EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une séance tenue le mercredi 10 novembre 2004 , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Léonce Dupont sur les crédits pour 2005 de l'enseignement supérieur.
Après l'exposé du rapporteur pour avis, un large débat s'est instauré.
M. Jacques Legendre a tout d'abord félicité le rapporteur pour avis pour son rapport très dense et intéressant, qui a, en particulier, pointé les ambiguïtés liées à la démocratisation du système d'enseignement supérieur, certes souhaitable, mais dont les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur des espérances. Il a, par ailleurs, insisté sur un phénomène inquiétant lié à la tentation actuelle des universités de reconcentrer leurs établissements, dont elles avaient dans le passé multiplié les implantations dans des villes de taille moyenne. Il a mis en garde contre cette tentation, qui pourrait aggraver l'inégalité d'accès des jeunes au système d'enseignement supérieur.
Evoquant la mobilité internationale, il a estimé que les perspectives de diminution des effectifs d'étudiants rendaient d'autant plus souhaitable et nécessaire l'accueil d'étudiants étrangers et il a demandé au rapporteur pour avis s'il avait approfondi ce point, s'agissant en particulier de l'accueil d'étudiants d'origine asiatique.
Il a, par ailleurs, insisté sur la nécessité impérative de lutter contre le taux d'échec au diplôme d'études universitaires générales (DEUG) et il a souhaité que le projet de loi sur l'école propose des mesures en matière d'organisation du second cycle de l'enseignement secondaire afin de résoudre les problèmes d'orientation.
M. David Assouline a exposé les difficultés rencontrées lors de la récente rentrée universitaire, en raison du phénomène d'appauvrissement de la population étudiante lié à la démocratisation du système. Il a relevé que 50 % des étudiants étaient désormais salariés et déploré que, compte tenu du manque cruel de logements étudiants, un certain nombre d'entre eux doivent être hébergés dans des foyers pour personnes sans domicile fixe ou dans des gares parisiennes. S'il s'est réjoui des décisions annoncées par le Gouvernement dans ce domaine, il a toutefois estimé qu'elles ne connaissaient pas une traduction concrète suffisante dans le projet de budget pour 2005.
Il a ensuite précisé que le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, dont il est membre, avait beaucoup insisté sur les problèmes liés à l'insuffisante qualité de l'accueil des étudiants étrangers, problème particulièrement aigu pour les étudiants d'origine asiatique, qui ne bénéficient pas des repères culturels, linguistiques ou familiaux des étudiants originaires d'Afrique ou des pays du Maghreb. Il a donc jugé indispensable d'améliorer cet accueil, qu'il a qualifié de déplorable par comparaison avec nos partenaires européens, si l'on veut attirer davantage d'étudiants étrangers, d'origine asiatique en particulier.
Il a évoqué, plus précisément, la difficulté pour ceux-ci de participer, par exemple, à un cycle de conférences de six mois ou à un stage, compte tenu de la durée des baux et de l'absence de résidences hôtelières pour étudiants dans notre pays. Il a estimé que le budget pour 2005 n'était pas à la hauteur des besoins en la matière.
M. Yannick Bodin a observé que les difficultés étaient particulièrement aiguës en région Ile-de-France, où le déficit en logements étudiants est tel que le nombre de ceux-ci est sept fois inférieur aux besoins, la situation étant moins dramatique dans les autres régions françaises, compte tenu d'un effort plus ancien des collectivités territoriales.
Il a, par ailleurs, relevé la différence de statut entre les étudiants poursuivant des études dans les lycées (classes préparatoires aux grandes écoles, brevet de technicien supérieur...) et les autres étudiants qui bénéficient d'un statut plus avantageux. Il a ajouté que les premiers, qui représentent 20 % des lycéens, étaient, en outre, à la charge des collectivités territoriales. Il a considéré que ce dossier mériterait d'être un jour approfondi.
Après avoir, lui aussi, souligné la gravité du problème du logement étudiant, M. Pierre Laffitte a évoqué le projet de Sophia-Antipolis de lancer une opération pilote avec l'université de Nice. Il a souhaité que les crédits dont disposera la nouvelle Agence nationale pour la recherche puissent être mobilisés dans le cadre de cette expérimentation. Il a suggéré que la France tire profit de l'opportunité liée à la diminution récente du nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les universités américaines, pour en accueillir davantage sur son territoire.
Après avoir estimé que la situation sociale des étudiants empirait, en dépit du plan annoncé par le Gouvernement, M. Ivan Renar a exprimé trois préoccupations :
- le problème du logement étudiant dont il a proposé que la gestion soit confiée au ministère de l'éducation nationale et que les crédits gérés par les caisses d'allocations familiales soient transférés aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires ;
- le suivi de la santé des étudiants dont la situation est inquiétante ;
- enfin, la faible place des femmes au sein du système d'enseignement supérieur et de recherche, en particulier aux postes de responsabilité, qui devrait faire l'objet d'un débat avec les établissements.
Mme Muguette Dini a proposé que le projet consistant à décerner un diplôme aux entreprises soucieuses d'instaurer l'égalité entre les femmes et les hommes, soit également appliqué dans des établissements d'enseignement supérieur.
En réponse à ces questions, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis , a apporté les précisions suivantes :
- certaines recommandations des rapporteurs finissant par être suivies d'effet, il faut se réjouir que celle consistant à faire de l'enseignement supérieur une priorité connaisse aujourd'hui une traduction concrète ;
- s'agissant des difficultés sociales d'un certain nombre d'étudiants, il est vrai qu'il conviendrait, même si la réponse à apporter n'est pas évidente, de mieux traiter la situation des étudiants issus des classes intermédiaires ;
- le problème important et structurel du logement se pose effectivement essentiellement en Ile-de-France, les autres régions s'en étant davantage préoccupées ; l'effort envisagé par le Gouvernement est considérable puisqu'il s'agit d'élever le nombre de constructions annuelles de 2.000 à 5.000 ;
- le problème récurrent des conditions d'accueil insatisfaisantes des étudiants étrangers pose la question tant de leur hébergement que de leur accompagnement et les avancées dans ce domaine sont insuffisantes ;
- il serait effectivement souhaitable que les établissements d'enseignement supérieur et de recherche fassent une plus grande place aux femmes au sein de la hiérarchie ;
- pour améliorer la santé des étudiants, il conviendrait de développer la mutualisation des moyens des universités, en vue par exemple de créer des services communs de médecine préventive ;
- quant au problème de l'orientation, l'enseignement secondaire doit, en effet, être associé à la réforme ; les circulaires envoyées aux recteurs d'académie, afin de veiller, dès la rentrée 2003, à ce que tout bachelier technologique ayant en premier voeu souhaité une formation technologique courte bénéficie d'une priorité pour y être admis, n'ont pas encore produit d'effet en 2004 ; il faut, en outre, déplorer l'absence de statistiques provenant des universités sur l'employabilité à la sortie des filières, alors même qu'il est évident que certaines offrent davantage de débouchés que d'autres, contrairement à ce que semblent malheureusement croire un certain nombre d'étudiants.
La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption du budget de l'enseignement supérieur pour 2005, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.