III. LA RECHERCHE DE NOUVELLES SOURCES DE FINANCEMENT

Le présent projet de loi comporte moins de dispositions tendant à limiter l'évolution des dépenses des SDIS que de dispositions ayant pour objet de trouver des ressources nouvelles pour financer l'augmentation des charges.

A. LA PARTICIPATION FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ (ARTICLE 46 TER)

Les services départementaux d'incendie et de secours peuvent, en vertu du second alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, « demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration », s'ils ont procédé à des interventions ne se rattachant pas à l'exercice de leurs missions définies à l'article L. 1424-2 du même code. Malgré cette disposition de principe, le remboursement aux SDIS des frais liés aux missions de transport sanitaire qu'ils prennent en charge n'a pu jusqu'à aujourd'hui être réalisé dans des conditions satisfaisantes . Les contributions de cette nature représenteraient aujourd'hui, en moyenne, moins de 1 % des budgets des SDIS.

Il existe deux principaux types de transports médicaux : le transport d'urgence (appelé également transport « primaire ») et le transport sanitaire. Les pompiers assurent des évacuations d'urgence dans le prolongement de leurs interventions, au même titre que les services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR). En outre, une complémentarité entre les deux services existe : à la suite d'un accident de la route, par exemple, les pompiers peuvent prendre en charge le transport d'urgence, tandis que les SMUR assurent le transport sanitaire des blessés ne présentant pas un caractère d'urgence.

Cependant, les SDIS peuvent être appelés à intervenir à la place des SMUR dans le cadre du transport sanitaire, en raison du manque de moyens en personnel et en véhicules de ces derniers. Cette intervention, qui s'effectue sur le fondement du principe de l'assistance à personne en péril, ne relève pas à proprement parler des missions confiées aux pompiers par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales.

L'insuffisance des moyens des transporteurs sanitaires privés contraint donc les pompiers à effectuer des interventions en marge de leurs missions , sur le fondement du principe de l'assistance à personne en péril, exercées sans cadre légal précis et en l'absence de tout financement.

Les sapeurs-pompiers ne pouvant refuser d'exercer ces missions, des dérives existent : les ambulances refusant parfois d'intervenir dans les quartiers sensibles, les pompiers deviennent en quelque sorte « la roue de secours » ou « l'ambulance du pauvre », au détriment de l'exercice des missions définies par la loi, et parfois dans des conditions délicates. Or, d'un point de vue financier , les SDIS ne bénéficient pas, au contraire des ambulances privées, de compensations au titre de ces interventions , effectuées au profit des établissements publics hospitaliers.

Parfois, des conventions de droit privé conclues entre un SDIS et des établissements de santé compétents comportent un volet financier. C'est par exemple le cas en Meurthe-et-Moselle, dont le SDIS reçoit, en contrepartie de la mise à disposition des hôpitaux de moyens d'interventions (véhicules équipés, personnel), une somme négociée chaque année entre les deux parties en vertu d'une convention signée il y a plus de 30 ans et renouvelée régulièrement.

Ces conventions sont dépendantes de la qualité des relations entre les pompiers et les ambulanciers dans chaque département. Par ailleurs, la convention mentionnée ci-dessus prévoit la mise à disposition des hôpitaux d'un certain nombre de moyens du SDIS ; il ne s'agit donc pas, à proprement parler, d'une prise en charge des interventions effectuées, mais plutôt d'un transfert de moyens permanents négocié entre les deux parties.

La prise en charge financière des interventions effectuées par les SDIS pour le compte des hôpitaux constitue une demande forte et récurrente des élus.

Ainsi, cette question avait déjà été évoquée lors de la discussion de la loi du 3 mai 1996 au Sénat. Un amendement, prévoyant que « les frais engagés par les services d'incendie et de secours pour porter secours aux victimes d'accidents sont pris en charge par les organismes d'assurance-maladie dans les mêmes conditions que les frais d'intervention des unités participant au service d'aide médicale urgente » avait été adopté par le Sénat, mais n'avait pas été retenu dans ses conclusions par la commission mixte paritaire. Le ministre de l'intérieur avait donné un avis défavorable à cet amendement, considérant en particulier qu'il ne distinguait pas, « les missions de service public du service d'incendie et de secours et celles qui n'y ressortissent pas ».

Le rapport de notre collègue député Jacques Fleury souligne que « les services de secours se sont peu à peu trouvés dans l'obligation de se substituer à un service de transport hospitalier défaillant sans pour autant bénéficier des avantages consentis aux ambulances ». Il précise également que « la réforme du découpage hospitalier pèse très lourd sur les SDIS et ce, à deux niveaux.

« Tout d'abord, la disparition d'établissements de soin rallonge les trajets et les durées de transports de patients qui ne sont pas accueillis soit à proximité de l'accident soit à proximité de leur domicile. La durée d'immobilisation de l'équipe d'intervention associée à un besoin de carburant supérieur et une usure plus rapide génèrent un coût qui pèse toujours davantage sur les SDIS.

« En outre, ce phénomène conduit, pour assurer une couverture opérationnelle adéquate, à un renforcement du dispositif SDIS ». Le rapport concluait que « pour ces différentes raisons, l'éligibilité à l'ARH [Agence régionale d'hospitalisation] des SDIS paraît tout à fait légitime : cette hypothèse rallie tous les suffrages » 7 ( * ) .

L'article 46 ter du présent projet de loi issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le gouvernement, prévoit que « les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, peuvent faire l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé 8 ( * ) , sièges des services d'aide médicale d'urgence ».

Lors de la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, plusieurs amendements prévoyant que les SDIS pourraient désormais demander de manière systématique le remboursement des frais engagés par eux à l'occasion des interventions effectuées à la demande des services d'aide médicale d'urgence ont été présentés. Ils ont été retirés par leurs auteurs au profit de celui présenté par le gouvernement, qui ne rend pourtant pas obligatoire, mais seulement facultative, la prise en charge des interventions effectuées par les SDIS à la demande de la régulation médicale du centre 15.

Le ministre de l'intérieur rappelait 9 ( * ) à l'occasion des débats de première lecture à l'Assemblée nationale que « les services départementaux d'incendie et de secours sont de plus en plus sollicités pour assurer des prestations qui n'entrent pas dans le champ des missions fixées par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier dans le domaine des transports sanitaires, et pour lesquelles ils ne sont pas défrayés. En effet, le défraiement prévu par l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales peut s'appliquer, mais il se révèle inadapté aux missions de transport sanitaire, dans la mesure où le coût de celui-ci est mis à la charge du malade sans que ce dernier puisse en obtenir le remboursement par la sécurité sociale.

« L'intérêt de la proposition du Gouvernement est évident pour les services départementaux d'incendie et de secours puisqu'ils se verraient rembourser des prestations, conformément à une demande récurrente et forte des élus qui se traduit par le dépôt de nombreux amendements parlementaires.

« Par ailleurs, cette mesure assainirait les relations avec les ambulanciers privés, qui se plaignent de la gratuité de l'intervention des services départementaux d'incendie et de secours dans ce domaine ne relevant pas du prompt secours. Elle encadrerait aussi l'activité de certains services départementaux d'incendie et de secours car, en cas d'intervention sans ordre pour un transport, ils ne seraient plus payés ».

Les interventions effectuées par les SDIS pour le compte des hôpitaux représentent généralement environ 10 % des dépenses des SDIS, charge qui s'est accrue au cours des dernières années. Par ailleurs, de fortes disparités existent entre les départements, selon l'importance du parc d'ambulances privées.

La prise en charge des interventions effectuées par les SDIS pour le compte des hôpitaux devrait permettre, d'une part, de faire bénéficier les SDIS de ressources supplémentaires par rapport à la situation actuelle, et, d'autre part, de limiter le nombre de ces interventions, les hôpitaux étant désormais incités à ne faire appel aux services départementaux d'incendie et de secours qu'en cas d'absolue nécessité.

Au total, les SDIS devraient être en mesure de consacrer davantage leurs moyens à l'exercice de leurs missions définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales.

La rédaction de l'article 46 ter supprime la possibilité, pour les SDIS, de demander une participation aux frais lorsqu'ils effectuent une intervention en dehors des missions définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Il convient pourtant de conserver le principe général d'une participation aux frais des bénéficiaires d'une prestation n'entrant pas dans les missions de service public, fixé par le deuxième alinéa de l'actuel article L. 1424-42, qui, comme cela a été précisé par le ministre de l'intérieur lors de la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, vise des situations différentes de celles prévues à l'article 46 ter .

Votre commission vous soumet un amendement tendant à conserver cette possibilité et rappelle qu'il convient, de manière générale, de ne plus faire supporter aux SDIS les charges correspondant aux interventions qui ne relèvent pas de leurs compétences et de leurs missions, mais qui leur sont demandées en raison de l'incapacité des sociétés privées ou des autres services publics à les réaliser.

* 7 Rapport du député Jacques Fleury remis au Premier ministre en juin 2000 : Bilan de la mise en oeuvre de la réforme engagée en 1996, p. 21.

* 8 La référence aux établissements de santé, plutôt qu'aux ARH comme le proposait notre collègue Fleury, s'explique par le fait que les ARH n'ont pas de budget propre.

* 9 In Journal Officiel Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 25 juin 2001, p. 4765.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page