TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Après avoir entendu l'exposé de votre
rapporteur le
6 novembre 2001 (voir ci-après examen de l'avis), la commission avait
décidé de réserver sa décision sur les
crédits consacrés au travail et à l'emploi ainsi que sur
les articles rattachés à ce fascicule budgétaire
jusqu'après l'audition de Mme Élisabeth Guigou, ministre de
l'emploi et de la solidarité fixée le 20 novembre 2001.
Cette audition ayant dû être annulée en raison de
l'indisponibilité de la ministre, la commission s'est prononcée
définitivement le 21 novembre 2001 sans avoir pu entendre le
Gouvernement (voir ci-après examen de l'avis).
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mardi 6 novembre 2001, la commission a
ensuite
procédé à l'
examen
du rapport pour avis
de
M. Louis Souvet
sur le
projet de loi de
finances pour
2002
(crédits consacrés
au
travail
et à
l'emploi).
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a présenté les grandes
lignes de son rapport pour avis (cf. exposé général du
présent avis).
M. Gilbert Chabroux
a tenu à souligner qu'en dehors des
données chiffrées citées par le rapporteur, il en existait
d'autres qui avaient plutôt tendance à illustrer les bons
résultats de la politique en faveur de l'emploi menée par le
Gouvernement et qui auraient mérité d'être également
mentionnées. Il a considéré que l'examen de ce rapport
arrivait assez tôt dans la discussion du projet de loi de finances et
qu'il serait sans doute utile d'attendre l'audition de la ministre de l'emploi
et de la solidarité, Mme Elisabeth Guigou, afin de se faire une
idée plus précise. Il a rappelé que le taux de
chômage avait fortement baissé depuis 1997, même si l'on
assistait à une légère remontée depuis quelques
mois. Il a souligné qu'il n'en demeurait pas moins que l'on constatait
aujourd'hui une baisse de la durée du chômage pour les demandeurs
d'emploi ainsi qu'une baisse du chômage de longue durée.
Concernant les comparaisons internationales,
M. Gilbert Chabroux
a
remarqué que le rythme de la baisse du chômage était plus
important en France que dans les autres pays européens. Il a
souligné que les 35 heures avaient permis la création de
près de 360.000 emplois auxquels il convenait d'ajouter l'annonce de la
création de 45.000 postes dans les hôpitaux.
M. Alain Gournac
a déclaré partager entièrement les
conclusions du rapporteur pour avis. Il a estimé que la mise en place
des 35 heures dans les petites entreprises occasionnait des difficultés
insurmontables. Il s'est inquiété de la persistance de
pénuries de main-d'oeuvre dans de nombreux secteurs d'activité.
Evoquant la nécessité de préparer l'avenir des
emplois-jeunes,
M. Alain Gournac
a rappelé l'important
travail réalisé par la commission et ses propositions relatives
au tutorat et à la migration des activités vers le secteur
marchand. Enfin, il a estimé que les hypothèses sur lesquelles
était fondé le budget étaient particulièrement
irréalistes.
M. Roland Muzeau
s'est associé aux réserves
exprimées par M. Gilbert Chabroux sur le choix des statistiques
relatives à la situation de l'emploi présentées par le
rapporteur. Il a considéré que l'amélioration de la
situation depuis 1997 était indéniable. Evoquant le coût
des 35 heures, il a remarqué que le montant total des
dépenses, estimé à près de 100 milliards de
francs, reprenait pour une part le coût des allégements de charges
sociales instauré avant 1997.
M. Jean Chérioux
a fait part de son inquiétude devant la
remontée du chômage. Il a observé que les années de
croissance que nous venons de connaître n'avaient pas donné lieu
à une remise en cause du traitement social du chômage, alors
même que ces dispositifs doivent être réservés aux
périodes difficiles. Il a estimé justifiées les craintes
manifestées par la CFTC concernant le coût des 35 heures dans
les années à venir. Il s'est interrogé sur le
caractère transitoire des assouplissements adoptés concernant le
régime des heures supplémentaires dans les petites et moyennes
entreprises (PME).
M. Jean Chérioux
, après avoir observé que les
salariés avaient dû concéder des sacrifices en termes
d'évolution de salaires lors des négociations sur la
réduction du temps de travail, a considéré qu'il fallait
s'attendre à de légitimes revendications à l'avenir. Il a
remarqué que ces demandes pourraient renforcer les difficultés
que rencontrent déjà les entreprises dans l'application des
35 heures.
En réponse aux intervenants,
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a tenu à rappeler que le bilan qu'il avait présenté de
la politique de l'emploi reposait pour une large part sur les analyses qu'en
faisaient les partenaires sociaux. Il a fait part de son pessimisme concernant
l'évolution du chômage dans les mois à venir, eu
égard à la situation que rencontraient les entreprises
industrielles de son département. Il a indiqué que le grand
constructeur automobile de sa région avait déjà
décidé de ne pas reconduire les contrats de plus de 3.000
salariés intérimaires.
Evoquant la hausse prévisible des dépenses en faveur des
salariés qui pourraient perdre leur emploi dans les mois à venir,
M. Louis Souvet
a renouvelé ses doutes quant à la
pertinence des hypothèses sur lesquelles le budget était
construit.
Concernant le coût des 35 heures,
M. Louis Souvet, rapporteur pour
avis,
a tenu à rappeler le changement intervenu depuis 1998. Alors
que les exonérations de charges sociales prévues par la ristourne
Juppé avaient pour objet de réduire le coût du travail, les
100 milliards de francs prévus pour financer les 35 heures
sont destinés à compenser le surcoût qu'engendre, pour les
entreprises, la réduction du temps de travail.
A l'issue de ce débat, sur proposition de M. Nicolas About,
président, la commission a décidé de réserver le
vote sur les crédits du travail et de l'emploi ainsi que sur les
articles rattachés au terme de l'audition de Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité, prévue pour le
20 novembre prochain.
*
* *
Au cours
d'une seconde réunion tenue le 21 novembre 2001, sous la
présidence de M. Nicolas About, président
, la commission
s'est prononcée sur les
crédits relatifs au travail et
à l'emploi
et sur les articles 68, 69 et 70 bis
rattachés qu'elle avait précédemment
réservés.
M. Nicolas About, président,
a rappelé que, lors de sa
réunion du 6 novembre 2001 la commission avait décidé
de réserver sa décision sur les crédits du travail et de
l'emploi et ceux de la formation professionnelle jusqu'après l'audition
de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité,
fixée, de longue date, le mardi 20 novembre.
Il a constaté que l'annulation de cette audition par la ministre en
raison de « contraintes d'agenda incontournables et de
dernière minute », l'impossibilité de se faire
remplacer, de façon impromptue, par un secrétaire d'Etat comme
elle l'avait fait le 7 novembre devant la commission des finances,
conduisait ces deux commissions à délibérer de l'important
projet de budget de l'emploi et de la solidarité sans avoir pu entendre
le Gouvernement.
Il a précisé que cette situation, à sa connaissance sans
guère de précédent, avait été
évoquée lors de la conférence des présidents du
20 novembre, à son initiative et à celle de M. Alain
Lambert, président de la commission des finances.
M. Nicolas About, président
, a indiqué qu'à la
suite probablement de l'intervention de M. le ministre des relations avec le
Parlement, Mme Elisabeth Guigou avait accepté le principe d'une
audition conjointe par les commissions des finances et des affaires sociales
à une date qui restait à déterminer, mais qui allait
nécessairement interférer avec la discussion en séance
publique du projet de loi de finances pour 2002, débutant le jeudi
22 novembre à 10 heures 30.
M. Jean Chérioux
a constaté qu'une audition de
« rattrapage » se déroulerait, à un moment
où la commission des finances saisie au fond du projet de loi de
finances et la commission des affaires sociales auraient déjà
arrêté leur position définitive sur les crédits de
l'emploi et de la solidarité, qu'il ne pouvait pas en être
autrement compte tenu des contraintes de l'ordre du jour et des délais
d'impression des rapports pour la séance publique. Il a observé
que, dans ces conditions, l'audition de la ministre présenterait un
caractère particulièrement « irréel ».
Il a estimé que la seule solution aurait été que la
ministre propose immédiatement une autre date avant la fin de la
présente semaine. Or, telle n'avait pas été son intention
comme en témoigne le dernier paragraphe de sa lettre, jointe à
l'annulation de la réunion de la commission, faisant état des
« débats approfondis et constructifs » que la
ministre se proposait d'avoir avec la commission « lors de l'examen
en séance publique, le vendredi 7 décembre 2001 ».
M. Alain Gournac
a considéré que la date de l'audition de
Mme Elisabeth Guigou, arrêtée depuis début octobre,
s'inscrivait dans la logique des travaux de la commission et de ceux du
Sénat en séance publique. Rappelant que le Gouvernement
était à la disposition du Parlement, il a émis la crainte
d'un précédent fâcheux qui verrait les ministres
déplacer à leur guise la date de leur audition devant les
commissions permanentes du Sénat.
M. Gilbert Chabroux
a rappelé que Mme Elisabeth Guigou avait
souhaité venir en personne devant la commission des affaires sociales et
qu'il lui avait été dès lors impossible de se faire
remplacer au dernier moment par un ministre délégué ou un
secrétaire d'Etat. Il a observé que l'audition de la ministre
avait pour objet de lui permettre de répondre aux questions des
commissaires, mais il a déclaré ne pas se faire d'illusion quant
à l'effet de ces réponses sur la position de la commission sur le
projet de budget qui lui semblait largement prédéterminée.
Mme Nelly Olin
a tenu à rappeler qu'en dépit des
divergences profondes qui la séparait de la majorité de la
commission, Mme Martine Aubry avait, lorsqu'elle était ministre de
l'emploi et de la solidarité, toujours fait preuve d'une parfaite
courtoisie et d'une grande disponibilité.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a souligné que la
réserve demandée sur le vote des crédits consacrés
au travail et à l'emploi avait constitué à la fois une
marque de courtoisie traditionnelle avant l'audition du ministre et une
nécessité compte tenu du rôle de l'audition dans le
déroulement du travail parlementaire.
Il a considéré que l'audition d'un ministre ne s'apparentait pas
à un exercice de style, mais constituait, au contraire, un
élément essentiel au bon déroulement des travaux de la
commission, comme l'avait illustré la réunion de commission du
6 novembre dernier. Il a rappelé, en effet, qu'à cette
occasion, devant les divergences apparues sur le choix des données
chiffrées citées dans le rapport, son collègue Gilbert
Chabroux avait estimé qu'« il était sans doute utile
d'attendre l'audition de la ministre de l'emploi et de la solidarité,
Mme Elisabeth Guigou, avant de se faire une idée » sur le
projet de budget.
M. Louis Souvet
a considéré que,
dans ces conditions, l'absence d'audition de la ministre n'en était que
plus regrettable.
Il a estimé que l'avis défavorable qu'il avait proposé,
à la commission, d'émettre à l'adoption de ces
crédits relatifs au travail et à l'emploi le 6 novembre
dernier était d'autant plus justifié par ces circonstances sans
précédent.
Puis
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a présenté
deux amendements de suppression, l'un de l'article 68 relatif à une
modification du régime financier du contrat initiative-emploi (CIE) et
l'autre de l'article 70 bis introduit par l'Assemblée nationale, qui
prévoit la création d'une allocation équivalent retraite
(AER).
Il a précisé que l'article 68 proposait de modifier les
dispositions relatives au CIE afin de recentrer ce dispositif sur les
demandeurs d'emploi de longue et très longue durée, sur les
bénéficiaires de minima sociaux et certaines catégories de
travailleurs handicapés. Il a ajouté que cet article substituait
également à l'exonération des cotisations sociales
spécifiques au CIE les allégements de charges liés aux 35
heures, ce qui avait pour conséquence une économie de
77,6 millions d'euros.
Il a jugé paradoxale cette restriction apportée au CIE dans un
contexte de remontée du chômage, alors même qu'il s'agit
d'un des rares dispositifs favorisant l'emploi dans le secteur marchand.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a précisé que
l'article 70 bis trouvait son origine dans la discussion du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002 qui avait vu
l'adoption, lors du débat en première lecture à
l'Assemblée nationale, d'un article 26 A ayant pour objet
d'instaurer une garantie de ressources pour les chômeurs de moins de
60 ans totalisant au moins 40 années de cotisations vieillesse.
Il a rappelé que le Sénat avait, sur proposition de sa commission
des affaires sociales, supprimé cet article au motif, notamment, qu'il
s'agissait d'une disposition devant figurer en loi de finances puisqu'elle est
financée par le Fonds de solidarité qui est alimenté par
la contribution exceptionnelle de solidarité et par une subvention de
l'Etat.
Il a expliqué que le présent article proposait une nouvelle
rédaction de l'article L. 351-10-1 du code du travail afin de
créer une « allocation équivalent retraite »
(AER) qui se substituait à l'allocation spécifique d'attente
(ASA), le mode de calcul de cette dernière n'étant pas
considéré comme satisfaisant du fait, en particulier, de la prise
en compte des revenus du conjoint.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
s'est interrogé sur la
nécessité de créer un nouveau dispositif pour
résoudre un problème né à l'occasion de
l'application de l'ASA créée par la loi du 17 avril 1998. Il
a estimé que des précisions apportées à cette
précédente mesure, par la voie réglementaire, auraient
été suffisantes.
Il a observé, par ailleurs, que, si le coût de ce dispositif
était connu pour 2002 (45,73 millions d'euros), le nombre des
bénéficiaires semblait encore osciller du simple au double (50
à 100.000) selon les déclarations mêmes du Gouvernement, ce
qui laissait présumer une certaine précipitation dans la
préparation de ce dispositif.
Il a considéré que ce sentiment était confirmé par
l'analyse du texte proposé : certains droits liés au fait
d'être bénéficiaires du RMI risquant de disparaître,
comme le bénéfice de la CMU ; la référence
à un décret en Conseil d'Etat qui fixe des plafonds de ressources
apparaissant contradictoire avec la référence dans le texte
à un plafond de 877 euros ; et la mention, lors des
débats à l'Assemblée nationale, d'une
dégressivité de l'AER n'ayant pas été
véritablement explicitée.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a proposé, dans ces
conditions, de supprimer cet article qui ne saurait se substituer à une
réforme plus ambitieuse de l'ensemble des dispositifs ayant trait
à la retraite.
M. Claude Domeizel
s'est étonné de la proposition du
rapporteur pour avis tendant à supprimer l'article 70 bis, estimant que
cet article permettrait d'améliorer la situation des chômeurs de
moins de 60 ans ayant cotisé plus de 40 ans à travers
la création d'une garantie de ressources.
De même,
M. Roland Muzeau
, après avoir reconnu que ce
dispositif n'était sans doute pas parfait, a néanmoins
regretté qu'il fasse l'objet d'une proposition de suppression de la part
du rapporteur pour avis. Il a estimé nécessaire, au contraire,
d'adopter ce texte qui lui semblait aller dans le bon sens.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a souligné qu'il ne
s'agissait pas pour lui de refuser d'améliorer la situation des
chômeurs concernés, mais simplement de constater que des
précisions apportées au régime de l'ASA suffisaient
à atteindre le même objectif.
M. Nicolas About, président
, a considéré que la
suppression de l'article 70 bis, proposée par le rapporteur pour
avis, avait pour conséquence de maintenir l'ASA et constituait ainsi une
incitation très forte pour le Gouvernement à apporter les
précisions indispensables par la voie d'une circulaire.
A l'issue de ce débat, la commission a émis un
avis
défavorable à l'adoption des crédits du travail et de
l'emploi pour 2002.
Elle a émis un
avis favorable à
l'adoption de l'article 69
et a
adopté deux amendements de
suppression, l'un de l'article 68 et l'autre de l'article 70 bis
,
rattachés à l'examen de ces crédits.