B. VERS UNE POLITIQUE DÉCENTRALISÉE DU LOGEMENT ?
Sur la question de la décentralisation de la politique du logement, qui a été au coeur de nombreux débats lors du congrès de l'Union nationale pour l'habitat en octobre dernier, votre rapporteur rejoint largement les observations formulées par M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis sur le logement à la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale 4( * ) .
1. Le système actuel
Le choix
a été fait délibérément, dans les lois de
décentralisation de 1983 et 1985, de ne pas décentraliser le
financement du logement pour des raisons techniques (les mécanismes de
financement sont complexes), économiques (le logement aidé est un
outil de politique contracyclique, lié à l'économie du
BTP) et politiques. Se posait par ailleurs, et se pose toujours, le
problème du niveau territorial pertinent de décentralisation.
Toutefois, même si la compétence en matière de logement n'a
pas été décentralisée au profit des
collectivités locales, celles-ci mènent une action importante
dans ce domaine.
Les interventions des collectivités locales en faveur du logement en 2000
(en millions d'euros)
|
Communes |
Départements |
Régions |
Aides directes |
252 |
94 |
68 |
Aides indirectes |
12 |
1 |
3 |
TOTAL |
264 |
95 |
71 |
Source : DCP Notes bleues de Bercy
n° 229-230
Ainsi, malgré les apparences, l'Etat a perdu largement
l'exclusivité de la politique du logement.
Il met, certes, des crédits à disposition des
collectivités locales et des bailleurs sociaux et incite les
investisseurs privés à la construction et à la
rénovation de logements par des avantages fiscaux, mais ce n'est pas
lui, directement, qui décide de lancer des opérations.
En effet, la programmation nationale des logements semble avoir perdu son
efficacité et il se construit, en général, des logements
sociaux là où les montages financiers sont les plus simples, mais
également souvent là où les besoins sont les plus faibles.
L'empilement des outils nationaux débouche sur une complexité
incompréhensible pour les acteurs.
En outre, au niveau local, les habitants considèrent
généralement les municipalités comme responsables de la
politique du logement.
a) Les communes et leurs groupements
Les
communes et groupements de communes agissent ainsi essentiellement sur la
construction de logements, notamment au travers d'apports de terrain, de prises
en charge de surcoûts fonciers et de réalisations de la
viabilité.
Ils interviennent également pour financer les actions d'accompagnement
des opérations de réhabilitation : financement
d'opérateurs, réalisation de nombreux aménagements
urbains, ou encore accompagnement social.
Ils apportent enfin et surtout leur garantie aux emprunts contractés par
les organismes HLM. Par ailleurs, les communes bénéficient de
contingents de réservation dans le parc de ces derniers, ce qui leur
confère de fait un rôle important dans la politique d'attribution
des logements sociaux.
Mais les communes interviennent également dans la mise en oeuvre des
programmes locaux de l'habitat.
En effet, après la relance de cette procédure par la loi
d'orientation pour la ville de 1991, la loi du 14 novembre 1996 relative
à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville (PRV) oblige toute
commune comprenant une zone urbaine sensible (ZUS) à se doter d'un
programme local de l'habitat (PLH).
La loi SRU a confirmé le rôle central du PLH dans la
réalisation des politiques locales de l'habitat. Elle lui donne ainsi un
nouvel intérêt en renforçant ses effets juridiques (les
plans locaux d'urbanisme (PLU) et les cartes communales devront
désormais être compatibles avec les PLH), et en développant
son rôle dans l'application de son article 55 (obligation de disposer
d'au moins 20 % de logements sociaux pour les agglomérations au
sens de cette loi).
Le PLH permet ainsi d'articuler l'ensemble des composantes souvent
dispersées de la politique locale de l'habitat :
- programmation de l'offre nouvelle (construction et
amélioration) ;
- politique d'attribution des logements sociaux ;
- diagnostic des quartiers anciens préalable aux démarches
d'
opérations programmées d'amélioration de
l'habitat
(OPAH) ;
- réflexions préalables à un projet de renouvellement
urbain ;
- gestion urbaine de proximité ;
- articulation avec les politiques contractuelles (contrats de ville,
grands projets de ville, opérations de renouvellement urbain...).
b) Les départements
Les
départements participent quant à eux, à la même
hauteur que l'Etat, comme la loi leur en fait obligation, au financement des
Fonds de solidarité logement
(FSL) et des
Fonds
départementaux d'aide aux accédants en difficulté
(FAAD) et apportent, concurremment ou en complément aux communes, leur
garantie aux emprunts contractés par les HLM.
Par ailleurs, au travers des
plans départementaux d'action pour le
logement des plus défavorisés
(PDALPD), ils participent avec
l'Etat à la définition au plan local et à la mise en
oeuvre de la politique du logement en faveur des plus défavorisés.
Les départements accordent en outre fréquemment des aides aux
ménages : aides à l'accession à la
propriété, aides aux propriétaires occupants qui
améliorent leur logement, parfois ciblées sur certaines
catégories : personnes âgées, handicapés,
agriculteurs.
Ils accompagnent également l'action des communes, à l'instar de
l'aide au montage d'OPAH ou à la réhabilitation.
De façon plus récente, quelques départements interviennent
pour subventionner directement les opérations de logements
sociaux : aide à la réhabilitation du parc HLM, subventions
pour les
prêts locatifs aidés à vocation très
sociale
(PLA-TS), subventions à des opérations PLA, notamment
lorsqu'il s'agit de loger des catégories de population
particulières comme les étudiants.
c) Les régions
Les
régions interviennent principalement en faveur des communes à
travers l'aménagement urbain, la réhabilitation du parc HLM et
l'accompagnement des OPAH.
Les régions à forte concentration urbaine développent par
ailleurs des aides à la construction : surcharge foncière,
construction de logements pour certaines catégories de population,
politique en faveur du PLA à vocation très sociale.
2. Quelques pistes de réflexion
Si de nombreuses questions, telles celle du niveau pertinent de décentralisation pour la politique du logement, méritent un débat approfondi avec les différents acteurs, quelques pistes peuvent toutefois être dessinées.
a) Une redéfinition du rôle de l'Etat
Pour
être efficace, le rôle de l'Etat doit être redéfini
autour de trois grands axes :
-
un axe financier
: garantir le socle de financement du
logement social (TVA à 5,5 %, prêts à taux
privilégiés de la Caisse des dépôts et
consignations), prise en charge des aides à la personne et des aides
fiscales et d'accession sociale à la propriété comme le
prêt à taux zéro ;
-
un axe de tutelle des opérateurs
via
, en
particulier, la mission interministérielle d'inspection du logement
social (MIILOS) ;
-
un axe de gestion de la politique de la ville
pour garantir la
cohésion nationale avec les quartiers en difficulté :
responsabilité du 1 % logement avec les partenaires sociaux.
b) Un champ de décentralisation encadré
Pour
assurer l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire,
l'Etat doit rester garant de la politique du logement, qui ne saurait de ce
fait être entièrement décentralisée.
Ainsi, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des
transports, du logement, du tourisme et de la mer a-t-il déclaré
au congrès de l'Union sociale de l'habitat à Lyon en octobre
dernier :
« Il me semble qu'il y a deux fonctions nécessaires de
décentralisation. La première mission serait celle de la
planification, c'est-à-dire de la répartition par l'Etat des
enveloppes de crédit, de l'adaptation des normes nationales aux
spécificités locales et des relations contractuelles avec les
acteurs du logement. Cette double mission peut être confiée au
niveau de la région ou du département.
« Une deuxième mission s'impose. C'est la mise en oeuvre
opérationnelle du logement au plus proche possible du bassin d'habitat.
Je pense, d'une part, aux communautés urbaines ou
d'agglomérations, d'autre part, aux départements, en particulier
pour les zones rurales.
« Mais que peut-on décentraliser ? Certainement pas les
aides à la personne qui constituent le socle de la solidarité
nationale en matière de logement. En revanche, rien ne s'oppose à
ce que les aides à la pierre soient décentralisées,
notamment les aides à construction et à la réhabilitation
des logements HLM, et des aides à l'amélioration du parc
privé.
« Les mécanismes d'aide devraient, au moins dans un premier
temps, être définis au niveau national. Ils pourraient être
adaptés localement, y compris dans leurs conditions d'attribution,
à condition de ne pas remettre en cause les grands principes de la
solidarité nationale. »
Le 2 novembre dernier, lors de la présentation du nouveau programme
de lutte contre les exclusions dans le domaine du logement, M. Gilles de
Robien a en outre annoncé que les associations seront invitées
« à toutes les étapes de la réflexion sur la
décentralisation en matière de logement »
, afin
d'avoir un écho au plus près du terrain.
Votre rapporteur se félicite des réflexions en cours dans ce
domaine, convaincu que la politique du logement social gagnerait en
efficacité si son approche était plus territorialisée et
fondée sur les besoins réels des habitants.
Au vu des observations formulées dans le présent rapport,
votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des
crédits relatifs au logement social pour 2003.