2. L'exonération de TFPB pour les collectivités locales
a) Présentation des dispositions applicables
En application de l'article 1384 A du code général des impôts (CGI), les opérations de construction de logements locatifs sociaux bénéficient d'une exonération de TFPB de quinze ans à compter de l'année qui suit celle de leur achèvement , à condition notamment d'être financées, à hauteur d'au moins 50 %, au moyen de prêts locatifs aidés ou réglementés (PLA-I, PLUS, PLS), de prêts accordés par les collecteurs de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) ou de subventions de collectivités locales ou de concours de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Depuis 1998 , en application de l'article 1384 C du CGI, cette exonération s'applique également aux logements locatifs sociaux résultant d'opérations d'acquisition-amélioration . Pour ces opérations, le seuil des 50 % n'entre pas en compte dans ce cas car il suffit que le logement soit acquis « avec le concours financier de l'Etat ou avec une subvention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ».
En outre, pour les nouvelles constructions dont le chantier a été démarré après le 1 er janvier 2002, la durée d'exonération est portée à 20 ans lorsque l'immeuble répond à certains critères de qualité environnementale .
En vertu du I bis de l'article 1384 A du code général des impôts, la construction doit satisfaire quatre des cinq critères de qualité environnementale suivants :
- modalités de conception, notamment assistance technique du maître d'ouvrage par un professionnel ayant des compétences en matière d'environnement ;
- modalités de réalisation, notamment gestion des déchets du chantier ;
- performance énergétique et acoustique ;
- utilisation d'énergie et de matériaux renouvelables ;
- maîtrise des fluides.
L'article 43 du projet de loi de cohésion sociale prévoit de donner un fondement juridique à cette exonération dans les départements d'outre-mer et de porter sa durée à 25 ans , tant en métropole que dans les DOM, pour les logements locatifs sociaux construits entre le 1 er juillet 2004 et le 31 décembre 2009. La loi n° 2001-1247 du 21 décembre 2001 a, en outre, institué une déduction , au titre de la TFPB, des dépenses exposées dans les logements sociaux pour l'adaptabilité des logements aux handicapés . Enfin, en vertu de l'article 1388 bis du CGI, pour les impositions établies de 2001 à 2006, la base d'imposition à la TFPB des logements sociaux 7 ( * ) fait l'objet d'un abattement de 30 % lorsque ces immeubles sont situés en zones urbaines sensibles . Le Sénat, lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale, a, à l'initiative de votre commission, prolongé jusqu'à la fin 2009 le bénéfice de cet avantage fiscal. On peut maintenant espérer que l'Assemblée nationale adopte sur ce sujet la même position que le Sénat.
b) Les conditions de compensation des pertes de recettes aux collectivités territoriales
En premier lieu, votre rapporteur pour avis note que les pertes de recettes fiscales pour les collectivités locales (communes et EPCI à fiscalité propre) issues de l'abattement de 30 % en ZUS sont compensées dans les conditions prévues au IV de l'article 42 de la loi de finances pour 2001, modifié par l'article 56 de la loi de finances pour 2004. Cette disposition a institué un prélèvement sur les recettes de l'Etat destiné à compenser ces pertes, dans des conditions telles que les collectivités concernées ne subissent aucune diminution de leurs ressources fiscales . En effet, la compensation versée à chaque commune ou EPCI est égale, chaque année, au produit du montant de l'abattement par le taux de TFPB et se révèle donc intégrale . Votre rapporteur pour avis ne peut qu'approuver les conditions de cette compensation, la neutralité de cet abattement sur l'équilibre des finances locales étant donc garantie.
En revanche, votre rapporteur pour avis relève que la compensation de l'exonération de TFPB pendant quinze ans actuellement, vingt-cinq ans dès lors que la loi de programmation pour la cohésion sociale sera promulguée, n'est pas réalisée dans des conditions aussi respectueuses de l'équilibre des finances locales, alors que les montants en jeu dans les deux dispositifs sont sans comparaison.
L'exonération de la TFPB
En effet, selon l'article 128 de la loi de finances pour 1992, disposition désormais reprise à l'article L. 2335-3 du code général des collectivités territoriales, cette exonération de TFPB de quinze ans n'ouvre droit à une compensation de l'Etat que si les pertes de recettes pour les collectivités sont substantielles . L'article R. 2335-4 du même code, qui précise les modalités d'application de ce dispositif, indique que cette exonération doit entraîner une perte de recettes supérieure à 10 % du produit communal total de la TFPB . Si tel est le cas, les communes reçoivent une allocation de l'Etat égale à la différence entre cette perte et une somme représentant 10 % du produit communal total de la TFPB . Dans la pratique, cette réfaction de 10 % a pour conséquence de rendre dérisoire la compensation d'Etat, en réduisant considérablement l'allocation, au regard des pertes subies par les communes. A titre d'exemple, selon les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur pour avis, en 2003 , les pertes de ressources fiscales pour les communes du département de la Savoie résultant de l'exonération de TFPB se sont élevées à plus de 2,3 millions d'euros , la majorité de cette somme étant concentrée sur les plus grandes villes du département. Or, la subvention versée par l'Etat pour atténuer ce manque à gagner pour les communes n'a atteint que 5.000 euros . Au total, les collectivités locales ont supporté, sur leur propre budget, 99,7 % d'une exonération qui a pourtant été décidée par l'Etat.
S'agissant des pertes de ressources pour les collectivités locales au niveau national, votre rapporteur pour avis tient à attirer l'attention de votre commission sur les difficultés qu'il a éprouvées pour obtenir des données précises sur ce point de la part de l'administration. Il semblerait que de telles évaluations soient difficiles à réaliser. Aussi, votre rapporteur pour avis veillera-t-il, pour la préparation de son avis sur la prochaine loi de finances, à poser une question budgétaire sur ce sujet pour obtenir des estimations détaillées.
Toutefois, sur la base des comptes des organismes HLM en 2002, il est possible, avec toutes les incertitudes qui s'attachent à un tel calcul, de déduire que les pertes de ressources pour les collectivités locales se sont élevées à 327,6 millions d'euros . Or, sur cette somme, selon les chiffres qui lui ont été fournis, l'Etat n'aurait versé que 6 millions d'euros au total au titre de la compensation, soit une couverture à hauteur de 1,83 % des pertes de recettes subies .
Méthodologie de l'évaluation proposée par votre rapporteur pour avis
Le parc HLM se composait, en 2002, de 3.980.000 logements. Sur ce total, 3.200.000 s'acquittaient de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour un montant moyen par logement de 420 euros. Par déduction, on comptabilisait donc 780.000 logements locatifs sociaux exonérés de TFPB. Si l'on multiplie ce nombre par le montant moyen unitaire (calcul néanmoins incertain puisqu'il ne tient pas compte des taux réels de TFPB pratiqués par les collectivités locales), on parvient à une somme de 327,6 millions d'euros de manque à gagner pour les collectivités.
A titre personnel, votre rapporteur pour avis estime que cette situation est parfaitement injustifiée s'agissant d'un dispositif relevant de la solidarité nationale, dans lequel les communes n'ont pas leur mot à dire . Il juge tout aussi illogique de devoir leur faire subir des pertes aussi importantes au regard de leurs ressources propres, sans compter que la présence de logements locatifs sociaux dans les communes induit déjà l'exercice d'une solidarité locale qui se traduit par des dépenses supplémentaires pour les collectivités locales en termes de dispositifs locaux d'accompagnement social.
En outre, on peut relever que la situation sera différente s'agissant de la prolongation de dix ans de l'exonération de TFPB prévue par l'article 43 du projet de loi de cohésion sociale. En effet, avec le vote par le Sénat d'un amendement présenté par le Gouvernement en seconde délibération, il est prévu que les pertes de recettes pour toutes les collectivités concernées résultant de la seule prolongation de 15 à 25 de cette exonération seront intégralement compensées . Votre rapporteur pour avis considère que cette disposition est toute à fait justifiée car, selon les données communiquées par le Gouvernement et reprises dans le rapport pour avis sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, réalisé par notre collègue Dominique Braye au nom de votre commission, les pertes de recettes fiscales liées à ce prolongement devraient atteindre 60 millions d'euros en 2021 et 300 millions d'euros en régime de croisière entre 2026 et 2031 , soit des sommes tout à fait considérables.
Votre rapporteur pour avis ne peut que s'interroger sur la différence de traitement qui va résulter de ces dispositions, compensation très partielle pour les quinze premières années de l'exonération, compensation intégrale pour les dix années suivantes, qui n'est justifiée par aucun élément objectif. Or, cette mauvaise compensation au cours des premières années de l'exonération et les conséquences financières qui en résultent ne peuvent que décourager les élus locaux de se mobiliser en faveur du logement social et ainsi contrecarrer les objectifs du Gouvernement.
Pour ces raisons, votre commission des Affaires économiques vous propose, par un amendement dont le texte est reproduit dans l'annexe I du présent rapport, de mettre fin à cette disparité entre les deux régimes de compensation décrits ci-dessus. En complément du dispositif de compensation intégrale retenu dans le projet de loi de cohésion sociale pour les pertes de recettes résultant de l'allongement de quinze à vingt-cinq ans de l'exonération, cet amendement prévoit que pour tous les logements locatifs sociaux construits à compter du 1 er janvier 2005, l'Etat compense également intégralement les pertes de recettes pendant les vingt-cinq années d'exonération de TFPB. De ce fait, les pertes de recettes liées au « stock » de logements locatifs sociaux exonérés depuis 1989 continueraient à être compensées de manière partielle mais, à l'avenir, il serait remédié à ce que votre rapporteur pour avis considère, à titre personnel, comme une injustice pour les finances locales.
* 7 Cette disposition fiscale est réservée aux logements sociaux faisant l'objet d'une convention passée entre le propriétaire et le représentant de l'Etat dans le département, relative à l'entretien et à la gestion du parc, ayant pour but d'améliorer la qualité du service rendu aux locataires.