Projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale : Tome XIV : FRANCOPHONIE
LEGENDRE (Jacques)
AVIS 69 Tome XIV (2002-2003) - commission des affaires culturelles
Rapport au format Acrobat ( 7 Ko )Table des matières
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INTRODUCTION
-
I. L'ACTION INTERNATIONALE DE LA FRANCE EN FAVEUR DE LA
FRANCOPHONIE
- A. LE FINANCEMENT DES ACTIONS RELEVANT DU SERVICE DES AFFAIRES FRANCOPHONES
- B. LE TOURNANT POLITIQUE DE LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE
-
C. LES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE
- 1. L'Agence de la francophonie
- 2. L'Agence universitaire de la francophonie
- 3. L'Université Senghor d'Alexandrie
- 4. L'Association internationale des maires et responsables de capitales et métropoles francophones (AIMF)
- 5. TV5
- 6. L'Assemblée parlementaire de la francophonie
- 7. La mutation du Haut conseil de la francophonie
-
II. LA DÉFENSE DE LA FRANCOPHONIE EN FRANCE ET DANS
LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES
- A. LES MISSIONS ET LES MOYENS DE LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE À LA LANGUE FRANÇAISE ET AUX LANGUES DE FRANCE
-
B. LA NÉCESSITÉ D'UNE DÉFENSE
VIGILANTE DE LA LANGUE FRANÇAISE
- 1. L'étiquetage des denrées alimentaires
- 2. L'étiquetage des produits qui ne font pas l'objet d'une harmonisation européenne
- 3. Le programme européen Socrates Comenius 2.2
- 4. Les tentations de certains décideurs politiques
- 5. La nécessité de consacrer la diversité linguistique dans le futur « traité constitutionnel » de l'Union européenne
- 6. La réforme du brevet européen
-
I. L'ACTION INTERNATIONALE DE LA FRANCE EN FAVEUR DE LA
FRANCOPHONIE
- EXAMEN EN COMMISSION
- CONCLUSION
-
ANNEXE II
DISCOURS DE M. CHRISTIAN PONCELET,
PRÉSIDENT DU SÉNAT,
LORS DE L'INAUGURATION DE LA FOIRE DU LIVRE À BRIVE
N° 69
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 2002
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2003 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME XIV
FRANCOPHONIE
Par M. Jacques LEGENDRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; M. François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernand Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Serge Lepeltier, Mme Brigitte Luypaert, MM. Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Dominique Mortemousque, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jacques Pelletier, Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Vanlerenberghe, André Vallet, Marcel Vidal, Henri Weber.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
12
ème
législ.) :
230
,
256
à
261
et T.A.
37
Sénat
:
67
(2002-2003)
Lois de finances . |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
En octobre 2002, la francophonie avait rendez-vous avec l'histoire, à
Beyrouth, à l'occasion du IX
e
Sommet des chefs d'Etat et de
gouvernement ayant le français en partage.
C'était l'occasion de mesurer la place que les nouveaux dirigeants
français, issus des élections du printemps accordent à la
francophonie.
On se souvient encore que le précédent chef de gouvernement,
M. Jospin, n'avait pas d'entrée de jeu nommé un ministre
chargé de la francophonie.
Fort heureusement, il en a été différemment cette fois.
Dans son discours d'investiture, le Premier ministre, M. Jean-Pierre
Raffarin a indiqué que la francophonie ferait partie de notre action
internationale, ajoutant que « La Marseillaise, le drapeau, la langue
font partie de ce patrimoine auquel nous sommes attachés ».
La déclaration est sans doute lapidaire. Elle a néanmoins le
mérite d'avoir été prononcée.
Cet engagement a été confirmé par le choix fait à
l'occasion de la composition du gouvernement. M. Pierre-André
Wiltzer est connu pour être un militant de longue date de la
francophonie. Longtemps président du groupe d'Amitié
France-Québec de l'Assemblée nationale, président de la
commission des affaires politiques de l'Assemblée parlementaire de la
francophonie, dont il a présidé aussi la section
française, il a montré depuis des années son engagement au
service de cette grande idée.
Mais, comme son prédécesseur, il est ministre
délégué auprès du ministre des affaires
étrangères chargé de la francophonie et de la
coopération.
Est-il bien raisonnable de rassembler ainsi deux responsabilités dont
l'aire géographique est très différente, alors même
que l'Afrique, traversée de graves crises économiques et
politiques, a besoin qu'on lui consacre beaucoup de soin et que, à juste
titre, le président de la République et le gouvernement entendent
faire de l'aide au développement une priorité de leur action.
Il faut redire ici que si nous approuvons le rattachement du ministère
en charge de la francophonie aux affaires étrangères, il nous
paraîtrait judicieux qu'il soit déchargé de la
coopération mais s'occupe aussi des relations culturelles et de
l'audiovisuel extérieurs.
Le rendez-vous de Beyrouth
Le
sommet de Beyrouth a été un succès.
Il a démontré que, bien loin d'être une
préoccupation marginale, un exercice nostalgique au parfum de
néo-colonialisme suranné, la francophonie est bien une
affirmation politique essentielle.
On ne va pas sans émotion à Beyrouth, la capitale du Liban porte
encore les traces d'une longue et atroce guerre civile.
A deux pas de l'hôtel Phoenicia récemment reconstruit se dressent
les ruines dissimulées par des bâches du mythique hôtel
Saint-Georges. Bien d'autres immeubles sont encore marqués par les
impacts de balles.
C'est une ville en état de siège, quadrillée par
8 000 hommes en armes qui a accueilli les
55 délégations gouvernementales.
C'est un pays, le Liban, où les plaies sont encore vives. La veille du
sommet, des étudiants protestant contre la présence militaire
syrienne ont été violemment dispersés par la police. Et le
haut-clergé chrétien maronite mais aussi les dirigeants d'autres
églises ou communautés ne cachent pas leur aspirations à
plus d'indépendance réelle.
Mais c'est aussi la villa des Pins, ancienne résidence du
haut-commissaire au temps du mandat et symbole de la présence
française qui a été somptueusement remise en état
par la France.
C'est un pays où des élections ont lieu et peuvent être
gagnées par des candidats de l'opposition. C'est un pays à
l'économie fragile, aux équilibres démographiques
perturbés, mais où la vie reprend ses droits.
C'est un pays où le « désir de France » et de
francophonie est réel, profond. Notre pays y répond par un effort
très important même s'il est encore jugé insuffisant.
Et ce désir émane de toutes les communautés. Chacun sait
les liens historiques émouvants qui lient la France aux maronites et
aussi aux sunnites. Mais ce désir est exprimé aussi par des
dirigeants chiites et druzes.
Reçu en compagnie de la présidente de l'Assemblée
parlementaire de la francophonie par le président de l'Assemblée
nationale libanaise, M. Nabih Berry, chiite, j'ai pu l'entendre exprimer
en français pendant une demi-heure son intérêt pour la
francophonie et son souhait de voir se développer un lycée
français à Nagguah, dans le Sud du pays, près de la
frontière israélienne. Il est vrai que nombreux sont les libanais
chiites qui commercent en Afrique de l'Ouest et tiennent à
connaître le français.
A Beyrouth le sommet s'est réuni au plus près d'une des plus
graves déchirures du monde.
Bien évidemment en un tel lieu, la francophonie se devait d'être
politique.
Elle l'a été tout d'abord par son thème : le dialogue
des cultures, en particulier le dialogue entre le monde francophone et le monde
arabophone.
Appeler au dialogue, c'est refuser l'inéluctabilité du
« choc des cultures » annoncé par Huntington.
Tous les discours ont exprimé ce refus.
Le Président Jacques Chirac a été particulièrement
clair :
« La francophonie est par vocation au service du dialogue et de la
diversité des cultures. La mondialisation promet aux hommes plus de
liberté et de progrès. Nous y voyons aussi le risque de
l'uniformisation et une menace pour nos identités. Mais le repli sur soi
mènerait au déclin aussi sûrement que le renoncement
à soi. L'un des défis du monde fluide où nous vivons
désormais est d'apprendre à mieux être soi-même pour
mieux accueillir l'autre. Nous désamorcerons ainsi ce qu'Amin Maalouf
appelle « les identités meurtrières ».
Mais tout aussi explicite -et important- a été le discours du
président algérien, M. Abdelaziz Bouteflika dont le pays
n'adhère pas encore à l'organisation internationale de la
francophonie, mais qui a tenu à être présent :
« L'usage de la langue française est un lien qui assure
notre unité. Mais c'est dans la diversité des cultures
représentées ici que réside notre véritable
richesse, car ces cultures ont ici le moyen de communication qu'offre la langue
française. Le dialogue des cultures est donc ici une
réalité qu'il nous appartient de faire fructifier.
Le mérite d'une langue n'est pas seulement d'être l'expression
d'une civilisation, mais de servir de lien entre des civilisations
différentes, et d'assurer ainsi non seulement leur compréhension
mutuelle, mais l'enrichissement de chacune d'elles par les autres.
Nous participons aujourd'hui à cette réunion dans la conviction
que nos échanges mettront en valeur nos différences et conduiront
ainsi à l'épanouissement de toutes les cultures
représentées ici. Nous avons confiance que dans nos esprits et
dans nos intentions, ce sont ces mêmes préoccupations qui nous
animent et qui traduisent les aspirations de nos peuples à la
paix ; au développement et à la
sécurité ».
Les prises de position sur la situation au Proche-Orient ont permis d'affirmer
l'intégrité territoriale et l'existence politique du Liban, le
droit d'Israël à des frontières sûres et reconnues, le
droit des palestiniens à un Etat et à un pays.
Mais bien évidemment la menace de reprise d'un conflit armé en
Irak hantait tous les esprits.
Le Président de la République Française a
été très écouté et largement approuvé
quand il a affirmé que la France mettrait tout en oeuvre pour que la
légalité internationale soit respectée, qu'il fallait agir
collectivement dans le cadre des Nations-Unies, seul cadre à assurer la
légitimité de toute action, et que
l'option militaire, ultime
recours, n'était pas une fatalité
.
On mesure l'importance d'un tel rappel quand il est effectué devant les
représentants de 55 Etats !
Une diplomatie d'influence au service de la paix
La
francophonie politique est-elle pour autant efficace ?
J'ai pu en vérifier l'importance en participant fin octobre à la
57
e
session de l'assemblée générale de
l'ONU en qualité de parlementaire membre de la délégation
française.
Cette assemblée générale était évidemment
dominée par l'affaire irakienne.
Pour la diplomatie française l'objectif est de tout faire pour
sauvegarder la paix en obtenant de l'Irak un strict respect de son
désarmement sans action militaire unilatérale d'un pays ou d'une
coalition qui n'aurait pas reçu mandat du conseil de
sécurité.
On le sait, le conseil de sécurité est composé de 5
membres permanents avec droit de veto : USA, Russie, Chine,
Grande-Bretagne et France et de 10 membres élus.
Les Etats-Unis voulaient à se passer de l'accord de l'ONU. Le
Président Bush a pourtant été obligé de venir
s'expliquer devant l'Assemblée générale puis de faire
préparer une résolution déposée conjointement avec
la Grande-Bretagne au conseil de sécurité.
Cette motion prescrivait l'envoi d'inspecteurs de l'ONU. Mais au moindre
incident les USA se réservaient le droit d'engager une action militaire
sans décision explicite du conseil de sécurité.
Les Américains ont exercé une énorme pression sur les
membres non-permanents du conseil de sécurité. Hormis ceux-ci
quatre étaient présents à Beyrouth : Maurice, la
Bulgarie, la Guinée et le Cameroun, qui préside d'ailleurs cette
année le conseil de sécurité.
La Bulgarie sans doute, parce qu'elle ressent un besoin vital d'être
intégrée à l'OTAN et peut-être la Guinée,
inquiète pour la sécurité de sa frontière
libérienne, auraient peut-être rallié la position
américaine.
Mais il est clair que l'affirmation politique de la francophonie donne à
la France membre permanent du conseil de sécurité, quand elle
veut se faire entendre, un poids exceptionnel aux Nations-Unies.
La démocratie par l'exemple
D'une
grande signification politique était aussi le choix d'un nouveau
secrétaire général de l'organisation internationale de la
francophonie.
Élu au Sommet de Hanoï, en 1990, Boutros Boutros-Ghali a mis sa
grande culture, sa parfaite courtoisie son expérience internationale
exceptionnelle, au service de la francophonie.
C'est lui qui a entendu en faire une « Organisation
internationale » et la mettre en rapport avec les système des
Nations-Unies. Il a tenu aussi à créer des liens avec d'autres
aires culturelles : monde arabophone, lusophonie, hispanophonie.
Grâce à lui la francophonie s'est affirmée dans les
institutions internationales.
Pour lui succéder, et après quelques péripéties
dues à des rivalités internes à l'Afrique Noire, s'est
imposé le choix de M. Abdou Diouf, qui fut le successeur de
Léopold Sedor Senghor à la présidence du
Sénégal.
Cet homme d'Etat expérimenté s'est soumis au verdict des
électeurs de son pays. Battu, il a accepté sa défaite et
transmis le pouvoir à M. Abdoulaye Wade, donnant ainsi à
l'Afrique un très utile exemple.
Avec l'élection au poste de secrétaire général de
M. Abdou Diouf la francophonie confirme qu'elle entend servir la cause de la
paix mais aussi de l'état de droit et de la démocratie.
Une convention en faveur du pluralisme des cultures
L'affirmation de la francophonie politique ne doit pas faire
perdre
de vue que c'est d'abord « une langue en partage » qui nous
rassemble, une langue qui doit garder son rayonnement international.
Cet aspect n'a pas été occulté à Beyrouth.
Les chefs d'Etat de gouvernement ont marqué leur volonté d'agir
pour que l'UNESCO abrite un instrument juridique protecteur de la
diversité des cultures.
Il s'agit d'opposer aux tenants du libéralisme absolus, tentés
d'utiliser l'OMC pour remettre en cause « l'exception
culturelle » un accord international garantissant aux Etats le droit
de protéger leurs industries culturelles et grâce à elles
leur culture et leur identité. Il s'agit de réaffirmer que les
biens et industries culturelles ne sont pas de simples marchandises.
Certains objectaient que l'UNESCO n'est pas le lieu approprié pour un
tel débat car les USA n'en sont pas membre. Mais
précisément ils vont y reprendre leur place.
Sans doute les tenants les plus « durs » du
libre-échange, en particulier les pays anglo-saxons s'opposeront-ils
à l'adoption de cet instrument juridique mais le poids des francophones
rassemblés donne à cette tentative une réelle chance de
réussite.
L'Europe à plusieurs voix
L'élargissement de l'Union européenne exige que
soit
rapidement précisé son statut linguistique.
On entend couramment dire, en particulier au Parlement européen que
l'extension de 15 à 25 pays va provoquer l'explosion des frais de
traduction.
Cette affirmation dissimule mal la volonté de recourir à
l'anglais comme langue internationale unique de l'Europe. C'est pour nous
parfaitement inacceptable.
Rappelons qu'il existe en Europe un organisme qui rassemble 43 pays
c'est-à-dire la quasi-totalité du continent européen, y
compris l'Ukraine, la Russie et les pays du Caucase. C'est le conseil de
l'Europe.
Il a deux langues officielles, le français et l'anglais. Et 5 langues de
travail. Pourquoi l'Europe à 25 ne trouverait-elle pas une solution
pratique à ses difficultés linguistiques, puisque le Conseil de
l'Europe y parvient ?
Une solution peut être trouvée mais il faut le vouloir et il faut
l'inscrire dans un texte. Il est inquiétant que la convention
présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing n'ait pas
abordé ce point jusqu'ici.
Comment pourra-t-on affirmer notre attachement au multiculturalisme si, dans la
pratique l'Union européenne s'oriente vers une langue internationale
unique qui sera aussi celle des Etats-Unis ?
A l'occasion de l'année européenne des langues 2001, l'Union
européenne et le conseil de l'Europe ont affirmé ensemble leur
souhait que chaque jeune vivant en Europe parle bien sa langue nationale et
connaisse aussi deux autres langues.
C'est cela l'Europe multiculturelle et plurilingue.
Il faut en tirer les conséquences dans le fonctionnement des organismes
de l'Union et prévoir un système de langues pivot. On pourrait,
par exemple, en prévoir quatre : français, anglais,
allemand, espagnol. Mais il est urgent de débattre et de
décider.
I. L'ACTION INTERNATIONALE DE LA FRANCE EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE
L'organisation gouvernementale de la francophonie s'articule
entre
deux pôles principaux, qui s'appuient chacun sur une administration
différente.
La
francophonie intérieure
regroupe les actions qui concourent
à la diffusion, à l'emploi, et à l'enrichissement de la
langue française, et en particulier à l'application de la loi
Toubon relative à la langue française. Ces questions
relèvent du champ de réflexion du conseil supérieur de la
langue française, placé auprès du Premier ministre. Les
missions qui s'y rapportent sont du ressort du
ministère de la
culture et de la communication
, et plus particulièrement de la
délégation générale à la langue
française et aux langues de France.
La
francophonie extérieure
comprend les actions qui tendent au
rayonnement de la francophonie dans le monde. Elle s'attache à la
politique de coopération avec les organismes internationaux à
vocation francophone. Ces actions relèvent du ministère des
affaires étrangères, qui délègue cette
compétence au
ministre délégué à la
coopération et à la francophonie
.
Chaque année, depuis 1987, le gouvernement présente, en annexe
à la loi de finances, un état des
crédits concourant au
développement de la langue française et à la
défense de la francophonie.
D'après cet état récapitulatif, ces crédits
s'élèveront en 2003 à
883,25 millions d'euros
,
contre 873,52 millions d'euros en 2002, soit une
hausse d'un peu plus
de 1 %
.
Même si plusieurs ministères, et en particulier le
ministère de la culture et de la communication, ainsi que celui de la
jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche apportent leur
participation à l'action internationale en faveur de la francophonie,
celle-ci relève pour plus de 90 % du ministère des affaires
étrangères et plus particulièrement de deux de ses
services.
La
direction générale de la coopération internationale
et du développement
(DGCID) est née de la fusion de
l'ancienne direction générale des relations culturelles,
scientifiques et techniques du ministère des affaires
étrangères, et de la direction du développement du
ministère de la coopération. Elle a pour mission de mettre en
oeuvre
l'action culturelle de la France
et comporte une direction de la
coopération culturelle et du français, chargée, au plan
bilatéral, à la fois de la promotion de la langue
française et de la diffusion de la culture française. Au sein de
cette direction, la sous-direction du français est plus
particulièrement chargée des programmes et projets
consacrés à l'enseignement et à l'emploi de la langue
française.
Les actions bilatérales conduites par la France en faveur de la
francophonie correspondent notamment à la gestion des
établissements scolaires français à l'étranger,
à l'animation du réseau des établissements culturels et
des alliances françaises réparties dans le monde, ainsi
qu'à la politique d'octroi de bourses. Ceux-ci font l'objet d'une
analyse détaillée dans le rapport pour avis de notre
collègue, Mme Danièle Pourtaud, sur les crédits des
relations culturelles extérieures.
Le
service des affaires francophones
est désormais le seul
pôle administratif chargé du suivi de
l'action
multilatérale en faveur de la francophonie
. A ce titre, il est plus
particulièrement chargé d'assurer la préparation et le
suivi des instances politiques de la francophonie, les relations avec les cinq
« opérateurs » de la francophonie et la coordination
avec l'ensemble des services officiels de la langue française. Il est
à noter que le
Haut conseil de la francophonie
, dorénavant
placé auprès du secrétaire général de la
francophonie, continuera d'être suivi par le service des affaires
francophones.
A. LE FINANCEMENT DES ACTIONS RELEVANT DU SERVICE DES AFFAIRES FRANCOPHONES
Le
service des affaires francophones est chargé de l'exécution des
décisions prises à l'occasion des conférences des chefs
d'Etat et de gouvernement dont les crédits transitent par le Fonds
multilatéral unique.
Il dispose en outre d'une enveloppe de crédits destinés à
apporter un appui financier à diverses associations oeuvrant en faveur
de la francophonie.
1. Les subventions versées aux associations oeuvrant en faveur de la francophonie
A la
suite du rattachement au Fonds multilatéral unique de l'ensemble des
crédits budgétaires consacrés à l'Agence
universitaire de la francophonie, le montant des subventions inscrites à
l'article 42-15-80 a été ramené de 1,23 million
d'euros en 2001 à 580 186 euros en 2002. Par delà cette
opération purement comptable, les crédits consacrés
à l'appui aux associations étaient reconduits en 2001 au
même niveau que les années précédentes.
Le projet de budget pour 2003 reconduit cette enveloppe de crédits au
même niveau.
2. La participation française au financement des opérateurs de la francophonie : la perspective d'une relance budgétaire
Le
financement de quatre des cinq opérateurs de la francophonie -l'Agence
de la francophonie, l'Agence universitaire de la francophonie,
l'Assemblée internationale des maires francophones et
l'Université Senghor d'Alexandrie-, est assuré par le
Fonds
multilatéral unique
qui, comme l'indique son nom, regroupe les
contributions des différents membres de la francophonie.
Le montant de ses contributions est traditionnellement arrêté pour
un biennum, c'est-à-dire pour deux années, par la
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant en commun l'usage
du français.
Le montant de ces contributions pour les années 2002-2003 aurait
dû être fixé par le sommet de Beyrouth qui devait
initialement se tenir en octobre 2001. L'actualité internationale ayant
imposé le report de ce sommet d'une année, il est finalement
revenu à la conférence ministérielle de Paris de janvier
2002, d'adopter la programmation des opérateurs de la francophonie pour
le présent biennum. Celle-ci sera reconduite au même niveau que
pour le précédent biennum.
Le projet de budget pour 2003 reconduit la contribution du ministère des
affaires étrangères au FMU au même niveau qu'en 2002, soit
36,68 millions d'euros.
RÉPARTITION DES CRÉDITS DU SERVICE DES AFFAIRES FRANCOPHONES ENTRE LES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE
Répartition des crédits du chapitre 42-34 art. 40 |
en euros |
Agence de la francophonie (AIF) |
14 900 000 |
Agence universitaire de la francophonie (AUF) |
18 700 000 |
Association internationale des maires de villes francophones (AIMF) |
1 329 183 |
Université Senghor |
1 750 000 |
TOTAL |
36 679 183 |
Le
ministre délégué à la coopération et
à la francophonie a toutefois indiqué, au cours de son audition
devant la commission que, conformément aux engagements pris par le
Président de la République au sommet de Beyrouth, les concours
financiers de la France à la francophonie seraient augmentés
à l'occasion de la discussion du
projet de loi de finances
rectificative pour 2002
.
Ce projet, qui a été déposé sur le bureau de
l'Assemblée nationale, le 20 novembre dernier, prévoit en
effet de renforcer,
à hauteur de 20 millions d'euros
, les
moyens de la francophonie.
Le ministre avait indiqué que ces crédits supplémentaires,
qui faisaient encore l'objet d'arbitrages, pourraient permettre une
augmentation très substantielle des crédits alloués aux
opérateurs directs de la francophonie.
Ils pourraient ainsi bénéficier :
- au programme des bourses allouées par l'Agence universitaire de
la francophonie ;
- aux pôles universitaires spécialisés ouverts par
l'AUF en Afrique ;
- aux programmes de l'Agence de la francophonie relatifs à la
démocratie et aux droits de l'homme ;
- au plan pour le français dans l'Union européenne ;
- au doublement du nombre des auditeurs de l'université Senghor.
3. La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale
La
contribution du ministère des affaires étrangères ne
représente toutefois pas la totalité de la contribution
française au financement de la francophonie multilatérale qui
s'est élevée à 121,27 millions d'euros, contre
116 millions d'euros en 2001, soit une hausse de 4,5 % :
- car la contribution du ministère des affaires étrangères
au FMU est complétée par les apports, plus limités,
d'autres ministères ;
- car des financements très significatifs ne transitent pas par le
FMU.
a) La contribution des autres ministères au fonds multilatéral unique : des apports limités
La
contribution apportée parle service des affaires francophones au
financement du FMU est complétée par les apports d'autres
ministères.
Ainsi, la contribution du ministère de l'éducation nationale au
FMU s'est élevée en 2002 à 3 338 613 euros
dont :
- 2 195 265 euros destinés à l'Agence
internationale de la francophonie ;
- 76 224 euros en faveur du Fonds international de coopération
universitaire (FICU) ;
- près de 61 000 euros en faveur de l'Agence de la
francophonie destinés, à parts égales, au financement des
inforoutes et à l'action scolaire.
La France, tous apports confondus, en est le premier bailleur de fonds,
puisque, à travers lui, elle finance en 2002 62 % du fonctionnement
de l'Agence de la francophonie, 89 % de l'Agence universitaire de la
francophonie, 98 % de l'Association internationale des maires francophones
et 80 % de l'Université Senghor.
FINANCEMENT DES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE
(en euros)
|
Ensemble des Etats |
France |
France en % |
Agence internationale de la francophonie |
33 900 150 |
21 175 168 |
62 |
Agence universitaire de la francophonie |
23 501 065 |
20 961 740 |
89 |
Association interna-tionale des maires de villes francophones |
1 853 538 |
1 829 388 |
98 |
Université Senghor |
2 186 743 |
1 753 164 |
80 |
TOTAL |
61 441 497 |
45 719 460 |
74 |
b) Les crédits de la francophonie multilatérale hors FMU
D'autres
financements destinés aux opérateurs de la francophonie ne
transitent pas par le Fonds multilatéral unique.
Il s'agit, en premier lieu, de la contribution du ministère des affaires
étrangères au financement de TV5, qui s'élève, en
2002, à 65,56 millions d'euros.
D'autres crédits, d'un montant inférieur, sont destinés
à assurer le financement de :
- la contribution statutaire versée par la France à l'Agence
internationale de la francophonie, d'un montant de 10,57 millions
d'euros ;
- la subvention de 2,29 millions d'euros destinée aux
programmes et au fonctionnement des deux conférences
ministérielles spécialisées de la francophonie, la
conférence des ministres de la jeunesse et des sports (CONFEJES), et la
conférence des ministres de l'éducation (CONFEMEN) ;
- la subvention de 2,39 millions d'euros au comité
international des jeux de la francophonie.
B. LE TOURNANT POLITIQUE DE LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE
Les
«
conférences des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le
français en partage
», initialement appelées
sommets francophones, constituent l'instance de décision suprême
de la francophonie.
Elles s'appuient sur la
conférence ministérielle de la
francophonie
(CMF), qui est composée des ministres des affaires
étrangères ou de la francophonie, et qui doit veiller à
l'exécution des décisions prises par les sommets, ainsi que sur
le
conseil permanent de la francophonie
(CPF), composé des
représentants des chefs d'Etat et de gouvernement, qui est plus
particulièrement chargé de la préparation et du suivi des
sommets.
1. Le tournant du sommet de Hanoï : l'affirmation d'une francophonie politique
La
septième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, qui
s'est tenue en 1997 à Hanoï, a marqué un tournant
décisif pour la francophonie.
L'érigeant en organisation internationale à part entière,
il lui a conféré sa pleine dimension politique.
Les principales réformes institutionnelles apportées par le
sommet de Hanoï ont été la nomination d'un secrétaire
général permanent, le renforcement du conseil permanent de la
francophonie et la reconnaissance de l'Assemblée internationale des
parlementaires de langue française comme assemblée consultative
de la francophonie.
* Le
secrétaire général de la francophonie
est
élu pour quatre ans par les chefs d'Etat et de gouvernement auxquels il
rend compte ; il préside le conseil permanent de la
francophonie ; il est le porte-parole politique et le représentant
officiel de la francophonie sur la scène internationale, et le plus haut
responsable de l'agence de la francophonie (AIF).
Le premier titulaire de cette fonction a été M. Boutros-Ghali.
* Le
conseil permanent de la francophonie
(CPF) est
désormais composé des représentants personnels de tous les
chefs d'Etat et de gouvernement et non plus seulement de 18 d'entre eux comme
auparavant. Cette réforme a contribué à asseoir le
caractère représentatif de cette instance.
En outre, c'est le conseil permanent de la francophonie qui, tout en conservant
sa mission initiale de préparation et de suivi des sommets, siège
comme conseil d'administration de l'agence. Auparavant, c'était la
conférence ministérielle qui remplissait ce rôle mais ses
réunions n'étaient pas assez fréquentes pour assurer un
fonctionnement satisfaisant.
*
L'Assemblée internationale des parlementaires de langue
française
a été reconnue dans la charte de la
francophonie, comme
l'Assemblée consultative de la francophonie
.
Elle a pris le nom d'Assemblée parlementaire de la Francophonie.
2. Le sommet de Moncton : la défense de la diversité culturelle
Le
sommet de Moncton n'a souhaité prendre aucune décision
institutionnelle, après les avancées réalisées aux
deux sommets précédents ; il a cependant permis d'engager la
réforme de l'agence universitaire de la francophonie et d'engager un
processus d'évaluation qui doit être étendu à
l'ensemble des opérateurs de la francophonie.
Revenant sur le thème de la
diversité culturelle
, il a
décidé de mettre en place un processus de concertation entre pays
francophones pour accompagner l'ouverture du cycle de négociations de
l'Organisation mondiale du commerce à Seattle.
Ce thème a été approfondi lors de la
Conférence
francophone
des ministres chargés de la culture, qui s'est tenue
à Cotonou en juin 2001. Celle-ci a adopté une déclaration
qui réaffirme le droit pour chaque Etat de déterminer librement
sa politique culturelle, les moyens qui y concourent, et de mettre en place des
mécanismes de soutien. Elle a souligné la compétence
privilégiée de l'UNESCO pour débattre de ce thème
et a appelé de ses voeux l'élaboration d'une convention
internationale reconnaissant le principe de la diversité culturelle.
Le sommet de Moncton a également réaffirmé les exigences
posées par l'augmentation internationale de la francophonie en
matière de respect des droits de l'homme et de défense de la
démocratie.
Sur proposition de la France, les membres de la francophonie ont
décidé d'organiser l'année suivante un symposium
permettant de tracer le bilan des pratiques de la démocratie et des
droits de l'homme dans les pays membres.
3. Le symposium de Bamako : l'adoption d'un texte fondateur
Ce
symposium
qui réunissait les ministres et chefs de
délégation des pays de la francophonie, s'est tenu au
mois de
novembre 2000 à Bamako
.
Il s'est conclu par l'adoption d'une
déclaration
qui marque un
véritable tournant dans l'engagement de la francophonie en faveur de la
démocratie. Par les objectifs qu'il se fixe, les engagements qu'il
prend, et les mesures qu'il envisage, il prend la valeur d'un
véritable texte fondateur.
Partant du constat que le bilan des pratiques de la démocratie, des
droits et des libertés dans l'espace francophone au cours de ces dix
dernières années, comporte des acquis indéniables, mais
qu'il présente aussi des insuffisances et des échecs, les
délégués des Etats et gouvernements membres de la
francophonie se sont engagés dans cette déclaration à
consolider l'Etat de droit, à tenir des élections libres, fiables
et transparentes, et à promouvoir une véritable culture
démocratique, ainsi que le respect des droits de l'homme.
Un programme d'action annexé à cette déclaration
comportait une série de mesures organisées autour de
4
objectifs
:
- la
consolidation de l'Etat de droit
, avec une attention
particulière à l'institution parlementaire, à
l'indépendance de la magistrature, à la liberté du
barreau, et à l'efficience des organes de contrôle ;
- la
tenue d'élections libres, fiables et transparentes
qui
passe par l'établissement d'un état-civil et de listes
électorales, par la formation du personnel électoral, et par un
appui public au financement des campagnes électorales.
- une
vie politique apaisée,
reposant sur un consensus large
autour de l'adoption des textes fondamentaux régissant la vie publique,
sur le multipartisme et sur des modes pacifiques de règlement des
différends ;
- la promotion d'une
culture démocratique
intériorisée.
Enfin, la francophonie s'est dotée avec la déclaration de Bamako,
d'un texte normatif précisant les
procédures à engager
en cas de crise de la démocratie ou de violation grave des droits de
l'homme
. Les mesures envisagées peuvent, suivant la gravité
des faits, aller de l'envoi de facilitateurs ou d'observateurs judiciaires
mandatés par le secrétaire général, jusqu'à
des sanctions et à la « suspension du pays
concerné ».
Cette dernière décision avait été vivement
souhaitée par l'Assemblée parlementaire de la francophonie
,
qui a eu à coeur de la mettre en pratique, non sans un courage politique
qui n'a sans doute pas été suffisamment remarqué.
Il faut rappeler qu'avant même la tenue du symposium de Bamako,
l'Assemblée parlementaire de la francophonie avait adopté une
recommandation proposant que les dirigeants parvenus au pouvoir en renversant
par la force les institutions, ne soient plus invités aux sommets de la
francophonie.
L'assemblée parlementaire de la francophonie
a donc
joué, en ce domaine,
un rôle précurseur
.
4. La conférence ministérielle de Paris
Le
report du sommet de Beyrouth qui devait initialement se tenir en octobre 2001,
a conféré une importance particulière à la
conférence ministérielle de la francophonie, qui s'est tenue
à Paris le 11 janvier 2001.
La conférence a en effet, adopté la
programmation du biennum
2002-2003
et le budget correspondant des quatre opérateurs de la
francophonie qui relèvent de sa compétence budgétaire.
Sur proposition du Premier ministre canadien, elle a
prorogé le
mandat du
secrétaire général de la
francophonie
, qui venait en principe à échéance en
octobre 2001, jusqu'à la tenue effective du sommet de Beyrouth. Elle a
également reconduit M. Roger Dehayhe pour un nouveau mandat de quatre
ans en qualité d'administrateur général de l'agence de la
francophonie.
Enfin, la conférence a répondu favorablement à la
proposition française de transférer à l'organisation
internationale de la francophonie, avec les moyens afférents à
son fonctionnement pour les trois prochaines années, le
haut conseil
de la francophonie
.
Le nouveau conseil consultatif sera placé auprès du
secrétaire général de la francophonie.
La conférence a condamné la tentative de coup d'Etat du 17
décembre 2001 en Haïti.
Enfin, la conférence a fixé la date du sommet de Beyrouth au
18 octobre 2002 et a posé le principe de la tenue, début
2003, d'une conférence ministérielle thématique sur les
nouvelles technologies de l'information.
5. Le sommet de Beyrouth : une rencontre historique
Tenu
à Beyrouth du 18 au 20 octobre 2002, le IXe sommet de la francophonie a
constitué un moment historique et une incontestable réussite. La
déclaration adoptée à l'issue du sommet a salué la
tenue, pour la première fois, d'un sommet dans un pays arabe, le Liban,
qui soulignait la solidarité avec la langue et la culture arabe et
permettait de réaffirmer la dimension universelle de la francophonie. La
quasi totalité des 55 Etats et gouvernements membres
associés et observateurs y étaient représentés,
dont une quarantaine par leur chef d'Etat. Quoique son pays ne soit pas membre
de la francophonie, le président algérien, M. Bouteflika a
participé à ce sommet et a prononcé un important discours
dans lequel il a exprimé l'intérêt que présentait,
pour son pays, le mouvement francophone.
Le sommet s'est conclu par une
déclaration
et un
plan
d'action
qui reflètent les débats très riches auquel
il a donné lieu.
Ceux-ci ont confirmé la
vocation politique de la francophonie
.
Les débats ont en effet très largement porté sur le
Moyen-Orient, l'Irak et la crise iranienne. La déclaration de Beyrouth
témoigne du consensus auquel est parvenue la francophonie sur ces
questions essentielles :
- sur le
Moyen-Orient
, la déclaration appelle à une
relance immédiate du processus de paix
sur la base des principe
agréés à la
conférence de Madrid
et des
résolutions pertinentes des Nations Unies, et notamment des
résolutions 242 et 338 du Conseil de
sécurité
; elle appuie à cet effet l'initiative
de paix adoptée à l'unanimité du sommet arabe de Beyrouth
les 27 et 28 mars 2002.
- sur la
question irakienne,
la déclaration défend la
priorité du droit international, et le rôle primordial de
l'organisation des Nations-Unies ; elle relève avec satisfaction
que l'Irak a accepté officiellement le 16 septembre 2002 la
reprise inconditionnelle des inspecteurs des Nations-Unies et l'appelle
à respecter pleinement toutes ses obligations ;
- elle condamne la tentative de prise de pouvoirs par la force et la
remise en cause de l'ordre constitutionnel en
Côte d'Ivoire.
Le sommet de Beyrouth a également confirmé l'engagement des pays
francophones en faveur de la démocratie et de l'Etat de droit. La
déclaration a marqué la détermination des Etats à
mettre en oeuvre la déclaration de Bamako
sur le bilan des
pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans
l'espace francophone. A cette fin,
elle a adopté le programme
d'action
annexe à cette déclaration.
Elle a en outre demandé au secrétaire général de la
francophonie de poursuivre un effort en vue de favoriser la ratification des
principaux instruments internationaux et régionaux qui garantissent la
mise en oeuvre effective des droits de l'homme. Elle a incité les Etats
qui ne l'auraient pas encore fait à ratifier
le statut de Rome sur la
Cour pénale internationale
ou à y adhérer dès
que possible.
La déclaration traduit évidemment
l'engagement de la
francophonie en faveur de la diversité culturelle et du dialogue des
cultures
qui constituerait le thème directeur du sommet.
A ce titre, elle consacre l'engagement des Etats à promouvoir le
plurilinguisme, et à assurer le statut, le rayonnement et la promotion
du français comme grande langue de communication sur le plan
international. Les Etats réaffirment plus particulièrement leur
engagement de privilégier l'utilisation du français dans les
organisations internationales et dans les autres enceintes au sein desquelles
ils siègent.
Soucieuse de ne pas laisser réduire les biens et les services culturels
au rang de simples marchandises, la déclaration réaffirme le
droit des Etats et des gouvernements de
définir librement leur
politique culturelle
et les instruments qui y concourent. Elle salue
l'adoption de la Déclaration de l'UNESCO sur la diversité
culturelle et affirme la volonté des Etats et gouvernements de
contribuer activement à l'adoption par l'Unesco d'une convention
internationale sur la diversité culturelle. Enfin, elle invite les Etats
et gouvernements à s'abstenir de tout engagement de
libéralisation auprès de l'organisation mondiale de commerce en
matière de biens et de services culturels.
Enfin, la déclaration consacre l'engagement de la francophonie en faveur
du
développement durable
en proclamant que francophonie,
démocratie et développement sont indissociables. Elle insiste
plus particulièrement sur la nécessité de promouvoir en
priorité l'éducation et la formation, et rappelle que les membres
ont souscrit avec l'ensemble de la communauté internationale, aux
objectifs « d'Education pour tous », définis lors du
forum mondial de l'éducation de Dakar en 2001 prévoyant
l'accès à l'éducation de base et pour tous le enfants, en
particulier les filles, à un enseignement primaire obligatoire, gratuit
et de qualité.
Elle salue la naissance, le 9 juillet 2002, à Durban, de l'Union
africaine, se félicite de l'adoption par celle-ci du « Nouveau
partenariat pour le développement en Afrique », et demande au
secrétaire général de veiller à la synergie entre
ce processus, le plan d'action du G8 et les actions de l'organisation
internationale de la francophonie.
Lors du sommet de Beyrouth, les chefs d'Etat et de gouvernement ont élu
M. Abdou Diouf
en qualité de
secrétaire
général de la francophonie.
Ils ont également décidé l'adoption d'un
rythme de
programmation quadriennal.
Enfin, ils ont invité le secrétaire général
à poursuivre la mise en oeuvre du
processus d'évaluation des
opérateurs
de la francophonie.
C. LES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE
Les opérateurs de la francophonie sont au nombre de cinq. Ils font l'objet d'un financement international. Quatre d'entre eux sont financés par l'intermédiaire du Fonds multilatéral unique : l'Agence de la francophonie, l'Agence universitaire de la francophonie, l'Université Senghor d'Alexandrie et l'Association des maires et responsables de capitales et métropoles francophones. Le cinquième, TV5, fait l'objet d'un financement distinct.
1. L'Agence de la francophonie
Créée par la Convention de Niamey du 20 mars 1970, l'Agence internationale de la francophonie dont on vient de célébrer le 30e anniversaire est l'unique opérateur intergouvernemental de l'organisation internationale de la francophonie. Elle regroupe aujourd'hui 49 Etats et gouvernements. Son siège est implanté à Paris, mais elle dispose également de deux organes subsidiaires : l'institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation installé à Bordeaux, et l'institut de l'énergie et de l'environnement, situé au Québec.
ÉVOLUTION DU BUDGET DE L'AGENCE
AU COURS DES QUATRE
DERNIÈRES ANNÉES
(en millions d'euros)
|
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
RECETTES
|
57,73 |
59,57 |
63,27 |
64,20 |
Contributions statutaires |
23,74 |
24,51 |
25,12 |
25,75 |
Contributions FMU |
30,34 |
30,34 |
31,56 |
31,56 |
Autres ressources |
3,66 |
4,73 |
6,59 |
6,90 |
DEPENSES
|
57,73 |
59,57 |
68,73 |
69,43 |
Secrétariat général |
3,06 |
3,11 |
3,61 |
3,72 |
Fonctionnement |
14,46 |
14,82 |
17,85 |
18,44 |
Programmation |
40,21 |
41,57 |
47,27 |
47,27 |
SOLDE |
0 |
0 |
- 5,31 |
- 5,23 |
Le
service des affaires francophones explique le déficit budgétaire
des années 2000 et 2001 par la montée en puissance des
activités menées par le secrétariat général,
par l'ouverture d'un quatrième bureau à Addis Abeba, et par
l'accroissement des opérations.
Il précise que le budget a été équilibré par
prélèvement sur le fonds de réserve, qui provient de
reports de crédits non utilisés.
Au cours de son audition, le ministre délégué à la
coopération et à la francophonie a indiqué que la France
s'apprêtait conformément aux engagements pris par le
Président de la République au sommet de Beyrouth, à
augmenter dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 les
contributions qu'elle verse à l'Agence de la francophonie.
Ces crédits supplémentaires, dont le montant n'est pas encore
précisé, devraient permettre, notamment, un renforcement des
programmes relatifs à la démocratie et aux droits de l'homme et
l'abondement du plan pour le français dans l'Union européenne.
2. L'Agence universitaire de la francophonie
L'Agence
universitaire de la francophonie est issue de l'ancienne association des
universités partiellement ou entièrement de langue
française (AUPELF-UREF) fondée à Montréal en 1961
en vue de développer les échanges et la solidarité entre
les universités de langue française. D'une quarantaine de membres
en 1961, elle est passée à
403 membres en 2000
répartis sur le territoire des différents pays de l'organisation
internationale de la francophonie. Il convient d'y ajouter encore les 353
départements d'études françaises d'établissements
universitaires du monde entier.
D'abord simple association de recteurs et de présidents
d'universités, elle a été érigée en 1989, au
sommet de Dakar, en opérateur direct de l'organisation de la
francophonie, statut qui a ensuite été confirmé dans la
charte de la francophonie adoptée au sommet de Hanoï en 1997.
Son siège est établi à Montréal, et elle dispose de
services centraux à Paris, et de 13 bureaux régionaux. Elle
emploie 380 personnes, dont une cinquantaine à Paris et une trentaine
à Montréal.
L'Agence universitaire de la francophonie est la première des
institutions de la francophonie à avoir fait l'objet d'une
évaluation externe
, prélude à sa réforme et
à son recentrage sur ses missions essentielles. Cette évaluation
a été décidée dès le sommet de Hanoï,
puis lancée par le secrétaire général de la
francophonie à l'occasion de la conférence ministérielle
de Bucarest, en décembre 1998. Les résultats en ont
été communiqués aux membres de l'organisation
internationale de la francophonie en juillet 1999.
L'évaluation de l'Agence a rapidement débouché sur une
réforme en profondeur
inscrite dans le plan d'action de Moncton.
La nomination d'un nouveau recteur, Mme Michèle Gendreau-Massaloux, le
30 octobre 1999 a permis d'engager une première série de
restructurations de fonctionnement de l'opérateur.
Le conseil d'administration qui s'est tenu à Montréal en
février 2000 a décidé une première
réorientation de l'agence vers ses champs d'action prioritaires.
Pilotée par une commission consultative, celle-ci s'est traduite par une
réforme des statuts, des programmes et de la gestion de l'Agence
.
* Les
nouveaux statuts
ont reçu l'accord du conseil permanent et
de la conférence ministérielle de la francophonie (CMF) de
N'Djamena en février 2001 et ont été ensuite
adoptés par l'Assemblée générale extraordinaire de
l'Agence universitaire de la francophonie qui s'est réunie les 18 et 19
mai 2001 à Québec.
Ils confortent l'identité universitaire de l'Agence universitaire de la
francophonie en clarifiant ses principes de fonctionnement et ses missions
académiques, en confirmant le caractère universitaire de ses
adhérents, et en renforçant le rôle de son conseil
scientifique.
Ils clarifient par ailleurs le rôle d'opérateur de l'Agence
universitaire de la francophonie et ses rapports avec l'Organisation
internationale de la Francophonie et avec les Etats et gouvernements
contributeurs. Ce nouveau partenariat se traduit par une représentation
mieux équilibrée des Etats et gouvernements au sein d'un conseil
d'administration restreint où ils disposent de 11 sièges sur 26,
les 15 autres étant attribués aux universitaires. Au sein des
organes de gestion, commission des finances et comité de gestion du
nouveau fonds universitaire unique, ces deux groupes sont à
parité.
* La
réforme des programmes
a pour objet de recentrer
l'Agence universitaire de la francophonie autour de quelques grandes
orientations : le partage des savoirs, des savoir-faire et des
technologies, le développement d'une philosophie des réseaux et
le pari fait sur les nouvelles technologies. Depuis 2001, il a, en outre,
été possible d'élaborer la programmation à partir
des demandes universitaires locales.
* La
réforme de la gestion
de l'Agence universitaire de la
francophonie s'est appuyée sur les conclusions d'un rapport d'audit
réalisé au printemps 2000, et s'est traduite à la fois par
une remise en ordre des services centraux assurant un meilleur équilibre
entre le siège de l'association à Montréal et le rectorat
de l'Agence à Paris, et par une déconcentration plus
poussée au bénéfice des dix bureaux
régionaux : ceux-ci assurent dorénavant 75 % des
actions de programme.
L'ensemble des moyens budgétaires gérés par l'Agence
universitaire de la francophonie et consacrés aux programmes sont
dorénavant regroupés sur un fonds unique, intitulé
Fonds universitaire de coopération et de développement.
Le
budget global de l'AUF pour 2002
s'élève à
32,20 millions d'euros
.
L'ensemble des contributions gouvernementales s'élève à
26,08 millions d'euros.
La
contribution française
est prépondérante, elle
s'élève en effet à 22,65 millions d'euros soit
86 % du budget global
.
Au cours de son audition, le ministre délégué à la
coopération et à la francophonie a précisé que
l'augmentation substantielle des crédits
de la francophonie dans
le projet de loi de finances rectificatives pour 2002 pourrait
bénéficier, pour près des deux tiers, au
programme de
bourses
allouées par l'AUF et au
développement des
pôles universitaires spécialisés
ouverts par cet
opérateur en Afrique.
3. L'Université Senghor d'Alexandrie
L'Université francophone d'Alexandrie est un
établissement privé d'enseignement supérieur,
créé en 1989, dont la vocation est la
formation de
spécialistes de haut niveau dans quatre disciplines-clefs
du
développement africain : administration-gestion,
nutrition-santé, gestion de l'environnement et gestion du patrimoine
culturel. L'enseignement se déroule
sur deux ans
, avec un stage
en situation de trois mois. Les candidats sont sélectionnés sur
dossier, puis par voie de concours. A l'issue de deux années de
formation, ils obtiennent un diplôme de troisième cycle, le
diplôme d'études professionnelles approfondies, reconnu par le
conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur.
Une
évaluation externe
de l'Université a été
lancée par le secrétaire général de la
francophonie, le 16 novembre 2000 et ses conclusions en ont été
communiquées au conseil permanent de la francophonie de mars 2001.
Les quatre experts un Camerounais, une Québécoise, un Ivoirien et
un Français ont considéré que l'Université est un
établissement d'enseignement supérieur de qualité, qui
répond à un besoin réel. Ils ont toutefois formulé
des critiques sévères sur les insuffisances de la gestion et de
l'administration, déjà dénoncées par le commissaire
aux comptes du Fonds multilatéral unique en avril 2000 ; sur le
caractère inapplicable des statuts ; sur des
déséquilibres de fonctionnement qui tiennent à une
concentration excessive du pouvoir de décisions entre les mains du seul
recteur ; et enfin à une dérive des coûts
.
Cette dérive des coûts est d'autant plus choquante que, depuis
1992, l'effectif des promotions d'étudiants a été
ramené à 50 tous les deux ans.
Ces critiques rejoignent les observations formulées par votre rapporteur
dans ses précédents rapports pour avis.
Il tient à rappeler, une fois de plus, que la France, dont les
contributions s'élèvent à 1,75 million d'euros,
reste, de loin, le principal contributeur de l'Université. Le Canada
prend en charge la mise à disposition d'un directeur de
département, et le Québec, le coût de quelques sessions de
conférences pour un montant total de 0,35 million d'euros. La
participation de la Suisse est de 60 000 euros. L'Égypte
assure la mise à disposition des locaux.
Au regard d'un budget global évalué à 2,3 millions
d'euros, le nombre des auditeurs paraît assez réduit,
particulièrement depuis la décision prise par le recteur en 1994
de ne plus assurer la formation que d'une seule promotion tous les deux
ans.
|
Section administration gestion |
Section gestion environnement |
Section nutrition Santé |
Section Gestion du patrimoine naturel |
Total |
6e promotion 1997-1999 |
32 |
26 |
16 |
12 |
86 |
7e promotion 1999-2001 |
26 |
25 |
11 |
17 |
79 |
8e promotion 2001-2003 |
23 |
15 |
0 |
12 |
50 |
Si, dans
une approche très globale on rapproche le budget de fonctionnement de
l'université du nombre d'étudiants qu'il forme -soit une
cinquantaine- on obtient une
dépense par étudiant de plus de
46 000 euros
pour l'année universitaire 2001-2002.
A titre de comparaison, le ministère de l'éducation nationale
évalue, en France, la dépense globale financée par l'Etat,
les collectivités territoriales, les entreprises et les ménages
à 6 280 euros en moyenne par étudiant universitaire
(IUT et écoles d'ingénieurs universitaires non compris) ;
à 8 522 euros en moyenne par étudiant des IUT ; et
à 11 860 euros en moyenne, par élève des
écoles d'ingénieurs universitaires.
La dépense moyenne occasionnée par un auditeur de
l'université Senghor représente
sept fois et demi
la
dépense moyenne occasionnée par un étudiant universitaire,
et
quatre fois
la dépense moyenne occasionnée par un
élève des écoles d'ingénieurs.
Le taux d'encadrement est d'ailleurs exceptionnel, puisque les
80 auditeurs de la septième promotion bénéficiaient
d'un corps professoral constitué de 8 professeurs résidant
à l'université, d'une vingtaine de professeurs associés,
et d'une quarantaine d'experts.
Ces constatations conduisent votre rapporteur à souhaiter très
vivement une augmentation sensible du nombre des auditeurs de
l'Université, augmentation qui doit passer par un retour à un
recrutement annuel.
Ce souhait rejoint la volonté exprimée par le ministre
délégué à la coopération et à la
francophonie de doubler le nombre des auditeurs de l'Université.
4. L'Association internationale des maires et responsables de capitales et métropoles francophones (AIMF)
L'Association internationale des maires et responsables des
capitales et métropoles francophones (AIMF) a été
créée le 1
er
mai 1979 à Québec afin de
promouvoir entre ses membres, grâce à l'usage commun de la langue
française, une coopération dans tous les domaines de
l'activité municipale.
Opérateur associé de la francophonie depuis le sommet de Maurice
en 1993, elle est devenue opérateur de plein exercice lors du sommet de
Cotonou en 1995.
Elle rassemble aujourd'hui les responsables de 106 capitales ou
métropoles francophones provenant de 46 Etats.
Le maire de Paris en assure, depuis l'origine, la présidence.
L'AIMF intervient dans les villes partenaires en mettant à leur
disposition les experts dont disposent, le cas échéant, les
autres membres, de façon à contenir autant que possible son
coût d'intervention. Ses réalisations les plus significatives
portent sur la modernisation de la gestion des collectivités locales
dans déjà plus de trente villes, grâce à
l'élaboration de programmes d'informatisation et à la formation
du personnel appelé à les mettre en oeuvre. Ces actions touchent,
par exemple, à la tenue de l'état civil, au service de la paie et
de la comptabilité, à la gestion en personnel, à la
perception des taxes municipales, ou à la gestion des stocks et du parc
roulant. Elle intervient également en matière d'alimentation en
eau potable, de voirie, d'élimination des déchets, de
construction de marchés ou de centres de santé.
Le budget de l'AIMF est présenté en deux sections :
- le « fonds de coopération », principalement
consacré aux dépenses de fonctionnement de l'association est
alimenté par une subvention d'équilibre de la Ville de Paris d'un
montant de 0,6 million d'euros, complétée par une dotation
de 0,46 million d'euros, et la mise à disposition de personnels
qualifiés, ainsi que par les cotisations des membres de l'association.
- la seconde section, consacrée au financement des actions de
coopération, est alimentée par les contributions versées
par le ministère des affaires étrangères
(1,33 million d'euros) , le ministère de la jeunesse, de
l'éducation nationale et de la recherche (0,457 million d'euros) et
par une subvention québécoise de 0,024 million d'euros).
La programmation de l'AIMF pour 2002 est axée sur la modernisation des
services municipaux d'état civil, l'appui à la gestion de
l'état civil, l'appui à la modernisation des services financiers,
et l'appui aux capitales des Grands Lacs.
5. TV5
La
chaîne francophone par satellite a été créée
en janvier 1984 par l'association des trois chaînes publiques
françaises, de la Radio-Télévision belge de la
communauté française et de la société de
radiodiffusion et de télévision, et complétée par
le lancement en 1988 de TV5 Québec-Canada. Elle jouit d'un statut
réellement international par sa diffusion et la participation de cinq
gouvernements et de deux chaînes à sa gestion, à son
financement et à ses programmes.
Votre rapporteur s'était alarmé, il y a deux ans, du bilan
très décevant que l'on pouvait tirer de la diffusion de TV5 sur
le continent américain. Il s'était ensuite félicité
des conséquences de l'accord intervenu en juin 2001, qui, faisant suite
à la Conférence de Vevey d'octobre 2000, a permis la reprise en
main par le pôle parisien de tous les signaux TV5 -à l'exception
du signal TV5 Québec-Canada dont la gestion est maintenue à
Montréal.
Cette réforme se traduit par une mise en cohérence de la
composition de l'actionnariat, de la représentation au conseil
d'administration de TV5, et de la répartition des contributions des
partenaires aux frais communs de l'ensemble des signaux.
Le
financement des frais communs des signaux
émis depuis Paris
est régi selon une clé de répartition unique, la clef des
neuvièmes :
- 6/9
è
sont pris en charge par la France ;
- 1,9
è
l'est par la Suisse ;
- 1/9
è
l'est par la communauté française de
Belgique ;
- 1/9
è
par le Québec et le Canada, conjointement.
Les radiodiffuseurs français disposent de 6 sièges au
conseil
d'administration
; la Suisse, la communauté française de
Belgique, et le couple Québec-Canada disposent chacun d'un siège.
Ce rééquilibrage se traduit par un
renforcement de la
participation de la France au financement de TV5
.
Votre rapporteur considère que ce nouvel effort que consent notre pays
doit rendre le gouvernement français particulièrement vigilant
aux moyens qui seront mis en oeuvre pour réussir la
pénétration du marché télévisuel des
Etats-Unis, tout en améliorant la présence de TV5 en
Amérique Latine.
6. L'Assemblée parlementaire de la francophonie
L'Assemblée parlementaire de la francophonie constitue
un des
éléments fondamentaux de l'architecture institutionnelle de la
francophonie multilatérale.
Créée à Luxembourg en 1967, sous la forme d'une
Association internationale des parlementaires de langue française, elle
réunissait, alors, les délégués de 23 sections
issues de Parlements d'Afrique, d'Amérique, d'Asie, d'Europe et
d'Océanie.
Elle a préconisé, dès sa création, la mise en place
d'une institution gouvernementale de la francophonie, et cette suggestion a
donné naissance, en 1970, à l'Agence de coopération
culturelle et technique (ACCT), devenue depuis l'Agence intergouvernementale de
la francophonie (AIF).
C'est lors de la XVIIe Assemblée générale de Paris, en
juillet 1989, que l'Association est devenue l'Assemblée internationale
des Parlements de langue française, affirmant ainsi sa vocation à
être l'organisation interparlementaire des pays de la francophonie, comme
l'avait reconnu le sommet de Dakar en mai 1989.
Lors du
sommet de Maurice en octobre 1993
, les chefs d'Etat et de
gouvernement, après avoir réaffirmé la place
éminente de l'institution parlementaire au coeur de la démocratie
représentative et de l'Etat de droit, ont considéré que
l'AIPLF, seule
organisation interparlementaire de la francophonie
constituait le lien démocratique entre les gouvernements et les peuples
de la francophonie.
En conséquence, ils ont décidé de reconnaître
l'AIPLF, comme
l'assemblée consultative de la francophonie,
ce
qu'a confirmé la charte de la francophonie adoptée à
Hanoï en novembre 1997.
Pour se mettre en conformité avec la charte, l'assemblée a
décidé lors de sa
session ordinaire d'Abidjan en juillet
1998
d'adopter le nom
d'assemblée parlementaire de la
francophonie (APF).
Soixante-huit Parlements sont actuellement représentés à
l'APF.
Celle-ci développe une
coopération interparlementaire
qui
est articulée autour de plusieurs programmes réalisés en
partenariat avec l'Agence de la francophonie, et qui ont pour objet
l'organisation de :
- missions d'observation d'élections ;
- séminaires parlementaires ;
- missions d'information et de bons offices ;
- stages destinés à des fonctionnaires d'Europe du Sud et
d'Europe centrale ; ceux-ci sont organisés chaque année dans
le cadre de formations dispensées par l'Institut international
d'administration publique de Paris.
L'Assemblée est également le maître d'oeuvre du
programme d'appui aux services documentaires des Parlements du Sud
(PARDOC)
décidé en 1991, sur sa proposition, par le sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement de Chaillot.
Depuis son lancement ce programme a bénéficié au
Bénin, au Burkina Faso, au Gabon, au Mali, au Sénégal, au
Congo, au Liban, au Centre-afrique, à l'Égypte, à
Madagascar, à la Mauritanie, à la Roumanie, au Vietnam, à
la Guinée, à Tahiti, au Togo, à la Bulgarie, à
l'Albanie, au Burundi, au Cameroun, au Cambodge, aux Comores, à la
Côte-d'Ivoire, à Djibouti, au Laos, à la Moldavie, au
Niger, au Tchad et à Vanuatu.
Parallèlement, la mise en place parallèle d'un réseau
documentaire des bibliothèques parlementaires francophones
bénéficiaires du PARDOC a favorisé les échanges
Nord-Sud, et Sud-Est.
2002 a vu la fin du programme PARDOC remplacé par un programme plus
vaste dénommé NORIA.
En outre, dans le cadre du
fonds francophone des inforoutes
créé après le sommet de Hanoï, l'Assemblée
parlementaire de la francophonie a confié au programme PARDOC la mise en
oeuvre d'un programme visant à doter les parlementaires du Sud de leur
site et a facilité leur connexion à internet. Ce projet a
bénéficié à huit parlements francophones
désignés par le bureau de l'Assemblée parlementaire de la
francophonie.
7. La mutation du Haut conseil de la francophonie
Le Haut
conseil de la francophonie a connu durant l'année 2002 une profonde
mutation.
Cette mutation répond à la volonté du Président de
la République qui a souhaité que le Haut conseil devienne un
conseil consultatif placé auprès des instances de l'organisation
de la Francophonie
1(
*
)
.
Le cadre général de ce transfert a été
approuvé par le conseil permanent de la Francophonie, qui s'est
réuni le 10 janvier 2002 à Paris. Le conseil permanent a
confirmé son accord pour la mise en place du nouveau Haut conseil comme
organe consultatif placé auprès du Secrétaire
général. La France a confirmé, de son côté,
qu'elle continuerait, pendant une période de transition de trois ans,
à mettre à disposition du nouveau Haut conseil les personnels en
fonction (4 administrateurs et une secrétaire), les locaux actuels,
et qu'elle accorderait à travers le Fonds multilatéral unique une
dotation budgétaire égale au montant des dépenses
engagées jusqu'ici annuellement par le Haut conseil de la francophonie,
soit 221 626 euros.
Il revient désormais au Secrétaire général de la
francophonie d'en désigner les membres.
II. LA DÉFENSE DE LA FRANCOPHONIE EN FRANCE ET DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES
La
défense de la langue française et celle de son statut de langue
internationale dans les organisations internationales relèvent des
compétences de la délégation générale
à la langue française et aux langues de France.
Ces deux missions revêtent une importance stratégique de premier
plan, et votre rapporteur s'était étonné, dans ses
précédents avis, de la réforme engagée par le
décret du 16 octobre 2001, qui a élargi les
compétences de la délégation générale
à la préservation des langues régionales.
La préservation des langues régionales est un objectif
parfaitement légitime, mais qui ne saurait se situer sur le même
plan. Il ne doit en aucun cas conduire la délégation
générale à relâcher son attention de la
défense de la langue française, qui doit rester son objectif
premier.
A. LES MISSIONS ET LES MOYENS DE LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE À LA LANGUE FRANÇAISE ET AUX LANGUES DE FRANCE
1. Les missions
La
DGLFLF assure traditionnellement le secrétariat du conseil
supérieur de la langue française, placé auprès du
Premier ministre.
Elle est en outre chargée :
-
du suivi de l'application de la loi du 4 août 1994 dite
« loi Toubon »
sur l'emploi de la langue
française ; à ce titre, elle rédige un rapport annuel
au gouvernement et au Parlement sur l'application de la loi ;
- de la promotion du plurilinguisme dans les services publics
, et
du contrôle de l'usage du français par les agents publics ;
- de l'enrichissement de la langue française
, par le
contrôle qu'elle exerce sur les dix-huit commissions
spécialisées de terminologie, placées chacune sous la
tutelle d'un ministère ; elle assure en outre le secrétariat
de la commission générale de terminologie et de néologie
qui examine les propositions des commissions spécialisées et
transmet les termes retenus au Journal officiel, après accord de
l'Académie française et du ministre intéressé ;
- de la défense de la place du français
dans les
domaines scientifique, technique et économique ; à ce titre,
elle a mis en place, en 1996, un dispositif de soutien à
l'interprétation simultanée dans les colloques internationaux qui
se tiennent en France, et apporte son soutien pour la création ou le
développement de revues de synthèse dans les sciences
exactes ;
- des actions de sensibilisation à la défense de la
langue française
orientées vers des milieux
spécifiques, mais aussi vers le grand public à travers une
manifestation comme « le français comme on l'aime ».
Depuis cinq ans, elle participe en outre au programme d'action gouvernemental
pour l'entrée de la France dans la société de
l'information, en veillant à ce qu'aucun obstacle technique ne freine la
présence du français sur les nouveaux supports. Elle veille
également à la bonne application de la circulaire du Premier
ministre du 7 octobre 1999 qui rappelle que la traduction éventuelle des
sites de l'internet des administrations et des établissements publics de
l'État doit se faire dans au moins deux langues autres que le
français.
Sa seconde priorité porte sur
la défense du français et
du plurilinguisme dans les organisations internationales
, et tout
spécialement dans l'Union européenne.
Les actions qu'elle mène en faveur de la promotion de la langue
française dans les institutions européennes s'inscrivent
désormais dans le cadre du plan pluriannuel en faveur de la langue
française, adopté le 11 janvier 2002, et qui associe la
France, la communauté française Wallonie-Bruxelles, le Luxembourg
et l'Agence de la Francophonie. Ce plan, conçu dans la perspective de
l'élargissement de l'Union, a pour objet de former au français et
en français de nombreux fonctionnaires, diplomates, interprètes
et traducteurs des nouveaux pays appelés à rejoindre l'Union
européenne.
La délégation s'attache également dorénavant
à la valorisation des langues de France, en particulier à travers
la mise en place du programme « librairies des langues de
France », lancé en 2000, et reconduit depuis, qui se
propose de favoriser la constitution de fonds en langues régionales ou
bilingues dans les bibliothèques, et en soutenant auprès des
éditeurs la publication ou la traduction d'ouvrages écrits en
langues de France.
2. Les moyens financiers de la DGLFLF
Pour
réaliser ses missions, la DGLFLF dispose de trois enveloppes de
crédits :
- des crédits de fonctionnement imputés sur les
chapitres 34-97/67 et 34-97/66 ; ceux-ci se sont élevés
à 248 273 euros en 2001 et à
218 796 euros en 2002, soit une baisse de près de
12 % ;
- des crédits d'intervention inscrits sur le chapitre
42-20/80 ; ceux-ci se sont élevés à
1 432 669 euros en 2001 et à
1 465 842 euros en 2002, soit une hausse de
2,3 % ;
- des crédits déconcentrés inscrits au chapitre
43-30/20 qui se sont élevés à 304 898 euros
en 2001 mais qui, ayant ensuite fait l'objet d'une globalisation, ne
peuvent plus être individualisés.
Les réponses fournies par le ministère aux questions
écrites de votre rapporteur n'apportent que peu de précisions sur
les crédits de la DGLFLF en 2003.
Elles précisent uniquement qu'une mesure nouvelle de
85 000 euros sur le chapitre 43-20/80 permettra de développer
les études soutenues financièrement dans le cadre de
l'Observatoire des pratiques linguistiques et de renforcer les actions de
soutien à l'usage du français dans les institutions de l'Union
européenne.
Lorsqu'il se rapporte au fascicule budgétaire « Culture et
communication », votre rapporteur retrouve bien la trace d'une mesure
nouvelle inscrite au chapitre 43-20/80, mais celle-ci est évaluée
tantôt à 85 000 euros (page 50) et tantôt à
72 525 euros (page 15 et p ?9), portant alors le montant de ce
chapitre à 1 566 174 euros. D'après les services
du ministère, cette disparité s'explique par l'effet d'un
transfert de 12 475 euros correspondant pour moitié à une
contribution au fonds du patrimoine, et pour moitié à la
contribution de la DGLFLF à l'effort de réduction du temps de
travail.
B. LA NÉCESSITÉ D'UNE DÉFENSE VIGILANTE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Plusieurs incidents récents illustrent la nécessité d'une défense vigilante de la langue française en France, et dans les institutions européennes.
1. L'étiquetage des denrées alimentaires
Les
consommateurs français ont été étonnés
d'apprendre, dans le courant de l'été, que la Commission
européenne avait lancé, à l'encontre de la France, une
procédure contentieuse pour l'obliger à modifier la
rédaction de
l'article R. 112-8 du code de la consommation
qui, conformément à l'article 2 de la loi Toubon, dispose
que «
les mentions d'étiquetage [de ces produits] doivent
être facilement compréhensibles, rédigées en langue
française
».
Par cette mise en demeure, la Commission européenne invitait le
gouvernement à tirer les conséquences d'une décision
rendue par la Cour de Justice des Communautés européennes, le
12 septembre 2000, l'arrêt Geffroy.
a) L'arrêt Geffroy du 12 septembre 2000
Saisie d'une question préjudicielle par la cour d'appel de Lyon, la Cour de Justice a estimé que l'article R. 112-8 du code de la consommation, qui impose purement et simplement un étiquetage en langue française, n'est pas conforme à l'article 30 du Traité et à l'article 14 de la directive 79/112 du 18 décembre 1978 qui pose pour seule exigence que les mentions d'étiquetage obligatoire figurent « dans une langue facilement comprise par les acheteurs, sauf si l'information de l'acheteur est assurée par d'autres mesures ».
b) La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes
Selon
une jurisprudence constante (voir
Piageme - 12 octobre 1995
),
la Cour
, s'appuyant sur les articles 128 et 129 du Traité,
estime que les Etats membres ne sont pas autorisés à
substituer une norme plus contraignante à celle prévue par une
directive
. Or, l'obligation d'utiliser une langue déterminée
est considérée par la Cour comme plus stricte que celle de
l'emploi d'une « langue facilement comprise ».
La Cour de Justice a développé, au fil de plusieurs arrêts,
son
interprétation jurisprudentielle du sens et de la portée
de la directive 79/112
.
Dans un premier arrêt
Piageme du 18 juin 1991
, elle a
estimé que
l'obligation d'utiliser exclusivement la langue d'une
région linguistique
constituait une
mesure d'effet
équivalant à une restriction quantitative des importations
,
prohibée par l'article 30 du Traité. Elle rappelle que
l'article 14 de la directive se borne à exiger une
« langue facilement comprise » par l'acheteur, et
prévoit par ailleurs que l'entrée des denrées alimentaires
sur le territoire d'un État membre peut être autorisée
quand les mentions pertinentes ne figurent pas dans une langue facilement
comprise « si l'information de l'acheteur est assurée par
d'autres mesures ».
Dans un second
arrêt Piageme du 12 octobre 1995
, la Cour a
dit pour droit que l'article 12 de la directive 79/112 s'oppose à ce
qu'un État membre impose l'utilisation de la langue dominante de la
région de mise en vente,
même si l'utilisation d'une autre
langue n'est pas exclue
.
En revanche, dans un
arrêt Goerres du 14 juillet 1998
, la
Cour a jugé que l'article 14 de la Directive ne s'oppose pas à
une réglementation nationale qui prescrit l'utilisation d'une langue
déterminée pour l'étiquetage des denrées
alimentaires, mais qui permet également,
à titre
alternatif
, l'utilisation d'une autre langue facilement comprise par les
acheteurs.
Le sens de cette jurisprudence est donc bien clair : une
réglementation nationale qui prescrit l'utilisation d'une langue
déterminée pour l'étiquetage des denrées
alimentaires doit permettre l'utilisation d'une autre langue facilement
comprise par les acheteurs, à titre alternatif et non à titre
complémentaire.
c) La nouvelle rédaction de l'article R. 112-8 du code de la consommation
L'arrêt Geffroy rendu le 12 septembre 2000 par la
Cour de
justice à l'encontre de l'article R. 112-8 du code de la
consommation français se situe dans le droit fil de cette jurisprudence.
La Cour de justice a considéré que l'obligation d'utiliser une
langue déterminée -fut-ce notre langue nationale sur notre
territoire- était plus stricte que celle d'employer une
« langue facilement comprise » et qu'elle constituait, en
conséquence, une restriction quantitative des importations, autrement
dit, qu'elle violait le principe de libre circulation des marchandises
posé à l'article 30 du Traité.
Les autorités françaises, après un retard dû
à la période électorale et à l'installation du
nouveau gouvernement, ont trouvé un compromis satisfaisant.
Par un décret du 1
er
août, le gouvernement a
complété l'article R. 112-8 du code de la consommation
incriminé par un alinéa additionnel prévoyant que les
mentions d'étiquetage des produits alimentaires «
peuvent
figurer
en outre
dans une ou plusieurs langues
».
Le recours à une ou plusieurs langues autorisé par cette nouvelle
rédaction ne peut donc se faire qu'
à titre
complémentaire
, et ne remet pas en question l'obligation d'un
étiquetage en français prescrit par l'article 2 de la loi
Toubon.
LES DISPOSITIONS DE LA LOI TOUBON ET DU CODE DE LA CONSOMMATION
*
Article 2 de la loi n° 94-665 du 4
août
1994
relative à l'emploi de la langue française
«
Dans la désignation, l'offre, la présentation, le
mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des
conditions de garanties d'un bien, d'un produit ou d'un service... l'emploi de
la langue française est obligatoire
».
*
Article R. 112-8 du code de la consommation
résultant
du décret n° 2002-1025 du 1
er
août 2002
Toutes les mentions d'étiquetage prévues par le présent
chapitre doivent être facilement compréhensibles,
rédigées en langue française et sans autres
abréviations que celles prévues par la réglementation ou
les conventions internationales. Elles sont inscrites à un endroit
apparent et de manière à être visibles, clairement lisibles
et indélébiles. Elles ne doivent en aucune façon
être dissimulées, voilées ou séparées par
d'autres indications ou images.
Les mentions d'étiquetage prévues par le présent chapitre
peuvent figurer
en outre
dans une ou plusieurs autres langues
.
Il s'agit toutefois du point extrême que nous ne saurions dépasser
sans remettre en cause l'esprit et la lettre de notre législation. Il
doit être clair que nous ne pourrions accepter, par exemple, que
l'utilisation d'une ou plusieurs autres langues soit envisagée
à titre alternatif
, car l'étiquetage en français ne
serait plus alors que facultatif.
Votre rapporteur invite le gouvernement français à opposer la
résistance la plus ferme, dans l'hypothèse qu'il veut croire
improbable, où des pressions seraient exercées en ce sens par les
autorités européennes.
d) La nouvelle rédaction de la directive 79/112, modifiée par la directive 2000/13
Il tient
à souligner dans cette perspective que la rédaction de la
directive CE 79/112 de 1978 a été actualisée
à deux reprises, par la directive n° 97/4 de 1997 et par la
directive 2000/13 du 20 mars 2000,
dans un sens qui
équilibre le rappel du principe de libre circulation des marchandises
par la reconnaissance de la légitimité des exigences
linguistiques
.
La rédaction des directives de 1997 et 2000 se démarque en effet
de celle de 1978 sur deux points :
- elle rajoute dans l'exposé des motifs un sixième
considérant qui dispose que l'impératif d'information et de
protection du consommateur « implique que les Etats membres puissent,
dans le respect des règles du Traité,
imposer des exigences
linguistiques
» ;
- dans le corps du dispositif qui fait l'objet d'une
renumérotation, elle complète l'alinéa relatif
« à l'exigence d'une langue facilement comprise par le
consommateur » par un alinéa additionnel précisant
que :
«
L'Etat membre où le produit est commercialisé
peut, dans le respect des règles du traité, imposer sur son
territoire que ces mentions d'étiquetage figurent au moins dans une ou
plusieurs langues officielles de la communauté » (article 16
paragraphe 2 de la directive 2000/13/CE du 20 mars 2000).
e) Les conclusions du rapporteur
Votre
rapporteur se félicitera de cette nouvelle rédaction qui conforte
nos positions.
Il tire de cette affaire
deux conclusions
.
La première, c'est que la défense de la diversité
linguistique et de la langue française requiert une attention vigilante
du gouvernement, si nous ne voulons pas la voir s'effriter par le jeu de
réglementations qui ne sont souvent techniques qu'en apparence.
Lors de son audition devant la Commission, M. Pierre-André Wiltzer,
ministre délégué à la coopération et
à la francophonie, a estimé que la procédure lancée
par la Commission en matière d'étiquetage des denrées
alimentaires avait mis en relief une
insuffisante coordination des
différents services français concernés
.
Votre rapporteur l'appuie donc sans réserves dans sa volonté de
mettre en place
un dispositif plus efficace de concertation
entre la
délégation générale à la langue
française et aux langues de France, le ministère des affaires
étrangères et en particulier le ministre
délégué aux affaires européennes, le ministre du
commerce et de l'artisanat et le ministère de la recherche.
La seconde conclusion, qui se veut optimiste, c'est que ce combat pour le
plurilinguisme n'est pas perdu d'avance, et que, quand on aperçoit,
à l'usage, les insuffisances ou les effets pervers d'un règlement
ou d'une directive, il est toujours possible de les modifier.
2. L'étiquetage des produits qui ne font pas l'objet d'une harmonisation européenne
L'affaire Geffroy
illustrait la position de la Cour de
Justice des communautés européennes, et celle de la Commission
européenne,
sur l'étiquetage des produits qui, à
l'instar des denrées alimentaires, font l'objet d'une harmonisation
européenne
.
Une autre affaire
, un peu plus ancienne et dont l'issue est, de l'avis
de votre rapporteur, moins heureuse, porte sur
l'étiquetage des
produits pour lesquels l'harmonisation européenne est partielle ou fait
entièrement défaut
.
Dans le cas de ces derniers, les Etats membres restent, en principe,
compétents pour imposer des exigences linguistiques, dans les limites
toutefois que délimite la jurisprudence de la Cour de Justice.
a) La jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes
Celle-ci
considère en effet que les obligations imposées par les
autorités nationales constituent une entrave au commerce communautaire,
dans la mesure où les produits provenant d'autres Etats membres doivent
être revêtus d'étiquetages différents qui
entraînent des frais supplémentaires de conditionnement.
La Cour de Justice leur assigne, en conséquence, pour conditions :
- d'être justifiés par un but d'intérêt
général de nature à préciser les exigences de la
libre circulation des marchandises (comme par exemple l'impératif de
l'information et de la protection des consommateurs) :
- d'être proportionnées au but poursuivi ;
A ce titre, la Cour de Justice juge qu'une mesure imposant l'utilisation d'une
langue aisément compréhensible pour le consommateur ne doit pas
être de nature à exclure l'emploi éventuel d'autres moyens
assurant l'information des consommateurs, tels que l'usage de dessins, symboles
ou pictogrammes.
b) La circulaire du 20 septembre 2001 : une interprétation de la loi Toubon sujette à caution ?
Mis en
demeure par la Commission européenne, en juin 2000, de tirer les
conséquences de cette jurisprudence, le gouvernement français
-à l'issue, semble-t-il d'une difficile négociation avec la
commission- a procédé à un
aménagement par voie
de circulaire des modalités d'application de l'article 2 de la loi
du 4 août 1994
.
Cette
circulaire en date du 20 septembre 2001
a été
signée par le ministre de la culture et de la communication, par la
secrétaire d'Etat chargée du budget, et par le secrétaire
d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat
et à la consommation.
Elle « précise » que l'article 2 de la loi
Toubon ne fait pas obstacle à la possibilité d'utiliser
d'autres moyens d'information du consommateur
, tels que des
dessins,
symboles ou pictogrammes
. Ceux-ci peuvent être accompagnés de
mentions en langue étrangère non traduites en
français
dès lors que les dessins, symboles ou pictogrammes
et les mentions sont soit équivalents, soit complémentaires, sous
réserve qu'ils ne soient pas de nature à induire en erreur le
consommateur.
Votre rapporteur s'était interrogé sur la conformité de
cette circulaire interprétative avec le dispositif de l'article 2
de la loi Toubon
et avait adressé une question écrite au
gouvernement
2(
*
)
le 25 juillet 2002 pour lui
demander s'il envisageait de rapporter cette circulaire.
Dans la réponse qu'il a reçue, le 28 novembre dernier, le
gouvernement lui indique que la publication de cette circulaire répond
à une mise en demeure adressée à la France par la
Commission européenne, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés européennes.
Il rappelle que plusieurs arrêts de la Cour pèsent
désormais sur les dispositions de la loi du 4 août 1994,
relatives à la protection des consommateurs, et que la France s'est
efforcée, tout en se pliant à cette jurisprudence d'en limiter
les conséquences sur notre législation linguistique, en retenant
le principe d'un simple aménagement par voie de circulaire des
modalités d'application de l'article 2 de la loi.
Le gouvernement relève que la Commission a officiellement classé
le dossier le 22 mai 2002, que ce classement a permis d'éviter la
mise en oeuvre d'une procédure contentieuse auprès de la Cour
dont l'issue aurait été très incertaine pour notre
politique linguistique, et qu'il n'est donc, dans ces circonstances, pas
envisagé de modifier la circulaire du 20 septembre 2001.
La réponse du gouvernement précise en outre que, dans le souci
d'éviter tout recul dans la politique de protection des consommateurs,
le ministre de la culture et de la communication a sollicité le ministre
de l'économie, des finances et de l'industrie, pour que soit
conjointement mise au point, en concertation avec les associations de
consommateurs, une liste des dessins, symboles ou pictogrammes, qui ne
nécessiteraient pas d'être accompagnés d'une mention en
langue française. Cette liste contiendrait un nombre limité de
dessins, symboles ou pictogrammes de manière à préserver
les intérêts des consommateurs.
Votre rapporteur souhaite avec insistance que le gouvernement français
représente aux institutions européennes que l'information du
consommateur, en France, est mieux assurée par des mentions en langue
française que par le recours à des pictogrammes. Car il croit que
les hiéroglyphes, de quelque nom moderne qu'on les déguise,
constituent une régression radicale par rapport à
l'écriture alphabétique, et qu'ils resteront plutôt
l'apanage d'un petit nombre d'initiés, que du commun des
mortels !
3. Le programme européen Socrates Comenius 2.2
Le
programme Socrates Comenius 2.2 est un programme européen qui propose
aux enseignants d'une trentaine de pays de se perfectionner dans l'une des
disciplines de l'enseignement scolaire. Mais il en réserve le
bénéfice, semble-t-il, aux seuls candidats qui peuvent justifier
d'une parfaite maîtrise de l'anglais.
Votre rapporteur, qui avait attiré l'attention de Mme la ministre
déléguée aux affaires européennes sur cette
condition choquante au regard du pluralisme linguistique européen que
nous voulons promouvoir, a reçu de cette dernière une
réponse apparemment satisfaisante.
La ministre lui indique en effet que « les formations offertes
peuvent être dispensées dans l'une des langues officielles de
l'Union européenne, dont l'anglais. Il est préconisé
d'offrir le choix entre deux langues. Il est bien sûr demandé aux
participants de posséder une maîtrise suffisante de l'une des
langues dans laquelle la formation doit se dérouler afin qu'ils en
retirent le plus grand bénéfice ».
Votre rapporteur aimerait être sûr que la mise en oeuvre du
programme Comenius 2.2 est aussi irréprochable que la description
qu'en donne cette réponse rassurante.
4. Les tentations de certains décideurs politiques
Ces
pratiques, qui tendent à remettre en cause le pluralisme linguistique et
la diversité culturelle sur lesquels s'est construite l'Europe, ne sont
d'ailleurs pas l'apanage d'une technostructure européenne.
Elle trouve des alliés chez certains décideurs politiques.
Le président d'un important parti politique européen a
récemment notifié à tous les partis membres que la seule
langue de travail du parti serait désormais l'anglais, et qu'il
convenait en conséquence de n'envoyer dans les groupes de travail que
des parlementaires maîtrisant insuffisamment cette langue.
Un parlementaire britannique, allant plus loin, avait d'ailleurs proposé
de n'autoriser à se présenter aux élections
européennes que des candidats ou des candidates maîtrisant
l'anglais.
5. La nécessité de consacrer la diversité linguistique dans le futur « traité constitutionnel » de l'Union européenne
Ces
différentes dérives paraissent révélatrices d'un
état d'esprit qui tend à une remise en question sourde pour ne
pas dire sournoise, du pluralisme linguistique de l'Union européenne.
Il paraît dans ces conditions tout à fait indispensable
d'insérer dans le projet de traité constitutionnel que
prépare la convention sur l'avenir de l'Europe, une disposition
réaffirmant la diversité linguistique comme un des fondements de
la construction européenne.
Ce rappel, figurant dans un texte de référence, au sommet de
l'ordre juridique européen, permettrait de
consacrer le principe de
diversité culturelle et linguistique
sur lequel repose la
construction européenne et de le mettre, à tout le moins en
balance avec les principes économiques comme celui de libre circulation
des travailleurs et des marchandises.
Votre rapporteur a noté avec intérêt les
propositions
avancées par notre collègue
Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union
européenne du Sénat
, et membre à ce titre de la
convention sur l'avenir de l'Europe.
Celui-ci propose que le
traité constitutionnel
retienne, comme
un des principaux objectifs
communs de l'Union et des Etats membres, non
seulement
le respect de la diversité culturelle et linguistique de
l'Europe
, mais aussi, et surtout, la connaissance réciproque des
cultures, l'apprentissage des langues étrangères, le
développement de parcours européens de formation, l'encouragement
à la circulation des oeuvres.
6. La réforme du brevet européen
Créé par la
Convention de Munich
du
5
octobre 1973
, le « brevet européen » n'est pas
un instrument de protection communautaire. Contrairement au projet de
« brevet communautaire » actuellement en discussion, et qui
viendrait se greffer en quelque sorte sur le brevet européen, il
relève du droit conventionnel classique entre Etats et réunit des
pays qui ne sont d'ailleurs pas tous membres de l'Union européenne.
La convention de Munich a institué une organisation européenne
des brevets, un office européen des brevets, et une procédure
unique de délivrance à l'issue de laquelle le brevet
européen prend la valeur d'un brevet national dans chacun des pays
contractants, et est soumis aux règles nationales en vigueur sur le
territoire de ces derniers.
Ses
langues officielles
sont
l'allemand, l'anglais et le
français
(article 4). Celles-ci sont dotées d'un statut
privilégié : les demandes de brevet doivent être
déposées dans une de ces trois langues, qui devient par la suite
la langue de procédure et la langue dans laquelle est publié le
fascicule du brevet.
Ces fascicules comportent obligatoirement une
traduction des
revendications
dans les deux autres langues officielles de l'Office
européen des brevets (article 14 alinéa 7) sachant que ces
revendications constituent le coeur du dispositif de protection, puisque ce
sont elles qui déterminent l'étendue de la protection (article
69), la description et les dessins ne servant qu'à interpréter
les revendications.
L'organisation européenne des brevets permet :
- aux demandeurs ou aux titulaires de brevets français francophones
de déposer leur demande en français sans être obligé
d'y joindre une traduction ;
- aux entreprises françaises ou francophones de disposer soit de
fascicules complets en français pour les brevets délivrés
en français, soit de la traduction en français des revendications
des brevets délivrés en allemand ou en anglais.
Une disposition de la Convention,
l'article 65
, ouvre
la
possibilité pour les Etats de renforcer leurs exigences en
matière de traduction
. Il les autorise en effet à prescrire
que le texte des brevets qui ne sont pas rédigés dans leur langue
officielle est réputé sans effet sur leur territoire si une
traduction n'est pas produite dans un délai de trois mois. Cette
faculté est ouverte aux Etat dont les langues ont le statut de langues
officielles de l'Office comme aux autres.
La plupart des Etats ont fait jouer cette clause, et la France également
(article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle).
Toutefois, la volonté de réduire le coût du brevet
européen, sensiblement supérieur au coût des brevets
octroyés par les principaux partenaires commerciaux de l'Europe a
conduit à la rédaction d'un
accord consistant dans une
renonciation aux exigences de traduction prévues à
l'article 65 précité
.
Cet accord a été proposé à la signature des Etats
membres à la conférence intergouvernementale de Londres les 15 et
16 octobre 2000.
CONTENU DE L'ACCORD SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 65 DE LA CONVENTION SUR LA DÉLIVRANCE DE BREVETS EUROPÉENS
Les
Etats parties à l'accord sont convenus des dispositions suivantes :
1. Les Etats ayant une langue officielle en commun avec les trois langues
officielles de l'Office européen des brevets renoncent aux exigences de
traduction de l'article 65 ; les autres Etats y renoncent si le
brevet est délivré ou traduit dans une de ces trois langues
à leur choix, mais conservent la possibilité d'exiger une
traduction des revendications.
2. En cas de litige, le titulaire du brevet fournit à ses frais une
traduction complète du brevet au contrefacteur présumé et
au juge.
3. La signature de l'accord est ouverte jusqu'au 30 juin 2001.
4. L'accord ne peut entrer en vigueur que si huit Etats parties y ont
adhéré, dont l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
Le projet d'accord a suscité une vive inquiétude et votre
rapporteur avait tenu à rappeler dès l'origine
les
inconvénients d'un texte qui prévoit que des titres juridiques,
partiellement rédigés dans une langue étrangère,
pourront créer, en France, des droits et des obligations.
Confronté à cette préoccupation largement partagée,
le secrétaire d'Etat à l'industrie avait confié
une
mission de concertation à M. Georges Vianes
qui a conclu à
l'adoption de cet accord, estimant en outre que celui-ci, « loin de
représenter un abandon de la position de la France et de la langue
française dans le système du brevet européen, la
renforce ». Votre rapporteur ne partage évidemment pas cette
vision optimiste.
La commission des affaires économiques du Sénat avait
consacré à ce sujet un rapport d'information signé par
notre collègue, M. Francis Grignon
3(
*
)
,
qui s'était déclaré favorable à la signature de cet
accord, sous réserve de l'adoption d'un certain nombre de
mesures
d'accompagnement nécessaires
.
MESURES D'ACCOMPAGNEMENT JUGÉES NÉCESSAIRES
PAR LA
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES EN VUE DE LA SIGNATURE PAR LA FRANCE
DE L'ACCORD DE LONDRES
Veille technologique
: traduire en français, sur le budget
de l'INPI
4(
*
)
, comme cela est envisagé,
les revendications et un résumé
« signifiant » des demandes, à la publication. Les
traductions seraient disponibles sur le site internet de l'Institut national de
la propriété industrielle, dont la base de données peut
être interrogée en langage naturel ;
Sécurité juridique
: prévoir, comme c'est le
cas dans le projet de règlement sur le brevet communautaire, qu'un
contrefacteur présumé qui n'a pu avoir à sa disposition le
texte du brevet traduit en français est présumé ne pas
porter atteinte au brevet et que les dommages et intérêts (ou la
confiscation éventuelle des profits) ne pourraient intervenir
qu'après cette mise à disposition d'un texte en
français ;
Traducteurs et conseils
: le changement de régime
n'entrerait pas en vigueur avant, au bas mot, deux ans. L'Etat doit
impérativement utiliser ce délai pour :
- orienter les traductions visées au sur des
professionnels
français
: traducteurs pour les traductions, conseils pour
l'élaboration du résumé. Ceci implique un effort
considérable d'organisation de ces professions (possible, peut
être, via un groupement d'intérêt économique de
chacune d'entre elles et la mise en place, à l'Institut national de la
propriété industrielle, de procédures d'octroi de ces
marchés à la fois transparentes et accessibles à d'autres
prestataires que les grands cabinets étrangers qui risquent de
« capter » ce marché si les professionnels
français ne font pas cet effort d'organisation. Cette solution est plus
difficile à mettre en oeuvre, notamment pour l'élaboration du
résumé, que la simple sous-traitance à une
société étrangère
5(
*
)
, mais elle est, de loin, préférable.
Elle implique toutefois que les professionnels jouent le jeu de la mise en
oeuvre d'un accord qu'ils ont radicalement défendu ;
- prévoir des
aides spécifiques pour les traducteurs en
brevets
dans le cas probable où la mesure ci-dessus et
l'accroissement du nombre de dépôts ne suffiraient pas à
maintenir leur volume actuel d'activité.
Votre rapporteur
ne s'était pas félicité de la
signature par la France de l'accord de Londres,
regrettant tout
particulièrement que
, sur ce point pourtant essentiel du combat pour
le multilinguisme,
la France se soit désolidarisée de ses
alliés naturels : l'Espagne, l'Italie et le Portugal
, qui ont,
eux, refusé de signer ce protocole.
Il avait souhaité que, à tout le moins, le gouvernement
prête toute l'attention nécessaire aux
mesures
d'accompagnement
préconisées par la commission des affaires
économiques du Sénat.
Il avait également noté que la signature de cet accord avait
été accompagnée d'une
déclaration
précisant que la France avait l'intention d'accompagner la mise en
oeuvre de l'accord de
dispositions nationales
lui permettant de prendre
à sa charge la
traduction intégrale des brevets
qui ne
seront pas rédigés en français.
Votre rapporteur a relevé que, dans un récent discours
prononcé à Brive le 8 novembre 2002,
M. Christian Poncelet,
président du Sénat
, avait estimé qu'
un
réexamen attentif de ce protocole
s'imposait, au préalable.
Il se félicite de cette prise de position, à laquelle il
apporte un plein soutien, et souhaite qu'une réflexion soit
effectivement conduite avant le dépôt devant le Parlement du
projet de loi autorisant la ratification du Procotole de Londres, dont le
ministre délégué à la coopération et
à la francophonie nous a indiqué qu'il était en
préparation
.
En conclusion :
La commission des affaires culturelles rappelle son souhait de voir
la
francophonie dotée d'un ministère qui lui soit propre
, et
dont les compétences engloberaient aussi l'audiovisuel extérieur
et les relations culturelles extérieures.
Elle réaffirme son hostilité de principe à un gel des
crédits.
Elle insiste sur la nécessité d'une
coordination
autour de
ce ministère de toutes les administrations qui ont à
connaître de la francophonie.
Elle réaffirme sa très vive préoccupation devant la
tendance de l'Union européenne à considérer l'anglais
comme la langue de ses relations extérieures. Elle demande au
gouvernement de réagir très fermement à tout manquement
dans ce domaine.
Elle demande que la
Convention européenne
se saisisse du
problème des langues en Europe avec à l'esprit de contribuer
à construire une
Europe multiculturelle et plurilingue
.
Elle soutient l'action de la francophonie pour obtenir que
l'Unesco
abrite un instrument juridique défendant le pluralisme des cultures.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une séance tenue le mardi 12 novembre 2002 sous la présidence
de M. Philippe Nachbar, secrétaire, la commission a examiné le
rapport pour avis de
M. Jacques Legendre sur les crédits de la
francophonie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003
.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a émis
un avis
favorable à l'adoption des crédits de la francophonie pour
2003
.
CONCLUSION
ANNEXE I
DISCOURS DE MONSIEUR JACQUES
CHIRAC,
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,
LORS DE LA
CÉRÉMONIE D'OUVERTURE DU SOMMET DE BEYROUTH
Lors
de la cérémonie d'ouverture
du IX
e
sommet des chefs d'Etat et de gouvernement
des pays ayant le français en partage
Beyrouth-Liban
Vendredi 18 octobre 2002
Monsieur
le Président de la République libanaise,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale libanaise,
Monsieur le Président du Conseil des Ministres du Liban,
Permettez-moi aussi de saluer les autorités religieuses, civiles et
militaires de notre pays hôte,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'État et de gouvernement,
Mesdames les premières dames,
Monsieur le Secrétaire Général de l'Organisation
Internationale de la Francophonie,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers Amis,
D'abord, Monsieur le Président, merci pour la chaleur de votre accueil,
de l'accueil du Liban, des Libanaises et des Libanais, auquel nous sommes
profondément sensibles. Merci aussi pour la qualité de
l'organisation et du travail de ce sommet.
Dans un monde travaillé par la violence et par la guerre ; dans un
monde où persiste la misère de masse, alors que la richesse
globale s'accroît à un rythme sans précédent dans
l'histoire ; dans un monde où l'homme mutile la nature, sans laquelle
pourtant il ne peut vivre ; dans un monde où
l'accélération des échanges et des connaissances devient
vertigineuse ; dans un monde à la recherche de sens et de
repères, la culture s'impose. Elle s'impose parce qu'elle est porteuse
d'espérance.
La culture, c'est le mouvement par lequel l'homme décide de dire non
à la fatalité, de maîtriser ses instincts, de comprendre ce
qu'il vit et de lui donner un sens. Manifestation de la force de l'esprit, elle
est l'arme de l'intelligence contre la force brute et les obstacles apparemment
insurmontables. Fruit d'expériences ancestrales, aspiration au bonheur,
elle ennoblit l'existence.
En ces temps où l'humanité doit s'inventer une destinée
commune, ces temps riches de promesses et de menaces à la fois, nous
francophones, ayant le français en partage, nous avons une mission.
Différents par l'origine, la race, la religion, rassemblés par
les tourments de l'histoire, nous voulons faire vivre et partager
l'idéal humaniste qui nous unit.
Où mieux qu'à Beyrouth, dans ce pays aux racines
millénaires où se sont succédé les peuples et les
civilisations, pouvions-nous célébrer le dialogue des
cultures ? Ici, nous pourrons méditer sur l'expérience
séculaire du peuple libanais. Un peuple qui a su conjuguer les
influences de l'Orient et de l'Occident. Un peuple doué du génie
du commerce qui, avant tous les autres, s'en est allé explorer le monde.
Un peuple qui a subi trop souvent l'amère expérience des
conflits, de l'invasion et de la discorde intérieure. Mais un peuple qui
s'est toujours redressé, que sa curiosité du monde et sa
capacité d'adaptation ont toujours maintenu parmi les nations
influentes. Un peuple que nous remercions pour la chaleur de son
hospitalité.
À Beyrouth, pour le progrès de nos peuples et pour un monde
meilleur, je souhaite que nous servions la cause du dialogue des cultures, la
cause de la paix et de la démocratie, la cause du développement
durable.
La Francophonie est par vocation au service du dialogue et de la
diversité des cultures. La mondialisation promet aux hommes plus de
liberté et de progrès. C'est vrai. Nous y voyons aussi le risque
de l'uniformisation et une menace pour nos identités. Mais le repli sur
soi mènerait au déclin aussi sûrement que le renoncement
à soi. L'un des défis du monde fluide où nous vivons
désormais est d'apprendre à mieux être soi-même pour
mieux accueillir l'autre. Nous désamorcerons ainsi ce qu'Amin Maalouf
appelle « les identités meurtrières ».
La réponse aux problèmes d'aujourd'hui passe, elle aussi, par le
dialogue des cultures car elle appelle une synthèse entre la recherche
d'efficacité de l'ère industrielle et la recherche d'harmonie des
sociétés traditionnelles. Veillons à ce que la place
croissante des échanges marchands dans nos vies s'accompagne d'une
intensification égale des échanges d'idées.
Voilà pourquoi il faut préserver la diversité du monde,
garante de l'avenir de l'humanité. Voilà pourquoi la France
demande aux francophones de rassembler les États conscients de cette
exigence pour soutenir à l'UNESCO une convention sur la diversité
culturelle. Voilà pourquoi il nous faut défendre avec plus
d'énergie le français et la diversité linguistique,
notamment dans les enceintes internationales où certains d'entre nous
ont l'insupportable sentiment, pour reprendre l'expression du Président
El Hadj Omar Bongo, d'être sourds et muets.
Ce que nous voulons pour le monde, nous le voulons pour la Francophonie.
À Beyrouth, donnons un exemple vivant de dialogue des cultures.
Apprenons à mieux nous connaître, mieux apprécier les
apports de chacun.
La France veut prendre toute sa part à cet effort. C'est pourquoi je
souhaite l'ouverture au Musée du Louvre d'un nouveau Département
consacré aux arts de l'Islam. Il viendra conforter la vocation
universelle de cette prestigieuse institution et il rappellera aux
Français et au monde l'apport essentiel des civilisations de l'Islam
à notre culture.
Je propose en outre que la France accueille à Paris, en 2006, un
festival des cultures du monde francophone. Cette saison exceptionnelle
rassemblerait des créateurs, des cinéastes, des scientifiques,
des musiciens, des poètes, des artistes de tous nos pays.
Démonstration éclatante de notre vitalité, elle serait une
fête, pour tisser entre nos peuples des liens les plus étroits.
Elle serait aussi l'occasion d'inaugurer une Maison de la Francophonie,
siège de prestige, accueillant au public aussi bien, naturellement,
qu'à nos opérateurs.
Mais il n'est pas d'authentique dialogue des cultures sans liberté, sans
démocratie, sans affirmation des valeurs universelles de la
déclaration de 1948. Il est temps de mettre pleinement en oeuvre notre
déclaration de Bamako, par l'observation courageuse et lucide de la
situation des droits de l'homme dans nos pays et par l'application des
mécanismes que nous avons créés. La démocratie est
certes un long chemin. Mais nous irons plus vite si nous allons ensemble et nul
ne peut prétendre appartenir à notre famille s'il récuse
ce fondement de notre héritage commun.
Il n'est pas non plus de dialogue des cultures sans accès universel
à l'éducation, pour les filles comme pour les garçons.
Parmi les pays les plus en retard dans la réalisation des objectifs de
Dakar, c'est-à-dire la scolarisation pour tous en 2015, figurent
hélas beaucoup d'entre nous. Je m'engage à ce que
l'éducation soit une priorité de l'importante augmentation de
l'aide publique au développement de la France à partir de cette
année. Je souhaite qu'une part importante des crédits nouveaux
que la France consacrera à la Francophonie bénéficie
à notre agence universitaire. J'invite l'Agence intergouvernementale
à préparer une stratégie nouvelle.
La Francophonie a vocation à faire progresser la paix. Le dialogue des
cultures, facilitant le partage des expériences humaines, est le
meilleur antidote au risque d'un choc des civilisations. Il nous aidera
à poser les fondements d'une paix durable. Mais il nous faut aussi agir
pour mettre fin aux conflits actuels.
À Beyrouth, réaffirmons ce credo fondamental : dans le monde
moderne, le recours à la force ne saurait être qu'un ultime et
exceptionnel recours. Il ne saurait être admis qu'en cas de
légitime défense ou de décision des instances
internationales compétentes. Qu'il s'agisse de faire respecter ses
obligations par l'Iraq, de relancer le processus de paix
israélo-palestinien ou de régler les conflits en Afrique, la
même logique du droit doit tous nous inspirer, car elle seule nous
garantira durablement contre les tentations aventuristes.
Depuis le sommet de Hanoi, les francophones ont commencé à agir
ensemble pour la prévention des conflits ou pour le
rétablissement de la paix dans leur espace commun. Et je rends hommage
à l'action du Secrétaire général et de ses
envoyés. Nous devons nous engager davantage encore. Nous inspirant du
précédent de la conférence de Bamako pour la
démocratie et les droits de l'homme, je suggère que la
Francophonie demande à son Secrétaire Général des
propositions en vue d'une conférence ministérielle
destinée à établir les instruments de notre dialogue et de
notre action au service de la paix.
Le monde a éprouvé toute l'horreur des attentats du
11 septembre, dont l'onde de choc se fait encore sentir. Le monde est
solidaire du peuple américain frappé par ces attentats. Le monde
s'est coalisé contre le terrorisme, dans le cadre de l'Organisation des
Nations Unies. Et nous devons aussi combattre ces injustices, ces frustrations
et ces fléaux qui servent de prétexte aux terroristes pour
perpétrer leurs crimes. Pour cela, il nous faut travailler davantage au
règlement des conflits, mais aussi à la réalisation des
objectifs du développement durable.
Pour lutter contre le sida et les autres pandémies, pour vaincre la
pauvreté, rétablir les équilibres écologiques,
prévenir les crises financières, un même besoin se fait
sentir. Comment organiser la cité planétaire afin que les plus
vulnérables y soient protégés, que la
sécurité y soit assurée, que la diversité et
l'égalité des chances y soient réalisées ?
Humaniser et maîtriser la mondialisation passe par l'invention d'une
gouvernance universelle, d'une démocratie planétaire.
Les francophones veulent orienter les débats mondiaux, ces
négociations où se dessine une partie de notre avenir. Qu'il
s'agisse de finances, de commerce, d'aide au développement ou de
protection de l'environnement, il nous faut nous concerter davantage afin de
mieux défendre nos intérêts et de faire entendre la voix de
la diversité.
La famille francophone est une solidarité, c'est donc solidaire qu'elle
doit oeuvrer à la réalisation des objectifs que le monde s'est
fixé lors des sommets du Millénaire et de Johannesburg.
Nous nous sommes engagés à réduire de moitié d'ici
2015 le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté. Nous
nous sommes engagés à avoir réduit de moitié
à cette date le nombre de celles et ceux qui n'ont pas accès
à l'eau potable et à l'assainissement. Nous nous sommes
engagés à ouvrir davantage le commerce international aux
productions du sud et à porter l'aide publique au développement
à 0,7 % du PIB des pays industrialisés. Certes, nous avons
placé la barre très haut, mais nous le devons à nos
concitoyens. Et ces ambitions sont à notre portée, à
condition naturellement de mobiliser nos forces.
Je salue, après Jean Chrétien, l'entreprise novatrice que
constitue à ce titre le NEPAD et je suis heureux que deux de ses
principaux promoteurs, le Président Bouteflika et le Président
Wade, soient présents parmi nous. L'Afrique prend en main son destin et
décide de s'engager sur la voie de la démocratie, de la bonne
gouvernance et du développement. La communauté internationale
unanime appuie ce projet ambitieux et exemplaire. Nous passons d'une logique
d'assistance, qui a montré ses limites, à une logique de
partenariat et de responsabilité mutuelle qui est infiniment plus
prometteuse.
Pour marquer la solidarité des francophones, je vous propose que nous
consacrions notre prochain sommet au développement durable. Nous
examinerions où nous en sommes de la réalisation des chantiers du
Millénaire et de Johannesburg. Pour cela, tenons ensemble le grand livre
de nos progrès vers le développement humain. Demandons à
nos opérateurs de s'organiser pour évaluer nos résultats
et pour nous aider à mieux accéder aux financements
internationaux nécessaires.
Mesdames et Messieurs, un homme incarne le mouvement francophone.
Boutros Boutros-Ghali est fils d'Égypte. Il est l'héritier d'une
des plus vieilles civilisations du monde, il est le dépositaire d'un
patrimoine irremplaçable, l'enfant de l'Afrique, de l'Arabie et de
l'Europe tout autant.
Par sa carrière, il est l'homme de la paix. En charge de
responsabilités éminentes dans la diplomatie égyptienne,
il y a travaillé avec courage et conviction. À la tête de
l'ONU, il a défendu l'ambition multilatérale autour de trois
idées-forces : la paix, le développement et la
démocratie.
Devenu le visage et la voix de la francophonie, il a ouvert notre mouvement au
vent du large en l'alliant aux cultures arabes, lusophones, hispanophones. Il
lui a insufflé sa fougue, son ambition et son exigence. Je lui exprime
notre reconnaissance et je lui rends hommage.
Quel plus bel hommage que de confirmer l'élan que nous lui devons. En
approfondissant la réforme et le renforcement de nos
opérateurs ; en les rapprochant des associations, des entreprises,
des collectivités locales ; en faisant entendre davantage notre
voix dans le monde, par le renforcement de notre présence audiovisuelle,
alors oui nous poursuivrons son oeuvre.
La Francophonie se veut force d'avenir. Pour peser dans le monde, elle doit
être à la pointe d'une des ambitions les plus fondamentales et les
plus urgentes de notre temps : l'invention d'une éthique
universelle, fondée sur trois principes cardinaux, maîtrise de
soi, respect de l'autre et solidarité.
La maîtrise de soi. À l'heure où l'homme détient une
puissance suffisante pour détruire la vie, son avenir exige qu'il domine
ses appétits et apprenne à mieux peser les conséquences de
ses décisions.
Le respect. Alors que les technologies nouvelles défient les distances
et le temps, vouant les communautés humaines les plus
éloignées à vivre ensemble ; alors que la science
permet de transformer la nature humaine qu'on croyait jusqu'ici inviolable, il
est essentiel de s'imprégner du caractère sacré de l'autre
et de la vie.
La solidarité enfin. Nos destinées sont liées. Nulle
nation, nul pays ne peut prétendre répondre seul aux défis
d'aujourd'hui et notre monde ne peut espérer poursuivre son expansion
sans répondre aux besoins, aux besoins légitimes des milliards de
femmes et d'hommes qui sont en fait aujourd'hui exclus du progrès. La
mondialisation de l'économie exige la mondialisation de la
solidarité.
Ces trois principes cardinaux, la culture francophone nous les rend familiers.
Reste à les incarner, à les faire partager. Telle est notre
mission et notre vocation. Telle est la noblesse de notre mouvement. Telle est
l'ambition de notre Sommet, vers cet « humanisme
intégral » où le Président Léopold
Sédar Senghor voyait l'avenir du monde.
Je vous remercie.
ANNEXE II
DISCOURS DE M. CHRISTIAN
PONCELET,
PRÉSIDENT DU SÉNAT,
LORS DE
L'INAUGURATION DE LA FOIRE DU LIVRE À BRIVE
Lors
de l'inauguration de la Foire du Livre de Brive
Vendredi 8 novembre 2002
(extrait)
Le
patriotisme que nous demandons aux chefs d'entreprise -et nous avons tous
été choqués d'apprendre que l'un d'entre eux
considérait que l'exception culturelle était morte- a pour
contrepartie une certaine solidarité avec ceux qui engagent des moyens
dans nos industries culturelles, à la condition naturellement qu'ils
servent notre culture.
Le fait est que l'industrie du cinéma a été plus active et
organisée dans la défense de son exception et que les politiques
ont relayé ses points de vue, notamment en 1994 dans les
négociations du GATT. Je me suis souvent étonné que le
livre soit oublié dans ce combat. J'ai la faiblesse pourtant de penser
-j'espère qu'au moins ici, on ne jugera pas en cela le Sénat
ringard- que, pour la défense des valeurs de la Culture, pour exprimer
le meilleur d'une civilisation, rien n'est plus haut que le livre. Pas
forcément tous vos livres en particulier bien sûr, mais...presque
tous !
Et les enjeux ne manquent pas. Aujourd'hui, les écrivains
français étudiés dans certaines universités
d'Europe de l'Est sont parfois seulement ceux qui sont à l'honneur dans
certaines universités américaines, qui jouent paradoxalement le
rôle de prescripteur et d'arbitre du goût.
La situation est encore plus grave -et je déplore l'incapacité
chronique des pouvoirs publics à se saisir de cette question-, dans le
domaine de l'édition scientifiques et des revues qui sont des lieux de
pouvoir. C'est d'elles que dépend le maintien d'un français
scientifique vivant. C'est d'elles que dépendent la vitalité et
la richesse de nombreux laboratoires et même de nos industries.
Des exemples à foison ont montré que les grandes revues
scientifiques anglo-saxonnes où nos compatriotes rêvent de se
faire publier n'étaient pas forcément des lieux neutres et purs
où seule compte la qualité des travaux. On raconte que la
publication d'une découverte française attend quelques semaines
le temps que le laboratoire concurrent américain dépose le
même brevet, que ces revues sont un formidable lieu d'intelligence
économique voire de pillage. Maintenant qu'un groupe français a
récupéré les publications médicales et
scientifiques, j'appelle à une grande concertation entre les pouvoirs
publics, Recherche, affaires étrangères, culture, francophonie,
défense, industrie, et la profession pour un plan d'ensemble de
reconquête des outils de la publication scientifique.
Il s'agit d'enrayer le déclin et le sentiment d'abandon, qui a saisi par
exemple, je le dis avec un sentiment mêlé de honte, de tristesse
et d'indignation- les responsables de notre propre Académie des Sciences
qui ont décidé l'abandon de la langue française.
A quoi bon se battre pour la culture, prétendre avoir une autre vision
de sa place dans la société, défendre une certaine
idée de la France, si au jour le jour, nous sommes prêts à
ces lâchetés quotidiennes au nom de la soi-disant
efficacité et en général de la simple vanité.
Vanité d'être publié, de paraître international
d'autant plus parfois qu'on est médiocre. Le protocole de Londres sur
les brevets, hélas signé par le précédent
gouvernement, que Jean-Pierre Raffarin avait d'ailleurs dénoncé
lorsqu'il était sénateur, mérite, puisqu'il n'est pas
encore ratifié, un réexamen attentif car nous ne pouvons
accepter ses dispositions conduisant au tout anglais dans ce domaine
stratégique.
Ceci renvoie aux débats sur l'avenir de l'Europe. Nous sommes tous
convaincus que la construction européenne est notre horizon. Pour
autant, ces politiques en faveur des industries culturelles ne seront possibles
que si le cadre juridique communautaire le permet.
Et nous avons l'ardente obligation de d'exiger et d'obtenir que les politiques
culturelles et linguistiques ne soient en rien entravées par les
principes généraux du commerce que la commission applique.
L'exemple du statut de la langue française est édifiant et je
suis sûr que Jean-Marie Rouart qui va remettre le prix de la langue
française, ne me démentira pas. En 1994, le Premier ministre
avait écrit une lettre d'une extrême fermeté à la
commission, qui voulait contester à la France le droit de
légiférer sur l'emploi de sa langue. La Commission s'était
couchée devant l'affirmation politique forte d'un Etat fondateur,
affirmation politique conforme à l'idée même que nous nous
faisons de l'Europe.
En juin 1995, sous les auspices de Jacques Chirac, le Conseil européen a
posé le principe que la diversité linguistique de l'Europe
était un élément essentiel de son identité et que
chaque citoyen de l'union avait un droit à ce que l'Union et les Etats
défendent les langues nationales. Et cet été, nous
apprenons que la commission, cédant aux arguments d'une
célèbre chaîne de restauration rapide, lance une
procédure d'infraction contre la France car celle-ci impose
l'étiquetage en français des denrées alimentaires.
J'affirme que c'est la Commission et même la Cour de Justice de
Luxembourg qui sont en situation d'infraction aux principes mêmes
qui fondent la volonté des européens de vivre ensemble.
Et je voudrais que tous les intellectuels, comme ils l'ont été
pour le cinéma, que tous les politiques, comme l'avait fait le Premier
ministre en 1994, soient rassemblés pour dire au président de la
Commission que nous n'accepterons jamais cette interprétation. Parce que
nous pouvons le dire haut et fort, nous porterions seuls par notre
négligence la responsabilité de ces abandons.
Et j'ai la faiblesse de penser, puisque maintenant nous savons, après
l'accord qui vient d'intervenir après un dernier combat de retardement,
que la PAC sera révisée et réduite à partir de
2006, qu'il y a un combat à terme aussi important et qui mérite
peut-être qu'on en fasse une exigence non négociable, que l'on
tape du poing sur la table, c'est celui de la culture.
La constitution européenne en projet et la Convention sur l'Avenir de
l'Europe doivent donc permettre de figer dans le marbre par un article
spécifique ce principe que rien ne doit pouvoir entraver la
possibilité des Etats de prendre toute mesure de nature à
maintenir la diversité culturelle et linguistique de l'Europe et
à développer la vitalité des cultures nationales, car
elles sont par nature dans l'intérêt de l'Europe.
Telles sont les conditions mêmes pour que le projet européen ait
un sens. Si nous réussissons l'Europe de la défense, mais parce
que nous avons finalement accepté de nous rallier à l'OTAN,
si nous faisons l'Europe, en acceptant que les produits culturels et les
langues soient traités comme des marchandises, et que la langue
des Etats-Unis d'Amérique en soit la langue officielle de fait, nous
serions comme ces cavaliers dont parle Fernando Pessoa qui entrent victorieux
dans une ville conquise mais dont l'étendard porte en lettres d'or le
mot « défaite » !
Voilà pourquoi, mes chers amis, en répondant à
l'invitation de Bernard Murat, j'ai souhaité profiter de cette
décentralisation du monde parisien des lettres dans un
département qui est à certains égards... capital, pour
vous inviter à la mobilisation et vous assurer du soutien du
Sénat dans ces combats.
1
Allocution du Président de la
République devant le Haut conseil de la Francophonie, réuni pour
sa XVIIe réunion, le 30 mai 2001
2
Question écrite n° 1094 du 25 juillet 2002
(Réponse publiée au JO du 28 novembre 2002)
3
« Stratégie du brevet
d'invention » : rapport d'information n° 377
(2000-2001) de M. Francis Grignon au nom de la commission des affaires
économiques.
4
Alimenté notamment par les taxes de maintien en vigueur des
brevets valables en France.
5
Du type de Derwaent, pour l'élaboration du
résumé.