2. Des moyens opérationnels nouveaux
a) Le renforcement des offices centraux de police judiciaire
Le présent projet de loi prévoit le renforcement des moyens des offices centraux de police judiciaire existants. Par ailleurs, deux nouveaux offices seront créés : la mission interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante sera transformée en office central, et un nouvel office consacré à la recherche des malfaiteurs en fuite sera créé. Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, Nicolas Sarkozy, s'interrogeait, lors de son discours à l'Assemblée nationale, le 16 juillet : « est-il normal qu'au 1 er mai 2002 on recense 4.000 malfaiteurs en fuite sans qu'aucune instance n'organise leur recherche ? ». De toute évidence, une telle situation n'est pas acceptable.
Des officiers et sous-officiers de gendarmerie seront désormais placés auprès de chaque office de police judiciaire, afin d'assurer l'interface avec la police nationale, d'améliorer les échanges d'information et de coordonner l'action des offices avec les unités de gendarmerie.
b) Les groupements d'intervention régionaux (GIR)
(1) L'organisation des GIR
Plusieurs mesures importantes sont annoncées par le présent projet de loi, s'agissant de l'organisation des forces de sécurité intérieure. Certaines de ces mesures ont déjà trouvé un début d'application dès avant la présentation du présent projet de loi. Ainsi, les groupes d'intervention régionaux (GIR) ont-ils été créés au sein de chaque région administrative par la circulaire interministérielle du 22 mai 2002. Le texte de cette circulaire écarte Paris du dispositif et crée un groupe d'intervention dans chaque département de la petite et de la grande couronne. Par ailleurs, cette circulaire laisse toute latitude aux préfets, pour les départements d'outre-mer, et aux préfets et Hauts-Commissaires pour les autres collectivités d'outre-mer, pour adapter les dispositions de l'instruction. 28 groupes d'intervention régionaux ont été constitués en métropole et sont opérationnels depuis la fin du mois de juin. Ces unités sont rattachées soit à un service régional de police judiciaire (c'est le cas de 18 GIR), soit à une section de recherches de la gendarmerie nationale (10 GIR), dont ils prennent la compétence judiciaire. Dans le premier cas, le GIR est commandé par un commissaire de police assisté par un officier de gendarmerie, inversement dans le second.
Il convient de noter que, outre les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie, chaque unité d'organisation et de commandement comprend un représentant de la douane et des services fiscaux. Par ailleurs, des représentants de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et de la direction du travail et de l'emploi figurent au titre des personnels pouvant être mobilisés dans le cadre de l'intervention des GIR. Ces structures regroupent ainsi de manière permanente 262 agents et peuvent faire appel à un total de 1.582 fonctionnaires pour les besoins de l'accomplissement de leurs missions.
La synergie obtenue par la concertation et la mise en commun des compétences et des moyens des différents services impliqués dans la lutte contre la délinquance permettra une plus grande efficacité de leur action.
(2) Les principales missions des GIR
Les groupes d'intervention régionaux ont pour mission principale la lutte contre l'économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l'accompagnent, sources d'insécurité et de déstabilisation sociale dans de nombreux quartiers sensibles. Les principaux actes visés sont les trafics locaux de stupéfiants, d'objets ou véhicules volés ou recélés, les actions violentes concertées, les vols commis à l'encontre des personnes âgées, les agressions à domicile, les vols à la voiture bélier et les vols à main armée. L'intervention des groupements d'intervention régionaux sera ponctuelle, afin de ne pas nuire aux capacités opérationnelles des services fournissant du personnel : elle constitue une assistance aux services locaux de police et de gendarmerie. D'ores et déjà, 19 interventions ont été menées à bien par les GIR, notamment dans des quartiers sensibles d'Ile-de-France.
Ainsi que l'indiquait le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, « les GIR permettront de mobiliser toutes les forces nécessaires, y compris les services de la douane et du fisc, pour traquer les délinquants. Car c'est une offense à la République que des gens qui ne peuvent justifier de leurs revenus se permettent de trôner au volant de voitures que les honnêtes gens ne pourront jamais s'offrir ».
Votre rapporteur pour avis considère qu'il est essentiel de s'attaquer à ceux qui affichent de manière insolente des signes de richesse acquis grâce aux revenus d'activités délictueuses telles que le recel ou le trafic de drogue. En effet, ces personnes constituent un exemple particulièrement néfaste pour les plus jeunes, fascinés par une telle accumulation de richesse sans que celle-ci semble être mise à l'index par la société et menacée par l'intervention des forces de sécurité. Comment inciter un jeune à poursuivre des études quand il a sous ses yeux l'exemple d'une vie si facile et opulente, sachant par ailleurs qu'il risque d'être la victime de discriminations sur le marché du travail ? Votre rapporteur considère qu'il est indispensable de mettre fin au mythe de la vie facile qui tend à inverser l'échelle des valeurs des jeunes de nos cités. Les valeurs de travail et d'effort, dont on constate chaque jour qu'elles perdent du crédit auprès de la jeunesse, deviennent déconnectées des ambitions de réussite sociale à laquelle chacun aspire légitimement. Il s'agit donc, en s'attaquant aux signes les plus rutilants de la réussite sociale des délinquants, de freiner, puis de renverser la culture dominante d'une appropriation par tous des moyens des signes les plus convenus de réussite de notre société de consommation. Trop de jeunes, en effet, sont avides de suivre l'exemple des « caïds » qui mènent la grande vie, et réalisent souvent trop tard la difficulté de revenir à une vie normale après avoir goûté au luxe d'une vie facile.
(3) L'harmonisation de la compétence territoriale des GIR et de la carte judiciaire
La compétence territoriale des groupes d'intervention régionaux ne correspondait pas à la carte judiciaire, ce qui posait quelques difficultés pour la conduite d'opérations de police judiciaire. Des solutions transitoires ont donc été mises en oeuvre afin de permettre aux GIR de travailler normalement. Afin de pallier ce problème de manière pérenne, le présent projet de loi prévoit une extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire : celle-ci sera étendue à l'ensemble du département, voire à la zone de défense pour certains agents et militaires spécialisés.
Par ailleurs, le nombre d'agents ayant la qualification d'officiers de police judiciaire sera augmenté et cette compétence sera revalorisée.
c) La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles
Le présent projet de loi prévoit de réformer la doctrine d'emploi des forces mobiles, afin de limiter leur envoi dans des régions éloignées de leur zone d'implantation. Les forces mobiles (qui sont constituées d'environ 14.000 membres des compagnies républicaines de sécurité -CRS- et de 19.000 membres des escadrons de gendarmerie mobile) seront désormais davantage employées dans un cadre déconcentré, de façon à mieux soutenir la sécurité quotidienne dans leur région d'implantation. Les modalités de mise en oeuvre de cette nouvelle doctrine seront précisées à l'issue des conclusions d'un groupe de travail constitué à cet effet. Il convient cependant d'ores et déjà de noter que cette nouvelle doctrine diffère de la fidélisation des forces mobiles, même si la mobilité géographique globale des forces sera réduite, ce qui constitue également un facteur d'économies.
Les unités de forces mobiles seront employées en fonction des priorités définies par les préfets,. Elles connaîtront mieux leur terrain en étant appelées le plus souvent à intervenir dans la zone de défense de leur lieu de résidence. Elles seront sous un commandement homogène, les escadrons de gendarmerie mobile étant appelés à intervenir en zone « gendarmerie », et les compagnies républicaines, en zone « police ». Les opérations de maintien de l'ordre pourront en revanche être confiées indistinctement à l'une ou l'autre force en fonction de l'appréciation des besoins locaux par les préfets.
d) La réduction des tâches indues
Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales indiquait que « p our faciliter [la réorganisation des forces de sécurité intérieure], un terme sera mis à l'emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité, telles que les gardes statiques. Et une réflexion active sera menée sur le transfert des détenus à l'administration pénitentiaire, car il est en tout point anormal que certaines villes moyennes se trouvent entièrement démunies de forces de police lorsque ces transferts sont organisés ».
S'agissant des missions de garde statique, le recours à des solutions alternatives (mesures de protection passives, sociétés privées de gardiennage, abandon éventuel de certaines missions de garde) sera systématiquement recherché. D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, 481 militaires pourraient ainsi être dégagés et affectés à des tâches directement liées à la lutte contre la délinquance, sur un total de 775 gendarmes mobiles déployés autour des résidences de certaines personnalités, de bâtiments publics et d'ambassades étrangères.
Enfin, s'agissant des activités annexes aux missions des forces de sécurité (entretien et maintenance des équipements notamment), le recours à l'externalisation sera privilégié.