3. La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
Dans le cadre de la mise en place d'une politique globale en faveur des personnes dépendantes, concernant à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées, la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, a institué une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui, aux termes de l'article 8, a pour mission, dans la limite des ressources qui lui sont affectées, de contribuer au financement de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées dans le respect de l'égalité de traitement des personnes concernées sur l'ensemble du territoire.
Une approche globale de la dépendance
La « réforme de solidarité et de fraternité pour les personnes dépendantes » annoncée par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, le 6 novembre 2003 constitue une approche globale de la prise en charge de la dépendance, concernant à la fois les personnes handicapées et les personnes âgées, alors que ces deux sphères étaient, jusqu'à présent, abordées de manière séparée.
Concernant les personnes âgées , le plan vise à mieux prendre en charge ces personnes par la mise en place de services polyvalents à caractère sanitaire et social, à renforcer les solidarités et les dispositifs d'alerte et à accroître, dès 2004, dans le cadre d'un plan pluri-annuel, le nombre de places de services de soins infirmiers à domicile et le nombre de places dans les établissements d'hébergement.
Ainsi, d'ici 2008, le plan comprendrait deux axes forts tendant, d'une part, à renforcer la médicalisation des établissements accueillant des personnes âgées , par le biais de l'augmentation de 20 % du taux d'encadrement des personnes dépendantes en établissements (soit la création plus de 15.000 emplois) et de la création de 10.000 nouvelles places en établissements ; d'autre part, à accentuer l'effort en faveur de la vie à domicile, par le biais de la création de 17.000 nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile, pour atteindre près de 100.000 places disponibles en 2007, et par le biais de la création de 13.000 places d'hébergement temporaire et d'accueil de jour.
S'agissant de la prise en charge des personnes handicapées , le plan vise assurer une compensation personnalisée des conséquences du handicap, à améliorer le maintien à domicile, par l'augmentation du nombre d'auxiliaires de vie sociaux, à promouvoir la participation des handicapés dans la vie sociale et à rendre plus effectifs les droits reconnus que sont l'accessibilité, l'accès à l'emploi et à l'éducation. Enfin, il entend accroître dès 2004, dans le cadre d'un plan pluri-annuel, le nombre de places en centres d'aide par le travail et en maisons d'accueil spécialisé.
L'un des autres objectifs essentiels du plan annoncé par le Premier ministre est la pérennisation du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) , dont les dépenses ont fortement crû depuis sa mise en place, obligeant le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA) à recourir en 2003 à un emprunt pour aider les départements à faire face à la montée en charge de l'APA.
La loi précitée du 30 juin 2004 n'avait fait qu'esquisser les compétences et le fonctionnement de cette caisse, dans l'attente d'un projet de loi ultérieur, faisant suite aux observations de MM. Raoul Briet et Pierre Jamet, auxquels le gouvernement avait confié une mission de réflexion sur ce thème 6 ( * ) . Toutefois, compte tenu d'un calendrier législatif très contraint, le gouvernement a choisi de préciser l'architecture de la CNSA dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui vient d'être adopté en deuxième lecture par le Sénat.
D'après les dispositions de la loi précitée du 30 juin 2004 7 ( * ) , les recettes de la CNSA sont composées :
- de ressources nouvelles , à savoir les contributions instituées en contrepartie de la mise en place d'une journée de travail supplémentaire non rémunérée : une contribution des employeurs au taux de 0,3 %, appliqué sur la même assiette que celle des cotisations patronales d'assurance maladie, ainsi qu'une contribution additionnelle au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et des produits de placements, au taux de 0,3 % ;
- de recettes antérieurement affectées au Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA) , dont la CNSA a repris les droits et obligations 8 ( * ) , à savoir une fraction de 0,1 point du produit de la CSG et une participation des régimes de base de l'assurance vieillesse, représentative d'une fraction identique pour tous les régimes des sommes consacrées par chacun de ceux-ci aux dépenses d'aide ménagère en 2000.
La mise en place de cette caisse, dotée de moyens de financement nouveaux, avait deux objets : sécuriser le financement de l'APA et mettre en oeuvre des actions nouvelles en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
La loi du 30 juin 2004 avait précisé le cadre financier de la caisse et les charges qui lui étaient attribuées, selon le tableau suivant :
Structuration des charges du FFAPA-CNSA en 2004
Charges |
Catégories de recettes |
Montant (en millions d'euros) |
Remboursement de l'emprunt APA |
A hauteur des besoins, fraction de la contribution patronale et de la contribution sur les revenus du patrimoine et des produits de placements |
410 |
- Contribution au financement, des établissements et services prenant en charge les personnes âgées - Dépenses d'animation et de prévention relatives aux personnes âgées |
30 % du solde disponible, après remboursement de l'emprunt APA, de la fraction de la contribution patronale et de la contribution sur les revenus du patrimoine et des produits de placements, |
147 |
Concours versé aux départements |
- 70 % du solde disponible, après remboursement de l'emprunt APA, de la fraction de la contribution patronale et de la contribution sur les revenus du patrimoine et des produits de placements ; - Fraction du produit de la contribution sociale généralisée affecté à la CNSA, comprise en 88 % et 95 % des sommes en cause ; - Produit de la contribution des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse. Total : |
343 entre 805,2 et 869,25 61 entre 1209,2 et 1273,25 |
Dépenses de modernisation des services d'aide à domicile |
Fraction du produit de la contribution sociale généralisée affecté à la CNSA, comprise en 5 % et 12 % des sommes en cause |
entre 45,75 et 109,8 |
Frais de gestion |
Prélèvement sur les ressources encaissées par la caisse, réparti entre les sections, à l'exception de celle procédant au remboursement de l'emprunt APA, au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées |
- |
Total |
|
1876 |
Source : rapport pour avis n° 315 (2003-2004) de notre collègue Adrien Gouteyron sur le projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées
S'agissant du fonctionnement de la caisse à compter de 2005, l'article 13 de loi précitée du 30 juin 2004 avait prévu que celle-ci répartirait ses ressources en cinq sections distinctes , selon les modalités suivantes :
- 40 % des produits de la contribution patronale de 0,3 % sur la masse salariale et de la contribution de 0,3 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placements viendront financer des actions en faveur des personnes âgées ;
- 40 % des produits de la contribution patronale de 0,3 % sur la masse salariale et de la contribution de 0,3 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placements viendront financer des actions en faveur des personnes handicapées ;
- 20 % des produits de la contribution patronale de 0,3 % sur la masse salariale et de la contribution de 0,3 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, ainsi que le produit du 0,1 % de la contribution sociale généralisée affectée à la CNSA et la participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, viendront financer le concours versé aux départements ;
- une fraction du 0,1 % de contribution sociale généralisée affectée à la CNSA, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, et comprise entre 5 % et 12 % des sommes en cause, viendra financer les dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation des métiers apportant assistance au domicile des personnes âgées dépendantes.
- un prélèvement sur les ressources encaissées par la caisse, réparti entre les sections précédentes au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées, viendra financer les frais de gestion de la caisse.
L'article 3 du présent projet de loi propose de préciser les mesures qui seront financées par ces sections en 2005, de la manière suivante :
- 48 % des produits de la section destinée à financer les actions en faveur des personnes âgées seraient affectés au financement, par les régimes obligatoires de base de l'assurance maladie, des établissements et services prenant en charge les personnes âgées ; le reste, soit 52 %, serait donc consacré à des mesures nouvelles ;
- 15 % des produits de la section destinée au financement d'action en faveur des personnes handicapées seraient affectés au financement par les régimes obligatoires de base de l'assurance maladie des établissements et services prenant en charge les personnes handicapées ; le reste, soit 85 %, serait consacré au financement de mesures nouvelles.
Dans les deux cas, ce financement viendrait donc compléter le financement de l'ONDAM médico-social. Ce dispositif ne vaudra que pour 2005, ainsi que l'a précisé l'Assemblée nationale, ce qui aurait de toute manière été le cas en l'état des discussions relatives au projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l'article 13 de la loi du 30 juin 2004 étant abrogé au 1 er janvier 2006.
Signalons que, lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le Sénat a adopté plusieurs amendements précisant la structure et les missions de la caisse, prévoyant notamment la délégation à la CNSA de la gestion de la part de l'ONDAM consacrée au financement des établissements sociaux et médico-sociaux à destination des personnes âgées et des personnes handicapées.
Par ailleurs, votre rapporteur pour avis constate que l'article 76 du projet de loi de finances pour 2005 contient également des dispositions relatives aux charges de la CNSA à l'avenir et regrette l'éclatement de la discussion relative aux charges et aux missions de la CNSA.
Il relève par ailleurs que le statut de la caisse reste ambigu. Dans sa présentation de la réforme de solidarité et de fraternité pour les personnes dépendantes, le Premier ministre avait évoqué la nécessité de faire face à un nouveau « risque », la perte d'autonomie, par le biais de la création d'une « nouvelle branche de notre protection sociale ». Ce vocabulaire fait explicitement référence aux régimes de sécurité sociale, parallélisme encore renforcé par le terme de « caisse » nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui ne constitue pas pour autant une caisse de sécurité sociale. La coexistence d'interventions de la CNSA, de la sécurité sociale et de l'Etat (prévue, pour le financement des CAT et des ateliers protégés, par l'article 76 du projet de loi de finances pour 2005) peut faire craindre une complexification des circuits de financement.
Il faut souligner, comme l'avait relevé notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, que la caisse ne dépensera pas en 2005 l'intégralité des fonds qui lui sont affectés. S'agissant des actions en faveur des personnes handicapées, il a été indiqué à votre rapporteur pour avis que la caisse pourrait dépenser environ 500 à 550 millions d'euros en 2005.
* 6 Raoul Briet, Pierre Jamet, Mission de préfiguration de la CNSA, pour une prise en charge solidaire et responsable de la perte d'autonomie, mai 2004.
* 7 On se reportera utilement au rapport pour avis n° 315 (2003-2004) de notre collègue Adrien Gouteyron sur le projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
* 8 L'application de certaines dispositions de la loi du 30 juin 2004 nécessitant l'édiction de textes réglementaires, le FFAPA a été autorisé à poursuivre ses missions jusqu'à la mise en place réelle de la CNSA, qui devrait avoir lieu à la fin 2004. Le FFAPA continue à fonctionner sur son budget 2004, et perçoit toujours les ressources qui lui sont dues.