II. LA POLITIQUE DU LOGEMENT : DES ENJEUX CONSIDÉRABLES
A. FAIRE FACE À UNE OFFRE INSUFFISANTE
1. Une offre insuffisante de logements
a) Une lacune commune aux logements sociaux et au parc privé
S'il ne
résout pas tous les problèmes, le présent projet de budget
répond à une partie des besoins en logements.
Déjà l'année dernière, votre rapporteur
déplorait l'insuffisance de l'offre de logements disponibles.
Le problème s'est accentué depuis quelques années avec la
crise de la construction. Cette insuffisance de l'offre touche
particulièrement certains ménages, notamment ceux disposant de
ressources modestes.
En effet, la construction neuve n'est pas suffisamment adaptée aux
caractéristiques des ménages les plus modestes et les
300.000 logements construits en 2001 ne compensent pas le déficit
accumulé depuis trente ans (30.000 logements par an).
En outre, la construction locative sociale, qui représente 15 % de
la construction neuve, est insuffisante et l'action pour donner une vocation
sociale à une partie du parc privé est sous-dimensionnée.
Paradoxalement, l'embellie économique et l'augmentation de la demande de
locaux professionnels qui en a résulté ont amplifié ces
difficultés.
De fait, la croissance a entraîné la reprise de la progression des
loyers à tous les niveaux :
-
dans le parc privé
: une hausse annuelle des loyers
de 2 % a été observée dans les grandes
agglomérations et de 3,7 % à Paris (pour une augmentation du
coût de la vie de 1,2 %) ;
-
dans le parc social
: le gel des loyers est arrivé
à terme fin 2001 ; or, l'indice de la construction qui sert de base
à la revalorisation des loyers est en progression de 4,76 % par an.
A partir des éléments statistiques livrés par le
recensement de 1999, les hypothèses de l'INSEE font apparaître une
demande potentielle de près de 350.000 logements par an.
Un rapport du Conseil économique et social d'Ile-de-France, rendu public
le 30 septembre dernier, estime à 300.000 le nombre de personnes en
attente d'un logement HLM dans cette région, dont la moitié
attend depuis plus d'un an.
Les raisons sont connues : des bailleurs en butte à trop de
contraintes, des financements insuffisants, trop complexes, et des
difficultés à répondre aux exigences de mixité
sociale.
La demande de HLM reste donc supérieure à l'offre : sur un
million de demandes annuelles, la moitié sont satisfaites dans
l'année au plan national mais six départements sur dix restent en
dessous de cette moyenne.
En outre, si 56.000 logements sociaux ont bien été
construits en 2001, soit un léger redressement (40.000
précédemment), 12.000 autres logements sont sortis la
même année du parc HLM, du fait de démolitions ou de ventes
aux locataires.
Enfin, la question de l'insuffisance de l'offre privée à vocation
sociale continue à se poser, puisqu'en 2001 moins de
10.000 logements ont été conventionnés grâce
aux aides de l'ANAH sur les 135.000 qui ont été
rénovés grâce à elle, soit près de
100.000 logements qui ont changé de gamme de loyer.
b) Un problème aggravé par un nombre important de logements vacants
Votre
rapporteur rappelle également que
l'adaptation de la politique du
logement social à la demande ne se limite pas aux opérations
lourdes de démolitions, constructions et réhabilitations, mais
passe aussi par la réduction du taux de vacance.
Ainsi, au 31 décembre 2000, on dénombrait environ
130.000 logements vacants dans le parc locatif social (3,3 % du
parc), dont :
- 23.000 logements vides (0,5 % du parc) pour cause de
réhabilitation lourde, de démolition ou de vente prochaine ;
- 45.000 logements vacants (1,2 % du parc) depuis moins de trois
mois, c'est-à-dire en période d'attente normale entre deux
locataires ;
- 65.000 logements inoccupés (1,6 % du parc) depuis plus
de trois mois, faute de nouveau locataire : ce dernier aspect de la
vacance augmente fortement depuis quelques années.
Le taux de vacance est par ailleurs beaucoup plus élevé dans les
zones urbaines sensibles
(ZUS) puisqu'il y atteint 6 %, contre
2,6 % hors ZUS et
zones de revitalisation rurale
(ZRR).
Votre rapporteur estime que
ce phénomène de la vacance dans le
parc social mériterait d'être mieux analysé afin d'engager
réellement une politique de reconquête de cet habitat dans
certains quartiers.
2. Une difficulté accrue pour certaines populations
Dans son
« Rapport annuel 2001 sur l'état du mal logement en
France »
, la fondation Abbé Pierre, auditionnée,
par ailleurs, par votre rapporteur, estime à 3,1 millions le nombre
de personnes sans logement ou en situation de « mal
logement », avec des situations très diverses :
86.000 sans logis (selon l'enquête de l'INSEE fin 2001) ;
200.000 personnes dont la résidence principale est une chambre
d'hôtel, un habitat de fortune ou qui sont hébergées chez
des parents ou des amis ;
500.000 personnes en habitat temporaire ou provisoire (hôtel,
meublé, hébergement chez des tiers) ;
1,9 million de personnes occupant des logements sans confort sanitaire de
base ;
600.000 personnes en situation de surpeuplement critique.
De manière moins dramatique, une autre catégorie de la population
est souvent en attente d'un logement : les jeunes adultes.
Ainsi, en dépit des dispositifs d'aides à la personne
institués en leur faveur, beaucoup d'entre eux ne peuvent accéder
à un logement.
Les contributions du rapport général du Plan
« Jeunesse, le devoir d'avenir »
et du Conseil
économique et social
«Familles et insertion
économique et sociale des adultes de 18 à
25 ans »
fournissent des observations intéressantes.
Selon l'enquête
« logement des jeunes »
mentionnée par le rapport du Plan, 75
% des jeunes adultes
souhaiteraient vivre de manière indépendante alors qu'ils ne sont
que 45,5
% à être effectivement dans cette situation.
Si le problème du logement autonome des jeunes adultes n'est pas
détachable du débat plus global sur leur autonomie, votre
rapporteur devait toutefois ici s'en faire l'écho.