B. UN BUDGET DE TRANSITION
1. Une nécessaire réforme de la loi SRU
Lors des
rencontres nationales
« Habiter, se déplacer, vivre la
ville »
du 23 juin 1999, M. Lionel Jospin, alors
Premier ministre, annonçait la mise en oeuvre d'une
«
politique globale au service du développement
urbain
».
Il s'agissait de prolonger les textes adoptés par le Parlement sur
l'intercommunalité et l'aménagement durable du territoire :
la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale
, dite
« loi Chevènement » et
la loi du 25 juin
1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable
du territoire
, dite « loi Voynet ».
C'est dans ce cadre qu'est intervenue la loi n° 2000-1208 du
13 décembre 2000 relative à la solidarité et au
renouvellement urbains.
Ce texte, d'une rare complexité, se donnait pour ambition de
réformer, en même temps et en profondeur, le droit de l'occupation
des sols et les règles de fonctionnement des copropriétés,
permettait aux organismes HLM de venir concurrencer les opérateurs
traditionnels du marché de l'accession sociale à la
propriété et prétendait renforcer les moyens de lutte
contre l'habitat insalubre.
Il en résulte que
cette loi ne propose pas de réflexion
globale, en particulier sur la politique du logement.
Il ne paraît pas ainsi raisonnable à votre rapporteur d'imposer de
façon uniforme un quota de 20 % de logements sociaux à
toutes les communes sans prendre en compte la diversité des situations
locales, en particulier géographiques, telles que les zones inondables
ou montagneuses.
Il est également regrettable que cette loi, qui semble avoir
été faite uniquement pour la ville, ne prenne pas mieux en compte
les équilibres ruraux et que, de façon générale,
elle prône la contrainte et la sanction, au lieu du contrat.
Le Conseil constitutionnel en a d'ailleurs jugé ainsi, puisqu'il a
censuré, dans sa décision du 7 décembre 2000, le
caractère automatique du dispositif de sanction à l'encontre des
communes n'ayant pas réalisé l'objectif de 20 % de logements
sociaux prévu par l'article 55 de la loi.
Cet article institue en effet, à compter du 1
er
janvier
2002, un prélèvement sur les communes ayant moins de 20 % de
logements sociaux. Le produit est versé à la communauté
urbaine, à la communauté d'agglomération ou à une
communauté de communes, à un établissement public foncier
ou, à défaut, à un fonds d'aménagement urbain
affecté aux communes pour des actions en faveur du logement social.
Aussi, cette disposition, dont les mécanismes sont mal adaptés
à la diversité des communes et fondés sur une
méfiance des acteurs locaux, n'est pas efficace pour atteindre
l'objectif de mixité sociale qui lui avait été fixé.
En outre, dans le cadre d'un approfondissement de la décentralisation,
il est regrettable d'entretenir de telles relations avec les acteurs sur le
terrain. Les pouvoirs locaux sont par ailleurs tout à fait capables de
diversifier leur offre de logements à partir du moment où des
incitations et des accompagnements adaptés sont mis en place.
Il faut aussi reconnaître que certaines dispositions de la loi SRU
bloquent le marché immobilier et la construction de logements, notamment
les règles relatives aux
schémas de cohérence
territoriale
(SCOT), aux
plans locaux d'urbanisme
(PLU) et à
la
participation pour voies nouvelles et réseaux
(PVNR).
Votre rapporteur se félicite donc de la décision de M. Gilles de
Robien de modifier rapidement le texte sur ces points afin de débloquer
une situation foncière aujourd'hui largement gelée.
Ainsi, lors du débat qui s'est tenu au Sénat le 12 novembre
dernier sur la proposition de loi n° 37 (2001-2002) de
M. Dominique Braye et plusieurs de ses collègues, le ministre
déclarait-il :
«
Ce dispositif a une certaine efficacité, mais il a
montré ses limites. Habile dans l'effet d'affichage, il s'est
révélé piètre dans le changement concret de notre
tissu urbanistique et social. En effet, son premier tort est de sanctionner
financièrement des communes sur une situation de fait.
«
Il est en cela profondément choquant et injuste,
puisqu'il pénalise a priori des communes qui, aujourd'hui, n'ont pas
20 % de logements sociaux en raison de leur histoire et, le cas
échéant, de leurs élus passés
. »
Partant de ce constat, il concluait ainsi :
«
Pour parvenir plus efficacement à atteindre l'objectif de
mixité sociale, j'ai toujours pensé qu'il fallait faire confiance
aux élus locaux
».
3(
*
)
2. La question du mode de financement de la politique du logement
a) L'épargne-logement doit retrouver un rôle clé dans le financement du parc privé.
Le
système de l'épargne-logement a pour but de permettre la
constitution de l'apport personnel nécessaire pour que l'accession
à la propriété se fasse dans les meilleures conditions de
sécurité financière.
Les prêts d'épargne-logement permettent de financer l'achat de
logements neufs ou anciens destinés à l'occupation personnelle ou
à la location, l'achat ou la construction de résidences
secondaires neuves, et les travaux d'amélioration.
Caractéristiques de l'épargne logement
|
PEL |
CEL |
Versement initial minimum |
225 € |
300 € |
Versements annuels minima |
540 € |
75 € |
Plafond des dépôts |
61.200 € |
15.300 € |
Durée minimale de l'épargne |
4 ans |
Aucune |
Intérêts annuels versés |
4,50 % |
2 % |
Prime d'épargne maximum |
1.525 € |
1.143,37 € |
Caractéristiques intérêts |
Exonérés IR et capitalisables
annuellement.
|
Idem |
Demande de prêt |
4 ans d'existence |
18 mois d'existence |
Montant maximum du prêt |
92.000 € |
22.867,35 € |
Durée du prêt |
2 à 15 ans |
Idem |
Taux d'intérêt du prêt |
4,97 % |
3 % |
Cumul de prêts PEL/CEL d'un même titulaire |
Possible pour des objets différents et dans la limite de 92.000 € de prêt total |
Idem |
Source : ministère de l'équipement, des
transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Le nombre de plans et de comptes d'épargne-logement (PEL et CEL)
s'élevait à 23,72 millions au 31 décembre 2001
(+ 1,58 % par rapport à fin 2000). A la même date, le
montant total des dépôts atteignait 226,89 milliards d'euros,
en augmentation de 3,35 % par rapport au 31 décembre 2001.
Mais les prêts épargne-logement, ne représentent que
8 % des prêts accordés, même s'ils ont nettement
progressé (+ 22,6 %), grâce à l'arrivée
à échéance de générations de plans dont les
taux d'intérêt sont concurrentiels avec ceux des prêts
libres.
Ces derniers représentent 80 % des prêts immobiliers
accordés aux ménages. Ils se sont accrus de 3,8 % en liaison
avec les taux d'intérêt toujours attractifs proposés par
les établissements de crédits. Ils ne représentaient
cependant, au début des années quatre-vingt, qu'un quart environ
des crédits, à égalité avec les prêts
aidés (2 % seulement aujourd'hui) et loin derrière les
prêts épargne-logement réglementés.
Existent enfin également des prêts immobiliers
conventionnés (9 % du total), qui ont diminué de 4,3 %
en raison, notamment, de la concurrence des prêts libres.
Les chiffres et les études effectuées sur le sujet soulignent
très clairement que
l'épargne-logement est aujourd'hui
partiellement détournée de son objet.
Elle est devenue un outil d'épargne classique,
rémunéré à 4,5 % net d'impôt pour les
plans ouverts depuis le 1
er
juillet 2000, et ne finance que
très rarement, et dans une moindre mesure, l'achat d'un logement.
Intentions d'utilisation des produits d'épargne-logement
|
Total de détenteurs |
C'est un bon placement |
Achat de logement |
Effectuer des travaux |
Faire bénéficier un proche des droits acquis |
Autres |
Nombre |
9.701.430 |
3.763.969 |
2.319.995 |
2.085.684 |
968.633 |
559.910 |
Part sur total des détenteurs (%) |
100,00 % |
38,80 % |
23,91 % |
21,50 % |
9,98 % |
5,77 % |
Source : Enquête INSEE 1998
« patrimoine des
ménages »
Le volume des excédents de trésorerie de
l'épargne-logement ne cesse de progresser depuis les années
quatre-vingt, les dépôts sur les PEL ne cessant d'augmenter, alors
que les encours de prêts diminuent.
L'environnement financier et la fluctuation des taux du marché
concurrentiel influent en effet de manière très importante sur le
système de l'épargne-logement.
De fait, avant l'augmentation de sa rémunération au
1
er
juillet 2000, ce type d'épargne a connu des
aménagements successifs, consécutifs à la baisse des taux
d'intérêt depuis 1993.
Les taux de rémunération sont ainsi passés de 6 % en
1993 pour les PEL à un minimum de 3,6 % en 1999 (de 2,75 à
1,5 % pour les CEL).
Cette situation entraîne logiquement une forte variabilité dans
l'ouverture des plans et des comptes d'épargne-logement.
En outre, le dispositif de l'épargne-logement est handicapé par
la détermination du prêt en fonction de la durée d'emprunt,
ce qui constitue un frein qui rend ce financement de plus en plus accessoire.
En effet, plus le prêt sollicité est important, plus la
durée de remboursement sera réduite. Ce système augmente
mécaniquement le montant des mensualités et réduit les
capacités d'emprunt des ménages, notamment des plus modestes.
Par ailleurs, ce système de l'épargne-logement, par
l'exonération d'impôt applicable aux intérêts
perçus par les épargnants et par les primes versées en fin
de période d'épargne, représente un coût
budgétaire et fiscal estimé à environ 2,5 milliards
d'euros par an pour l'Etat.
L'épargne-logement n'est pourtant pas dénuée de tout
intérêt. Son impact ne doit ainsi pas seulement se résumer
au prêt épargne-logement : c'est également un produit
sécurisant qui reflète une partie de l'effort d'épargne
des ménages permettant de préparer dans de bonnes conditions un
projet d'accession à la propriété.
Il est cependant justifié, compte tenu de son coût, de rechercher
les moyens de le rendre socialement plus juste et surtout économiquement
plus efficace.
Un système pérenne gagnerait à être
créé qui soit le moteur du financement de l'immobilier,
complétant ainsi les dispositions prises pour l'accession à la
propriété (prêt à taux zéro) et pour
l'investissement locatif (loi Besson).
Ce système doit enfin pouvoir répondre à sa vocation
première : le financement d'un logement.
Pour ce faire, il doit
ainsi mieux lier l'avantage fiscal et la prime de l'Etat à l'achat d'un
logement.
b) Un financement extra-budgétaire du logement social se développe
La participation du 1 % logement au
renouvellement
urbain
Le 12 octobre 2001, l'Etat et l'Union d'économie sociale pour le
logement (UESL) signaient une convention de prolongation de la convention du
3 août 1998, afin que
« ces emplois du 1
%
logement contribuent à une politique ambitieuse de renouvellement
urbain ».
Cette convention prévoit que la participation des employeurs à
l'effort de construction, dite « 1 % logement »,
affectera 450 millions d'euros par an, après une période de
montée en régime, à la politique du renouvellement urbain,
sous diverses formes : le financement de démolitions de logements
locatifs sociaux
via
des subventions aux maîtres d'ouvrage, le
traitement de copropriétés dégradées, et le
versement de subventions pour les
prêts au renouvellement urbain
(PRU).
Pour 2003, l'article 18 du projet de loi de finances prévoit un
versement de 250 millions d'euros de l'UESL au budget de l'Etat.
Mais la convention prévoit également que
« d'autres
affectations pour des sommes dont il serait anticipé qu'elles ne seront
pas consommées l'année suivante, ou constaté qu'elle n'ont
pas été consommées l'année en cours pourront
être prévues en lien avec des actions de renouvellement
urbain. »
Il est clair que ces sommes ne serviront pas à l'usage qui leur est
destiné par la convention.
Pour sa part, le rapporteur général de la commission des
Finances, M. Philippe Marini, avait proposé de supprimer ce
versement pour 2002, qu'il estimait
« contraire à la
convention de 1998 car ayant le caractère d'un prélèvement
sans contrepartie ».
Ce débat sur l'utilisation du 1 % logement prolonge celui ouvert en
1995 sur le financement du prêt à taux zéro sur les
réserves du 1 %.
Cette ponction permettait néanmoins au 1 % de justifier son
existence : promouvoir l'accession sociale à la
propriété.
Les partenaires de l'UESL ne souhaitaient pas financer le prêt à
taux zéro et ont obtenu de l'Etat, par la convention de 1998, une sortie
progressive de cet engagement.
Or, le renouvellement urbain semble plus éloigné des objectifs du
1 % que l'accession sociale à la propriété.
La création de l'Association foncière logement
Un autre indice du développement croissant d'un financement
extra-légal de la politique du logement social
via
le 1 %
est la création d'une « association
foncière ».
Constituée début 2002 par les partenaires sociaux,
gérée par ces derniers et financée sur le 1 %
logement, l'association foncière doit progressivement investir
2 milliards d'euros par an, en fonds propres, par l'intermédiaire
de sociétés civiles immobilières, à l'horizon 2006,
dans des programmes immobiliers locatifs.
La société foncière constituera un actif immobilier, dont
l'objectif sera d'améliorer les garanties sociales des salariés
du secteur assujetti.
Sa mission est d'acquérir et de gérer des immeubles locatifs
à usage d'habitation. Les actifs immobiliers ainsi constitués
seront, au bout de 15 à 20 ans, transférés aux
régimes complémentaires de retraite par répartition des
salariés du secteur privé (AGIRC et ARRCO).
Au moins 40 % des logements réalisés acquis par la
foncière seront localisés sur des terrains en zones de
renouvellement urbain (ZRU) et cédés en contrepartie de l'apport
de subventions du 1 % aux opérations de démolitions.
Ces logements ne seront soumis ni à plafond de loyer, ni à
plafond de ressources.
En revanche, s'ils sont construits dans les communes souffrant d'une
insuffisance de l'offre locative sociale (communes SRU en particulier), les
logements acquis par la foncière seront soumis aux plafonds de loyers et
de ressources des
prêts locatifs sociaux
(PLS).
Dès 2003, 4.000 logements neufs sont prévus dans le cadre de
la foncière.
Si les objectifs de cette réforme peuvent être salués comme
ambitieux, les contreparties de l'engagement des partenaires sociaux à
leur participation majoritaire dans la foncière doivent toutefois
être contrôlées.
Ainsi, tant par sa participation au renouvellement urbain que
via
son
action dans la foncière, le 1 % prend une importance croissante
dans la politique du logement, dont le financement devient progressivement
extra-budgétaire.
On peut en outre observer, comme le souligne l'Union sociale pour l'habitat,
que les 54.000 nouveaux logements annoncés pour 2003 comprennent
12.000 financements en PLS, qui ne donnent pas lieu à dotation
budgétaire.
Le financement du logement social intervient ainsi, plus souvent qu'auparavant,
hors du budget de l'Etat, par les PLS et les nouveaux PRU de la
foncière.
Cette évolution doit toutefois être expliquée par
l'ampleur des besoins, qui nécessite une action partenariale afin de
dégager des moyens auxquels le budget de l'Etat ne pourrait seul faire
face.