2. Une réorientation nécessaire de la politique immobilière
Au delà des difficultés liées à l'organisation administrative et à la complexité des procédures qui régissent les opérations immobilières du ministère, force est de constater que sa politique d'investissement est traditionnellement soumise à des aléas, politiques comme techniques, qui aboutissent à ce que nombre de programmes connaissent d'importants retards ou soient, en cours de réalisation, profondément modifiés.
A l'évidence, cet état de fait concourt à la sous-consommation des crédits d'investissement, en créant un décalage entre, d'une part, l'annonce de la réalisation d'une opération et l'ouverture concomitante d'autorisations de programme, et, d'autre part, l'engagement et l'affectation des crédits de paiement.
Ce constat n'est pas nouveau, et c'est sans doute l'absence d'infléchissement de la politique immobilière qui le rend navrant.
A cet égard, le cas du projet du « 51, rue de Bercy » illustre le coût d'une politique immobilière mal maîtrisée.
Le ministère de la culture a acquis en 1999 un bâtiment situé dans le parc de Bercy conçu par l'architecte Franck Gehry pour abriter l'American center pour un montant de 24 millions d'euros.
Le projet était alors d'y créer une « Maison du cinéma», succédané du programme de « Palais du cinéma » dont l'installation au Palais de Tokyo avait été un temps envisagée.
Cette institution avait vocation à regrouper la cinémathèque française, la Bibliothèque du film, le Service des archives du film et du dépôt légal du Centre national de la cinématographie. Au regard de cette programmation, un maître d'oeuvre a été désigné pour le réaménagement des espaces intérieurs qui ne se prêtaient pas à la double vocation de la future institution qui devait à la fois proposer des services très divers (salles de projection, médiathèque...) et gérer des collections, en particulier celles du musée Henri-Langlois. Les études de diagnostic puis les études de maîtrise d'oeuvre ont été engagées dès le mois d'octobre 1999 et, parallèlement à ce calendrier d'aménagement, le travail de définition des missions de l'institution se poursuivait.
Depuis 1999, ont été consacrées à ce projet 27,74 millions d'euros pour le réaménagement et l'équipement du bâtiment de Bercy auxquels s'ajoutent 4,5 millions d'euros pour le mobilier et l'équipement.
Or, depuis 1999, la définition de l'institution qui devait s'installer dans ces locaux a profondément évolué, notamment en raison des difficultés rencontrées par le ministère pour établir une stratégie commune entre les institutions concernées, dont les missions mais également les statuts étaient très dissemblables.
Devant se concrétiser dans le cadre d'un établissement public, leur collaboration fut ensuite envisagée, en raison des oppositions rencontrées, sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), formule certes plus souple mais qui n'était pas en elle-même de nature à permettre à l'institution d'affirmer son autonomie dans la mesure où son fonctionnement aurait été étroitement tributaire de la volonté des différents partenaires d'y contribuer.
Il semble qu'aujourd'hui, les ambitions du ministère soient plus modestes concernant ce projet : ces locaux seront affectés à la seule Cinémathèque, ce qui constitue à l'évidence un très net recul par rapport aux ambitions annoncées initialement.
Ce cas constitue un exemple regrettable des gaspillages auxquels conduisent les aléas de la politique immobilière du ministère.
A cet égard, l'appréciation portée par la Cour des comptes est sévère 6 ( * ) : « l'analyse de la façon dont se sont déroulées toutes les principales opérations immobilières conduites au cours des dernières années révèle la constance avec laquelle les mêmes erreurs et irrégularités sont commises : imprécision et instabilité des projets, défaillances dans la programmation, suivi défectueux du déroulement des chantiers, maîtrise insuffisante des opérations, malfaçons dans la réalisation de certains ouvrages ».
Compte tenu de ces errements chroniques, votre rapporteur se félicitera de la volonté exprimée par le ministère lors d'une conférence de presse tenue le 29 octobre dernier de clarifier les choix immobiliers pour les années qui viennent. La remise à plat de l'ensemble des projets en cours s'imposait en effet à plus d'un titre et, en particulier, afin de rééquilibrer l'effort d'investissement en direction du reste du territoire.
* 6 Rapport public 2001