B. L'OPPORTUNITÉ DES MESURES DE REDRESSEMENT PROPOSÉES : LES MESURES NOUVELLES DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003

1. Les ressources

a) Le niveau des ressources en 2003

L' article 8 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe à 327,50 milliards d'euros en 2003 les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement, en hausse de 3,9 % par rapport aux recettes révisées de 2002.

Depuis 2000, les ressources ont évolué de la manière suivante :

Les mesures nouvelles proposées par le présent projet de loi de financement aboutissent à accroître les recettes des régimes de base et de différents fonds, notamment le FSV et le FOREC, de 2,94 milliards d'euros en 2003, au terme de plusieurs mouvements ainsi retracés :

Ces recettes supplémentaires résultent du remboursement, proposé par l' article 5 du présent projet de loi de financement, d'une partie de la dette du FOREC en 2000 par la CADES, au régime général à hauteur de 50 %, soit 1,097 milliard d'euros, et aux autres régimes à hauteur de 100 %, soit 183 millions d'euros, de l'augmentation des droits de consommation sur les tabacs manufacturés, réalisée par l' article 4 , qui doit engendrer une recette supplémentaire de 1 milliard d'euros, et de l'affectation par l' article 3 d'une part supplémentaire (44,07 %, au lieu de 30,56 %) du produit de la taxe sur les conventions d'assurance, soit 660 millions d'euros 9 ( * ) , au FOREC.

b) L'augmentation de la fiscalité sur les tabacs

L' article 4 du présent projet de loi de financement propose notamment d'alourdir la fiscalité sur les tabacs manufacturés 10 ( * ) .

L'exposé des motifs dudit article insiste sur les effets attendus de cette augmentation des prix du tabac sur la consommation, le tabagisme constituant « un problème majeur de santé publique » 11 ( * ) . L'INSEE a montré que les hausses de prix contribuent à freiner la consommation de tabac : une augmentation de 1 % du prix des cigarettes se traduit par une baisse de 0,3 % des volumes consommés en moyenne sur l'année.

La fiscalité des tabacs, régie par les dispositions des articles 575 à 575 E bis du code général des impôts est relativement complexe :

- pour les cigarettes, le droit de consommation se décompose en deux parts, établies à partir de la cigarette de la classe de prix la plus demandée, soit actuellement la Marlboro : une part spécifique, qui correspond à un montant forfaitaire par cigarette, et une part proportionnelle, qui est fonction du prix de vente au détail ;

- pour les autres tabacs, le montant du droit est proportionnel au prix de vente.

Ces taux s'établissaient de la manière suivante au 1 er janvier 2002 :

De surcroît, s'applique, sur certains produits, un minimum de perception destiné à éviter la mise sur le marché de produits à bas prix qui serait propice à une « guerre des prix » telle qu'il y en a eu au milieu des années 1990. La réglementation communautaire tend à rapprocher graduellement les minima de perception.

Le produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés s'élevait à 8,8 milliards d'euros en 2001. Depuis 1991, il s'est accru de 250 %. Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, réunie le 24 septembre 2002, « cette forte progression n'est pas liée à une évolution à la hausse des volumes de consommation », qui ont au contraire diminué au cours des dernières années. Cette évolution « s'explique à titre essentiel par les revalorisations successives du prix des cigarettes ». « À titre secondaire, le relèvement des minima de perception augmente le rendement de la taxe ».

Le produit du droit de consommation sur les tabacs, à partir de 2000, a fait l'objet d'affectations extrêmement évolutives, comme le montre le tableau ci-dessous :

La modification de cette affectation avait été décidée par le gouvernement précédent afin de financer les 35 heures. Ainsi, la taxation du tabagisme ne bénéficiait quasiment plus à l'assurance maladie mais à un dispositif de la politique de l'emploi ! Le droit de consommation sur les tabacs devenait ainsi un impôt de rendement.

Le présent projet de loi de financement propose d'augmenter les minima de perception sur les tabacs, selon le schéma suivant :

Le rendement attendu de cette hausse du droit de consommation est estimé à 1 milliard d'euros en 2003.

Or, l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a renforcé la hausse des taxes sur les tabacs prévue par le gouvernement, en portant l'accroissement des minima de perception sur les cigarettes de 17,7 % à 20 % (soit 108 euros) et sur le tabac à rouler de 17,7 % à 24,4 % (soit 56 euros), « afin d'éviter un déport de consommation vers les produits moins chers, de moins bonne qualité et donc encore plus nocifs pour la santé » 12 ( * ) .

Le gouvernement a émis un avis défavorable à ces amendements, considérant qu'une augmentation trop brutale des prix pourrait engendrer des effets pervers, en particulier la contrebande.

c) L'augmentation du droit de consommation sur les bières fortes

L'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a adopté un amendement, devenu l' article 4 bis , qui surtaxe à 100 euros par degré alcoométrique les bières conditionnées en boîtes dont le titre alcoométrique excède 8 % vol. c'est-à-dire les bières fortes. Par comparaison, les autres bières sont taxées à 2,60 euros par hectolitre.

2. Les objectifs de dépenses (article 45)

L' article 45 du présent projet de loi de financement fixe à 329,70 milliards d'euros pour 2003 , en hausse de 4,4 % par rapport aux objectifs de dépenses révisés pour 2002, le total des objectifs de dépenses par branches de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres.

C'est la première fois qu'un tel article figure en loi de financement de la sécurité sociale : il réalise la totalisation des différents objectifs de dépenses assignés aux branches par les articles 33 (maladie), 39 (accidents du travail et maladies professionnelles), 42 (famille) et 44 (vieillesse). Il a toutefois été supprimé par l'Assemblée nationale, au motif qu'il n'avait pas de caractère prévisionnel.

Ces dépenses évoluent de la manière suivante depuis 2000 :

Les mesures nouvelles inscrites au présent projet de loi de financement se traduisent par un accroissement des dépenses de 2,18 milliards d'euros en 2003 :

Ces dépenses supplémentaires concernent les régimes de base : il s'agit des dotations versées à des fonds extérieurs au champ des régimes de base, comme le FSV, l'ONIAM 13 ( * ) , le FIVA 14 ( * ) ou le FCAATA 15 ( * ) ...

D'autres dépenses correspondent à des transferts entre régimes de base. Leurs montants sont consolidés et n'ont donc pas d'impact sur l'agrégat des dépenses.

3. Une quasi-stabilisation du solde en 2003

a) La nécessaire maîtrise de l'évolution des prélèvements sociaux

La situation du financement des administrations de sécurité sociale s'est brutalement détériorée en 2002. Cette dégradation soudaine, qui souligne l'extrême fragilité des comptes sociaux, résulte :

- de l'augmentation des dépenses : très forte progression des dépenses d'assurance maladie, accentuée par la mise en place des 35 heures à l'hôpital, et retournement de la situation de l'emploi, provoquant le déficit de l'assurance chômage ;

- de la réduction des recettes, du fait du ralentissement sensible de la croissance de la masse salariale (+ 3,7 %, après + 6,3 % en 2000 et 2001) et de ses conséquences défavorables sur les rentrées de cotisations sociales.

Le solde des régimes sociaux passerait ainsi d'un excédent de 0,3 % du PIB en 2001 à un déficit de 0,1 % en 2002 .

La progression spontanée des prélèvements obligatoires plus rapide que la croissance économique est en grande partie le fait des prélèvements sociaux. Ainsi, les prélèvements obligatoires dont bénéficient les ASSO devraient, selon le gouvernement, progresser de 4,1 % en 2002, à périmètre constant.

Les prélèvements sociaux continueraient néanmoins d'occuper une part croissante au sein de l'ensemble des prélèvements sociaux : 49,1 % en 2002, à 329,4 milliards d'euros , après 48,2 % en 2001. Leur part dans le PIB passerait de 21,7 % en 2001 à 21,9 % en 2002.

Pour 2003 , le gouvernement indique, dans son rapport susmentionné, que « les prélèvements obligatoires des organismes de sécurité sociale devraient progresser spontanément à un rythme davantage en phase avec l'activité économique ».

Le taux de prélèvements sociaux s'établirait à 21,9 % du PIB en 2003, soit un niveau stabilisé par rapport à 2002 . Néanmoins, à 343,3 milliards d'euros , leur part dans l'ensemble des prélèvements obligatoires progresserait encore, atteignant 45,9 % du total.

Le taux de prélèvements sociaux spontané devrait rester stable, tandis que les mesures nouvelles contribueraient également à cette stabilité du taux. Le gouvernement note, en effet, que « les mesures nouvelles comprennent deux types de facteurs jouant en sens contraire sur l'évolution du taux de PO. D'un côté, les baisses de cotisations sociales se traduisent par une diminution brute de prélèvements obligatoires de l'ordre de 0,1 point de PIB en 2003. Mais d'un autre côté, les transferts de recettes fiscales de l'Etat vers les ASSO [...] , ainsi que la mesure de hausse des droits tabacs aboutissent, in fine, à réduire l'incidence sur le taux de PO des ASSO des allégements de cotisations sociales ».

L'incidence du PLF et du PLFSS pour 2003 : des prélèvements sociaux stabilisés

Les mesures nouvelles contenues dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 engendreront une diminution nette de 2,9 milliards d'euros sur l'ensemble des prélèvements obligatoires, alors que, en l'absence de ces mesures nouvelles, le taux de prélèvements obligatoires serait de 0,2 point de PIB supérieur à ce qu'il sera effectivement. De surcroît, les 250 millions d'euros au titre des allégements de charges décidés dans le cadre du dispositif « contrats jeunes », ne devraient pas être considérés par l'INSEE comme une diminution des prélèvements obligatoires.

À périmètre constant, le nouveau dispositif d'allégements de charges en faveur des bas salaires mis en oeuvre par le projet de loi sur les salaires, le temps de travail et le développement de l'emploi, actuellement en discussion, se traduira par une diminution des prélèvements obligatoires de 800 millions d'euros en 2003 et de 1,2 milliard d'euros en 2004 par rapport à 2003. En sens inverse, l'augmentation des droits de consommation sur les tabacs affectés à l'assurance maladie va entraîner une hausse des prélèvements obligatoires de 700 millions d'euros en 2003.

Cette baisse de 100 millions d'euros des prélèvements sociaux sera en apparence neutralisée par le transfert par l'Etat de la taxe sur les conventions d'assurance, à hauteur de 700 millions d'euros. À l'issue de cette modification de périmètre, les prélèvements sociaux se verront accrus de 600 millions d'euros.

Le solde de financement des ASSO s'établirait en 2003 à - 0,2 % du PIB , après - 0,1 % en 2002.

Le gouvernement indique que « la quasi-stabilisation du solde entre 2002 et 2003 s'inscrit dans un contexte de décélération des dépenses, dont le rythme de progression avoisinerait celui des recettes ».

Le tableau ci-dessous récapitule l'ensemble de ces données pour 2002 et 2003 :

b) Le solde du régime général continuerait néanmoins de se dégrader en 2003

En 2003, le déficit du régime général va encore se creuser, pour atteindre 3,94 milliards d'euros , soit 181 millions d'euros de plus par rapport au déficit avant mesures nouvelles.

Il convient surtout de souligner que ce déficit est dû exclusivement à l'assurance maladie, dont le déficit devrait atteindre 6,93 milliards d'euros, soit 848 millions d'euros de plus qu'en 2002. Toutes les autres branches du régime général au contraire dégageraient un excédent en 2003.

c) La programmation pluriannuelle des finances publiques 2004-2006 : le retour à l'équilibre du financement des administrations de sécurité sociale

Au cours des années 2004 à 2006, les dépenses sociales , d'après la programmation pluriannuelle des finances publiques présentée par le gouvernement, devraient progresser moins vite qu'au cours des dernières années, de telle sorte que le solde de financement des administrations de sécurité sociale parviendrait à l'équilibre .

Il est prévu que, sur la période, et grâce à la mise en place de réformes structurelles, notamment dans le domaine du médicament, la hausse des dépenses maladie soit de 4 % par an en valeur, soit 2,5 % en volume compte tenu de l'hypothèse d'inflation retenue. En outre, la réduction du temps de travail dans les établissements hospitaliers serait terminée en 2003.

Les ASSO devraient ainsi parvenir à l'équilibre à compter de 2004 : après un solde de financement de - 0,1 % du PIB en 2002 et de - 0,2 % en 2003, celui-ci serait en équilibre en 2004, 2005 et 2006.

Le régime général n'en verrait pas moins son déficit s'accroître de 8,8 % en 2004, passant de 3,94 milliards d'euros à 4,29 milliards d'euros, mais de nouveau se réduire en 2005, de 25,9 % par rapport à 2004 et 19,4 % par rapport à 2003, à 3,18 milliards d'euros :

Sur la période, seule la branche maladie serait encore une fois en déficit, de 7,33 milliards d'euros en 2004 et de 7,19 milliards d'euros en 2005. Toutes les autres branches, au contraire, verraient leur excédent s'accroître.

* 9 L'article 28 du projet de loi de finances pour 2003 constitue le « dispositif miroir » traditionnel de cette disposition du PLFSS.

* 10 L'article 4 prévoit également de transposer en droit interne les dispositions de la directive 2002/10/CE du 12 février 2002 : cette transposition n'aura pas d'incidence sur le niveau de taxation en France, les seuils nationaux étant déjà supérieurs aux minima communautaires. Le même article tire les conséquences de la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 février 2002 qui conduit à mettre un terme à l'application d'un double minimum de perception en fonction de la qualité brune ou blonde des tabacs utilisés pour fabriquer les cigarette. Enfin, il propose d'aligner la taxation des tabacs manufacturés importés des pays tiers sur celle applicable aux tabacs manufacturés vendus dans le réseau des débitants.

* 11 La mortalité annuelle directe liée au tabagisme est estimée à 60.000 décès, soit environ 10 % de la mortalité globale. Or, la proportion des jeunes fumeurs reste trop importante : 38,2 % des jeunes âgés de 18 à 34 ans (mais 46,8 % en 1992).

* 12 L'Assemblée nationale a également adopté un amendement du gouvernement visant à remplacer le message « Nuit gravement à la santé » inscrit sur les paquets de cigarettes par un message général de caractère sanitaire - le message « Le tabac tue » a ainsi été évoqué au cours des débats -, et à interdire les mentions indiquant qu'un produit du tabac particulier est moins nocif que les autres, ce qui reviendra à prohiber la mention « light » ou « légère ».

* 13 Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

* 14 Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

* 15 Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

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