l'Assemblée nationale, contre l'avis du gouvernement, d'un amendement de notre collègue député Yves Bur, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, propose de restreindre la liberté de circulation des tabacs , en modifiant les dispositions des articles 575 G et 575 H du code général des impôts.
Ces articles disposent respectivement que :
- les tabacs manufacturés ne peuvent circuler après leur vente au détail, par quantité supérieure à 2 kilogrammes , sans document d'accompagnement ;
- à l'exception des fournisseurs dans les entrepôts, des débitants dans les points de vente, des personnes physiques ou morales qui approvisionnent les titulaires du statut d'acheteur-revendeur, des acheteurs-revendeurs ou, dans des quantités fixées par arrêté du ministre chargé du budget, des revendeurs, nul ne peut détenir dans des entrepôts, des locaux commerciaux ou à bord des moyens de transports plus de 10 kilogrammes de tabacs manufacturés.
L'article 14 bis du présent projet de loi de financement propose de ramener ces limites respectivement à 200 grammes (au lieu de 2 kilogrammes) et 2 kilogrammes (au lieu de 10 kilogrammes).
Cette mesure paraît contraire au droit communautaire. Il convient en effet de rappeler que l'article 30 du traité instituant la Communauté européenne pose le principe de la libre circulation des marchandises.
S'agissant plus spécifiquement des tabacs, le régime est précisé par la directive 92/12/CEE du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accises.
L'article 8 de la directive précitée dispose que, « pour les produits acquis par les particuliers, pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes, le principe régissant le marché intérieur dispose que les droits d'accise sont perçus dans l'Etat membre où les produits sont acquis ».
L'article 9 de la directive précitée renverse ce principe lorsque les produits mis à la consommation dans un Etat membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre Etat membre. Dans ce cas, l'accise est due sur le territoire duquel les produits se trouvent et devient exigible auprès du détenteur du produit. Cet article précise les données que l'Etat membre doit prendre en compte pour apprécier la finalité commerciale de la détention des produits.
Comment apprécier la finalité commerciale
de la détention des produits de tabac :
« Pour établir que les produits visés à l'article 8 sont destinés à des fins commerciales, les États membres doivent, entre autres, tenir compte des points suivants: « - le statut commercial et les motifs du détenteur des produits, « - le lieu où ces produits se trouvent ou, le cas échéant, le mode de transport utilisé, « - tout document relatif à ces produits, « - la nature de ces produits, « - la quantité de ces produits. « Pour l'application du cinquième tiret, les États membres peuvent, seulement comme élément de preuve, établir des niveaux indicatifs. Ces niveaux indicatifs ne peuvent pas être inférieurs à : « a) Produits de tabac « - cigarettes : 800 pièces ; « - cigarillos (cigares d'un poids maximal de 3 grammes par pièce) : 400 pièces ; « - cigares : 200 pièces ; « - tabac à fumer : 1,0 kilogramme ». |
Si l'augmentation des droits sur le tabac a conduit un certain nombre de consommateurs à s'approvisionner dans des Etats limitrophes de la France, dans lesquels les accises sur les produits du tabac sont inférieures, il ressort des dispositions de l'article 30 du traité instituant la Communauté européenne et de la directive 92/12/CEE précitée que les mesures proposées par l'article 14 bis du présent projet de loi de financement constituent une violation du droit communautaire. Cet article, s'il était adopté, ne pourrait pas être appliqué ou, si tel était le cas, la France s'exposerait à un recours en manquement de la part de la Commission européenne.
Aussi votre rapporteur pour avis vous propose-t-il la suppression de cet article. Il relève, au demeurant, qu'un doute sérieux existe quant à la conformité au droit communautaire des dispositions actuelles des articles 575 G et 575 H du code général des impôts.