B. DES MOYENS ... POUR QUOI FAIRE ?

Dans le constat établi par le gouvernement, il est apparu que la justice manquait parfois, pour des délinquants multirécidivistes ou violents, de structures adaptées et alternatives à l'incarcération. Il est également apparu que les délais d'exécution des mesures éducatives et des peines étaient trop longs (en moyenne de près de 52 jours). Or, l'exécution de la peine dans un délai bref est indispensable pour que cette dernière ait un sens et que ne se développe pas un sentiment d'impunité chez certains délinquants, qui peut les conduire à la récidive.

La commission d'enquête sur la délinquance des mineurs le rappelait : « l'inexécution des décisions de justice par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est un des plus graves griefs qui puissent être formulés à son encontre ».

Outre les réponses en matière de procédure pénale que votre commission des lois examine tout particulièrement 88 ( * ) , votre rapporteur pour avis a distingué plusieurs objectifs du gouvernement ayant des implications financières immédiates.

1. Améliorer et diversifier la prise en charge en milieu fermé

Outre les rénovations et constructions prévues en milieu pénitentiaire pour les mineurs, le gouvernement prévoit deux axes d'attaque afin d'accueillir les mineurs délinquants et de s'assurer de leur présence effective.

Sur les 65.000 mineurs jugés en matière pénale en 2001, 5 % (3.200) ont fait l'objet d'une incarcération et 6 % (3.800) d'une mesure de placement dans les établissements du secteur public ou du secteur associatif habilité.

a) Améliorer l'encadrement des mineurs incarcérés

Afin d'offrir aux mineurs détenus de nombreuses activités et un suivi très personnalisé, le gouvernement a prévu de programmer des créations d'emplois. En effet, comme l'avait justement montré la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, la détention restait peu éducative et la commission avait déploré le rôle « très modeste » de la protection judiciaire de la jeunesse pendant l'incarcération. Aux termes du rapport annexé, « l'intervention continue des services de la protection judiciaire de la jeunesse sera organisée auprès de l'ensemble des mineurs incarcérés, car ceux-ci justifient d'une prise en charge pluridisciplinaire et d'un soutien personnalisé ».

Cette évolution est souhaitable mais elle sera vraisemblablement difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la culture de la PJJ qui est bien différente de celle de l'administration pénitentiaire. Elle nécessitera également une modification statutaire permettant aux agents de la PJJ d'intervenir de façon continue dans ces établissements.

(1) Dans les quartiers mineurs

Dans les quartiers mineurs existants ou à créer, une action éducative continue par les agents de la protection judiciaire de la jeunesse sera organisée. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse estime que 3 éducateurs par quartier de 20 mineurs sont nécessaires, elle prévoit donc la création de 150 emplois d'éducateurs pour accompagner la création des 500 places nouvelles.

(2) Dans les futurs établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs

La présence éducative sera également très forte dans les futurs établissements pour mineurs qui devraient bénéficier de la création de 400 emplois pour accompagner les 400 places qui y seront créées.

b) Améliorer la capacité et l'action éducative des centres éducatifs renforcés

La PJJ dispose actuellement de 54 centres éducatifs renforcés. Le programme établi par le Conseil de sécurité intérieure de 1999 était d'atteindre le nombre de 100 centres.

Le rapport annexé au présent projet de loi prévoit « d'augmenter les capacités d'accueil des centres éducatifs renforcés tout en développant un contrôle plus strict de ces mineurs délinquants de manière à prévenir les fugues afin de mieux répondre aux demandes des magistrats ».

En outre, il est prévu de renforcer les moyens des centres éducatifs existants et de développer leur action éducative .

c) Créer des centres éducatifs fermés

Le présent projet de loi crée, dans son article 20 89 ( * ) , des centres éducatifs fermés, dans le secteur public et dans le secteur associatif habilité. Il s'agit d'y accueillir deux catégories de mineurs : ceux qui sont placés sous contrôle judiciaire, ainsi que ceux qui ont fait l'objet d'une peine de prison avec sursis et mise à l'épreuve.

Afin de faire peser sur ces mineurs une contrainte morale forte, ils pourront être mis en détention en cas de violation des conditions du placement (et tout particulièrement en cas de fugue). Il s'agit donc d'élargir l'éventail des mesures à la disposition du juge, face à des mineurs délinquants multirécidivistes ou violents, en ouvrant une alternative à l'incarcération dont les contraintes seraient moins fortes.

L'objectif du gouvernement est de créer 600 places , avant la fin de la législature, dans ces nouveaux centres.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur le mode de réalisation de ces centres : s'agira-t-il de reconversion de centres existants afin de proposer, au plus vite, ce « nouveau produit » aux juges qui en seront les « prescripteurs » ? et si oui, quels centres seront transformés en centres fermés ? ou s'agira-t-il de constructions entièrement nouvelles qui prendront du temps avant « de sortir de terre » ?

La prise en charge éducative des mineurs qui y seront résidents devra être particulièrement rigoureuse. 659 emplois seront créés pour cette prise en charge (qui comprendra aussi les personnels affectés dans les établissements pénitentiaires pour mineurs).

Quelques précisions supplémentaires sur les centres éducatifs fermés

Il s'agira d'établissements publics ou habilités. Ils fonctionneront, dans le secteur public, avec des éducateurs recrutés par concours et affectés sur des profils de poste établis en fonction de la spécificité de ce type de prise en charge et de publics. La configuration de ces centres sera travaillée sur la base du bilan établi autour de la notion d'éducation renforcée. Un programme intensif d'activités sera mis en place dans ces établissements avec des formules particulières de scolarisation adaptée pour les mineurs de 13 à 16 ans, en collaboration avec l'Education nationale et permettant des temps d'activités non scolaires, de type professionnel ou d'utilité collective. Des mesures de surveillance et de contrôle des mineurs seront exercées dans ces centres pendant toute la durée du placement.

Source : Chancellerie, en réponse au questionnaire de votre rapporteur.

Ici aussi, les probables difficultés de recrutement devront être bien mesurées. Les agents de la PJJ sont en effet de moins en moins enclins à travailler en foyer, et préfèrent le milieu ouvert. La commission d'enquête sur la délinquance des mineurs avait justement souligné que « les horaires décalés, la disponibilité requise et la confrontation permanente avec des mineurs difficiles » ne rendaient pas les postes en foyer très attractifs. En outre, la récente modification du profil des éducateurs (plus jeunes, plus diplômés, plus souvent de sexe féminin, que par le passé) n'est pas sans poser des questions d'adaptation aux contraintes, fortes, de ce métier.

La commission d'enquête sur la délinquance des mineurs avait tracé des pistes pour diversifier le profil des éducateurs. Votre rapporteur pour avis y renvoie le lecteur.

* 88 Il est notamment proposé d'adapter l'ordonnance du 2 février 1945 aux nouvelles caractéristiques de la délinquance des mineurs en créant des sanctions éducatives pour les mineurs de 10 à 13 ans, en permettant aux magistrats de la jeunesse de placer les mineurs délinquants, y compris les moins de 16 ans, dans des centres éducatifs fermés dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve, en autorisant dans certaines conditions l'incarcération des mineurs de 13 à 16 ans en matière correctionnelle et en instaurant une procédure de jugement à délai rapproché.

* 89 Pour une analyse précise de cet article, votre rapporteur pour avis vous renvoie au rapport au fond de votre commission des lois.

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