B. LE DYNAMISME DE LA PRODUCTION NATIONALE
1. 2003 : un record historique
Un niveau historique
En 2003, la production cinématographique a atteint un nouveau niveau historique avec 212 films agréés , contre 200 en 2002. Le chiffre symbolique de 200 films agréés est de nouveau atteint pour la troisième année consécutive. Il faut espérer que cette tendance se confirme, la hausse s'élevant à près de 40 % sur 10 ans.
Elle concerne tout particulièrement les films dits « d'initiative française » . Il s'agit de films produits et financés intégralement ou majoritairement par des partenaires français, par opposition aux films dans lesquels les partenaires français n'interviennent que comme coproducteurs minoritaires, sans être les initiateurs des projets. Ces films représentent l'essentiel de l'emploi des artistes et techniciens français, de l'activité des réalisateurs et producteurs français et même des entrées en salles des films agréés.
Ces films agréés sont au nombre de 183 en 2003, soit 20 films de plus que l'année précédente.
La proportion de films d'initiative française tournés en langue française connaît une remarquable stabilité. Comme pour les années précédentes, 90 % de ces films sont tournés en langue française. 18 ont été tournés dans une langue étrangère, dont 5 en langue anglaise, soit autant qu'en 2002 et 2 films de moins qu'en 2001. Deux de ces films figurent dans le « tiercé de tête » des devis les plus élevés de l'année : Deux frères de Jean-Jacques Annaud et Danny the Dog de Louis Leterrier.
Un nombre croissant de coproductions internationales
Une autre tendance, constatée récemment, continue à s'affirmer très nettement en 2003 : celle de l'augmentation du nombre de coproductions internationales. 107 films ont ainsi été coproduits avec au moins un partenaire étranger (78 films d'initiative française et 29 films à majorité étrangère).
Leur nombre est en progression continue depuis trois ans et ils composent plus de la moitié de la production agréée en 2003, alors que cette proportion s'établissait à 47 % en 2002, 38 % en 2001 et 35 % en 2000.
La progression du nombre de films réalisés en coproduction avec l'étranger concerne uniquement les films d'initiative française (+ 21 films), le nombre de coproductions où la France est un partenaire minoritaire étant en recul de 8 films. Ainsi, en 2003, 43 % de la production d'initiative française a fait l'objet d'une coproduction avec l'étranger , contre 35 % en 2002, 27 % en 2001 et 23 % en 2000.
Parallèlement, le nombre de films intégralement financés par la France s'établit à 105 films en 2003 (contre 106 en 2002). Ils constituent ainsi 57 % de l'ensemble des films d'initiative française agréés en 2003, contre 65 % en 2002 et 73 % en 2001.
ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE FRANÇAISE
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
Films agréés |
152 |
115 |
141 |
134 |
163 |
183 |
181 |
171 |
204 |
200 |
212 |
I- Films d'initiative française |
101 |
89 |
97 |
104 |
125 |
148 |
150 |
145 |
172 |
163 |
183 |
Dont films de coproduction |
34 |
28 |
34 |
30 |
39 |
46 |
35 |
34 |
46 |
57 |
78 |
II- Films de coproduction à majorité étrangère |
36 |
22 |
32 |
27 |
33 |
32 |
31 |
26 |
32 |
37 |
29 |
Total (I + II) |
137 |
111 |
129 |
131 |
158 |
180 |
181 |
171 |
204 |
200 |
212 |
2. Une évolution des sources de financement face à l'explosion des investissements
a) Une croissance remarquable des investissements
Avec une progression remarquable de 34 % en 2003, les investissements franchissent pour la première fois la barre du milliard d'euros.
Il faut relever que les films à majorité étrangère en sont les principaux bénéficiaires , puisque cette augmentation les concerne à 58 % , contre 42 % pour les films d'initiative française.
Les investissements dans les films agréés s'élèvent au total à 1 153,3 millions d'euros (M€), contre 860,7 M€ en 2002. Il faut souligner qu'ils ont doublé en 5 ans , puisqu'ils étaient de 585,66 M€ en 1995.
Cette croissance des financements se traduit par une progression du nombre de films produits plutôt que par une augmentation des devis moyens. Ainsi le devis moyen n'a pas augmenté notablement depuis 1994 (3,98 M€ en 1994 ; 4,63 M€ en 2003).
On a souligné le dynamisme des coproductions internationales ; il faut cependant relever que, sans le film Alexander d'Oliver Stone, les investissements tant français (- 4,5 %) qu'étrangers (- 10,1 %) sur ces films sont en repli.
De 2002 à 2003, le nombre de films dont le devis est compris entre 4 et 5 M€ a quasiment doublé (+ 89 %). A l'inverse, ceux dont le devis est compris entre 1 et 2 M€ a baissé de 35 %. En revanche, le nombre des films de moins de 1 M€ est stable, tout comme le sont à l'autre extrémité du spectre, les films de plus de 15 M€.
En termes d'investissement, on note donc une bipolarisation entre les films à très forts budgets et les films à petits budgets, avec une concentration accrue des investissements sur les gros budgets . Ainsi, alors que les 11 films dont le devis est supérieur à 15 M€ captaient le quart des investissements en 2001, cette proportion s'élève à plus du tiers en 2003. En revanche, le poids des premiers et deuxièmes films tend à diminuer : 37 % des films d'initiative française agréés en 2003 sont des premiers films, contre 41 % en 2002.
b) Une structure de financement des films d'initiative française marquée par un repli de la part des chaînes de télévision
Cette croissance des financements se traduit par une progression du nombre de films produits plutôt que par une augmentation du devis moyen. En effet, ce dernier n'a pas augmenté notablement depuis 1994 (3,98 M€ en 1994, 4,63 M€ en 2003).
Le tableau ci-dessous souligne les évolutions de la structure de financement des films d'initiative française depuis une dizaine d'années.
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES FILMS D'INITIATIVE FRANÇAISE
(%) |
Apports des producteurs français |
Sofica |
Soutien automa-tique |
Soutien sélectif |
Chaînes de télévision |
A valoir distributeurs France |
Apports étrangers |
Total |
|
Coproductions |
Pré-achats |
||||||||
1992 |
36,5 |
6,1 |
5,8 |
4,6 |
5,4 |
24,7 |
5,4 |
11,5 |
100,0 |
1993 |
33,4 |
5,2 |
7,7 |
5,5 |
5,6 |
25,2 |
5,1 |
12,3 |
100,0 |
1994 |
29,3 |
5,3 |
7,5 |
6,7 |
6,5 |
27,4 |
5,0 |
12,3 |
100,0 |
1995 |
26,8 |
5,6 |
8,7 |
5,7 |
6,8 |
30,1 |
4,0 |
12,3 |
100,0 |
1996 |
24,3 |
4,8 |
8,3 |
4,9 |
7,7 |
34,3 |
5,5 |
10,2 |
100,0 |
1997 |
33,4 |
4,5 |
7,7 |
5,2 |
7,2 |
28,7 |
3,5 |
9,8 |
100,0 |
1998 |
27,6 |
4,3 |
8,1 |
4,4 |
7,0 |
31,5 |
6,8 |
10,3 |
100,0 |
1999 |
28,0 |
4,4 |
6,7 |
4,4 |
6,0 |
34,2 |
8,8 |
7,5 |
100,0 |
2000 |
31,2 |
5,7 |
7,4 |
3,6 |
9,0 |
31,2 |
5,4 |
6,5 |
100,0 |
2001 |
36,7 |
3,3 |
7,0 |
3,2 |
3,7 |
32,0 |
5,9 |
8,2 |
100,0 |
2002 |
31,5 |
4,6 |
7,6 |
3,4 |
4,6 |
29,7 |
7,6 |
11,0 |
100,0 |
2003 |
37,4 |
4,5 |
6,6 |
3,5 |
3,8 |
23,3 |
6,0 |
14,9 |
100,0 |
En 2003 , les différentes sources de financement des films d'initiative française ont évolué comme suit, étant rappelé que l'évolution de leurs parts respectives ne doit pas cacher la forte hausse globale des financements évoquée plus haut :
Les chaînes de télévision et les sociétés de production apportent une part majeure des financements, mais la part des chaînes tend à diminuer, même si leurs investissements augmentent globalement . Au total, coproductions et préachats des chaînes représentent 27,1 % des financements, contre 34,3 % en 2002 (soit -20,1 % ).
- Le nombre de films d'initiative française financés par les chaînes de télévision généralistes est de 90 en 2003, soit 6 films de moins qu'en 2002. Le volume global d'investissement de ces chaînes est stable par rapport à 2002 (+1,7%). Il est essentiellement constitué de préachats de droits de diffusion (à hauteur de 69 %) ; en 2003, ceux-ci se sont tous accompagnés d'un apport en coproduction.
Cette stabilité de la contribution des chaînes en clair recouvre cependant des évolutions très variables selon les chaînes : les investissements de TF1 augmentent de 20,7 %, ceux de M6 baissent de 24,6 % et ceux d'Arte de 14,2 % ; les investissements de France 2 Cinéma augmentent de 14,3 % tandis que ceux de France 3 Cinéma diminuent de 15,8 % (après avoir cependant enregistré une hausse de 87% en 2002).
- La part des films achetés par Canal Plus continue de diminuer dans des proportions importantes : la chaîne a financé 54 % des films d'initiative française agréés en 2003, contre 60 % en 2002, 65% en 2001, 70 % en 2000 et 80 % en 1999. Les investissements correspondants ont représenté 16 % des investissements français sur les films agréés, contre 18% en 2002, 21 % en 2001, 22 % en 2000 et 25 % en 1999.
- La chaîne Cinécinéma a renforcé sa participation dans le financement des films : le nombre de films préachetés a doublé par rapport à 2002 (il est passé de 19 à 40) et ses apports ont été multipliés par 2,4.
- TPS est entré dans le financement de 16 films d'initiative française sur les 183 agréés en 2002. Cela représente un investissement de 22 M€, stable par rapport à l'an dernier, mais qui reste globalement marginal dans le financement des films, puisqu'il est inférieur à 2 %.
Cette évolution des prises de participation des chaînes, liée à la forte augmentation du nombre de films produits et du nombre de films à budget élevé nécessitant la mobilisation de nombreuses sources de financement, accroît les problèmes de financement des films à devis moyen. Il en résulte des difficultés financières sérieuses pour les entreprises indépendantes , qui ont des répercussions sur les industries techniques.
La part des producteurs français dans le financement des films d'initiative française s'accroît très sensiblement, puisqu'elle passe de 31,5 % à 37,4 % ; elle atteint ainsi un niveau record , le plus haut depuis onze ans.
La part du soutien public , à 10,1 % , revient presque à son niveau de 2001, après avoir atteint 11 % en 2002.
Les sociétés de production ont utilisé le soutien financier automatique généré par leurs films antérieurs à hauteur de 55,55 M€. Cette aide augmente donc sensiblement au cours du temps, puisqu'elle s'élevait à 53,80 M€ en 2002 et à 39,13 M€ en 1999.
L'avance sur recettes avant réalisation a bénéficié à 60 films d'initiative française. Cette source de financement, relativement stable sur les trois dernières années, représente en moyenne 17 % du devis des films aidés (contre 13,2% en 2002).
La part des apports étrangers s'accroît fortement , pour atteindre 14,9 % .
Enfin, les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel ( SOFICA ) interviennent sur un nombre de films stable par rapport aux deux précédentes années (61 films en 2003, 57 en 2002, 59 en 2000). Leurs investissements (39,23 M€) augmentent par rapport à l'an dernier et retrouvent le niveau de 2000 (39 M€) et représentent une participation au financement global des films d'initiative française stabilisée à 4,5 %.
3. Le bilan très mitigé de l'exportation des films français
a) Un recul préoccupant du nombre d'entrées à l'étranger
D'après les données collectées par Unifrance, les films français sont en recul de 12,7 % à l'étranger ; ils y ont réalisé 48 millions d'entrées en 2003, contre 55 millions en 2003 et 61,5 en 2001. L'année 2003 s'inscrit ainsi dans la moyenne de la période 1995-2000.
Ce résultat s'explique pour l'essentiel par la baisse de fréquentation relevée en Europe (entre -8 % et -15 % selon les pays).
Le classement des films les plus performants révèle la grande diversité des genres représentés, du Pianiste de Roman Polanski, en tête des ventes, à Swimming Pool de François Ozon à la troisième place.
Le succès des films en langue française varie en fonction de la zone géographique où le film est distribué : 50 % des entrées sont réalisées sur le continent européen ; l'Amérique du Nord totalise 22 % des entrées, dont 18 % aux Etats-Unis.
b) Le premier bilan des recettes à l'exportation
Le Centre national de la cinématographie a récemment mis en place un outil statistique permettant d'évaluer les recettes à l'exportation des films français, définis comme les films d'initiative française (et incluant donc les coproductions françaises, majoritaires et minoritaires).
• Les recettes
Les recettes prises en compte sont celles effectivement encaissées au cours de l'année 2003 ; toutefois, compte tenu de l'importance du décalage entre la signature des contrats et leur paiement, ces recettes se rapportent en majorité à des ventes effectuées en 2001, 2002 et début 2003. Précisons qu'elles concernent autant la vente « tous droits » -c'est-à-dire cinéma, télévision et vidéo- que les cessions des seuls droits (télévision », « vidéo » ou « cinéma »).
En 2003, les recettes cinématographiques en provenance de l'étranger encaissées par les sociétés françaises d'exportation s'élèvent à 185,7 millions d'euros dont 123,6 millions d'euros sont imputables à des films français (66,6 %) et 61,9 millions à des films étrangers (33,4 %).
Dans leur grande majorité, les sociétés françaises d'exportation fondent donc leur activité de négoce international sur les films français au sens large (coproductions minoritaires et majoritaires françaises incluses).
En 2003, les ventes de films dits « frais », c'est-à-dire produits après le 1 er janvier 2000, sont à l'origine de 77 % des recettes d'exportations des films français. Les films de catalogue, produits avant le 1 er janvier 2000, génèrent pour leur part près de 23 % des recettes encaissées en 2003.
• La répartition géographique des exportations
En 2003, l'Allemagne est le premier acheteur de films français . Ce pays représente 20,8 millions d'euros de recettes, soit 16,8 % de l'ensemble des encaissements. C'est un marché porté de manière importante par l'achat de films de catalogue.
Au contraire, l'Italie et le Japon s'affirment comme les deuxième et troisième marchés d'exportation cinématographique grâce à des recettes provenant de la vente de films frais. A eux trois, ces pays totalisent 41 % des recettes d'exportation encaissées en 2003.
Malgré sa sixième place dans le classement des principaux pays clients, certains exportateurs considèrent aujourd'hui le marché espagnol comme « sinistré » pour les films français. Occupant la septième place du classement, la Communauté des Etats Indépendants (CEI) est un débouché important (avec 4,8 millions d'euros de recettes en 2003).
Le Royaume-Uni, marché traditionnellement fermé, s'ouvre légèrement, notamment grâce à l'amélioration des ventes de droits pour la vidéo et le DVD. Le ralentissement des exportations vers des marchés traditionnels comme le Québec et la Corée du Sud préoccupe les professionnels.
Générant 52,6 % des recettes en 2003 (65 millions d'euros), l'Europe occidentale constitue le premier marché d'exportation du cinéma français et, en valeur, il s'agit d'un marché trois fois plus important que celui de l'Amérique du Nord ou celui de l'Asie.