2. Vers une nouvelle stratégie communautaire en faveur des régions ultrapériphériques

En vertu du second paragraphe de l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam, les régions ultrapériphériques de l'Union européenne, notamment constituées des départements français d'outre-mer, bénéficient d'un traitement particulier destiné à tenir compte de leur « situation économique et sociale structurelle », « aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement ».

Le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé par les chefs d'Etat et de Gouvernements réunis à Rome le 29 octobre 2004, maintient ce régime spécifique. En effet, aux termes des articles III-424 et IV-440, les régions ultra-périphériques continueront à bénéficier d'aménagements spécifiques destinés à tenir compte de leurs particularités, le seul apport provenant de la substitution de la référence expresse à « la Guadeloupe, la Guyane française, la Martinique et la Réunion » aux « départements d'outre-mer » précédemment visés.

En outre, une disposition nouvelle, inscrite au paragraphe 7 de l'article IV-440 du traité prévoit que les territoires français, danois ou néerlandais constituant des pays et territoires d'outre-mer ou des régions ultrapériphériques de l'Union européenne peuvent changer vers l'un ou l'autre de ces deux statuts à la suite d'une décision du Conseil, prise à l'unanimité à la demande de l'Etat membre concerné et après avis de la Commission européenne.

Paragraphes 2 et 7 de l'article IV-440
du traité établissant une Constitution pour l'Europe

2. Le présent traité s'applique à la Guadeloupe, à la Guyane française, à la Martinique, à la Réunion, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries conformément à l'article III-424.

7. Le Conseil européen, sur initiative de l'État membre concerné, peut adopter une décision européenne modifiant le statut à l'égard de l'Union d'un pays ou territoire danois, français ou néerlandais visé aux paragraphes 2 et 3. Le Conseil européen statue à l'unanimité, après consultation de la Commission.

Article III-424 du traité établissant une Constitution pour l'Europe

Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de la Réunion, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte des lois, lois-cadres, règlements et décisions européens visant, en particulier, à fixer les conditions d'application de la Constitution à ces régions, y compris les politiques communes. Il statue après consultation du Parlement européen.

Les actes visés au premier alinéa portent notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds à finalité structurelle et aux programmes horizontaux de l'Union.

Le Conseil adopte les actes visés au premier alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques, sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique de l'Union, y compris le marché intérieur et les politiques communes.

Par ailleurs, par une déclaration relative au paragraphe 7 de l'article IV-440 du nouveau traité, les parties contractantes conviennent qu'une décision sera prise, conformément aux dispositions de cet article, afin que Mayotte devienne une région ultrapériphérique de l'Union , dès que le Gouvernement français aura signifié au Conseil européen et à la Commission européenne que l'évolution du statut interne de cette collectivité le permet.

Ces dispositions n'entreront en vigueur qu'à compter de la ratification de ce traité par l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne . Ces ratifications devraient s'étaler au cours des deux prochaines années. Rappelons que le Président de la République s'est prononcé pour l'approbation par référendum du traité, qui devrait intervenir au cours de l'année 2005.

Dans cette attente, la réflexion des institutions communautaires au sujet des régions ultrapériphériques se poursuit. Elle a conduit la Commission européenne à proposer des mesures spécifiques dans le cadre de la politique de cohésion ainsi que dans le cadre d'un véritable partenariat au profit des régions et départements français d'outre-mer.

a) La réforme des politiques structurelles communautaires et son impact sur les départements français d'outre-mer

Les fonds structurels européens font actuellement l'objet d'une stratégie de réforme inaugurée par la Commission européenne dans le cadre d'un ensemble de documents présentés au printemps 2004, afin de développer la politique d'aide structurelle aux Etats membres pour la période 2007-2013. Le projet de perspectives financières 2007-2013, présenté par la Commission européenne en février 2004, prévoit un cadrage financier pour la politique de cohésion économique et sociale de l'ordre de 336 milliards d'euros. 12 ( * )

Le troisième rapport de la Commission européenne sur la cohésion économique et sociale, présenté en février 2004, préconise la mise en oeuvre de trois nouveaux objectifs, qui remplaceraient les objectifs 1, 2 et 3, actuellement définis pour la période 1999-2006. Cette réforme devrait permettre d'assurer une meilleure lisibilité des objectifs et des actions structurelles menées par l'Union européenne. Elle aura un impact sur les départements et régions d'outre-mer qui sont, à l'heure actuelle, éligibles aux fonds européens.

- L' objectif « Convergence » serait créé, regroupant 78,54 % de l'enveloppe des crédits structurels pour les régions et pays en retard de développement, et intégrerait les crédits réservés au fonds de cohésion. Il se substituerait ainsi à l'actuel « Objectif 1 ».

Ne devraient être éligibles à cet objectif que les régions dont le produit intérieur brut par habitant reste en deçà de la moyenne de 75 % du produit national brut par habitant de la moyenne de l'Union européenne élargie aux nouveaux Etats membres. Toutefois, à titre transitoire, un soutien dégressif serait institué jusqu'en 2013 au profit des régions dont le PIB par habitant se situerait au dessus du seuil de 75 % par le simple effet de l'adhésion d'Etats membres dont la plupart se situent au dessous de ce pourcentage.

Période 2000-2006

Période 2007-2013

Objectifs

Instruments financiers

Objectifs

Instruments financiers

Fonds de cohésion

Fonds de cohésion

« Convergence »

FEDER

FSE

Fonds de cohésion

Objectif n° 1

FEDER
FSE
FEOGA-G
FEOGA-O
IFOP

Objectif n° 2

FEDER
FSE

« Compétitivité régionale et emploi »

- niveau régional:

- niveau national:

FEDER

FSE

Objectif n° 3

FSE

Interreg

FEDER

« Coopération territoriale européenne »

FEDER

URBAN

FEDER

EQUAL

FSE

Leader +

FEOGA-O

Développement rural et restructuration du secteur de la pêche (hors objectif n° 1)

FEOGA-G

IFOP

 
 

Source : Commission européenne - Direction générale de la politique régionale.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le produit intérieur brut par habitant dans les départements et régions d'outre-mer français devrait permettre à la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion de bénéficier d'une partie de l'enveloppe de l'objectif « Convergence », qui représente 264 milliards d'euros. En conséquence, les départements et régions d'outre-mer pourraient continuer à bénéficier d'un volume financier sensiblement égal à celui de la période actuelle qui s'établit à 3,52 milliards d'euros.

En outre, sous l'impulsion de la France, du Portugal et de l'Espagne, le projet présenté par la Commission européenne prévoit que les régions ultrapériphériques bénéficieront, en tout état de cause d'un financement spécifique pour leur intégration dans le marché intérieur et la prise en compte de leurs contraintes spécifiques et ce, qu'elles continuent ou non de relever de l'objectif « Convergence ». Cette dotation particulière devrait représenter 0,42 % des 264 milliards d'euros consacrés à cet objectif, soit environ 1,11 milliard d'euros.

- L'objectif « Compétitivité nationale et emploi », représentant 17,22 % des crédits, remplacerait l'« objectif 2 ». Il se concentrerait sur l'allocation de crédits destinés à favoriser l'innovation, l'accessibilité et la compétitivité des régions européennes visées.

- L'objectif « Coopération territoriale européenne », regroupant 3,94 % de l'enveloppe , tendrait au renforcement des instruments de coopération territoriale transfrontalière, transnationale et interrégionale. Il intéresserait tout particulièrement les départements et régions d'outre-mer français, soucieux de faciliter leur insertion dans leur environnement géographique. En effet, une « action de grand voisinage », destinée à faciliter la coopération des régions ultrapériphériques avec les pays voisins, au titre du nouvel objectif « Coopération territoriale européenne », figure dans le rapport précité de la Commission européenne sur la politique de cohésion.

Votre commission souligne que l'importance des fonds dont pourront bénéficier les départements et régions d'outre-mer dépendra de l'issue des négociations des Etats membres sur le budget de l'Union européenne ainsi que les perspectives financières pour 2007-2013.

b) L'idée d'un « partenariat renforcé » pour les régions ultrapériphériques

Le 26 mai 2004, la Commission européenne a présenté une communication intitulée « Un partenariat renforcé pour les régions ultrapériphériques » qui fait état des priorités d'action qui devront guider la future stratégie de développement de ces régions. 13 ( * ) Ce document tend à apporter un début de réponse aux observations formulées par les gouvernements français, espagnol et portugais dans leur mémorandum commun , remis le 2 juin 2003 à la Commission européenne, visant à donner leur plein effet aux dispositions de l'article 229 du traité CE.

Ce mémorandum avait pour objet de renforcer la prise en compte du caractère ultrapériphérique des départements et régions d'outre-mer français, des Canaries, des Açores et de Madère, à l'heure de l'élargissement de l'Union européenne en instituant une action communautaire « cohérente et efficace » en faveur des régions ultrapériphériques et insistant sur la nécessité, pour la Commission européenne, de prendre « systématiquement en compte les particularités et spécificités des régions ultrapériphériques quand elle présente une nouvelle proposition ou elle aborde une position de négociation pour la conclusion d'accords commerciaux internationaux ».

La communication de la Commission européenne préconise, à titre liminaire, une association systématique des représentants des autorités nationales directement concernées par les actions en faveur des régions ultrapériphériques, dans le cadre de rencontres entre la Commission et le comité de suivi des régions ultrapériphériques, ainsi que le renforcement des « forums thématiques et ciblés associant les socioprofessionnels et les organisations non gouvernementales ». Elle annonce également la mise en place d'un « système global et horizontal d'évaluation plurisectorielle » des handicaps des régions ultrapériphériques ainsi que des mesures communautaires.

Cette communication précise les actions spécifiques en faveur des régions ultrapériphériques déjà envisagées dans le troisième rapport sur la politique de cohésion économique et sociale , à savoir :

- le maintien , dans le cadre de la future réglementation relative à la politique de cohésion, d'une majoration des taux d'intervention en faveur des régions ultrapériphériques , ce qui permettra de porter le plafond des interventions effectuées au titre des objectifs « Convergence » et « Compétitivité régionale et emploi » à 85 % ;

- la création d'un programme spécifique de compensation des contraintes des régions ultrapériphériques, adapté aux particularités des régions ultrapériphériques. Ce programme serait destiné à réduire le « déficit d'accessibilité dû au grand éloignement, à la fragmentation et au relief » de ces territoires, à pallier l'étroitesse du marché régional, les ruptures de charge et l'insuffisance de diversification économique des régions ultrapériphériques, et à atténuer les difficultés environnementales et climatiques en préservant la biodiversité de ces territoires ;

- la réalisation d'un plan d'action pour le grand voisinage, afin de réaliser une meilleure « intégration des régions ultrapériphériques dans leur espace socio-économique et culturel en réduisant les barrières qui limitent les possibilités d'échanges avec le milieu géographique de ces régions ». Ce plan comporterait deux axes.

D'une part, il mettrait en oeuvre des actions de coopération transnationale et transfrontalière au bénéfice des régions ultrapériphériques qui, permettrait, le cas échéant, de faire bénéficier des crédits communautaires certains projets mis en oeuvre dans des pays voisins et de développer des programmes de coopération spécifiques. D'autre part, des actions de politique commerciale et douanière particulières seraient instituées. Ainsi, la Commission s'annonce prête à « examiner la réduction, voire l'élimination, des droits du tarif douanier commun pour permettre l'approvisionnement des matières premières non agricoles, afin de faciliter la production des régions ultrapériphériques », ainsi que des demandes de suspensions temporaires de droits dans des circonstances particulières et justifiées.

La communication de la Commission préconise également des actions spécifiques dans d'autres domaines des politiques communautaires. Ainsi, dans le domaine de la compétitivité et de la croissance , le document suggère des actions spécifiques afin de développer les actions innovatrices financées par le fonds social européen, une réflexion plus poussée sur le fonctionnement des services d'intérêt général dans le cadre des particularités des régions ultrapériphériques ainsi que les programmes liés à l'innovation, la société de l'information et la recherche technologique.

La Commission envisage également des mesures spécifiques destinées à faciliter l'accessibilité des régions ultrapériphériques au territoire communautaire. De même, elle prévoit le maintien, le cas échéant à titre transitoire, du bénéfice des dispositions de l'article 87 du traité CE reconnaissant la compatibilité avec le marché commun des aides destinées à favoriser le développement économique et social de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas . Elle pourrait en outre reconnaître aux régions ultrapériphériques une majoration de dix points de pourcentage par rapport à l'intensité de l'aide régionale à l'investissement initial qu'elle devrait fixer à l'égard d'autres régions à situation socio-économique comparable.

Enfin, le document de la Commission prévoit de prendre encore davantage en compte les contraintes des régions ultrapériphériques lors de l'adoption de mesures de soutien et de développement des productions traditionnelles de l'agriculture et de la pêche.

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements et régions d'outre-mer dans le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2005.

* 12 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 10 février 2004, « Construire notre avenir commun - Défis politiques et moyens budgétaires de l'Union élargie 2007-2013 », COM (2004) 101 final.

* 13 COM (2004) 343 final du 26 mai 2004.

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