2. Le bilan décevant de la coopération européenne en matière d'armement
La DGA a joué un rôle majeur dans la création de l' organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR) , qui regroupe actuellement l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la France. L'OCCAR a pour but d'améliorer la gestion des programmes en coopération, par la mise en oeuvre de règles et de procédures inspirées des meilleures pratiques en vigueur dans les Etats-membres. Dans le domaine des acquisitions, les principes retenus (mise en concurrence systématique dans tous les pays européens, extension à la concurrence extra-européenne en cas de réciprocité effective, abandon du juste retour industriel programme par programme...) innovent totalement par rapport aux pratiques traditionnelles de la coopération. Elle possède la personnalité juridique internationale lui permettant de mettre en oeuvre ses principes d'acquisition depuis janvier 2001.
Le processus de ratification de la convention du 9 septembre 1998 s'est achevé en 2000, l'OCCAR possédant désormais la personnalité juridique.
Le principe de l'adhésion des Pays-Bas et de l'Espagne à l'OCCAR a été accepté. La Belgique a déposé une demande d'adhésion. La Suède se montre également intéressée.
Parallèlement, dans le prolongement de la lettre d'intention sur les restructurations des industries de défense du 6 juillet 1998, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne et la Suède ont signé un accord cadre le 27 juillet 2000 à Farnborough. Cet accord offre un cadre politique et juridique commun pour mettre en place un environnement favorable à l'édification d'une industrie européenne plus compétitive et plus solide sur le marché mondial de la défense et d'un marché européen plus intégré.
Les mesures retenues dans l'accord portent sur la sécurité d'approvisionnement , les procédures d'exportation pour les programmes menés en coopération, l'adaptation des règles concernant la sécurité de l'information , la coopération en matière de recherche et technologie , le traitement des informations techniques et l' harmonisation des besoins opérationnels .
Enfin, la DGA participe aux groupes de travail ECAP ( European capability action plan ) chargés de réfléchir aux problématiques d'acquisition et de financement des capacités identifiées par les pays de l'Union européenne pour la constitution de la force définie lors du sommet d'Helsinki en 1999.
Ces différentes initiatives se soldent cependant par un bilan pour l'instant assez décevant .
L' OCCAR a accueilli un certain nombre de programmes déjà bien lancés, comme l'hélicoptère Tigre, mais n'a pas pu véritablement mettre en oeuvre les principes novateurs d'acquisition qui en font l'originalité , faute de se voir confier des programmes dès leur phase de lancement. L'aboutissement du dossier A 400 M pourra-t-il enclencher une dynamique favorable à l'OCCAR ? En tout état de cause, ce programme sera la première occasion de vérifier si l'OCCAR est en mesure de procurer les gains d'efficacité qui en sont attendus.
Plus globalement, en dépit des regroupements intervenus en Europe ces dernières années, qui semblaient devoir favoriser la consolidation d'une « base industrielle » européenne de défense et renforcer l'intérêt des Etats pour des programmes européens en vue de satisfaire des besoins communs, on ne peut qu'être frappé par les échecs nombreux enregistrés sur des projets de coopération . C'est le cas en matière de satellites de télécommunications, mais également dans bien d'autre domaines. La difficulté à faire converger la définition des besoins opérationnels, les enjeux industriels nationaux et, dans certains cas, la préférence pour des solutions américaines, sont à l'origine de cette situation.
Enfin, le ralliement de plusieurs pays européens au projet d'avion de combat américain F 35 pose un véritable problème de fond, ces pays ayant accepté de s'engager à moyen terme par une contribution très substantielle aux dépenses de développement, pour un appareil qui ne pourra être livré que dans plusieurs années. C'est aux Etats-Unis qu'il revient d'avoir su fédérer plusieurs pays européens et d'être parvenus à leur faire surmonter toutes les réticences que pouvaient légitimement susciter le coût du programme, son horizon incertain et son adaptation au besoin opérationnel des pays en cause.
Ce précédent, qui pose la question de la capacité européenne à préparer la prochaine génération d'avions de combat, provoque de sérieux doutes sur la volonté politique réelle sur notre continent d'édifier une Europe de l'armement.