2. Les crédits d'équipement et de fonctionnement
a) La priorité accordée lors de la précédente législature aux crédits de rémunération au détriment des crédits d'investissement et de fonctionnement de la police
Le tableau ci-après présente l'évolution du budget de la police nationale entre 1997 et 2002 par grandes masses.
Evolution du budget de la police nationale entre 1997 et 2002
en loi de finances initiale
(en millions d'euros et en %)
1997 |
2002 |
|||
Dépenses de personnel |
3.532 |
82,7 % |
4.337 |
84,2 % |
Fonctionnement |
602 |
14,1 % |
659 |
12,8 % |
Equipement |
138 |
3,2 % |
153 |
3,0 % |
Total |
4.262 |
5.149 |
Source : ministère de l'intérieur
Ce tableau montre que la part des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'équipement dans le budget de la police nationale s'est réduite entre 1997 et 2002.
Inversement, les dépenses de personnel occupent une part de plus en plus prépondérante du budget (84,2 % dans la loi de finances initiale pour 2002).
Cette évolution apparaîtrait d'ailleurs plus nettement encore si l'on tenait compte des crédits de rémunération supplémentaires (près de 40 millions d'euros) demandés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 pour compléter le financement des opérations de rachat de jours d'ARTT.
Or la priorité accordée aux dépenses de rémunération, notamment sous l'effet de l'ARTT ne fut pas sans conséquence pour les moyens de travail des agents de la police nationale (gilet pare-balles individuel, tenue et armement adaptés).
b) Les impasses du budget de la gendarmerie
De même, les mesures de rachat des journées d'ARTT des gendarmes décidées successivement en novembre 2001, en décembre 2001 et en février 2002 (cf. supra) avaient été pour partie artificiellement gagées par le gel de 1.400 postes de gendarmes-adjoints et par la minoration de certains crédits de fonctionnement, et pour partie purement et simplement non budgétées.
En outre, les besoins de fonctionnement courant avaient été sous-évalués de près de 20 millions euros.
Enfin, les dotations destinées au financement des casernes de gendarmeries et des logements de gendarmes pris à bail par l'Etat avaient été sous-estimées (à hauteur de 38 millions d'euros), ce qui avait grossi d'autant les arriérés de loyers de la gendarmerie, notamment envers les communes, leur total cumulé s'élevant à près de 68 millions d'euros.
c) Les besoins de rénovation du parc immobilier
Le parc immobilier mis à disposition de la police nationale représente près de 3,7 millions de m2, répartis sur plus de 2.800 implantations. Mais seuls 8 % de ces sites ont moins de 10 ans et près de 39 % ont plus de 30 ans. Or la plupart de ces bâtiments sont d'autant plus dégradés que les crédits de maintenance ont été longtemps la variable d'ajustement du budget du ministère de l'intérieur. Les crédits de maintenance se sont d'ailleurs élevés en moyenne, sur la période 1997-2002, à une vingtaine de millions d'euros par an, soit moins de 6 euros/m2/par an, ce qui correspond à un niveau considérablement inférieur à celui jugé habituellement convenable pour des bâtiments accueillant du public.
C'est dire si les besoins de rénovation sont importants. Votre rapporteur pour avis a d'ailleurs pu constater par lui-même l'état de délabrement de certains locaux, qui démotive les agents, sape l'image d'ordre de nos forces de police et ne permet pas d'offrir aux victimes des conditions d'accueil décentes. Cet état de fait a d'ailleurs pour conséquence que les conditions de détention et de garde à vue soient parfois très précaires.
De plus, les besoins de construction de nouveaux bâtiments liés à la mise en place de la police de proximité ou plus généralement au redéploiement des implantations sont très importants, notamment dans les zones urbaines sensibles et en Ile-de-France.
La problématique est similaire pour la gendarmerie nationale : en raison de dotations insuffisantes, l'évolution du parc de logements des gendarmes n'a pas toujours suivi celle des normes communes de confort. Or la qualité du logement contribue directement au moral des gendarmes, qui ne sauraient être les « esclaves de la République » : dès lors qu'ils sont astreints à résider dans des casernements, la République leur doit, ainsi qu'à leurs familles, des logements adaptés.
d) Les besoins de renouvellement des véhicules
Comme votre rapporteur le soulignait dans son rapport sur les crédits de la sécurité du projet de loi de finances pour 2002, les dotations prévues jusqu'ici pour le renouvellement des véhicules de police étaient très nettement insuffisantes.
Le renouvellement des véhicules de police ( extrait du rapport de la commission des finances du Sénat sur le budget de la sécurité pour 2002) Répartition par type de véhicule et ancienneté moyenne du parc de la police nationale Le parc automobile, tel qu'il se présentait au 1 er janvier 2001, se composait de 28.410 véhicules répartis de façon très hétérogène entre, d'une part, les véhicules 2 roues (cyclomoteurs, scooters, motos), les véhicules légers et breaks, les utilitaires et, d'autre part, les véhicules de maintien de l'ordre. L'âge moyen du parc automobile était en légère augmentation au 1 er janvier 2001, par rapport à ce qu'il était au 1 er janvier 1999. Toutefois, il convient de distinguer 2 tendances contradictoires. D'une part, la création de nouveaux services de police, dans le cadre de la politique de déploiement de la police de proximité, à partir de l'année 2000, a entraîné la baisse de l'âge moyen des cyclos-scooters et des véhicules légers. D'autre part, cette politique a permis d'inverser la tendance du vieillissement des véhicules légers et breaks, qui n'avait cessé de croître depuis 7 ans. Parallèlement, les autres types de véhicules (motocyclettes, véhicules utilitaires et maintien de l'ordre) ont vu leur âge moyen augmenter. Durant les dernières années (à partir de 1994), l'insuffisance répétée des crédits consacrés au renouvellement automobile a eu pour conséquence de retarder ce dernier, entraînant un vieillissement du parc. Ce vieillissement induit une augmentation du coût d'entretien et de réparation, ainsi que du taux d'indisponibilité des véhicules Il est toutefois important de rappeler que le critère prépondérant de réforme en vigueur dans la police nationale est le kilométrage, hors parc de maintien de l'ordre (titre V). Les besoins de renouvellement ne peuvent donc être appréciés, pour le parc léger, à partir de la seule évolution de l'âge moyen. En 2001, 8.076 véhicules renouvelables au titre III ont dépassé leurs critères de réforme, soit 30 % du parc. Parmi eux, 4.077 engins n'ont pu être renouvelés. L'orientation privilégiée par la direction de l'administration de la police nationale est de poursuivre la réduction de l'âge des véhicules, en engageant les moyens financiers nécessaires à leur renouvellement. La situation du parc lourd de maintien de l'ordre (titre V) est comparable à celle des véhicules légers. Les fonds qui lui sont consacrés accuseront, au 31 décembre 2001, un déficit de 33,5 millions d'euros. Les engins les moins régulièrement utilisés, adaptés aux missions importantes de maintien de l'ordre, comme les tracteurs anti-barricade, les lanceurs d'eau, les cars de commandement et autres engins spécifiques, voient leur renouvellement systématiquement reculé, pour assurer celui des moyens requis par l'accomplissement des missions de sécurisation. Programmes de renouvellement automobile exécutés et prévisions pour les cinq années à venir Véhicules légers (Titre III) Les besoins en renouvellement automobile sont établis, chaque année, sur la base des critères de réforme en vigueur au sein de la direction générale de la police nationale (entre 100.000 et jusqu'à 130.000 km pour les véhicules essence et 130.000 à 160.000 km pour les véhicules diesel). Sur cette base, le besoin moyen annuel lissé pour assurer le renouvellement du parc automobile acquis sur le titre III est de 57,93 millions d'euros. Or, les contraintes budgétaires qui ont pesé sur le budget de la police nationale n'ont pas permis d'atteindre cet objectif. En 2001, le retard cumulé constaté pour le parc automobile léger a atteint 45,28 millions d'euros. La ressource 2001, 59,6 millions d'euros, a permis d'atteindre le meilleur pourcentage de réalisation depuis 4 ans, qui ne représente cependant que 56,86% de la totalité des besoins. Véhicules lourds de maintien de l'ordre Les critères de réforme sont de 8 à 12 ans, selon les véhicules et engins de maintien de l'ordre. Sur cette base, le besoin moyen annuel, lissé jusqu'en 2004, pour assurer le renouvellement du parc automobile est de 19,82 millions d'euros. Les contraintes budgétaires qui ont pesé sur le budget de la police nationale n'ont pas permis de dégager cette ressource. Actuellement, le retard de renouvellement cumulé atteint 33,54 millions d'euros, alors même que les années à venir seront structurellement des années au cours desquelles les besoins seront supérieurs au besoin moyen lissé. Source : ministère de l'Intérieur |
Votre rapporteur a d'ailleurs retrouvé l'écho de ce constat général dans le cadre de son contrôle en cours de la police aux frontières .
En effet, la direction centrale de la police aux frontières dispose d'un parc roulant comprenant 946 véhicules.
Or, en 2001, les besoins exprimés dans le cadre des créations de services ont porté sur 35 véhicules , mais seuls 16 véhicules ont pu être commandés en fonction des crédits accordés, soit 46 % et seulement 8 avaient été livrés à la fin du premier semestre 2002.
Par ailleurs, alors que 263 véhicules étaient renouvelables en 2001, seuls 164 d'entre eux ont été retenus, soit 62 % , et seuls 86 % de ces véhicules avaient été livrés à la fin du premier semestre 2002.
De même, en 2002, les besoins exprimés dans le cadre des créations de services ont porté sur 27 véhicules , mais seuls 19 véhicules ont pu être commandés en fonction des crédits accordés, soit 70 % et aucun de ces véhicules n'avait été livré à la fin du premier semestre 2002, les délégations de crédits ne devant intervenir qu'à la fin du mois de juillet 2002.
Par ailleurs, alors que 231 véhicules étaient renouvelables en 2001, seuls 87 d'entre eux ont été retenus, soit 38 % , et seuls 86 % de ces véhicules avaient été livrés à la fin du premier semestre 2002.
L'accélération du renouvellement du parc automobile de la police aux frontières est pourtant rendue nécessaire par l'intensification des contrôles en mobilité dans la bande frontalière des 20 kilomètres, par l'augmentation du nombre des escortes et des transferts des étrangers en instance d'éloignement, ainsi que par le recentrage des activités des personnels de la police aux frontières sur les aires urbaines.
De même, le parc automobile de la gendarmerie vieillit, en particulier pour les véhicules lourds : selon la direction générale de la gendarmerie nationale, l'âge moyen des fourgons car de maintien de l'ordre est ainsi de plus de 13 ans et celui des véhicules blindés de maintien de l'ordre, de 25 ans.
e) Les besoins de modernisation des systèmes d'information et de communication
Dans le cadre de son rapport sur les crédits de la sécurité du projet de loi de finances pour 2002, votre rapporteur s'inquiétait déjà de l'insuffisance des dépenses d'équipement informatique de la police nationale :
« Votre rapporteur spécial qui a eu l'occasion de constater l'efficacité [des salles d'information et de commandement] au cours d'un déplacement en Seine-Saint-Denis ne peut que déplorer le décalage entre les crédits inscrits et les besoins qu'appelle leur nécessaire développement. Plus généralement, il faut s'interroger sur le décalage entre les besoins de crédits figurant dans la réponse à son questionnaire (27,5 millions d'euros) et la réalité budgétaire (5,18 millions d'euros). Même en appliquant la clef de répartition traditionnelle des crédits de paiement (30 % des autorisations de programme ouvertes pour l'année), il manque au moins 3 millions d'euros de crédits de paiement sur l'article 45. Aux projets purement nationaux viendront de plus s'ajouter les besoins en matière de coopération policière internationale, avec le développement indispensable des applications liées aux accords de Schengen ou à Europol.
Le manque de crédits de paiement, et probablement d'autorisations de programme, sur cet article est donc flagrant. Cette situation est d'autant plus inquiétante que le ministère indique lui-même que ses besoins seront de l'ordre de 30 millions d'euros par an en 2003 et en 2004...
Malgré les réponses rassurantes du ministère, votre rapporteur spécial ne peut que constater les retards pris en matière de couverture par le système de communication radio Acropol : 8 départements couverts en 1999, autant en 2000, deux de plus en 2001. L'objectif de la couverture totale du territoire national en 2007 ne peut donc que laisser dubitatif. »
De fait, il apparaît aujourd'hui que l'enveloppe annuelle de référence fixée en 1996 à hauteur de 61 millions d'euros pour le déploiement Acropol doit être significativement rehaussée pour couvrir l'ensemble du territoire d'ici 2008. En effet, les dernières études approfondies conduites par le ministère de l'intérieur ont conclu à la nécessité de doubler le nombre de relais (de 600 à 1.200) pour disposer d'une couverture satisfaisante des circonscriptions de police, notamment dans les zones densément bâties. En outre, le déploiement de compléments de couverture dans les lieux souterrains s'avère coûteux.
La gendarmerie nationale est confrontée à un problème différent : plus ancien, son réseau Rubis a été conçu pour la transmission d'informations courtes et ses brigades ne sont toujours pas toutes mises en réseau.
La police et la gendarmerie sont en outre confrontées à un problème commun : la cohérence de leur action rend nécessaire la compatibilité des moyens de communication de leurs services opérationnels. Or, quoique reposant sur des technologies semblables et offrant des fonctionnalités identiques, les réseaux Acropol et Rubis ne sont pas directement interopérables, car ils utilisent des bandes de fréquence et des logiciels différents. Mais le déploiement de dispositifs spécifiques d'interconnection est pour l'heure limité.