3. Des aménagements nécessaires
a) L'abandon du Rafale marine biplace
L'abandon de la version biplace du Rafale marine a été décidé cette année. Sur un programme de 60 avions, la marine avait décidé de se doter de 35 exemplaires de la version biplace, dont l'armée de l'air avait initialement exprimé le besoin, afin de renforcer son interopérabilité avec cette armée et bénéficier de l'ensemble des avancées technologiques prévues pour cette version de l'avion.
Comme l'a indiqué devant la Commission le chef d'état-major de l'armée de l'air ce besoin correspond aux missions de longue distance, éprouvantes pour le pilote, notamment lorsqu'il est plus exposé au danger en basse altitude. La commande des premiers biplaces pour la marine était initialement prévue dans la commande globale de 59 avions qui devrait être notifiée en fin d'année.
b) Des décalages de calendrier
La commande du premier SNA Barracuda a été reportée en 2006. La phase de définition de ce programme a été lancée en 1998 pour le remplacement des six SNA de la classe Rubis, modernisés au standard Améthyste admis au service actif entre 1983 et 1993 et dont le remplacement doit intervenir à partir de 2013. A compter de cette date, l'admission au service actif d'un bâtiment tous les 20 mois est prévue afin de rejoindre le calendrier initial en 2018, lors de la livraison du 4eme SNA. Le coût prévisionnel du programme est de 6,5 milliards d'euros. La dotation 2005 s'élève à 903,5 M€ en AP et 139,5 M€ en CP.
Ainsi que précédemment évoqué, la commande du second porte-avions a également fait l'objet d'un décalage.
La commande de 750 missiles AASM 3 ( * ) , (Armement Air Sol Modulaire), initialement prévue en 2005, a été reportée à 2007 et les travaux de développement du missile se poursuivent.
c) Le paiement différé du programme FREMM
Le projet de loi de programmation militaire consacrait 1,24 Mds d'euros 2002 au programme des frégates multimissions, dont 178 millions d'euros en 2005.
Le budget comprend un volume d'autorisations de programme très important, 1,7 milliards d'euros, ce qui porte le cumul des autorisations de programme disponibles à 4,4 Mds€ et autorise la commande des 8 premières frégates.
En dépit d'une annuité globalement conforme à la loi de programmation militaire, aucun crédit de paiement n'est inscrit pour ce programme au budget 2005.
Les origines de cette situation sont connues. Le budget de la marine supporte les conséquences d'insuffisances de crédits antérieures qui ont conduit à différer le renouvellement de la flotte de surface, le décalage de programmes comme celui du SNLE-NG (4 ans pour le n°3 et 8 ans et demi pour le n°4), le dérapage des coûts consécutifs à ces étalements (Rafale, Porte-avions...) ainsi que le financement de la restructuration de DCN. Elle se trouve en situation de devoir mener de front le renouvellement d'équipements coûteux et essentiels.
C'est donc bien la contrainte budgétaire qui préside au choix d'un financement « innovant ». Le mode de financement retenu consiste en un paiement différé des bâtiments, porté dans l'intervalle par un consortium bancaire et industriel, afin de lisser les charges pesant sur le budget de la marine.
En raison de la nature de l'investissement, la marine ne peut jouer sur aucune des variables qui caractérisent les financements innovants.
Les frégates sont des bâtiments de combat de première ligne, par hypothèse exposés à la destruction. Il n'est par conséquent pas possible d'envisager une alternative à l'acquisition patrimoniale, telle que le crédit bail ou la Private Finance Initiative (PFI) britannique, qui consiste à acheter des capacités sans assurer la pleine propriété d'un équipement.
Le partage des capacités avec un utilisateur tiers n'est, à l'évidence, pas envisageable non plus. Ce partage est au coeur du montage du FSTA ( Future strategic Tanker Aircraft ) britannique qui prévoit l'utilisation par des tiers des avions ravitailleurs multiroles durant les périodes où l'armée britannique n'en fera pas usage.
Il convient d'ajouter que la valeur résiduelle des frégates au retrait du service actif, difficile à apprécier mais certainement très faible, ne permet pas de jouer sur ce paramètre non plus.
En d'autres termes, il n'existe pas d' « usage innovant » pour les frégates multimissions qui puisse inciter à privilégier le financement innovant plutôt que l'endettement public.
Votre rapporteur regrette que le budget de la Défense ne puisse supporter un investissement de ce type, par nature régalien, tout en reconnaissant qu'il n'est pas envisageable de solliciter davantage le budget de l'Etat qui consent, dans une période difficile, un effort substantiel pour les Armées. Une réflexion menée à l'échelle du ministère de la Défense aurait peut être permis d'identifier des équipements plus adaptés à un financement très largement inédit. Le paiement différé n'est autorisé en matière d'équipements publics que depuis juin 2004.
Il est à craindre que ce choix contraint ne pèse lourdement sur la loi de programmation à venir et en restreigne les possibilités d'arbitrage alors que d'autres équipements lourds devront être financés. Les modalités précises du montage financier, notamment le taux de l'intérêt et les charges annuelles de remboursement ne sont pas encore connues. Une durée de remboursement de 15 ans a été envisagée par le chef d'état major de la marine.
Il convient cependant de souligner que la cible de coût unitaire avancée pour ce programme est particulièrement peu élevée, 280 millions d'euros. La cadence de fabrication (1,5 bâtiment par an) et l'effet de série attendu d'une commande groupée devraient permettre de réduire les coûts. La marine envisage également d'inclure une clause de disponibilité dans le contrat, qui permettrait de contenir les coûts d'entretien. Le maintien en condition opérationnelle de bâtiments identiques devrait se révéler moins onéreux.
Outre la possibilité de disposer rapidement des bâtiments nécessaires, le recours à un mode de financement alternatif pourrait donc être une garantie en termes de délais, et par conséquent de coûts, en ce qu'il oblige au respect de l'échéancier prévu. Une rigueur que le recours aux crédits budgétaires n'a permis que rarement.
A ce stade, votre rapporteur manque cependant des données nécessaires pour dresser le bilan coûts/avantages d'une telle opération.
Si l'annuité 2005 est bien conforme au référentiel défini par la loi de programmation militaire, elle ne permet pas de remplir les objectifs définis en matière de contenu physique.
Sous l'effet de la réforme de DCN, c'est plus d'un milliard d'euros qui fera défaut au budget de la marine, sur la durée de la programmation en cours.
* 3 1000 sont destinés à la marine sur le total de 3000 prévus par la LPM.