N°76
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME V
INDUSTRIE
Par M. Christian GAUDIN,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Émorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Hérisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean Besson, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, François Gerbaud, Alain Gérard, Charles Ginésy, Georges Ginoux, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Paul Natali, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345
Sénat : 73 et 74 (annexe n° 11 ) (2004-2005)
Lois de finances. |
SOMMAIRE
Pages
INTRODUCTION 4
CHAPITRE I ER - RAPPEL : LE PRÉSENT AVIS NE RECOUVRE PAS LA TOTALITÉ DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DÉLÉGUÉ A L'INDUSTRIE 8
I. LE MINISTÈRE DÉLÉGUÉ À L'INDUSTRIE AU SEIN DU BUDGET DE L'ÉTAT 8
A. LA STRUCTURE DU MINISTÈRE DÉLÉGUÉ 8
B. LES ATTRIBUTIONS DU MINISTÈRE DÉLÉGUÉ 9
II. LE MINISTÈRE DÉLÉGUÉ À L'INDUSTRIE DANS LE CADRE DE LA LOLF 10
A. UNE RESTRUCTURATION BUDGÉTAIRE 11
B. UNE RESTRUCTURATION CONCEPTUELLE 13
III. LE PÉRIMÈTRE DU PRÉSENT AVIS N'INTÈGRE PAS LE SECTEUR DE L'ÉNERGIE NI CELUI DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS 14
CHAPITRE II - LA FORTE MAÎTRISE DES CRÉDITS DE L'INDUSTRIE NE TRADUIT PAS UN REPLI DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE 16
I. LA BAISSE TRÈS SENSIBLE DES CRÉDITS DE L'INDUSTRIE HORS ÉNERGIE ET POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS 16
A. CETTE BAISSE S'EXPLIQUE ESSENTIELLEMENT PAR DES FACTEURS TECHNIQUES OU DES ÉVOLUTIONS PRÉVISIBLES 17
1. Les deux baisses apparemment les plus inquiétantes sont en fait des diminutions « techniques » 17
a) La diminution des crédits de soutien à la compétitivité des entreprises 18
b) La diminution des crédits de développement industriel régional 19
2. La fin des aides à la construction navale répond à des engagements européens et internationaux 20
B. LES DÉPENSES EN AUGMENTATION TRADUISENT LA PRIORITÉ DONNÉE À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE INDUSTRIELLE 21
1. Le financement des écoles d'ingénieurs 21
a) Les écoles des mines 21
b) Les autres écoles d'ingénieurs 22
c) Le soutien à la création de groupements européens d'établissements d'enseignement supérieur 22
2. Le financement de l'ANVAR 22
3. Les grands programmes de recherche industrielle 23
4. La procédure ATOUT 23
5. La compensation de l'exonération de charges sociales au profit des jeunes entreprises innovantes 24
CHAPITRE III - LE PLAN ANTI-DÉLOCALISATIONS DU GOUVERNEMENT FACE AUX PROPOSITIONS DU SÉNAT 26
I. LE PLAN ANTI-DÉLOCALISATIONS DU GOUVERNEMENT VU PAR LE PRÉSIDENT DU GROUPE DE TRAVAIL SÉNATORIAL 26
A. LE PLAN ANTI-DÉLOCALISATIONS DANS LE PLF 2005 26
B. LES QUATRE MESURES DU PLAN 27
C. ANALYSE DES DISPOSITIFS ET DE LEUR MODE DE FINANCEMENT 28
1. L'incitation à la relocalisation (mesure n° 1) 29
a) Le dispositif de crédit d'impôt pour relocalisation 29
b) L'encadrement strict du dispositif 29
2. La prévention des délocalisations dans les zones les plus fragiles 30
a) Le dispositif de crédit de taxes professionnelles 30
3. La politique d'attractivité des pôles de compétitivité 31
a) Les pôles de compétitivité 32
b) Les projets de recherche au sein des pôles 33
c) Les moyens financiers consacrés à la mesure 34
D. LES REDÉPLOIEMENTS DE MOYENS EXISTANTS 35
1. La baisse générale de l'impôt sur les sociétés 38
II. OBSERVATIONS GLOBALES QUANT À LA PRISE EN COMPTE DES PROPOSITIONS SÉNATORIALES 39
1. Les actions ciblées ne doivent pas faire oublier que la problématique des délocalisations concerne toutes les régions et tous les secteurs 39
a) L'élargissement des mesures géographiques 40
b) La généralisation de l'amélioration des aides 40
2. La TVA de compétitivité est une des options que le Gouvernement aurait dû examiner avec plus d'intérêt 41
a) Rappel de la proposition de TVA de compétitivité 41
b) Les travaux du Sénat ont permis de lever plusieurs objections traditionnelles à la TVA de compétitivité 42
Le débat sur la TVA de compétitivité a connu de nouvelles avancées dans le PLF 2005 44
INTRODUCTION
Le Sénat s'apprête à examiner les crédits de l'industrie au moment où ce secteur apparaît particulièrement fragilisé, pour des raisons conjoncturelles mais aussi structurelles.
Les raisons conjoncturelles tiennent à trois années de récession , dont notre économie en général et nos industries en particulier ne sortent que depuis quelques mois.
Ainsi, malgré une indéniable reprise de l'activité en 2004, avec un taux de croissance de 2,5 %, ce n'est qu'au printemps dernier que la production industrielle retrouvait tout juste son niveau de 2000.
Dès lors, nos entreprises se présentent-elles avec des taux de marge qui commencent juste à se redresser après avoir atteint leur niveau le plus faible en 2003, suite à 5 années de baisse ininterrompue.
Si elles commencent à réduire les importants stocks constitués en 2002 et 2003, elles demeurent encore prudentes quant à la reprise attendue des investissements (+ 5 % attendus en 2004, après une baisse de 18 % depuis 2002), car leur endettement reste élevé.
Quant à l'emploi salarié dans les branches industrielles, il continue de ralentir (-2,5 % en 2003 et probablement -2,1 % en 2004, soit une perte de 70.000 emplois).
Globalement, il n'est pas irréaliste d'estimer que la poursuite du rythme de croissance actuelle de 2,5% pour 2005 permettra à l'amélioration récente de se poursuivre.
Toutefois, votre rapporteur pour avis estime qu'il serait imprudent de s'en remettre uniquement à cette confirmation de la reprise industrielle. En effet, il semble que la situation de l'industrie française ne soit pas simplement le fait de la conjoncture ou de l'appréciation de l'euro.
L'industrie française semble connaître une détérioration structurelle de sa compétitivité , qu'il convient d'analyser sans céder à un quelconque catastrophisme 1 ( * ) .
En effet, alors que la reprise du commerce mondial s'affirme en 2003 (+ 4,5 % en volume), les exportations industrielles françaises se replient (-1,6 %). Au-delà de la baisse du dollar, nos exportations pâtissent d'une spécialisation géographique structurellement faible dans les zones actuellement les plus porteuses (Asie, États-Unis et PECO) et, par le recul temporaire du secteur aéronautique, nos parts de marché en volume amplifient en 2003 un recul amorcé dès 2002. Le solde extérieur industriel s'est ainsi dégradé en 2003 sous l'influence d'une baisse des exportations supérieure à celle des importations (-0,8 %).
Sans surprise, ce recul affecte différemment les secteurs selon leur niveau de valeur ajoutée.
Ainsi à une extrémité, se trouve le secteur des biens d'équipement qui profitent de la reprise mondiale depuis 2003, tandis qu'à l'autre, le secteur des biens de consommation ne parvient pas à capter le maintien de la demande intérieure qui profite surtout aux importations (habillement, chaussure, électronique...) à l'exception des produits à très forte valeur ajoutée de l'industrie pharmaceutique. Entre les deux, les biens intermédiaires tardent à profiter du rebond de la demande mondiale sans connaître pour autant un repli sur le marché intérieur.
Ceci renforce la nécessité primordiale de soutenir l'innovation de notre industrie, d'autant que la position technologique de la France se dégrade continuellement depuis quelques années. Les entreprises françaises déposent moins de demandes de brevets que leurs principales concurrentes étrangères. Dans le domaine des hautes technologies, notre part de marché à l'exportation, encore importante, connaît un décrochage récent et notre excédent (rapporté aux importations mondiales) recule de 8 % par an depuis 1995.
C'est dans ce contexte que votre rapporteur vous présente son avis sur les crédits consacrés à l'industrie par le projet de loi de finances pour 2005.
Conformément aux règles de votre commission, le présent avis ne traite pas des crédits relatifs aux secteurs de l'énergie et aux postes et télécommunications , qui feront l'objet d'avis séparés compte tenu de leurs fortes spécificités. Votre rapporteur pour avis a toutefois jugé utile de resituer les crédits qu'il examine dans le cadre plus général du ministère délégué à l'industrie ainsi que de l'ensemble du ministère de l'économie des finances et de l'industrie (MINEFI), en particulier dans la perspective de la loi organique sur les lois de finances (chapitre 1 er du présent avis).
Il en ressort que les crédits de l'industrie (hors énergie et postes et télécommunications) passent de 772 à 688 millions d'euros, connaissant ainsi une baisse (-11 %) plus sensible que celle affectant l'ensemble des crédits du MINEFI (-1 %). L'analyse effectuée au deuxième chapitre du présent avis conclut au caractère essentiellement technique de la diminution observée. Celle-ci provient en effet largement d'un changement de périmètre et du respect d'engagements internationaux prévus depuis des années. De plus, cette baisse ne fait pas obstacle au maintien d'une vraie priorité en faveur de l'innovation industrielle.
Mais cette baisse de crédits, même technique, ne saurait rendre pleinement compte, à elle seule, de la volonté de « retour de la politique industrielle » affichée par le Gouvernement. En effet, la maîtrise des crédits ministériels doit être resituée dans le cadre d'un effort de dépense fiscale sans précédent en faveur de notre compétitivité industrielle.
En effet, il convient de rappeler l'augmentation de 300 millions d'euros du soutien à la recherche privée en 2005 2 ( * ) et surtout l'engagement, dès cette même année, d' un plan anti-délocalisations évalué à 800 millions d'euros de dépense fiscale 3 ( * ) nouvelle .
Le troisième chapitre de cet avis est consacré à l'étude du plan gouvernemental ainsi qu'à son articulation avec le rapport d'information sur le même sujet adopté par votre commission il y a quelques mois 4 ( * ) .
Si ce plan ambitieux doit être salué pour son volontarisme, il appelle toutefois plusieurs observations, notamment par rapport à la proposition d'instauration d'une TVA de compétitivité que votre commission avait adoptée en juin dernier.
* 1 Cette attitude, qui peut conduire à des tentations de repli, a d'ailleurs été très clairement écartée dans le rapport rendu en juin 2004 par le groupe de travail sur la délocalisation des industries de main d'oeuvre constitué au sein de votre commission et présidé par votre rapporteur pour avis.
* 2 Ces 300 millions d'euros en faveur des entreprises (dont un renforcement de 235 millions du crédit impôt-recherche) constituent 30 % de l'augmentation du budget de la recherche en 2005.
* 3 La consolidation de ces deux politiques dans le PLF 2005 aboutit à une évaluation totale d'environ 1050 milliards et non de 1100 milliards (800+300), compte tenu de la double comptabilisation de certaines dépenses fiscales (une part du crédit impôt-recherche affectée aux pôles de compétitivité) ou de certains crédits budgétaires (notamment l'action « jeunes entreprises innovantes).
* 4 Rapport d'information n°374 du groupe de travail sur les délocalisations des industries de main d'oeuvre, déposé le 23 juin 2004 par M. Francis Grignon, rapporteur.