CHAPITRE PREMIER
-
L'ARMÉE DE TERRE À L'ISSUE DE LA LOI DE PROGRAMMATION
1997-2002
Tout au long de la période de transition, votre rapporteur s'est attaché à suivre régulièrement la mise en oeuvre de la professionnalisation, en attirant l'attention du gouvernement sur les difficultés rencontrées, mais également en soulignant l'ampleur des transformations opérées.
Il s'agit bien d'une réforme sans précédent pour les armées, et sans équivalent dans d'autres secteurs de l'État, qui a été menée à son terme. L'armée de terre y a pris une part majeure, car elle avait sans doute plus que d'autres un long chemin à parcourir pour passer du modèle de la conscription et de la défense aux frontières aux exigences de réactivité, de souplesse et de savoir-faire propres au nouveau contexte d'engagement des forces.
Durant ces six dernières années, plus de 600 mesures de restructuration de tous types ont été appliquées, se traduisant en particulier par la dissolution de 51 régiments et de 221 établissements ou formations. Le commandement a fait l'objet d'une réorganisation complète et les grandes unités permanentes constituées dès le temps de paix, qu'étaient les divisions, ont été remplacées par des brigades fonctionnant selon une logique de « modularité ».
Tout en réduisant drastiquement les effectifs militaires, qui sont passés de 237 000 hommes en 1996 à 136 000 en 2002, l'armée de terre a quadruplé son « réservoir » de forces projetables, qui atteindra 100 000 hommes en fin d'année.
Cette adaptation a été menée sans relâche, alors que les évènements extérieurs et intérieurs imposaient un rythme d'activité extrêmement soutenu.
À l'heure du bilan, votre rapporteur souhaite plus particulièrement évoquer deux aspects :
- l'achèvement de la professionnalisation , marqué par une atténuation du sous-effectif constaté durant les six dernières années, et donc dans le même temps, par une moindre tension sur le rythme d'activités,
- les questions liées à la condition des personnels , à l'environnement des forces et aux équipements , où prédomine un sentiment de situation dégradée qui impose désormais un redressement rapide.
I. LES PERSONNELS : VERS LA CONSOLIDATION DE LA PROFESSIONNALISATION
L'armée de terre a connu durant toute la délicate période de transition un sous-effectif permanent alors que le niveau d'engagement sur les théâtres extérieurs et sur le territoire national s'est accru, provoquant une réelle tension sur les rythmes d'activité. Avec la sixième annuité de recrutement d'engagés, et une certaine amélioration s'agissant des personnels civils, cette tension s'atténue désormais. Un allègement de notre présence dans les Balkans serait de nature à stabiliser la situation.
A. DES EFFECTIFS PROFESSIONNELS DÉSORMAIS PROCHES DES OBJECTIFS
Comme le montrent les tableaux ci-dessous, la situation de sous-effectif a pris dans l'armée de terre une ampleur significative à partir de 1998, le déficit approchant 10% des postes en 1999, avant de se réduire au cours de ces derniers mois.
Les effectifs militaires de l'armée de terre
de 1997 à 2002 :
effectifs budgétaires et effectifs
réalisés
Officiers |
Sous-officiers |
Engagés |
Volontaires |
Appelés |
Total militaires |
|
Effectifs budgétaires 1997 Effectifs moyens réalisés 1997 Ecart |
17.242 17.178 - 64 |
55.608
|
36.077
|
-
|
111.039
|
219 966
|
Effectifs budgétaires 1998 Effectifs moyens réalisés 1998 Ecart |
17.013
16.539
|
54.455
|
41.956
|
-
|
89.790
83.697
|
203 214
|
Effectifs budgétaires 1999 Effectifs moyens réalisés 1999 Ecart |
16.783
|
53.235
|
47.835
|
1.361
|
67.530
|
186 744
|
Effectifs budgétaires 2000 Effectifs moyens réalisés 2000 Ecart |
16.477
|
52.103
|
53.707
- 42 |
2.858
|
44.197
|
169 342
|
Effectifs budgétaires 2001 Eff. moyens réalisés au 1.7.01 Ecart* |
16.245
|
51.170
|
59.586
|
4.877
|
17.111
|
148 989
|
Effectifs budgétaires 2002 Eff. moyens réalisés au 1.7.02 Ecart* |
15 792
|
49 777
|
65 470
|
5 544
2 884
|
0 213 + 213 |
136 583
|
* au 1 er juillet de l'année
Pour les effectifs militaires , l'écart moyen entre les effectifs réalisés et les effectifs budgétaires s'est creusé dès 1998, avec une amplification en 1999. Il résulte en large partie de la diminution plus rapide que prévue du nombre d'appelés , du fait des possibilités de reports offertes aux titulaires de contrats de travail, puis de la cessation anticipée du service national en 2001. À ce phénomène conjoncturel s'est ajouté le nombre croissant de postes vacants dans la catégorie des volontaires.
Au total, le déficit sur les postes de militaires s'est maintenu entre 5 et 7% des effectifs en 2000 et 2001, et il est actuellement en voie de résorption, grâce à l'achèvement de la dernière tranche de recrutement d'engagés.
Pour les personnels civils , les modes de calculs sont sensiblement différents et les données ont été affectées par d'incessants changements de périmètre qui rendent les comparaisons difficiles. Selon les informations fournies par le ministère de la défense à votre rapporteur, le déficit , après avoir culminé à 4 500 postes en 1999, a été ramené à environ 2 000 postes en 2001 et devrait se limiter à un millier de postes en 2002 .
Les effectifs en personnels civils de l'armée de terre de 1997 à 2002 :
effectifs budgétaires et effectifs réalisés
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
|
Effectifs budgétaires |
32 276 |
32 620 |
32 795 |
30 772 |
29 729 |
29 959 |
Effectifs réalisés |
29 739 |
30 621 |
28 277 |
27 627 |
27 740* |
28 939* |
Ecart |
- 2 537 |
- 1 999 |
- 4 518 |
- 3 145 |
- 1 989* |
- 1 020* |
* au 1 er juillet de l'année
Il faut d'autre part signaler qu'en fin d'année 2002, c'est-à-dire au moment où la professionnalisation sera achevée, l'armée de terre disposera d'un nombre de postes budgétaires légèrement inférieur à celui prévu par la loi de programmation.
En effet, un certain nombre d'entre eux, pourtant prévus en programmation, ont été supprimés . Marginaux s'agissant des effectifs militaires, ces abattements ont été en revanche plus importants pour les personnels civils, plus de 1.100 postes, soit environ 3,5% de la cible initiale ayant été supprimés . Environ 15% de ces suppressions de postes ont été gagées par la mise à disposition de crédits de sous-traitance, mais pour le restant, il s'agit d'une « perte sèche » pour l'armée de terre, même si ces postes supprimés étaient des postes vacants.
1. Les militaires professionnels
. Les officiers et sous-officiers
La loi de programmation a prévu une diminution de près de 8 000 postes du nombre de cadres, officiers et sous-officiers, le taux d'encadrement passant dans le même temps de 31 % à 48 % du fait de la réduction du format et de la fin du service national.
La déflation des effectifs d'officiers concernait près de 1 400 postes sur la période 1996-2002, soit une diminution moyenne de 230 postes par an, sans modification de la répartition interne entre groupes de grades. La nécessité de maintenir un déroulement équilibré des carrières et un flux suffisant de recrutements imposent néanmoins de parvenir à un flux de départs annuels moyen de plus d'un millier d'officiers.
Flux de recrutements et de départs
des
officiers de l'armée de terre
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002
|
2003
|
|
Recrutements |
865 |
835 |
1 074 |
1 165 |
1 066 |
930 |
Départs |
1 309 |
1 310 |
1 138 |
1 099 |
1 032 |
913 |
Le recrutement des officiers , après avoir atteint un point bas en 1999, a été significativement relevé depuis 2000 pour atteindre les objectifs définis en matière d'effectifs. Ce relèvement passe surtout par une augmentation très substantielle des recrutements d'officiers contractuels , notamment d'officiers de réserve en situation d'activité (ORSA) et, depuis juin 2000, d' officiers sous contrat (OSC) . Ces recrutements devraient permettre d'atteindre les objectifs de réalisation totale des effectifs budgétaires en fin d'année 2002.
S'agissant des sous-officiers , la période couverte par la programmation devait se traduire par une réduction de 6 461 postes en 6 ans , soit plus d'un millier de postes par an. La population des sous-officiers sera constituée pour près de la moitié par d'anciens engagés et continuera à pourvoir celle des officiers à hauteur de près de 50 %.
Depuis 1997 ont été menées de pair une augmentation du flux de départs, notamment grâce aux pécules d'incitation au départ (près de 2 700 de 1999 à 2002), et une augmentation du recrutement (3 200 recrutements prévus en 2002 contre 1 760 en 1997).
Flux de recrutements et de départs (hors
pécules)
des sous-officiers de l'armée de terre
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002
|
2003 (prévisions) |
|
Recrutements |
2.293 |
2.368 |
2.548 |
2.954 |
2.930 |
3.200 |
Départs |
1.652 |
1.967 |
2.204 |
2.585 |
3.126 |
3.039 |
Un déficit s'est creusé, au cours des deux dernières années, dans la catégorie des sous-officiers, notamment en raison des difficultés de recrutement des jeunes sous-officiers . La forte augmentation du recrutement en 2002 devrait en partie atténuer ce sous-effectif.
. Le recrutement des engagés : un bilan pleinement satisfaisant
Pilier de la professionnalisation, le recrutement des engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT) doit s'opérer au rythme soutenu de près de 5 900 nouveaux postes chaque année. Mais, compte tenu des départs, c'est en réalité un recrutement actuellement supérieur à 11 000 EVAT par an qui est nécessaire.
Evolution des recrutements et des départs des
engagés
volontaires de l'armée de terre
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
|
Départs en fin de contrat Accession sous-officiers Total des départs |
4 302 1 095 5 497 |
4 982 1 221 6 203 |
4 068 1 281 5 349 |
2 863 1 396 4 259 |
3 029 1 400 4 429 |
Recrutements initiaux ultérieurs |
11 744 6 520 5 224 |
11 671 7 360 4 311 |
10 647 7 480 3 167 |
12.741 9 275 3 466 |
Avec l'extinction du service national, le recrutement dit « initial », effectué directement dans le secteur civil, a pris une part prépondérante par rapport au recrutement dit « ultérieur », provenant d'appelés, éventuellement volontaires « service long».
La mise en oeuvre des recrutements est jugée très satisfaisante. Le nombre de candidatures s'avère suffisant, bien que le taux de sélection demeure faible (1 candidat retenu pour 1,3 dossier déposé en 2001), ce qui illustre la relative étroitesse du vivier et sa vraisemblable sensibilité aux évolutions conjoncturelles du marché du travail. Cela souligne d'autant la nécessité d'accorder une attention soutenue à la condition matérielle des engagés, qu'il s'agisse de la rémunération, de l'hébergement, des conditions de travail ou de la préparation du retour à la vie civile et à la reconversion.
Le taux d'attrition au cours de la formation a diminué ces dernières années et s'établit désormais à 14 % , niveau jugé satisfaisant. Le taux de réengagement était quant à lui en 2001 de 72 % pour les contrats de 3 et 5 ans arrivés à échéance et de 79% pour les contrats à durée variable, résultat semble-t-il supérieur aux attentes.
Les recrutements d'engagés programmés sur le dernier trimestre 2002 devraient permettre en fin d'année une réalisation totale des effectifs.
. Les volontaires : un lourd déficit pour une « cible » trop ambitieuse
Créée par la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, la catégorie des volontaires était destinée à jouer un rôle non négligeable dans l'armée de terre professionnelle puisqu'en 2002, elle devait comporter 5 544 postes, soit 4 % des effectifs militaires. Ces volontaires ne constituent pas une force d'appoint, mais doivent occuper une place à part entière, au même titre que les autres personnels militaires, dans l'armée de terre.
L 'effectif moyen réalisé, pour les volontaires, reste très inférieur au nombre de postes budgétaires, le déficit n'ayant cessé de s'accroître , passant de 503 postes au 1 er juin 1999 à 2 759 postes au 1 er juin 2002, soit 50% de l'effectif théorique , la proportion étant encore plus importante pour les postes réservés aux officiers et sous-officiers.
Les particularités du statut de volontaire ne le rendent attractif que pour un volume réduit de candidats potentiels, en nombre très inférieur à la cible ambitieuse qui avait été définie en 1996. Il semble donc difficile d'aller très au delà de l'effectif actuel.