D. LE PROCHAIN SOMMET DE OUAGADOUGOU : UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS L'AFFIRMATION DES GRANDES ORIENTATIONS DE LA FRANCOPHONIE POLITIQUE

Les « Conférences des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage » initialement appelées Sommets francophones, constituent l'instance de décision suprême de la francophonie.

Elles s'appuient sur les conférences ministérielles de la francophonie, qui sont composées des ministres des affaires étrangères, ou de la francophonie, et ont vocation à veiller à l'exécution des décisions prises lors des sommets, ainsi que sur le Conseil permanent de la francophonie (CPF) composé des représentants des chefs d'Etat et de gouvernement, qui est plus particulièrement chargé de la préparation et du suivi des sommets.

Les réunions récentes de ces différentes instances ont permis à la francophonie politique de s'affirmer et de préciser le contenu de ses grandes orientations : consolidation de l'Etat de droit, promotion de la démocratie et de la diversité culturelle, réforme des opérateurs, engagement en faveur du développement durable.

Le prochain sommet qui se tiendra à Ouagadougou les 26 et 27 novembre 2004, sur le thème de « la francophonie, espace solidaire pour un développement durable » constituera une nouvelle étape dans l'affirmation des principes et des valeurs que la francophonie politique a progressivement élaborés au cours des précédents sommets.

1. L'affirmation et l'organisation d'une francophonie politique

La septième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenue en 1997 à Hanoï a érigé la francophonie en organisation internationale à part entière, lui conférant ainsi sa pleine dimension politique.

Cette transformation s'est accompagnée de plusieurs réformes institutionnelles :

- la nomination d'un secrétaire général permanent , élu pour 4 ans par les chefs d'Etat et de gouvernement, porte-parole politique et représentant officiel de la francophonie sur la scène internationale ;

- l'élargissement du conseil permanent de la francophonie à l'ensemble des représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement ;

- la reconnaissance de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française comme assemblée consultative de la francophonie ; celle-ci a pris par la suite le nom d' Assemblée parlementaire de la francophonie .

La conférence ministérielle de la francophonie qui s'est tenue à Paris en janvier 2002 a complété cette construction institutionnelle en décidant la transformation du Haut conseil de la francophonie en Conseil consultatif placé auprès du secrétaire général de l'organisation internationale de la francophonie.

Cette nouvelle organisation institutionnelle a permis à la francophonie d'affirmer plus pleinement sa dimension politique sur la scène internationale.

Le sommet de Beyrouth d'octobre 2002 a donné sa pleine signification à ces nouvelles orientations.

Les débats ont en effet très largement porté sur le Moyen-Orient, l'Irak et la crise ivoirienne. La déclaration de Beyrouth témoigne d'un consensus auquel est parvenue la francophonie sur ces questions essentielles.

2. La défense de la diversité culturelle

Le sommet de Moncton de 1999 a décidé de mettre en place un processus de concertation entre pays francophones pour accompagner l'ouverture du cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle.

Ce thème a été approfondi lors de la Conférence des ministres francophones de la culture qui s'est tenue à Cotonou , en juin 2001. Celle-ci a adopté une déclaration qui précise la définition pour la francophonie de la diversité culturelle et marque avec force que « les biens et les services culturels doivent faire l'objet d'un traitement spécifique ». Elle proclame par ailleurs « la légitimité et la nécessité de politiques de promotion de la diversité culturelle passant tant par des soutiens opérationnels que par l'élaboration de cadres réglementaires appropriés » .

Elle reconnaît le rôle privilégié de l'UNESCO pour débattre de ce thème et appuie le principe de l'élaboration d'un « cadre réglementaire international », consacrant la légitimité des Etats et gouvernements à maintenir, établir et développer les politiques de soutien à la diversité culturelle.

Le sommet de Beyrouth , dont le thème directeur était le dialogue des cultures, a confirmé l'engagement de la francophonie dans le combat pour la diversité culturelle.

La déclaration adoptée à l'issue du sommet consacre l'engagement des Etats à promouvoir le plurilinguisme, et à assurer le statut, le rayonnement et la promotion du français comme grande langue de communication sur le plan international. Les Etats réaffirment plus particulièrement leur engagement de privilégier l'utilisation du français dans les organisations internationales et dans les autres enceintes au sein desquelles ils siègent.

Soucieuse de ne pas laisser réduire les biens et les services culturels au rang de simples marchandises, la déclaration réaffirme le droit des Etats et des gouvernements de définir librement leur politique culturelle et les instruments qui y concourent. Elle salue l'adoption de la Déclaration de l'UNESCO sur la diversité culturelle et affirme la volonté des Etats et gouvernements de contribuer activement à l'adoption par l'Unesco d'une convention internationale sur la diversité culturelle . Enfin, elle invite les Etats et gouvernements à s'abstenir de tout engagement de libéralisation auprès de l'Organisation mondiale de commerce en matière de biens et de services culturels.

Lors de la conférence de Lausanne , en décembre 2002, les ministres chargés de la francophonie ont constitué un groupe de travail chargé du suivi de l'élaboration de la convention sur la diversité culturelle.

3. Le respect des droits de l'homme et la défense de la démocratie

Le sommet de Moncton avait été l'occasion pour ses participants de réaffirmer les exigences de l'organisation internationale de la francophonie en matière de respect des droits de l'homme et de défense de la démocratie.

Sur proposition de la France, les membres de la francophonie ont décidé d'organiser l'année suivante un symposium permettant de tracer le bilan des pratiques de la démocratie et des droits de l'homme dans les pays membres.

Ce symposium qui réunissait les ministres et chefs de délégation des pays de la francophonie, s'est tenu au mois de novembre 2000 à Bamako .

Il s'est conclu par l'adoption d'une déclaration qui marque un véritable tournant dans l'engagement de la francophonie en faveur de la démocratie. Par les objectifs qu'il se fixe, les engagements qu'il prend, et les mesures qu'il envisage, il prend la valeur d'un véritable texte fondateur.

Un programme d'action annexé à cette déclaration comportait une série de mesures organisées autour de 4 objectifs :

- la consolidation de l'Etat de droit , avec une attention particulière à l'institution parlementaire, à l'indépendance de la magistrature, à la liberté du barreau, et à l'efficience des organes de contrôle ;

- la tenue d'élections libres, fiables et transparentes qui passe par l'établissement d'un état-civil et de listes électorales, par la formation du personnel électoral, et par un appui public au financement des campagnes électorales ;

- une vie politique apaisée, reposant sur un consensus large autour de l'adoption des textes fondamentaux régissant la vie publique, sur le multipartisme et sur des modes pacifiques de règlement des différends ;

- la promotion d'une culture démocratique intériorisée.

Enfin, la francophonie s'est dotée avec la déclaration de Bamako, d'un texte normatif précisant les procédures à engager en cas de crise de la démocratie ou de violation grave des droits de l'homme . Les mesures envisagées peuvent, suivant la gravité des faits, aller de l'envoi de facilitateurs ou d'observateurs judiciaires mandatés par le secrétaire général, jusqu'à des sanctions et à la « suspension du pays concerné ».

Cette dernière décision avait été vivement souhaitée par l'Assemblée parlementaire de la francophonie , qui a eu à coeur de la mettre en pratique, non sans un courage politique qui n'a sans doute pas été suffisamment remarqué.

Il faut rappeler qu'avant même la tenue du symposium de Bamako, l'Assemblée parlementaire de la francophonie avait adopté une recommandation proposant que les dirigeants parvenus au pouvoir en renversant par la force les institutions, ne soient plus invités aux sommets de la francophonie. L'assemblée parlementaire de la francophonie a donc joué, en ce domaine, un rôle précurseur .

Le sommet de Beyrouth a apporté une nouvelle confirmation de l'engagement des pays francophones en faveur de la démocratie et de l'Etat de droit. La déclaration adoptée à l'issue du sommet a marqué la détermination des Etats à mettre en oeuvre la déclaration de Bamako sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone. A cette fin, elle a adopté le programme d'action annexé à cette déclaration.

Elle a en outre demandé au secrétaire général de la francophonie de poursuivre un effort en vue de favoriser la ratification des principaux instruments internationaux et régionaux qui garantissent la mise en oeuvre effective des droits de l'homme.

Elle a incité les Etats qui ne l'auraient pas encore fait à ratifier le statut de Rome sur la Cour pénale internationale, ou à y adhérer dès que possible.

4. Le développement durable : une priorité réaffirmée par le prochain sommet de Ouagadougou

La francophonie, qui regroupe des pays du Sud et des pays du Nord prend régulièrement position en faveur d'une politique de développement.

La déclaration de Beyrouth a consacré l'engagement de la francophonie en faveur du développement durable en proclamant que francophonie, démocratie et développement sont indissociables. Elle a insisté plus particulièrement sur la nécessité de promouvoir en priorité l'éducation et la formation, et rappelé que les membres ont souscrit avec l'ensemble de la communauté internationale, aux objectifs « d'éducation pour tous », définis lors du forum mondial de l'éducation de Dakar en 2001 prévoyant l'accès à l'éducation de base et pour tous le enfants, en particulier les filles, à un enseignement primaire obligatoire, gratuit et de qualité.

Enfin, elle a salué la naissance, le 9 juillet 2002, à Durban, de l'Union africaine, s'est félicitée de l'adoption par celle-ci du « Nouveau partenariat pour le développement en Afrique », et a demandé au secrétaire général de veiller à la synergie entre ce processus, le plan d'action du G8 et les actions de l'organisation internationale de la francophonie.

Le prochain sommet qui doit se tenir à Ouagadougou les 26 et 27 novembre prochain viendra renforcer, à un tour, l'engagement de la francophonie multilatérale sur ce thème à travers une déclaration dont les dispositions porteront à la fois sur l'environnement, le développement économique, l'éducation, la diversité culturelle et linguistique, la démocratie et l'Etat de droit.

Il adoptera, en outre, le « cadre stratégique décennal » de la francophonie pour les années 2005-2014. Ce document a vocation à rappeler les principes et valeurs qui unissent les francophones, ainsi que les acquis de l'organisation intergouvernementale de la francophonie.

Il fixera les priorités de la francophonie politique pour les dix prochaines années, déterminera des objectifs mesurables et arrêtera les moyens de financement nécessaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page