Projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale - TOME IV : Travail et emploi
SOUVET (Louis)
AVIS 91 - TOME IV (2001-2002) - Commission des Affaires sociales
Rapport au format Acrobat ( 30 9 Ko )Table des matières
-
AVANT-PROPOS
- I. LA HAUSSE DU CHÔMAGE RÉVÈLE LES FAILLES DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI MENÉE DEPUIS 1997
- II. LES 35 HEURES MULTIPLIENT LES INÉGALITÉS SANS EFFETS DÉTERMINANTS SUR L'EMPLOI
-
III. UNE POLITIQUE QUI NÉGLIGE LE
DÉVELOPPEMENT DES EMPLOIS PÉRENNES DANS LE SECTEUR MARCHAND
- A. LES INCERTITUDES DU PROGRAMME « EMPLOI JEUNES »
- B. L'EFFORT INSUFFISANT EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DES EMPLOIS PÉRENNES
- C. LA NÉCESSAIRE LIMITATION DES AIDES AU RETRAIT D'ACTIVITÉ
- IV. L'ÉVOLUTION LABORIEUSE DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI
- V. LA NÉCESSAIRE REDÉFINITION DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
-
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
-
Art. 68
(art. L. 322-4-2 et L. 322-4-6 du code du travail)
Réforme du contrat initiative-emploi -
Art. 69
(art. 5 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions)
Institution d'une bourse d'accès à l'emploi pour les jeunes engagés dans le programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE) -
Art. 70 bis
(art. L. 351-10-1 du code du travail)
Création d'une allocation équivalent retraite
-
Art. 68
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
- AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
-
ANNEXE N° 1
-
QUESTIONNAIRE DU RAPPORTEUR POUR AVIS
AUX PARTENAIRES SOCIAUX -
ANNEXE N° 2
-
LISTE DES AUDITIONS
ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS -
COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
- I. AUDITIONS DU MARDI 16 OCTOBRE 2001
-
II. AUDITIONS DU MERCREDI 17 OCTOBRE 2001
- § MME SYLVIANE LAROUSSE, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES, M. BRUNO WEBER, CHEF DU DÉPARTEMENT SOCIAL ET MME MARIE-JOSÉE RANNO, CONSEILLER POUR LES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT, DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE
- § M. JEAN-CLAUDE QUENTIN, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL DE LA CGT-FO
- § M. JEAN-MICHEL MARTIN, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL, CHARGÉ DE LA FORMATION, ET M. JEAN-CLAUDE MEYNET, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL CHARGÉ DE L'EMPLOI, DE LA CFDT
-
III. AUDITIONS DU MARDI 23 OCTOBRE 2001
- § AUDITION DE M. JEAN-PIERRE PHILIBERT, CHARGÉ DES RELATIONS EXTÉRIEURES, M. DOMINIQUE TELLIER, CHARGÉ DE L'APPLICATION DES 35 HEURES ET MME CATHERINE MARTIN, CHARGÉE DE L'EMPLOI, AU MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (MEDEF)
- § M. ANDRÉ-PAUL BAHUON, PRÉSIDENT NATIONAL, ET MLLE DELPHINE SLANOSKI, DIRECTEUR DES SERVICES, DE L'IFEC
- § M. JEAN-PIERRE REVOIL, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE L'UNEDIC
- IV. AUDITIONS DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2001
- V. AUDITIONS DU MARDI 6 NOVEMBRE 2001
-
ANNEXE N° 3
-
CONTRIBUTION ÉCRITE DE LA CGT -
ANNEXE N° 4
-
POSITION COMMUNE DU 16 JUILLET 2001
SUR LES VOIES ET MOYENS DE L'APPROFONDISSEMENT
DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE
N° 91
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME IV
TRAVAIL ET EMPLOI
Par M. Louis SOUVET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Serge Mathieu, Mmes Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
3262
,
3320
à
3325
et T.A.
721
Sénat
:
86
et
87
(annexe n°
17
)
(2001-2002)
Lois de finances . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'examen du projet de budget du ministère de l'emploi revêt cette
année une importance particulière puisqu'il s'agit du dernier
budget de la présente législature.
Par ailleurs, et compte tenu de la place que le Gouvernement a souhaité
-à juste titre- accorder à l'emploi depuis 1997, cet examen est
aussi l'occasion d'effectuer un bilan de la politique de l'emploi conduite
depuis plus de quatre ans.
Pour ce faire, votre rapporteur pour avis a souhaité auditionné
l'ensemble des partenaires sociaux
1(
*
)
ainsi que
la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et l'IFEC. Le compte rendu de
ces auditions ainsi qu'une contribution écrite de la CGT sont
présentés en annexe du présent avis.
En 2002, les crédits du ministère s'élèveront
à 16,8 milliards d'euros (110 milliards de francs), ce qui
correspond à une baisse de 1,6 % qui fait suite à une baisse de
1,9 % l'année précédente. Le Gouvernement justifie la
baisse de ces crédits par l'amélioration de la situation de
l'emploi.
Evolution du budget (à structure 2002) depuis 1999
Compte
tenu du fait que le financement des 35 heures est assuré par le FOREC
qui est rattaché à la loi de financement de la
sécurité sociale, ce sont les emplois-jeunes qui constituent la
première priorité de ce budget.
Comme l'année passée, l'organisation du budget continue à
évoluer pour tenir compte des priorités du Gouvernement. On
observe en particulier une baisse des crédits consacrés au CIE et
à l'aide aux restructurations.
Principaux dispositifs
Le
présent avis examine le bilan de la politique de l'emploi suivie depuis
1997 en s'attardant en particulier sur les 35 heures. Il développe les
raisons pour lesquelles ce bilan n'apparaît pas satisfaisant.
Il s'attache également à rappeler l'ensemble des propositions
réalisées par votre commission au cours de cette
législature afin de définir les priorités qui pourraient
être retenues après 2002.
Cette réorientation de la politique de l'emploi est devenue d'autant
plus urgente que le taux de chômage recommence à augmenter.
Structure par agrégats du projet de loi de finances 2002
I. LA HAUSSE DU CHÔMAGE RÉVÈLE LES FAILLES DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI MENÉE DEPUIS 1997
A. UNE REMONTÉE DU CHÔMAGE QUI POURRAIT DURER
Après avoir connu de très bonnes performances en
termes de créations d'emplois à la suite du retour de la
croissance (le taux de chômage atteignait 12,3 % en juin 1997), la France
est aujourd'hui confrontée à une hausse sensible de son taux de
chômage.
Ce brusque retournement éclaire d'un jour nouveau les résultats
d'hier et balaye l'idée selon laquelle la politique menée par le
Gouvernement aurait été à l'origine d'une
« exception » française en termes de baisse du
chômage.
1. Une dégradation très nette du marché du travail
Après avoir atteint un plancher en mars à 8,7 %, le taux de chômage est remonté pour atteindre, en septembre, 9,1 %. Le nombre des demandeurs d'emploi a ainsi augmenté de 5.500 en mai, 8.500 en juin, 39.600 en juillet, 11.100 en août et 13.100 en septembre.
Evolution du taux de chômage français au cours
des
douze derniers mois
Avec
2.140.900 chômeurs, notre pays est encore loin du « plein
emploi » imprudemment évoqué au printemps comme une
perspective réaliste dans un horizon rapproché. Le chômage
de masse reste dans notre pays une réalité, ce qui doit nous
faire nous interroger sur les fondements de la politique que nous pouvons mener
pour le combattre.
Car, outre la fragilité de nos résultats en termes de baisse du
chômage, dont témoigne la récente hausse du nombre de
demandeurs d'emploi, c'est l'idée même selon laquelle nous aurions
eu des résultats extraordinaires depuis 1997 qui est aujourd'hui battue
en brèche y compris, sinon surtout, par les partenaires sociaux.
2. Des partenaires sociaux critiques sur la politique menée depuis 1997
La
très forte sensibilité de l'évolution de l'emploi à
la conjoncture amène naturellement à nuancer très
sensiblement les mérites de l'action Gouvernementale dans la baisse du
chômage intervenue depuis 1997.
Ainsi la Chambre de commerce et d'industrie de Paris considère que
« les performances françaises en termes de réduction
du chômage ne sont pas si extraordinaires que cela comparées au
reste de l'Europe »
2(
*
)
. Elle
ajoute qu'
« il n'y a pas eu d'exception
française »
.
L'Institut Français des Experts-Comptables (IFEC) corrobore cette
analyse en attribuant les mérites du retour de l'emploi à la
conjoncture.
La CFTC
« confirme le rôle très important joué
par la conjoncture depuis 1997 en observant qu'une entreprise n'embauche pas si
elle n'a pas besoin d'un salarié »
.
La CFE-CGC également
« considère que la baisse du
chômage s'explique d'abord par la croissance, comme l'illustre a
contrario la hausse à laquelle on assiste depuis plusieurs
mois »
.
La CGT dresse même un véritable réquisitoire de la
politique menée par le Gouvernement en estimant que :
« le chômage remonte parce que la croissance des
années 1997-2000 n'a pas été suffisamment
élevée et surtout parce qu'elle portait des contradictions
importantes qui ont affaibli les bases d'une croissance durable. Il s'agit
surtout des facteurs suivants : la progression de la
précarité, l'insuffisance des investissements en France (surtout
dans les nouvelles technologies et dans la recherche-développement),
l'importance des investissements à l'étranger, l'insuffisance des
efforts de qualification (notamment de la part des entreprises) et un partage
de la valeur ajoutée qui reste en défaveur des
salaires »
3(
*
)
.
B. LE CHÔMAGE STRUCTUREL DE MASSE RESTE UNE RÉALITÉ
La plupart des partenaires sociaux et des organismes auditionnés par votre rapporteur sont d'accord avec votre commission pour considérer que les causes du chômage structurel n'ont pas été véritablement combattues depuis 1997.
1. L'absence de réformes structurelles du marché du travail
L'absence de réformes structurelles du marché du
travail explique pourquoi le taux de chômage n'est pas descendu en
dessous de 9 % contrairement à ce que l'on observe dans la plupart
des pays développés.
Comme le remarque en effet la CGPME,
« le retournement de
conjoncture déjà visible dans le tourisme et le transport, s'il
n'est pas encore alarmant, se traduit déjà par une
décélération du nombre de créations d'emplois, ce
qui montre que la politique de l'emploi n'a pas traité les vraies causes
du chômage »
.
Pour la CGT-FO,
« il y a eu une réduction du chômage
mais elle n'a pas attaqué le noyau dur du chômage de longue
durée et des personnes les plus fragiles »
.
Ce point de vue des partenaires sociaux est corroboré par les
estimations du taux de chômage structurel français qui demeure
très élevé autour de 9 %.
Estimation récente du Nairu 4( * ) en France
Richardson et al. (2000) |
10,1 % |
FMI (1999) |
10 % |
Artus (2000) |
8 % |
Irac (1999) |
10-11 % |
l'Horty-Rault (1999) |
12 % |
Heyer et al. (1999) |
9,1 % |
Cotis et al. (1997) |
10 % |
Sources : OCDE, op. cité.
Cela signifie clairement que la baisse du taux de chômage observée
depuis 1997 s'explique par la conjoncture et que toute baisse supérieure
ne peut qu'être la conséquence de réformes structurelles du
marché du travail sur le modèle de la nouvelle convention
d'assurance chômage
5(
*
)
.
2. Une politique qui accroît les pénuries de main-d'oeuvre
Les
carences de la politique de l'emploi menée depuis 1997 ont pris toute
leur dimension avec le développement des pénuries de
main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité dans un contexte
marqué par la persistance d'un fort taux de chômage.
Selon M. Michel Bernard, directeur général de l'ANPE,
« même si elles sont moindres, des difficultés de
recrutement demeurent dans certains secteurs »
. Ces
pénuries de main-d'oeuvre sont considérées comme
très importantes par la CCIP et l'IFEC.
La DARES insiste sur le fait que les difficultés de recrutement tiennent
autant à des facteurs géographiques qu'à la nature des
métiers concernés
6(
*
)
. Les tensions
sur le marché du travail sont ainsi particulièrement
accentuées en Ile-de-France et dans ses franges sud-ouest, en Alsace,
dans une partie de la Champagne-Ardenne, de Rhône-Alpes et du massif
central. Les facteurs de ces disparités sont multiples :
spécificités et dynamiques des systèmes de production,
ajustements différents entre emploi et population active,
mobilité plus ou moins importante des salariés. Par ailleurs, la
sensibilité à l'environnement régional est variable selon
les métiers.
Encore une fois, force est de constater que la seule réforme de nature
à combattre ces pénuries de main-d'oeuvre, entreprise depuis
1997, ne saurait être portée au crédit du Gouvernement,
puisqu'il s'agit de la nouvelle convention d'assurance-chômage qui
prévoit, par exemple, une aide à la mobilité.
C. DES PERFORMANCES À LA TRAÎNE DE NOS VOISINS EUROPÉENS
Contrairement à ce que soutient le Gouvernement, la baisse du chômage observée en France n'a rien eu d'exceptionnel. Le niveau du taux de chômage français demeure même une incongruité parmi les pays développés. Par ailleurs, la dégradation de la compétitivité du « site France » observée depuis 1997 ne laisse rien augurer de bon pour les mois qui viennent.
1. Un taux de chômage parmi les plus élevés d'Europe
Le taux de chômage français (9,1 % en septembre) demeure sensiblement plus élevé que celui des autres pays européens. En effet, il est de 2 % aux Pays-Bas, 5 % au Danemark, 5,1 % au Royaume-Uni, 5,4 % aux États-Unis et 8, % dans la zone euro.
Taux de chômage des principaux pays développés (2001)
Royaume-Uni (sept.) |
5,1 |
France (sept.) |
9,1 |
Allemagne (oct.) |
9,5 |
Italie (juillet) |
9,4 |
Pays-Bas (sept.) |
2,0 |
Espagne (sept.) |
13,0 |
Etats-Unis (oct.) |
5,4 |
Zone Européenne (sept.) |
8,3 |
Source : The Economist, 17 novembre 2001.
Afin de défendre son bilan, le Gouvernement développe un argument
assez sophistiqué selon lequel, la baisse du chômage a
été plus forte en France que chez nos voisins au cours de la
dernière année. Cet argument n'est pas pertinent car plus le
chômage est bas, moins il peut diminuer.
Par ailleurs, même ce critère n'est pas à l'avantage du
Gouvernement. Si le taux de chômage français a en effet
baissé de 0,3 point sur les douze derniers mois (de 9,4 à 9,1 %),
cette baisse a été de 0,5 point aux Pays-Bas (de 2,5 à 2
%) et au Danemark (de 5,5 à 5 %), de 0,8 point en Espagne (de 13,8
à 13 %) et de 1,1 point en Italie (de 10,5 à 9,4 %).
En réalité, bien qu'ayant un taux de chômage plus
élevé, la performance française a été la
même que celle de la zone euro (- 0.3 point en passant de 8,6 à
8,3 %).
Cette moindre performance française s'explique très largement par
un niveau supérieur du taux de chômage structurel qui trouve son
origine dans l'absence de réformes du marché du travail depuis
1997, à l'exception de la nouvelle convention d'assurance-chômage,
qui ne saurait cependant être portée au crédit du
Gouvernement.
Taux
de chômage structurel des pays développés (NAIRU)
Source : Richardson et alii, 2000
2. Une forte dégradation de l'attractivité du « site France »
La
politique générale menée par le Gouvernement depuis 1997 a
considérablement accru les spécificités françaises,
qu'il s'agisse de la réglementation du travail (35 heures,
« réforme du droit du licenciement...) ou de la
fiscalité.
Un rapport du Sénat a ainsi établi qu'aux yeux de certains chefs
d'entreprise -notamment dans les filiales des grands groupes internationaux
présents en France- notre pays se situait en dehors du marché et
était systématiquement écarté des décisions
d'investissement concernant l'Europe au profit du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou
de l'Espagne
7(
*
)
.
Cette analyse a depuis été confirmée par le rapport
présenté au Premier ministre par M. Michel Charzat sur
« l'attractivité du territoire français »
dans lequel on peut lire que la France souffre d'
« une
fiscalité jugée dissuasive (et d'un) environnement juridique et
social considéré comme peu propice aux
affaires »
8(
*
)
.
Le rétablissement de la compétitivité française
constituera, à n'en pas douter, une condition indispensable à une
baisse importante du chômage au cours de la prochaine
législature.
II. LES 35 HEURES MULTIPLIENT LES INÉGALITÉS SANS EFFETS DÉTERMINANTS SUR L'EMPLOI
A. UN COÛT PROHIBITIF POUR DES RÉSULTATS IMPOSSIBLES À ÉVALUER PRÉCISÉMENT
1. Un coût de plus en plus déraisonnable
Les 35 heures constituent assurément la principale mesure mise en oeuvre par le Gouvernement dans le domaine de l'emploi au cours de cette législature. Pourtant, malgré son coût, elle ne figure pas au budget de l'emploi ce qui revient à en tronquer la présentation et à lui ôter une bonne part de sa cohérence.
a) Le coût des 35 heures n'est pas inclus dans le budget de l'emploi
La loi
n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction
négociée du temps de travail a prévu la mise en place,
à compter du 1
er
février 2000, d'un nouvel
allègement de charges qui élargit et associe, dans le cadre des
35 heures, les dispositifs précédents (« ristourne
Juppé », « exonération de Robien »,
« aide Aubry I »...). Le montant de ces allègements
de charges sociales est estimé à 100 milliards de francs par
l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
Comme le souligne Alain Vasselle dans son rapport sur le projet de loi de
financement pour 2002, la masse des crédits nécessaires au
financement des allègements de charges rendait leur prise en charge par
le budget de l'Etat
« totalement incompatible avec la vertu
budgétaire proclamée et affichée par le
Gouvernement »
9(
*
)
. C'est pourquoi
celui-ci a décidé de mettre à contribution la
sécurité sociale par l'intermédiaire du FOREC.
En conséquence, le coût des 35 heures, qui s'élève
en 2002 à 102 milliards de francs continue à être pris en
charge par le FOREC, alimenté en partie par des recettes fiscales de
l'Etat à hauteur de 71,9 milliards de francs. Sur la période
2000-2002, le montant de la mise à contribution des régimes
sociaux au financement des 35 heures est estimé à près de
85 milliards de francs.
Le basculement de la prise en charge des allégements de charges sociales
sur le FOREC a profondément modifié la physionomie du budget de
l'emploi qui a fondu d'environ un tiers depuis 1999 alors même que le
surcroît de dépenses occasionné par la loi Aubry II du 19
janvier 2000 aurait du, au contraire, se traduire par son augmentation.
Evolution du budget depuis 1999
(avec opérations de clarification FOREC)
Il
résulte de la présente situation une grande confusion puisque des
dépenses décidées par l'Etat et concernant l'emploi sont
en fait financées par d'autres, ou par lui-même, mais en dehors du
cadre du budget.
Outre l'
« onde de chocs »
provoquée sur les
comptes sociaux et qu'a parfaitement analysé notre collègue Alain
Vasselle, c'est la politique de l'emploi qui semble prise dans le tourbillon
des 35 heures. De nombreux dispositifs sont maintenant subordonnés
à la réduction du temps de travail (allégements de charges
sur les bas salaires, allégement spécifique au CIE) ou sont
appelés à disparaître progressivement à son profit
(aide spécifique aux zones franches urbaines reconduite pour seulement
trois ans).
Le mélange des dispositifs, des objectifs et des financements rend
pratiquement impossible toute évaluation des résultats, ce qui
constitue d'ailleurs sans doute un des buts de la manoeuvre. Comment sera
à l'avenir comptabilisée l'embauche d'un
bénéficiaire du CIE ? Sera-t-il considéré
comme un emploi créé ou préservé par les 35 heures
au motif que l'exonération des cotisations sociales attaché au
contrat sera celle de la loi Aubry II ? Auquel cas, nul doute que les
statistiques du ministère de l'emploi sur les résultats de cette
loi continueront à satisfaire le Gouvernement.
b) La promotion de l'emploi occupe maintenant une place résiduelle dans le budget
Le
budget de l'emploi ne comprend plus maintenant que des crédits
résiduels en matière de promotion de l'emploi.
Les aides au conseil à la réduction du temps de travail
constituent maintenant la seule contribution du budget de l'emploi au
financement de la réduction du temps de travail. Elles
s'élèveront à 39,33 millions d'euros en 2002. Cette baisse
est d'autant plus étonnante que ces crédits sont principalement
destinés aux PME.
Promotion de l'emploi et adaptations économiques
|
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Evolution (%) |
PROMOTION DE L'EMPLOI ET ADAPTATIONS ÉCONOMIQUES PUBLICS PRIORITAIRES |
867,88 |
912,04 |
5,1 |
A - Réduction du temps de travail |
42,69 |
39,33 |
- 7,9 |
Aides au conseil RTT |
42,69 |
39,33 |
- 7,9 |
B - Allégement du coût du travail |
607,66 |
731,85 |
20,4 |
ZRR-ZRU/ZF/Corse |
249,25 |
304,90 |
22,3 |
Divers : HCR/DOM/Presse/Travailleurs indépendants |
358,41 |
426,95 |
19,1 |
C - Promotion de l'Emploi |
69,66 |
73,02 |
4,8 |
Dotations pour la promotion de l'emploi |
8,97 |
10,77 |
20,0 |
Aides au conseil, ingénierie |
2,04 |
3,56 |
74,3 |
Diagnostic conseil et développement des entreprises nouvelles |
58,65 |
58,69 |
0,1 |
D - Accompagnement des restructurations |
147,87 |
67,84 |
- 54,1 |
Chômage partiel |
22,87 |
20,58 |
- 10,0 |
Dotation globale - restructurations |
44,21 |
42,69 |
- 3,4 |
Conventions de conversion |
76,22 |
0,00 |
- 100,0 |
Divers : ATD |
4,57 |
4,57 |
- 0,1 |
(en
millions d'euros)
Le budget a également conservé les mesures ciblées
d'exonération de charges sociales.
Les crédits consacrés aux zones de revitalisation rurale (ZRR) et
aux zones de revitalisation urbaine (ZRU) baisseront en 2002 à 33,54
millions d'euros contre 64 millions en 2001. Ces crédits permettront de
majorer les allègements liés à la réduction du
temps de travail. La DARES estime
10(
*
)
que ce
double dispositif a permis de créer 18.700 embauches en 2000 et environ
64.000 depuis 1997.
Par ailleurs, la dotation en faveur des exonérations de charges dans les
zones franches passera de 152,45 millions de francs en 2001 à 243,9
millions en 2002 du fait du dynamisme de cette mesure.
L'EXONÉRATION DE COTISATIONS DANS LES
ZONES
FRANCHES
URBAINES (ZFU)
11(
*
)
Ce
dispositif a été mis en place en 1997 dans 44 zones et vise
à favoriser l'implantation d'établissements et la création
d'emplois dans les quartiers urbains de plus de 10.000 habitants
particulièrement défavorisés au regard des critères
pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation
urbaine. Les établissements implantés dans l'une des 44 zones
franches urbaines bénéficient notamment d'une exonération
totale de cotisations sociales pendant une durée de cinq ans (contre 12
mois dans les ZRU) suite à l'embauche d'un ou plusieurs salariés
sous contrat à durée indéterminée ou à
durée déterminée d'au moins douze mois.
Fin 2000, environ 9.700 établissements bénéficient de
l'exonération de cotisations sociales au titre des ZFU et emploient
environ 62.000 salariés dont 54.000 exonérés. Selon une
enquête réalisée par la DARES en janvier 2001 auprès
de 6.460 établissements bénéficiaires de la mesure
à la fin 1999, ces établissements, de petite taille en
général (57 % ont moins de cinq salariés), se sont
implantés en zone franche urbaine pour plus des trois quarts d'entre eux
après le 1
er
janvier 1997, date d'instauration de la mesure.
La répartition des établissements en ZFU selon le secteur
d'activité économique est proche de celui des
établissements en ZFU : 66 % sont dans les services, 20 %
dans la construction et 13,5 % sont dans l'industrie.
Parmi les 54.000 salariés exonérés, environ 14.500
salariés résident dans l'une des 44 zones franches urbaines fin
2000. Dans plus de huit cas sur dix, les contrats signés sont à
durée indéterminée et ce d'autant plus que l'employeur est
un petit établissement.
Les crédits consacrés à l'accompagnement des
restructurations baissent de plus de 54 % du fait de la suppression des
conventions de conversions.
Compte tenu d'un contexte marqué par une recrudescence du nombre des
plans sociaux, la baisse de ces crédits apparaît regrettable ainsi
que l'a soulignée la CFDT lors de son audition par votre rapporteur en
estimant que pour 2002,
« il aurait fallu développer
davantage les dispositifs d'accompagnement des restructurations (FNE,
congés de formation) »
.
2. Le bilan quantitatif des 35 heures est toujours en débat
a) La durée du temps de travail est en baisse
L'examen
du bilan de la politique de réduction autoritaire du temps de travail
menée depuis 1997 n'est pas une chose simple. Certes, l'objectif
annoncé est atteint puisque la durée du travail continue de
baisser
12(
*
)
. Elle s'établissait à
environ 36,12 heures à la fin du mois de septembre, en baisse de 0,1 %
au troisième trimestre et de 1,7 % sur un an.
Au 30 septembre 2001, 68 % des salariés à temps complet des
entreprises de 10 salariés au plus travaillent moins de 36 heures
hebdomadaires, contre 52,9 % un an plus tôt.
La baisse de la durée du temps de travail ne saurait toutefois
être attribuée uniquement à la politique de
réduction autoritaire du temps de travail. D'autres
éléments ont pu joué comme la mise en oeuvre des
conventions « de Robien » ou le développement du
temps partiel.
b) Le Plan estime à moins de 200.000 le nombre d'emplois effectivement créés par la RTT
Le
ministère de l'emploi estime que fin mai 2001, 73.419 entreprises et 6,8
millions de salariés étaient passées aux 35 heures ce qui
aurait permis la création ou la préservation de 357.000 emplois.
Ces résultats ne sont pas aisés à interpréter comme
en témoigne la notion d'emploi préservé qui reste pour le
moins évanescente. L'évolution des chiffres du chômage
comparée à celle de nos voisins européens qui n'ont pas
connu les 35 heures tendrait plutôt à attribuer les
créations d'emplois à la conjoncture même si les
exonérations de charges sociales ont pu joué un rôle. Pour
la CCIP,
« le succès annoncé des 35 heures est loin
d'être établi, (...) il y a eu des effets d'aubaine, seules les
entreprises qui pouvaient passer aux 35 heures l'ont fait »
.
En fait, les seuls travaux solides disponibles pour l'instant ont
été réalisés par le Commissariat
général du Plan et aboutisse à partir de l'observation des
faits à moins de 200.000 créations d'emplois attribuées
à la RTT entre 1996 et 2000.
RTT : les enseignements de l'observation 13( * )
Le
Commissariat général du Plan a essayé de déterminer
l'effet de la réduction du temps de travail sur l'emploi en examinant
les accords signés dans le cadre incitatif « de
Robien » et « Aubry I ». Il estime que
« le recul manque pour mener aussi précisément des
analyses similaires sur les générations suivantes (Aubry II
précoces ou après le vote de la loi) »
14(
*
)
. Ce faisant le Plan confirme
l'impossibilité d'évaluer sérieusement les effets sur
l'emploi de la réduction autoritaire du temps de travail. Or tel est
bien le débat puisque chacun était d'accord pour favoriser une
RTT incitative.
Reprenant des travaux comparatifs entre entreprises ayant ou non réduit
la durée du travail, corrigeant les résultats en fonction du
dynamisme antérieur de l'entreprise en termes de créations
d'emplois, pour des structures de taille et de secteur identique, le Plan
conclue à des résultats similaires pour les conventions
« de Robien » et « Aubry I » qui
correspondent à des effets nets sur l'emploi compris entre 6 % et 7,5 %
pour une baisse de la durée du travail de 10 %. Les premières
indications pour les accords « Aubry II » précoces
feraient par ailleurs
« ressortir un tout premier effet net sur un
an de l'ordre de 2,5 % »
, soit trois fois moins que les deux
précédents dispositifs.
La DARES
15(
*
)
évalue ainsi à
265.000 environ l'effet net total sur l'emploi de l'ensemble des accords,
signés entre juin 1996 et décembre 2000, ce qui correspond
à 0,8 point de baisse du taux de chômage. Toutefois, ces effets ne
seraient pas instantanés du fait des délais entre la signature
d'un accord et la réalisation des embauches. Pour le Plan,
« en tenant compte d'une estimation moyenne des effets d'appel des
créations d'emploi sur la population active, de l'ordre de 20 %, la
diminution du nombre de chômeurs induite par la RTT serait
d'un peu
moins de 200.000
et celle du taux de chômage de ¾ de
point »
. Seul ce nombre qui correspond à des dispositifs
incitatifs et à l'observation des faits constitue une estimation fiable,
les autres évaluations constituent surtout des hypothèses
fondées sur des conditions particulièrement restrictives et donc
invérifiables.
Les 200.000 créations d'emplois que l'on peut attribuer à la
réduction du temps de travail engagée dès 1996 de
manière incitative ne sauraient donc expliquer les résultats
encourageants enregistrés depuis lors (400.000 emplois ont
été créés par an depuis trois an par exemple). La
baisse du chômage s'explique donc par d'autres facteurs, parmi lesquels
on citera la croissance bien sûr, mais aussi les allègements de
cotisations sociales sur les bas salaires engagés massivement depuis
1995 et qui ont pu produire leurs effets sur l'emploi au cours des 5
dernières années.
Comme le souligne Jean Pisany-Ferry dans son rapport sur le plein emploi,
« les 250.000 emplois que les évaluations administratives
retiennent comme l'effet de long terme des allègements bas salaires en
vigueur antérieurement à la réforme des cotisations
patronales se situent en bas de la fourchette des estimations
disponibles »
16(
*
)
. La plupart
des études chiffrent cet effet sur l'emploi aux alentours de 400
à 490.000. Sur la période 1996-2000, le rapport de l'effet
respectif de la RTT (y compris la loi de Robien adoptée par la
précédente majorité) et des allégements de charges
sociales serait donc de 1 à 2.
L'existence d'effets d'aubaine amène à s'interroger sur le
coût des emplois ainsi créés, à l'instar de la CFTC
qui aurait
« préféré que les aides soient
davantage liées à des engagements plus importants en termes de
créations d'emplois »
.
Par ailleurs, le nombre d'entreprise concerné demeure en fait
très limité. A cet égard, le MEDEF rappelle que
« seule la moitié des entreprises de plus de 20
salariés est passée aux 35 heures et que 93 % des entreprises n'y
sont toujours pas
»
17(
*
)
.
B. UNE MULTIPLICATON DES INÉGALITÉS INJUSTIFIÉE
Les 35 heures ont multiplié les inégalités entre salariés et entre les entreprises de façon injustifiée, ce qui rend d'autant plus urgente la modification de la loi Aubry II du 19 janvier 2000.
1. Des inégalités entre les salariés
Les 35 heures obligatoires ont eu pour conséquence de renforcer les inégalités entre salariés. C'est le cas du point de vue de leur temps de travail tout d'abord puisque selon le taille de l'entreprise, la durée du travail comme son organisation pourra être amenée à varier considérablement.
Les 35 heures renforcent les disparités entre hommes et femmes 18( * )
Des
disparités importantes apparaissent dans l'appréciation des 35
heures en fonction du sexe des salariés concernés. Si près
de trois femmes cadres sur quatre évoquent une amélioration de
leur vie quotidienne, c'est seulement le cas de 40 % des femmes occupant un
emploi non-qualifié. Pour les hommes, l'écart entre cadres et non
qualifiés est bien inférieur (65 % contre 57 %).
Une analyse de cas fait apparaître que les femmes reçoivent moins
de propositions lors de la réorganisation de l'entreprise suite à
l'application des 35 heures que les hommes. Par ailleurs, les nouvelles
fonctions et les promotions concernent surtout les hommes.
Enfin, surtout dans les entreprises de main-d'oeuvre, les 35 heures
entraînent un surcroît de flexibilité qui déstabilise
et désorganise la vie des salariés et de leurs familles, ce qui
fragilise là encore plus les femmes que les hommes.
Ces inégalités tiennent ensuite à la
rémunération, car selon le moment du passage de leur entreprise
aux 35 heures et la date de leur embauche, les salariés payés au
SMIC ne voient pas leur heure de travail payée de la même
façon. Salariés à temps partiel sous un régime de
39 heures, salariés passés aux 35 heures avant le 1
er
juillet, salariés passés après le 1
er
juillet... La situation se complexifie de façon inéluctable. Le
système du « double SMIC » se transforme au fur et
à mesure des nouveaux coups de pouce en un système à SMIC
multiple.
Si l'on poursuit sur le rythme d'évolution qui a été
appliquée au mois de juillet 2001
19(
*
)
,
l'écart de rémunération mensuelle entre les
salariés rémunérés au SMIC restés à
39 heures et ceux passés à 35 heures avant juillet 2000 pourrait
atteindre 6 % en 2005. D'ici là, il existera un niveau de SMIC et six
niveaux différents de garanties mensuelles, soit sept niveaux
différents de salaire minimum.
Les inégalités concernent également les conditions de
travail. Selon la nature de l'emploi et la fonction du salarié, les 35
heures se sont traduites soit par une amélioration de sa vie
quotidienne, soit par une détérioration de ses conditions de
travail. Environ la moitié des salariés constatent une exigence
de polyvalence accrue, plus de 40 % considèrent qu'ils ont moins de
temps pour effectuer les mêmes tâches et près du tiers des
salariés, au premier chef des cadres, déplorent une augmentation
du stress
20(
*
)
.
Auditionnée par votre rapporteur, la CFE-CGC a considéré
que
« les 35 heures se sont traduites pour les cadres par un
supplément de jours de repos (10 à 11) mais aussi par une charge
de travail supérieure »
. Pour l'IFEC,
« les
35 heures ont renforcé les tensions entre cadres et
non-cadres »
car
« les cadres n'ont pas connu de
véritable réduction du temps de travail du fait des forfaits
jours »
.
2. Des inégalités entre les entreprises
Bien
sûr, la principale inégalité entre les entreprises concerne
la taille puisque le Gouvernement a prévu des dates d'application et des
modalités différentes selon que l'entreprise a plus ou moins de
20 salariés.
Mais les inégalités concernent également le secteur
d'activité. Toutes les entreprises sont en effet en concurrence pour
bénéficier des meilleures conditions de financement. Dans la
mesure où les résultats des entreprises de main-d'oeuvre seraient
pénalisés par l'application des 35 heures, ces dernières
pourraient connaître un renchérissement du coût de leur
crédit et pour celles qui sont cotées, une baisse du cours de
leurs actions.
Une telle situation ne pourrait que renforcer une autre
inégalité, celle qui sépare les entreprises
françaises des entreprises étrangères. Comme cela a
déjà été évoqué
21(
*
)
, la perte de compétitivité des
entreprises françaises s'est accélérée depuis 1998
notamment du fait de la dégradation de l'environnement juridique, social
et fiscal de notre pays.
Aujourd'hui, les entreprises françaises qui disposent de filiales
à l'étranger n'hésitent plus à arbitrer en faveur
de l'Espagne ou du Royaume-Uni pour contourner l'obstacle de la
réglementation française, ce qui constitue une nouvelle
inégalité entre les entreprises hexagonales.
C. LA NÉCESSAIRE RÉVISION DE LA LOI AUBRY II
1. Une loi inapplicable aux PME
La modification des règles applicables aux entreprises de 20 salariés au plus constitue un aveu de l'inadaptation des dispositions prévues par la loi du 19 janvier aux petites entreprises. Pourtant, le décret adopté le 15 octobre dernier a reçu un accueil des plus réservés de la part des partenaires sociaux et des organismes auditionnés par votre rapporteur pour avis.
Le décret n°2000-941 du 15 octobre 2001
Ce
décret a fixé de nouvelles règles concernant le contingent
d'heures supplémentaires, c'est-à-dire le seuil à partir
duquel les heures supplémentaires doivent faire l'objet d'une
autorisation de l'inspecteur du travail et d'un repos compensateur (100 % dans
les entreprises de plus de dix salariés, 50 % dans les autres). Le
contingent peut être fixé par un accord de branche étendu
à un niveau supérieur ou inférieur au niveau
réglementaire, mais cela reste sans incidence sur le seuil de
déclenchement du repos compensateur qui reste celui fixé par
décret.
Le décret prévoit différents seuils selon la
catégorie de salariés et un dispositif transitoire pour les
salariés de 20 salariés et moins.
Le forfait des salariés et des cadres n'ayant pas signé de
convention individuelle de forfait est fixé à 130 heures par an
contre 180 heures pour les cadres intermédiaires régis
individuellement par une convention de forfait établie en heures. Les
cadres dirigeants et les cadres intermédiaires relavant de forfaits
annuels restent exclus du champ d'application. Le contingent peut, dans
certains cas, être réduit à 90 heures lorsque l'entreprise
recourt à la modulation.
Par ailleurs, le décret relève, à titre provisoire, le
contingent auquel sont soumises les entreprises de 20 salariés et moins.
Ce contingent est fixé à défaut d'accord à 180
heures en 2002, 170 heures en 2003 et à 130 heures à nouveau
à compter de 2004. ce dispositif ne concerne que les salariés
non-cadres et les cadres hors forfaits.
La CGPME, par exemple, considère que le nouveau décret est
« très décevant »
puisqu'
« il ne concerne que les non-cadres et les cadres
intégrés dans une équipe »
. Elle aurait
souhaité
« un contingent de 200 heures pour la plus grande
partie des salariés cadres et non-cadres »
.
La CCIP déplore que contrairement à ce qu'elle demandait, les
assouplissements adoptés ne soient ni pérennes ni valables pour
l'ensemble des entreprises.
FO résume bien la situation en estimant que
« le
caractère transitoire des dispositions prévues par le
décret du 15 octobre n'est pas adapté »
. Elle
propose de
« laisser une place à la négociation
collective »
en suggérant que
« les heures de
formation pourraient, par exemple, ne pas être comptées dans le
quota d'heures supplémentaires »
.
2. Une révision nécessaire qui favoriserait le rôle de la négociation collective
Un
coût faramineux, des résultats en termes de créations
d'emplois modestes, un rôle de multiplicateur des
inégalités et une inadaptation totale aux PME, voilà les
principaux éléments du bilan des 35 heures.
Afin de rétablir la compétitivité de notre économie
et de préserver la cohésion sociale, le prochain Gouvernement
devra, à n'en pas douter, et quelque soit sa majorité, revenir
sur la législation relative au temps de travail et sur le régime
des aides financière qui lui est afférent.
Certes, les partenaires sociaux ne sont pas enthousiastes à
l'idée de devoir rouvrir ce dossier, mais ils s'y préparent. Les
syndicats de salariés mettent l'accent sur la nécessité de
prévoir des contreparties en faveur des salariés. Tous
s'accordent sur la nécessité de favoriser le recours au dialogue
social afin de ne pas faire
« du Aubry à
l'envers »
.
III. UNE POLITIQUE QUI NÉGLIGE LE DÉVELOPPEMENT DES EMPLOIS PÉRENNES DANS LE SECTEUR MARCHAND
Le bilan
de la législature en matière de politique en faveur de l'emploi
des publics prioritaires n'est pas satisfaisante. Certes, les moyens
considérables qui ont pu être mobilisés ont permis
d'obtenir des résultats quantitatifs. Mais comme cela a
déjà été expliqué, le coeur du chômage
structurel n'a pas été véritablement attaqué.
Les partenaires sociaux
22(
*
)
sont
particulièrement sévères à cet égard. Pour
la CGPME
« les dispositifs de la politique de l'emploi
s'accumulent en dépit du bon sens »
, et la hausse
récente du chômage
« montre que la politique de
l'emploi n'a pas traité les vraies causes du
chômage »
. FO considère pareillement que la
politique menée
« n'a pas attaqué le noyau dur du
chômage de longue durée et des personnes les plus
fragiles »
. La CFDT insiste sur les conséquences du
développement des revenus de substitution (SIFE, SAE, CES,
emplois-jeunes...) qui changent
« la nature des revenus des
salariés qui ne sont plus uniquement le fruit de leur travail mais
également le produit de la solidarité »
.
Actions en faveur des publics prioritaires
|
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Evolution (%) |
PUBLICS PRIORITAIRES |
7.830,47 |
7.755,72 |
- 1,0 |
A - Actions spécifiques en faveur des jeunes |
3.431,76 |
3.408,80 |
- 0,7 |
Nouveaux services-Emplois jeunes |
3.355,36 |
3.234,36 |
- 3,6 |
Réseau d'accueil, TRACE et bourse d'accès à l'emploi |
76,40 |
174,44 |
128,3 |
B - Actions d'insertion en faveur des publics en difficulté |
3.506,81 |
3.389,76 |
- 3,3 |
Contrats emploi-solidarité |
995,49 |
1.015,62 |
2,0 |
Contrats emploi-consolidé |
849,75 |
999,00 |
17,6 |
Emplois ville |
10,82 |
6,71 |
- 38,0 |
Contrats de retour à l'emploi - CERMI |
9,91 |
9,91 |
0,0 |
Contrats d'initiative-emploi |
1.085,74 |
781,45 |
- 28,0 |
Programme chômeur de longue durée (SIFE, SAE, mesures d'accompagnement de la globalisation |
387,56 |
394,87 |
1,9 |
CPER |
21,06 |
17,56 |
- |
Insertion par l'économique |
146,49 |
164,64 |
12,4 |
C - Actions en faveur des travailleurs handicapés |
891,90 |
957,16 |
7,3 |
(en
millions d'euros)
En fait, le vrai problème réside dans le fait que la politique de
l'emploi menée depuis 1997 a donné la priorité au secteur
non-marchand aux dépens du secteur marchand comme le soulignent à
la fois le MEDEF et la CFE-CGC. L'expansion du programme emplois-jeunes comme
l'ambiguïté de ses résultats en constitue la parfaite
illustration.
A. LES INCERTITUDES DU PROGRAMME « EMPLOI JEUNES »
Le programme « emplois-jeunes » constitue la principale initiative du Gouvernement en faveur de l'emploi des jeunes depuis 1997. Or, comme l'observe le MEDEF, « le risque est grand pour ces jeunes, au niveau d'éducation élevé, de se retrouver sans perspectives professionnelles » . La CFE-CGC résume la situation de manière plus brutale en qualifiant ces emplois de « faux-fonctionnaires ». La prochaine législature devra apporter une solution professionnelle pour ces milliers de jeunes qui arriveront prochainement au terme de leur contrat.
1. Un demi-échec compte des résultats et de l'objectif de départ
La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 avait une double finalité : développer des activités nouvelles à valeur ajoutée sociale et offrir à des jeunes une première expérience porteuse d'avenir. Le bilan du programme à l'issue de la législature est pour le moins ambivalent.
a) Des résultats très éloignés de l'objectif de départ
L'objectif de 700.000 emplois (350.000 dans le secteur
marchand et
350.000 dans le secteur non marchand) a très vite été
abandonné pour un objectif plus modeste de 350.000 emplois dans le
secteur marchand. Puis cet objectif lui-même a été
révisé à la baisse. Au lieu de parler en
« stock » ( un programme le Gouvernement en est venu
à évoquer un flux
-« porter à 360.000
à la fin 2002 le nombre des jeunes qui auront
bénéficié du programme depuis sa
création »
.
La différence n'est pas mince, car si l'on estime entre 200 et 250.000
le nombre de jeunes dans le programme en moyenne sur les cinq années de
la législature, il en résulte un objectif réalisé
trois fois moindre que l'objectif de départ (700.000
versus
200
à 250.000).
Toutefois, même à ce niveau, il convient de remarquer que le bilan
quantitatif est impressionnant. Ce qui appelle plusieurs remarquent qui
tiennent d'une part à la nature des postes créés et
d'autre part aux conséquences qu'a pu avoir la priorité
donnée à ce programme.
Concernant la nature des postes créés tout d'abord. On observe
qu'un bon tiers relève du secteur public strict. Au 30 avril denier,
272.000 emplois avaient été créés
23(
*
)
dont 180.000 dans le secteur associatif, les
collectivités locales et les établissements publics, 70.000
à l'Education nationale, 20.000 dans la Police nationale et 2.000
à la Justice.
Le rapport d'information réalisé par votre commission
l'année passée
24(
*
)
comme le
précédent avis budgétaire
25(
*
)
présenté par votre rapporteur ont
déjà été l'occasion de mesurer l'écart qui a
pu apparaître entre les objectifs annoncés -
activités
nouvelles répondant à un besoin non-satisfait
- et la
réalité -
des emplois déjà existant de
cantonniers, standardistes, gardiens d'immeubles...
-. Cette relative
déception de nombreux jeunes explique un taux de départ
relativement élevé estimé à 25 %.
Par ailleurs, le retour de la croissance a ralenti au fil des ans le
développement du programme, ce qui n'aurait pas du être
considéré comme une évolution négative. Pourtant,
tout laisse aujourd'hui penser que le Gouvernement a continué à
privilégier la réalisation d'un objectif quantitatif en limitant
les autres dispositifs en faveur de l'emploi.
De nombreux jeunes qui étaient au chômage sont ainsi entrés
dans le programme, ce qui est compréhensible. Mais on observe
également que depuis 1998, l'insertion des jeunes dans le secteur
marchand à travers un dispositif comme le CIE a marqué le pas
comme s'ils étaient orientés de préférence vers le
secteur non-marchand
26(
*
)
. Des constatations
similaires peuvent être faites concernant la formation en alternance.
Ce détournement de main-d'oeuvre au profit du secteur public ne peut
être considéré comme une saine politique de l'emploi. Alors
que ces jeunes sont souvent diplômés (60% ont un niveau bac, 20%
un niveau bac +2 et 20% un niveau supérieur à bac +2), ils ont
été encouragés à s'investir dans un programme dont
l'avenir est des plus incertains, alors même que l'économie
connaissait des pénuries de main-d'oeuvre.
Le relatif échec des tentatives pour permettre des embauches de ces
jeunes par le secteur marchand (exemple de l'éducation nationale et du
secteur hôtelier) augure mal de l'avenir de ces jeunes dans le cadre
d'une conjoncture de plus en plus grise.
b) Un financement peu transparent et très coûteux
En 2002,
le coût du dispositif emplois-jeunes inscrit au chapitre 44-01 du budget
du ministère de l'Emploi est fixé à 3,23 milliards d'euros
(plus de 21,2 milliards de francs), en baisse de près de 121 millions
d'euros.
Ces crédits se divisent en deux catégories :
- 3,21 milliards d'euros à l'article 10 du chapitre au titre des
aides au poste ;
- et 22,87 millions d'euros à l'article 30 pour les mesures
d'accompagnement des projets.
Ces crédits doivent permettre de financer l'aide de l'Etat qui
s'élève à 15.551 euros par poste au 1
er
juillet
2001, soit 102.010 francs auxquels peut s'ajouter une aide à la
conception et au suivi de projet.
La baisse des crédits observée en 2002 s'explique par une
consommation des crédits sensiblement inférieure au montant
ouvert en loi de finances. Dans son rapport sur l'exécution de la loi de
finances pour 2000, la Cour des comptes a ainsi observé que les
dépenses nettes avaient été inférieures de plus de
610 millions d'euros (4 milliards de francs) aux crédits ouverts en loi
de finances initiale.
Cette pratique est confirmée en 2001 par le montant important des
annulations de crédits prévues par le projet de loi de finances
rectificative pour 2001. Un arrêté du 21 mai a déjà
annulé 490 millions de francs sur le chapitre 44-01, tandis qu'un
arrêté plus récent du 14 novembre dernier annulait à
nouveau 367 millions de francs de crédits sur le même chapitre.
Crédits relatifs aux emplois-jeunes
Rémunération des emplois (aides aux postes) à partir de l'art. 10 ch.44-01 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
|
MF |
MF |
MF |
MF |
MF |
M€ |
|
Transferts au MEN |
600,00 |
3.563,00 |
5.038,00 |
5.948,58 |
5.200,00 |
792,73 |
Transferts au ministère de l'intérieur |
17,81 |
380,00 |
857,30 |
1.150,00 |
1.400,00 |
213,43 |
Transferts au ministère de la justice |
- |
- |
- |
44,00 |
90,00 |
13,72 |
Total transferts (a) |
617,81 |
3.943,00 |
5.895,30 |
7.142,58 |
6.690,00 |
1.019,88 |
Versements au CNASEA (source ACTT°) (b) |
165,00 |
2.773,24 |
7.968,22 |
10.800,00 |
7.988,39 |
1.217,82 |
Total aides aux postes (a) + (b) |
782,81 |
6.716,24 |
13.863,52 |
17.942,58 |
13.678,39 |
2.237,70 |
Aides aux projets accompagnement |
26,46 |
89,98 |
114,63 |
95,39 |
9,47* |
1,44* |
(art. 30 ch. 44-01 (source ACCT°) |
|
|
|
|
(71,70)** |
(10,93)** |
Total général (a) + (b) + (c) |
809,27 |
6.806,22 |
13.978,15 |
18.037,97 |
13.687,86 |
2.239,14 |
Il
s'agit des sommes engagées au 1
er
semestre 2001
.* La LFI 2001 correspondait à 71,70 MF (10,93 M€)
Lorsque l'on considère les crédits consacrés à ce
programme par l'ensemble du budget général, on atteint le montant
de 3,67 milliards d'euros (24,05 milliards de francs).
Ce dispositif apparaît comme très coûteux puisque le
coût cumulé depuis octobre 1997 s'élève à 13
milliards d'euros, soit 86 milliards de francs. Pour donner une idée,
cela correspond à un coût unitaire de plus de 260.000 francs par
jeune embauché (328.000 en juin) mais sans doute de plus de 350.000
francs si l'on ne tient compte que des jeunes affectivement dans le dispositif
en moyenne sur les quatre ans (250.000 au grand maximum).
2. L'impossible solvabilisation des emplois créés dans le secteur non-marchand
a) Un plan de consolidation qui traduit l'échec de la démarche poursuivie
Le Gouvernement a présenté le 6 juin dernier un plan de consolidation des emplois jeunes qui se donne trois objectifs :
- ne laisser sortir aucun jeune du programme sans
formation ;
- assurer le maintien des activités qui ne sont pas encore
autofinancées ;
- et encourager l'émergence des nouveaux services en 2001 et 2002.
L'engagement supplémentaire qu'aura ainsi à assumer le prochain
Gouvernement est estimé à 40 milliards de francs sur cinq ans
(2002-2006). Cette somme s'ajoutera au coût du dispositif initial qui est
estimé à 135 milliards de francs sur la période 1997-2006.
Les activités associatives pourront ainsi bénéficier d'une
aide supplémentaire de 100.000 francs allouée sur trois ans de
manière dégressive. Les activités prolongeant un service
public bénéficieront d'une aide d'environ 70.000 francs par an
à travers une convention triennale. Enfin, les communes à faibles
ressources pourront prétendre à une aide triennale de 50.000
francs par an.
Par ailleurs, les jeunes pourront accéder à la fonction publique
territoriale sans concours sur des emplois de catégorie C et un
troisième concours sera ouvert aux candidats disposant d'une
expérience dans les principaux cadres d'emplois concernés. Les
emplois dans l'Education et la Police nationale seront maintenus, les adjoints
de sécurité continueront à pouvoir passer les concours
internes et les aides éducateurs bénéficieront d'une
troisième voie.
b) Des perspectives à préciser après 2002
Le plan
de consolidation présenté par le Gouvernement ne saurait
lié le prochain Gouvernement. Il constitue plus une indication de ce
qu'envisage le Gouvernement actuel pour l'avenir des emplois jeunes qu'un
véritable programme qui serait destiné à être
appliqué tel quel.
En l'état actuel, il est toutefois fort instructif puisqu'il prend acte,
d'une certaine manière, de l'échec de la démarche
poursuivie. Il s'agissait en effet, à l'origine, de développer de
nouvelles activités dans le secteur non marchand qui devraient petit
à petit trouver leur propre équilibre financier. Or, d'une part,
les emplois dans le secteur strictement public ont progressivement pris le pas
sur les emplois dans le secteur non-marchand et, d'autre part, ces derniers
emplois n'ont jamais pu, pour l'essentiel, trouver de financement autonome, ce
qui amène aujourd'hui le Gouvernement à reconduire les aides
publiques.
Votre commission ne peut que rappeler ses propres propositions -constantes
depuis 1997- qui tendent à accroître la formation et l'encadrement
de ces jeunes, à favoriser la migration des activités vers les
secteur marchand à travers une aide spécifique et à
engager la régionalisation du dispositif afin de mieux prendre en compte
les besoins rencontrés sur le terrain.
B. L'EFFORT INSUFFISANT EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DES EMPLOIS PÉRENNES
(voir
tableau ci-après)
Principales mesures associées
au projet de budget 2002
Nombre d'entrées dans les dispositifs*
Mesures |
LFI 2001 |
Prévisions 2001 |
PLF 2002 |
Evolution 2001/2002 |
Stages de formation |
|
|
|
|
SIFE collectifs |
90.000 |
99.417 |
90.000 |
0,0 % |
SIFE individuels |
25.000 |
29.663 |
25.000 |
0,0 % |
Stages d'accès à l'entreprise (SAE) |
20.000 |
23.922 |
20.000 |
0,0 % |
Sous -total |
135.000 |
153.002 |
135.000 |
0,0 % |
TRACE |
|
|
|
|
Opérateurs externes |
12.500 |
- |
20.000 |
60,0 % |
Missions locales et PAIO |
60.000 |
- |
78.000 |
30,0 % |
Sous-total |
72.500 |
|
98.000 |
35,2 % |
CONTRAT DE TRAVAIL AIDES |
|
|
|
|
CIE |
125.000 |
90.850 |
90.000 |
- 28,0 % |
Contrats emploi-solidarité (CES) |
260.000 |
297.139 |
260.000 |
0,0 % |
Emplois consolidés à l'issue d'un CES |
50.000 |
48.840 |
45.000 |
- 10,0 % |
Sous-total |
435.000 |
436.829 |
395.000 |
- 9,2 % |
CONTRATS EN ALTERNANCE |
|
|
|
|
Contrats d'apprentissage |
230.000 |
240.000 |
240.000 |
4,3 % |
Contrats de qualification |
123.000 |
135.000 |
135.000 |
9,8 % |
Contrats de qualification adultes |
14.000 |
10.000 |
14.000 |
0,0 % |
Sous-total |
367.000 |
385.000 |
389.000 |
6,0 % |
AIDES A LA RECONVERSION ET A L'ADAPTATION |
|
|
|
|
Conventions de conversion |
50.000 |
80.000 |
** |
|
Allocations spéciales du FNE (ASFNE) |
7.200 |
7.200 |
7.200 |
0,0 % |
CATS |
10.000 |
10.000 |
10.000 |
0,0 % |
Préretraites progressives (PRP) |
16.000 |
11.000 |
11.000 |
- 31,3 % |
Sous-total |
83.200 |
108.200 |
28.200 |
- 10,0 % |
Chômage partiel (en millions d'heures) |
10 |
- |
9 |
- 10,0 % |
*
prévisions de flux prises en compte dans le calcul des enveloppes du PLF
2002
** suppression à compter de la nouvelle convention Etat-Unedic
1. La grande diversité des dispositifs en faveur des publics en difficultés
a) Le développement du programme TRACE
La loi
d'orientation du 29 juillet 1998
relative à la lutte contre les
exclusions
a mis en place un programme d'accompagnement personnalisé
vers l'emploi -TRACE- ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans confrontés
à de graves difficultés sociales, familiales ou sortis du
système éducatif sans diplôme ou qualification. Ces
parcours d'insertion peuvent durer jusqu'à 18 mois.
Les résultats
27(
*
)
de ce programme
semblent ambivalents si l'on considère la situation des jeunes
entrés en TRACE en 1999 et sortis du dispositif fin février 2001.
Les sorties vers l'emploi représentent certes 50% des cas, toutefois un
tiers des jeunes connaissent une situation de chômage et seuls 31,7%
accèdent à un emploi non aidé, ce qui nuance tout de
même le bilan.
En 2002, le programme TRACE deviendrait la principale mesure du
« nouveau » programme de lutte contre la pauvreté et
l'exclusion, le nombre d'entrées devrait ainsi passer de 60.000 à
98.000. Le stock de jeunes dans le dispositif devrait s'élever à
120.000 fin 2002. La réalisation du programme est confiée au
réseau d'accueil des jeunes -missions locales et PAIO- ainsi qu'à
des opérateurs externes.
Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit la création
d'une bourse d'accès à l'emploi
28(
*
)
pour ces jeunes d'un montant de 300 euros par mois
qui sera versée dans la limite de 900 euros par semestre, renouvelable
si nécessaire.
En 2002, les moyens consacrés à ce programme (réseau
d'accueil, TRACE et bourse d'accès à l'emploi) devraient
augmenter de 128 % à 174,4 millions d'euros.
La diminution des crédits consacrés aux emplois ville et au CRE
Les
emplois villes créés par le pacte de relance pour la ville de
1996 ont été supprimés en 1998 pour être
intégrés au programme « nouveaux services-nouveaux
emplois ».
La dotation pour 2002 qui s'établira à 6,7 millions d'euros est
donc destinée à couvrir les dépenses correspondants aux
contrats conclu avant 1998.
Par ailleurs, les crédits destinés au paiement des contrats de
retour à l'emploi, supprimés en 1995, seront reconduits en 2002
à hauteur de 9,91 millions d'euros.
b) Un recentrage à poursuivre des contrats aidés dans le secteur non marchand
-
-
-
- • Les contrats emploi-solidarité (CES)
Cet objectif a commencé à se traduire dans la réalité dès 1999 puisque cette année, les publics les plus en difficulté représentaient 73 % des entrées. Dans les faits, ce recentrage a été réalisé au moyen de la baisse du nombre de conventions signées (542.000 en 1997 contre 447.000 en 1999). Le stock de CES est passé de même de 284.000 en 1997 à 223.000 en 1999. Cette évolution était prévisible compte tenu de la très bonne conjoncture économique et du nombre très important de créations d'emplois intervenu depuis 1998.
En 2001, 298.000 contrats devraient être signés sur les 310.000 budgétés (260.000 plus 50.000 intervenus en cours de gestion). Pour 2002, 260.000 contrats sont prévus, 80 % d'entre eux étant réservés aux publics prioritaires au taux d'aide maximum, pour un coût estimé à 1.016 millions d'euros.
Le maintien d'un nombre élevé de contrats emploi-solidarité en 2002 pose néanmoins la question de l'avenir des bénéficiaires et de la capacité de ce dispositif à réinsérer durablement dans l'emploi en particulier dans le cadre des emplois consolidés à l'issue d'un CES.
-
-
-
- • Les contrats emploi consolidé
En 2002, le Gouvernement a prévu 45.000 nouvelles entrées dans le dispositif. Les crédits consacrés à ce programme devraient s'élever à près de 1 milliard d'euros en 2002, cette hausse s'expliquant par des primes plus importantes et un effort de formation accru. A l'issue de cette législature, le bilan du recentrage des CES et CEC apparaît ambivalent.
Certes, le volume des contrats a baissé, ce qui a permis de concentrer davantage les efforts sur les publics en difficulté. Mais les résultats de cette politique ne sont pas sans limites car, faute de réformes ambitieuses du marché du travail, un nombre important de salariés semble prisonnier de ce qu'il faut bien appeler des « emplois de substitution ».
Les dernières données 29( * ) rassemblées par la DARES laissent penser que le bilan est encourageant en termes de réinsertion puisqu'elles établissent qu'une année après la fin de leur CEC, près de six personnes sur dix occupent un emploi ou sont à la recherche d'un emploi.
Situation des bénéficiaires d'un CEC un an
après leur sortie
Source : DARES
Toutefois, tous n'ont pas la même probabilité d'accéder
à l'emploi, les personnes âgées de plus de 40 ans sont plus
souvent au chômage et celles de plus de 55 ans basculent massivement dans
la préretraite ou la retraite.
Par ailleurs, les jeunes basculent souvent sur un autre dispositif aidé
à l'issue de leur contrat. En mars 2000, plus du quart des
bénéficiaires d'un CEC de moins de 30 ans, recrutés par
leur employeur à l'issue de leur contrat, l'étaient en
emploi-jeune.
Plus généralement, on constate que l'écrasante
majorité de ceux qui restent dans l'emploi à l'issue d'un CEC
demeurent dans le secteur public ou parapublic. Parallèlement, le
non-renouvellement des contrats s'explique le plus souvent par les
difficultés rencontrées par les employeurs du secteur non
marchand comme les associations pour supporter le coût de ces emplois.
Le bilan de ces contrats aidés et donc d'une certaine manière de
la loi d'orientation et de lutte contre les exclusions reste donc très
partagé puisque, selon la DARES
« seulement 40 % (des
demandeurs d'emploi) trouvent que le CEC leur a permis d'améliorer leur
situation personnelle contre 61 % des salariés en mars 2000.
Près de la moitié des demandeurs d'emploi rejettent même
le dispositif en déclarant qu'il n'a servi à rien ».
On ne peut, dans ces conditions, que regretter que le Gouvernement n'ait pas
entrepris un effort pour réinsérer davantage les demandeurs
d'emploi en situation d'exclusion dans le secteur marchand afin de leur donner
davantage de perspectives. Il a même privilégié une
démarche inverse comme en témoigne le développement du
programme emploi-jeune et les restrictions apportées au CIE.
c) Le regrettable amoindrissement du CIE
Le
contrat initiative-emploi a été créé en 1995 afin
de favoriser l'insertion professionnelle durable dans le secteur marchand des
personnes en difficulté. L'embauche dans le cadre d'un CIE ouvre droit,
pendant 24 mois, le cas échéant, à une aide dont le
montant est modulé en fonction des difficultés rencontrées
par la personne recrutée.
Les crédits consacrés au contrat initiative-emploi
s'établiront en 2002 à 781 millions d'euros
(- 28 %) à raison de 353 millions d'euros au titre des
primes (aide forfaitaire de l'Etat, aide à la formation et aide au
tutorat) et de 428 millions d'euros pour les exonérations de
charges.
La baisse de cette dotation s'explique par la suppression de
l'exonération spécifique de cotisations sociales
décidée par le Gouvernement dans le présent projet de loi
de finances
30(
*
)
à l'article 68.
Le recentrage du contrat initiative-emploi sur les publics les plus en
difficulté a commencé dès 1996. Un décret du
25 mai 1996 en a ouvert l'accès aux jeunes de faible niveau alors
qu'un autre décret du 20 août 1996 a permis de moduler les
aides en fonction de la situation des bénéficiaires.
La part des publics prioritaires est ainsi passée de 68 % en 1997
à 84 % en 1999
31(
*
)
alors même
que le nombre de contrats diminuait, du fait en particulier du retour de la
croissance (158.000 en 1999, 196.000 en 1998 et 212.000 en 1997).
Cette tendance s'est traduite par un net repli des jeunes de moins de
26 ans (17 % en 1999 cotre 25 % en 1997) et surtout une baisse
de la part des jeunes sans diplôme (10,8 % en 1999 contre
13,8 % en 1998).
Cette évolution est confirmée par des données plus
récentes
32(
*
)
sans pour autant que des
raisons très satisfaisantes aient été apportées.
Certes, les jeunes ont pu bénéficier davantage que les
chômeurs âgés du retour de la croissance, mais une autre
cause mériterait d'être examinée : le rôle du
dispositif emplois-jeunes.
La parfaite coïncidence entre la moindre proportion de jeunes
bénéficiant d'un contrat initiative-emploi et la montée en
puissance du dispositif emplois-jeunes laissent penser à un
phénomène de « vases communicants ».
Par ailleurs, la spécialisation du contrat initiative-emploi sur les
publics les plus éloignés de l'emploi illustre également
un effet d'éviction dont aurait pu être à l'origine le
«
dispositif phare
» du Gouvernement en faveur des
jeunes.
La confirmation d'une telle hypothèse -les jeunes formés ayant
davantage accès au dispositif « emplois-jeunes » que
les jeunes en difficulté qui eux seraient orientés vers un
contrat initiative-emploi- aurait de quoi surprendre. Au-delà des
interrogations légitimes qu'elle pourrait susciter -est-il bien
nécessaire de consacrer autant de moyens au dispositif emplois-jeunes
alors que des pénuries de main-d'oeuvre subsistent dans certains
secteurs ?-, cette situation serait fort instructive quant aux
capacités du secteur marchand à assurer un rôle moteur dans
l'insertion des jeunes sur le marché du travail.
La modification du régime financier du contrat initiative-emploi
apparaît, dans ces conditions, comme d'autant plus
incompréhensible qu'il s'agirait également de
« sanctionner » le succès du dispositif. En effet,
le recentrage du dispositif augmente le coût moyen des contrats qui est
passé de 12.000 francs en 1997 à plus de 15.000 francs
en 2000 pour un contrat à durée déterminée de
12 mois et de 25.000 francs à 32.000 francs pour un
contrat à durée déterminée de 24 mois ou un
contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, la
réduction des aides pourrait pénaliser particulièrement
les PME qui sont devenues au fil des années les principaux utilisateurs
du dispositif et qui sont très sensibles au montant de l'aide
financière.
Pour les bénéficiaires, cette réforme ne saurait, par
ailleurs, être considérée comme satisfaisante car le
succès du dispositif est aussi qualitatif ; il est, en effet,
maintenant démontré qu'il permet une insertion durable dans
l'économie de marché de publics en situation difficile. En 2000,
82 % des 138.000 personnes ayant signé un contrat
initiative-emploi ont bénéficié d'un contrat à
durée indéterminée.
Autant d'éléments qui devraient plaider en faveur du
développement de ce dispositif, et non dans son amoindrissement. C'est
pourquoi votre commission vous proposera de refuser l'amoindrissement du
contrat initiative-emploi proposé par le Gouvernement avec l'accord de
l'Assemblée nationale.
2. Les dispositifs en faveur de l'insertion professionnelle des publics fragilisés
a) Les stages et l'insertion par l'économique
-
-
-
- • Les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE)
En 2001, 120.000 SIFE collectifs ont été notifiés. Le projet de budget pour 2002 prévoit de reconduire à l'identique le programme Chômage de longue durée avec 90.000 places de stages SIFE collectifs, 25.000 places de stages SIFE individuels et 20.000 places de stages d'accès à l'emploi. Les crédits devraient augmenter pour atteindre près de 395 millions d'euros en 2002.
-
-
-
- • L'insertion par l'économique
Votre rapporteur pour avis observe que la nécessité de revaloriser l'aide au poste s'explique par l'application des 35 heures qui risquait de supprimer l'avantage comparatif des exonérations de charges dont bénéficiait l'insertion par l'économique. En l'espèce, ce sont plus de 11 millions d'euros sur les 18 qui augmenteront la dotation de l'insertion par l'économique qui serviront seulement à maintenir l'incitation à recourir à ce dispositif.
b) L'effort en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées
A la fin
de 1999, plus d'un demi-million de travailleurs handicapés sont dans
l'emploi
33(
*
)
. Les deux tiers d'entre eux sont
employés dans le secteur privé, en milieu ordinaire. Le dernier
tiers se répartit entre la fonction publique et le milieu
protégé. Mais 171.000 autres actifs handicapés sont au
chômage (24%) ce qui appelle des mesures adaptées pour favoriser
l'emploi de ce public spécifique.
En 2002, la dotation déconcentrée, destinée notamment aux
plans départementaux d'insertion est reconduite à hauteur de 7,33
millions d'euros.
Par ailleurs, les crédits correspondant à la subvention de
développement des ateliers protégés sont portés
à hauteur de 38,7 millions d'euros afin de permettre la création
de 500 place en ateliers protégés.
En 2002, on comptera ainsi 92.450 place de CAT, 15.600 en ateliers
protégés et 12.800 en milieu ordinaire, soit un total de 120.850
places.
Insertion professionnelle des travailleurs
handicapés
(chapitre 4471, articles 10, 30 et 50)
Article |
Libellé |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
4471-10 |
Aide aux travailleurs handicapés |
5,90 |
7,50 |
7,47 |
7,77 |
7,33 |
7,33 |
4471-30 |
Ateliers protégés |
21,88 |
22,15 |
23,64 |
24,39 |
31,40 |
38,73 |
4471-50 |
Equipes de préparation et de suivi |
7,62 |
8,14 |
8,38 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
TOTAL |
35,39 |
37,79 |
39,49 |
32,17 |
38,73 |
46,06 |
(en
millions d'euros)
Le mécanisme de la garantie de ressources (GRTH) met à la charge
de l'Etat un complément de rémunération , versé aux
travailleurs handicapés et permettant d'obtenir une
rémunération globale équivalente à celle d'un
travailleur valide.
Les moyens mobilisés à ce titre s'élève à
910 millions d'euros en 2002. Ils doivent permettre de prendre en compte la
hausse du SMIC, la création de 500 nouvelles places d'accueil en
ateliers protégés et de 500 nouvelles places de CAT.
La
garantie de ressources des travailleurs handicapés
(chapitre
4471, article 40)
Libellé |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
GRTH |
718,42 |
759,44 |
792,66 |
821,05 |
853,17 |
911,10 |
Evolution en ME |
- 10,67 |
41,02 |
33,22 |
28,39 |
32,12 |
57,93 |
Evolution en % |
- 1,49 |
5,40 |
4,19 |
3,46 |
3,91 |
6,79 |
(en millions d'euros)
C. LA NÉCESSAIRE LIMITATION DES AIDES AU RETRAIT D'ACTIVITÉ
1. La nécessité d'augmenter le taux d'activité des salariés âgés
Grâce à une forte augmentation du nombre des
jeunes
quinquagénaires (50-54 ans) et aux arrivées aux âges
élevés de générations de femmes plus actives, le
taux d'emploi des 20-59 ans a augmenté de 6 points entre 1990 et 2000
pour atteindre 67,2 %
34(
*
)
. Toutefois, la hausse
est beaucoup plus faible pour les 55-59 ans (53,7 % en mars 2000 contre 51,9%
en janvier 1990).
La plupart des partenaires sociaux et des organismes auditionnés par
votre rapporteur ont insisté sur la nécessité de revenir
sur le faible taux d'activité des salariés âgés.
La CCIP considère qu'une hausse du taux d'emploi des seniors pourrait
permettre de réduire les difficultés de recrutement dans certains
secteurs. Les syndicats, comme la CGT-FO et la CFE-CGC, estiment quant à
eux qu'il faut renforcer la formation des salariés âgés
afin de les maintenir dans l'emploi.
La question de l'emploi des travailleurs âgés est devenue une
priorité européenne. Ainsi l'agenda social européen,
adopté au Conseil européen de Nice des 7, 8 et 9 décembre
2000, a-t-il préconisé
« des politiques ambitieuses
en termes d'augmentation des taux d'activité »
et
l'accroissement des
« possibilités d'éducation et de
formation tout au long de la vie »
.
Force est de constater que si le Gouvernement a commencé à
réduire les crédits en faveur du retrait d'activité, on
est encore loin d'avoir une politique qui chercherait à promouvoir
l'augmentation du taux d'activité des seniors. Cette carence trouve en
partie son origine dans l'absence de réforme des retraites, puisque ce
qui est en question tient également au taux d'activité des
salariés de plus de 60 ans.
2. La baisse des crédits en faveur des retraits d'activité
Conformément à la ligne directrice n°3 du
Plan
national d'action pour l'emploi
35(
*
)
pour 2001
et aux engagements souscrits lors du sommet de Stockholm, le Gouvernement a
intensifié ses efforts visant à réduire les départs
précoces des travailleurs les plus âgés.
En 2002, les dotations affectées aux mesures de préretraite
diminueront dans leur ensemble de 22 %.
Retraits d'activité
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Allocations spéciales du FNE |
1.699,64 |
1.503,73 |
1.265,74 |
738,46 |
632,66 |
339,96 |
152,45 |
Cessations d'activité CATS |
|
|
|
|
|
60,98 |
143,30 |
Préretraites progressives |
370,48 |
552,48 |
468,98 |
304,59 |
243,92 |
216,33 |
192,09 |
Sidérurgie |
279,77 |
235,17 |
176,39 |
131,32 |
64,29 |
30,10 |
16,42 |
Mesures spéciales |
3,55 |
1,57 |
0,93 |
0,68 |
0,21 |
0,00 |
0,00 |
TOTAL |
2.353,44 |
2.292,94 |
1.912,04 |
1.175,06 |
941,08 |
647,37 |
504,26 |
(en
millions d'euros)
Plus précisément, les crédits consacrés aux
préretraites ASFNE et aux CATS mises en place en 2000 pour les
salariés ayant exercé leur activité professionnelle dans
des conditions particulières de pénibilité
s'élèveront à 295 millions d'euros, en baisse de plus de
26 %.
Financement du retrait d'activité
et participation
de
l'Etat aux dépenses de chômage
|
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Evolution (%) |
RETRAIT D'ACTIVITÉ |
1.905,67 |
1.578,93 |
- 17,1 |
A - Retrait d'activité |
647,36 |
504,26 |
- 22,1 |
ASFNE et CATS |
400,94 |
295,75 |
- 26,2 |
PRP |
216,33 |
192,09 |
- 11,2 |
Sidérurgie |
30,10 |
16,42 |
- 45,4 |
Mesures spéciales |
0,00 |
0,00 |
0,0 |
B - Indemnisation du chômage |
1.255,27 |
1.071,62 |
- 14,6 |
Fonds de solidarité |
1.255,27 |
1.071,62 |
- 14,6 |
C - Régimes de retraites |
3,05 |
3,05 |
0,1 |
Validation points de retraites et ACO |
3,05 |
3,05 |
0,1 |
(en
millions d'euros)
Par ailleurs, la subvention de l'Etat au fonds de solidarité diminue de
14,6 % par rapport à 2001.
Les dispositifs de cessation anticipée totale d'activité
Ne sont
étudiés ici que les systèmes de préretraites du
secteur privé
(1)
• Les dispositifs financés par l'Etat et par les partenaires
sociaux
L'ASFNE (allocation spéciale du fonds national pour l'emploi)
Les cessations anticipées d'activité totales ont
été développées il y a une vingtaine
d'années comme une réponse aux risques de licenciement des
salariés âgés dans les entreprises connaissant des
difficultés économiques.
C'est le cas en particulier des préretraites prises en charge
partiellement par l'ASFNE qui permettent, dans le cadre d'un plan social
négocié avec l'Etat, le départ des salariés
âgés d'au moins 57 ans (56 ans à titre
dérogatoire). Dans ce dispositif, il n'existe pas, hors l'âge, de
critères spécifiques quant au public concerné, ni de
contreparties concernant l'entreprise.
Depuis une dizaine d'années, l'Etat a mené une politique de
réduction du nombre des entrées en ASFNE : ce nombre qui
atteignait 56.000 en 1993 n'est plus que de 22.000 en 1997 alors qu'entre ces
deux années le taux de chômage global est resté stable et
que celui des plus de 50 ans a augmenté d'un point (de 8,3 %
à 9,3 %). Cette évolution à la baisse s'est
poursuivie entre 1997 et 2000, année durant laquelle 7.500 personnes
seulement sont entrées dans le dispositif.
L'ARPE (allocation de remplacement pour l'emploi)
De leur côté, les partenaires sociaux ont mis au point par un
accord en date du 6 septembre 1995, l'ARPE, qui permet à des
salariés remplissant certaines conditions d'âge et de durée
de cotisation au titre de l'assurance vieillesse, de mettre fin à leur
activité professionnelle de façon anticipée. Ce dispositif
a été reconduit par plusieurs accords successifs. Dans son
état actuel, il doit s'achever en 2003, et ne concerne plus que les
personnes nées en 1941 et 1942, qui justifient de 160 trimestres de
cotisation vieillesse. En contrepartie, les entreprises s'engagent à
opérer des embauches compensatrices permettant de maintenir le volume
d'heures travaillées et pour lesquelles un public prioritaire est
défini. Cette formule a connu un succès important : les taux
d'adhésion
(2)
des générations nées
entre 1938 et 1940 sont compris entre 58,6 % et 67,5 %, ce qui
correspond à des flux d'entrées de 42.800 en moyenne sur la
période » 1996-2000.
La CATS (cessation d'activité de certains travailleurs
salariés)
Par ailleurs, l'Etat ne tarit pas totalement les sources d'entrée en
préretraite : un nouveau dispositif, la CATS a été
mis au point en 2000
(décret n° 2000-105 du 9 février
2000).
Selon la circulaire d'application, ce dispositif s'inscrit dans le
mouvement de désengagement de l'Etat du financement des mesures de
cessation anticipée d'activité, tout en centrant les financements
publics sur les salariés les plus menacés dans leur emploi du
fait des conditions de travail qu'ils ont connues. Outre des conditions
d'âge (être âgé d'au moins 57 ans et au plus de 65 ans
et avoir adhéré au dispositif au plus tôt à 55 ans),
le salarié doit, pour bénéficier du financement d'une
partie de son allocation par l'Etat, avoir accompli une période d'au
moins quinze ans de travail à la chaîne ou de travail de nuit, ou
justifier de dix années d'affiliation à un régime
salarié de sécurité sociale s'il est travailleur
handicapé. En outre, cette mesure ne concerne que les salariés
appartenant à des entreprises couvertes par un accord professionnel
national qui a prévu le champ d'application de la CATS. Au sein des
entreprises, un accord collectif doit avoir prévu une durée
collective du travail inférieure à 35 heures hebdomadaires,
ainsi que des dispositions relatives à la gestion prévisionnelle
de l'emploi, au développement des compétences des salariés
et à leur adaptation à l'évolution de leur emploi.
Les autres dispositifs
Une partie des CATS n'est pas financée par l'Etat ; il s'agit de
celles concernant des salariés qui ne répondent pas aux
critères fixés par le décret de février 2000.
Toutefois, pour ces salariés, l'entreprise bénéficie d'une
exonération de cotisations sociales patronales. Sur les dix premiers
mois de fonctionnement, environ 27 % des salariés adhérents
à une CATS ne sont pas couverts par un accord de participation de l'Etat.
Il existe par ailleurs des systèmes de préretraite que les
entreprises gèrent seules ou par l'intermédiaire de compagnies
d'assurances ; ce sont les préretraites d'entreprises (parfois
appelées « maison » ou
« privées »). Ces préretraites concernent en
grande majorité des grandes entreprises appartenant à des
secteurs prospères, et son négociées avec les
organisations syndicales. Lorsque ces accords ont été
signés dans le cadre d'un plan social, l'entreprise
bénéficie d'avantages fiscaux. Dans ces dispositifs, les
critères d'éligibilité, les modalités de
départ et les systèmes de gestion sont très divers. Il
n'existe pas de système d'information centralisé permettant de
les dénombrer.
(1). Le ministère de la fonction publique chiffre à 24.586 le
nombre d'agents publics en cessation anticipée totale d'activité
fin janvier 2001.
(2). Le taux d'adhésion à l'ARPE est établi par l'UNEDIC
en rapportant au nombre de salariés qui remplissent les conditions
d'accès au dispositif le nombre de salariés qui sont
effectivement entrés dans la mesure.
IV. L'ÉVOLUTION LABORIEUSE DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI
Le
service public de l'emploi ne cesse de se réformer pour répondre
aux nouveaux enjeux qui se présentent à lui. L'adoption de la loi
d'orientation du 29 juillet 1998
relative à la lutte contre les
exclusions
avait coïncidé avec une remise à plat des
relations entre l'AFPA et l'ANPE.
La signature de la nouvelle convention relative à l'assurance
chômage et la mise en oeuvre du PARE ont nécessité de
nouvelles adaptations, cette fois dans les relations entre l'UNEDIC et l'ANPE,
qui ont permis l'entrée en vigueur de la nouvelle convention dès
juillet dernier.
Evolution des moyens du service public de l'emploi depuis
1999
Toutes ces évolutions se sont également traduites par une augmentation des moyens consacrés au service public de l'emploi depuis 1999 qui devraient atteindre 2,62 milliards d'euros en 2002 (+ 6,3 %).
A. LE MINISTÈRE DE L'EMPLOI VOIT SES MOYENS AUGMENTER SANS AVOIR POUR AUTANT À SE RÉORGANISER
La mise
en place d'un suivi personnalisé des demandeurs d'emploi a
progressivement, mais profondément, modifié les missions de
l'ANPE et de l'AFPA puis dernièrement l'organisation même de
l'assurance chômage.
Malgré plusieurs rapports qui ont pourtant mis en évidence les
lacunes de son fonctionnement, il apparaît que le ministère de
l'emploi est resté très largement à l'écart de ce
mouvement, ce qui constitue assurément une déception majeure de
la législature qui s'achève.
Dans ces conditions, il convient d'espérer que l'expérimentation
qui sera conduite en 2002 de globalisation des crédits de personnel et
de fonctionnement dans la région Centre sera le prémisse à
des réformes plus audacieuses ouvrant, par exemple, la voie à
l'expérimentation de certaines politiques au niveau local en
concertation avec les partenaires sociaux et les collectivités
concernées.
1. Des crédits qui continuent à augmenter
Les
dépenses propres au ministère de l'emploi évoluent de
manière contrastée selon qu'il s'agit de personnel (+ 4,4 %), de
fonctionnement (+ 5,3 %) ou d'équipement (- 52,8 %).
Le projet de budget prévoit la création de 140 emplois dont 120
dans les services déconcentrés et 20 en administration centrale.
Ces créations d'emplois se traduiront en particulier par
l'arrivée de 22 inspecteurs du travail et de 78 contrôleurs du
travail supplémentaires.
La baisse importante des crédits d'équipement s'explique par une
modification de la clef de répartition des autorisations de programme
(AP) et des crédits de paiement (CP) afin de tenir compte du rythme
observé dans la consommation des crédits par les services.
2. Un ministère qui tarde à entreprendre sa propre réforme
La
commission des Finances de notre Assemblée a analysé,
l'année dernière, la gestion des emplois du ministère
mettant en évidence des dysfonctionnements liés à une trop
grande centralisation
36(
*
)
.
Nos collègues, MM. Joseph Ostermann et Gérard Braun, avaient
proposé pour l'avenir d'accroître la rémunération au
mérite, de définir plus clairement les critères de
l'absentéisme et de développer la gestion prévisionnel des
effectifs.
Force est de constater que le Gouvernement n'a pas apporté de
réponses significatives aux observations présentées par ce
rapport de la commission des Finances, dans ce projet de budget.
Une autre piste de réforme pourrait concerner le rôle et les
moyens de l'Inspection du travail. Si nul ne conteste son utilité et la
légitimité de son action, il apparaît aujourd'hui que ses
missions semblent parfois encore trop confuses puisqu'elles associent
« le contrôle, le jugement et
l'exécution »,
comme l'a souligné l'IFEC lors de
son audition par votre rapporteur.
GESTION DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
(à structure 2002) |
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Evolution
|
LA GESTION DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI |
2.466,07 |
2.622,83 |
6,4 % |
A - Administration générale |
566,13 |
586,79 |
3,7 % |
Personnel |
418,93 |
437,35 |
4,4 % |
Fonctionnement |
137,52 |
144,87 |
5,3 % |
Equipement |
9,68 |
4,57 |
- 52,8 % |
B - ANPE |
1.056,94 |
1.176,00 |
11,3 % |
Subvention de fonctionnement |
1.050,45 |
1.169,28 |
11,3 % |
Subvention d'équipement |
6,49 |
6,72 |
3,5 % |
C - AFPA et autres organismes de formation |
752,70 |
765,12 |
1,7 % |
Subvention de fonctionnement AFPA |
688,66 |
704,32 |
2,3 % |
Subvention d'équipement AFPA |
54,55 |
52,00 |
- 4,7 % |
Acquisitions immobilières |
0,00 |
0,00 |
0,0 % |
Autres organismes de formation professionnelle |
6,49 |
6,49 |
0,1 % |
Contrats de plan Etat-régions 2000-2006 |
1,94 |
1,61 |
- |
Autres subventions d'équipements |
1,07 |
0,70 |
- 34,4 % |
D - Relations du travail |
42,70 |
43,97 |
3,0 % |
Conseil supérieur de la prud'homie |
0,09 |
0,09 |
0,0 % |
ANACT et FACT (6672) |
11,04 |
11,39 |
3,2 % |
Elections prud'homales |
0,17 |
0,17 |
0,0 % |
Dépenses d'intervention (dont FACT) |
31,40 |
32,32 |
2,9 % |
E - Etudes et coopération internationale |
18,29 |
18,67 |
2,1 % |
Etudes |
7,81 |
8,02 |
2,7 % |
Recherche : |
|
|
|
- CEE |
5,30 |
5,41 |
2,0 % |
- Conventions d'études |
0,63 |
0,63 |
0,0 % |
CEREQ |
2,29 |
2,35 |
2,7 % |
Autres organismes |
2,27 |
2,27 |
0,0 % |
F - Frais de gestion |
29,32 |
32,28 |
10,1 % |
Frais de gestion CNASEA |
29,32 |
32,28 |
10,1 % |
(En millions d'euros)
B. L'ANPE DÉVELOPPE SA FONCTION DE PARTENAIRE DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE
La nouvelle convention d'assurance chômage a amené l'ANPE à généraliser le suivi personnalisé des demandeurs d'emploi.
1. Des moyens en augmentation dans le cadre du 3ème contrat de progrès
Le
3
ème
contrat de progrès (1999-2003) conclu entre
l'Etat et l'agence a mis en oeuvre les recommandations des lignes directrices
pour l'emploi définies au niveau européen et
déclinées au niveau national dans le plan national d'action pour
l'emploi.
L'ANPE s'est ainsi vu demander de prévenir et réduire le
chômage de longue durée, de faciliter les recrutements, de
« globaliser » les moyens de lutte contre le chômage
et de développer les services à distance et de proximité.
En outre, il lui était demandé de travailler en
complémentarité avec l'AFPA
37(
*
)
.
Dans ce cadre, l'ANPE a développé des actions de suivi
personnalisé favorisant un « nouveau départ »
à un nombre croissant de demandeurs d'emploi, en particulier les adultes
n'ayant pas atteint 12 mois de chômage, les jeunes n'ayant pas atteint 6
mois de chômage, les jeunes et les adultes au chômage depuis plus
de 2 ans et les bénéficiaires du RMI.
Ces nouvelles missions ont entraîné une augmentation sensible de
ses moyens depuis 1999.
Les crédits de l'agence nationale pour l'emploi (ANPE)
|
Personnel et fonctionnement 3661-10 |
Investissements 6672 20 (CP) |
Annulations |
Total après annulation |
Evolution (%) |
1994 |
744,02 |
8,55 |
|
752,57 |
|
1995 |
782,91 |
7,41 |
25,64 |
764,68 |
1,6 |
1996 |
811,89 |
6,95 |
25,05 |
793,79 |
3,8 |
1997 |
793,39 |
5,68 |
12,20 |
786,87 |
- 0,9 |
1998 |
793,39 |
2,86 |
|
796,25 |
1,2 |
1999 |
878,87 |
2,29 |
|
881,16 |
10,7 |
2000 |
969,25 |
3,53 |
|
972,78 |
10,4 |
2001 |
1.050,45 |
6,49 |
|
1.056,94 |
8,7 |
2002 |
1.169,28 |
6,72 |
|
1.176,00 |
11,3 |
(en
millions d'euros)
Pour 2002, la subvention de fonctionnement augmente de 11,3 % pour
s'établir à 1,17 milliard d'euros, ce qui devrait permettre la
création de 570 nouveaux emplois.
2. Un rôle important dans la mise en oeuvre du PARE
Depuis
le 1
er
juillet 2001, l'ANPE est chargée de la mise en oeuvre
du programme d'action personnalisé pour un nouveau départ
(PAP-ND) qui, dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE)
conclu par les partenaires sociaux à l'occasion du renouvellement de la
convention de l'assurance chômage, généralise la
démarche individualisée et concerne désormais tous les
demandeurs d'emploi, depuis le début de la période de
chômage jusqu'au retour à l'emploi.
Auditionné par votre rapporteur pour avis
38(
*
)
, M. Michel Bernard, directeur général
de l'ANPE, a déclaré que la mise en oeuvre du PARE suivait son
cours en dépit des interrogations qui avaient pu apparaître quant
aux dispositions juridiques sur lesquelles il est fondé.
L'ANPE prévoit de conclure 4,5 millions de PAP-ND entre juillet 2001 et
juillet 2002 dont 3,5 millions pour les nouveaux inscrits. Entre le
1
er
juillet et le 30 septembre 2001, 1.114.600 personnes sont
entrées dans le dispositif PAP-ND, dont 700.800 nouveaux inscrits.
C. L'UNEDIC S'AFFIRME COMME UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI
L'UNEDIC ne fait pas partie du service public de l'emploi ; toutefois l'étendue de ses liens avec celui-ci justifie pleinement que sa situation soit brièvement évoquée.
1. Un partenaire exigeant du service public de l'emploi
La
convention du 1
er
janvier 2001 relative à l'aide au retour
à l'emploi et à l'indemnisation du chômage a sensiblement
modifié les rapports entre le régime gestionnaire de l'assurance
chômage et le service public de l'emploi. Celles-ci ont été
redéfinies dans la convention Etat-UNEDIC-ANPE du 13 juin 2001
relative à la mise en oeuvre du plan d'aide au retour à
l'emploi
ainsi que dans une convention ANPE-UNEDIC du même jour
relative à la mise en oeuvre du plan d'aide au retour à
l'emploi et du projet d'action personnalisé.
Le nouveau dispositif établit un lien très clair entre d'une part
le droit aux allocations d'aide au retour à l'emploi et, d'autre part,
l'engagement du demandeur d'emploi à établir et à mettre
en oeuvre un projet d'action personnalisé (PAP) pouvant comprendre par
exemple des actions d'adaptation ou de conversion, des actions
appropriées pour soutenir la recherche d'emploi et une aide à la
mobilité géographique.
L'article 13 de la convention ANPE-UNEDIC, relatif au suivi du PAP,
prévoit que lorsque le demandeur ne réalise pas ses
engagements
, « l'ASSEDIC informe l'ANPE des décisions de
suspension (de l'aide) qu'elle a été amenée à
prendre »
39(
*
)
. Ce faisant,
l'UNEDIC renonce à un rôle passif de « guichet
ouvert » pour se transformer en partenaire exigeant du service public
de l'emploi. Il s'agit assurément de la principale -sinon de la seule-
réforme du marché du travail menée depuis 1997.
2. Des relations avec l'Etat qui tardent à se normaliser
Les
relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC n'ont pas cessé de
se dégrader depuis 1997. Qu'il s'agisse de la prise en charge des
cotisations de certains bénéficiaires de contrats de travail
aidés (emplois jeunes, CES) embauchés par l'Administration, de la
gestion des conventions de conversion ou du coût de l'inscription des
chômeurs, les différends se sont accumulés.
Or, l'UNEDIC s'est engagée à verser 15 milliards de francs
à l'Etat (7 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en
2002) à l'occasion de la signature de la nouvelle convention
d'assurance-chômage afin notamment de solder des engagements anciens
remontant à 1993 lorsque le régime rencontrait d'importantes
difficultés.
L'UNEDIC a été formellement autorisée à honorer cet
engagement par l'article 5 de la loi n° 2001-624 du
17 juillet 2001
portant diverses dispositions d'ordre social,
éducatif et culturel
40(
*
)
.
Le montant du versement pour 2001 est inscrit dans le projet de loi de finances
rectificative pour 2001 en tant que recette non fiscale à hauteur de
1,07 milliard d'euros. Il est formellement compris dans la rubrique
recettes diverses (lige 0899) dont le total atteint 8,1 milliards de
francs
41(
*
)
.
L'UNEDIC a déjà versé 4 milliards de francs au
Gouvernement à la mi-novembre mais, selon les informations recueillies
par votre rapporteur pour avis
42(
*
)
, elle
n'aurait pas l'intention de verser le solde si un accord n'est pas
trouvé pour apurer les différends financiers avec l'Etat. Le
total des engagements de l'Etat envers l'UNEDIC serait compris entre 1 et 3
milliards de francs selon que le calcul serait ou non rétroactif.
Une crise entre l'Etat et l'UNEDIC ne saurait donc être exclue d'ici la
fin de l'année. Votre commission a déjà plusieurs fois
attiré l'attention sur le fait que l'Etat avait tendance à ne pas
honorer ses engagements envers l'UNEDIC, notamment en ce qui concerne la prise
en charge des cotisations d'allocations chômage des emplois-jeunes.
Le temps semble donc venu pour l'Etat de clarifier enfin cette situation, et un
accord concernant ce versement de 3 milliards de francs à venir
pourrait en constituer l'occasion.
V. LA NÉCESSAIRE REDÉFINITION DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
Le
présent avis, comme les différents travaux réalisés
par votre commission au cours de cette législature, met en
évidence le caractère globalement inadapté de la politique
menée dans le domaine de l'emploi depuis 1997.
Certes, certaines actions ont été bénéfiques, c'est
le cas du programme TRACE développé en application de
recommandations établies au niveau de l'Union européenne. Par
ailleurs, le programme « emplois-jeunes », malgré
ses faiblesses et la nécessité de le faire évoluer pour
permettre à chaque jeune de pouvoir accéder à un emploi
pérenne, ne doit pas être condamné eu égard au fait
qu'il a, à un moment, permis de proposer des solutions à de
nombreux jeunes en détresse d'emploi.
Il n'est malheureusement pas possible d'en dire autant des autres initiatives
prises par le Gouvernement, en particulier dans le domaine de la
réglementation du travail. C'est pourquoi, votre commission vous
proposera de rappeler les quelques priorités qui lui semblent devoir
mériter d'être retenues dans le domaine de l'emploi pour la
prochaine législature.
A. RÉTABLIR LA CONFIANCE AVEC LES PARTENAIRES SOCIAUX
Les
auditions des partenaires sociaux, auxquelles procède
régulièrement votre commission des Affaires sociales, ont
laissé apparaître, puis se développer, une véritable
crise de confiance entre le Gouvernement et les forces vives de notre
démocratie sociale.
Dans ces conditions, le rétablissement de la confiance passe, sans aucun
doute, par une redéfinition du rôle respectif de l'Etat et des
partenaires sociaux dans la conduite des relations sociales.
1. Redéfinir le rôle respectif de la loi et du contrat
La
grande confusion qui caractérise le budget de l'emploi et celui de la
sécurité sociale et qui se cristallise dans l'invraisemblable
FOREC illustre aussi le degré inouï de mélange des genres
auquel nous sommes parvenus au terme de cette législature. Sans les 35
heures obligatoires, pas de FOREC. Or les 35 heures sont avant tout le produit
d'une certaine conception des relations sociales qui s'est illustrée
dès la Conférence nationale du 10 octobre 1997 qui a
marqué le début de l'ère de la défiance de la part
de l'Etat vis-à-vis des partenaires sociaux.
La reconstruction de notre démocratie sociale passe donc d'abord par une
redéfinition du rôle respectif de l'Etat et des partenaires
sociaux, de la loi et du contrat. La loi doit certes continuer à fixer
les grands principes fondamentaux du droit du travail (durée maximale du
travail, repos, congés, âge minimum...) mais l'application de ces
grands principes doit maintenant relever prioritairement de la
négociation collective.
Eu égard à la qualité exceptionnelle de ce document, votre
rapporteur a souhaité inclure en annexe du présent avis
43(
*
)
le texte de la position commune adoptée le 16
juillet dernier par les partenaires sociaux qui définit
« les voies et moyens de l'approfondissement de la
négociation collective »
. Le document a vocation à
inspirer le débat public. Il constitue à n'en pas douter une
bonne base de travail pour rétablir la confiance entre les partenaires
sociaux et l'Etat.
2. L'indispensable modification de la loi « Aubry II »
La loi
du 19 janvier 2000 dite loi « Aubry II » symbolise,
à elle-seule, ce que peut être une mauvaise gouvernance sociale.
Absence de confiance vis-à-vis des partenaires sociaux, abaissement
autoritaire de la durée légale du temps de travail, mise à
contribution des finances publiques et des finances sociales...
Votre commission ne peut que rappeler
44(
*
)
par
ailleurs ses regrets que la seconde loi Aubry n'ait pas validé
intégralement le contenu des accords signés sur le fondement de
la loi du 13 juin 1998. Il en est ressorti une grande insécurité
juridique pour les parties signataires. Elle considère que le
législateur doit être respectueux des accords existants comme le
prévoyait la loi quinquennale du 20 décembre 1993.
Dans ces conditions, étant donné le caractère insuffisant
des aménagements apportés à cette loi par la voie
réglementaire et compte tenu du « triste bilan » qui
peut en être fait
45(
*
)
, votre commission
est favorable à la révision de la loi du 19 janvier 2000.
Sans revenir nécessairement sur l'abaissement de la durée
légale du temps de travail qui est devenu une réalité, il
lui semble nécessaire de donner aux partenaires sociaux la
possibilité de négocier sur la question du volume et de la
rémunération des heures supplémentaires.
Mais cette nouvelle négociation ne saurait en rester là, elle
pourrait aussi concerner la prise en compte du temps relatif à la
formation -comme le suggère FO- les règles applicables aux cadres
et le rôle du compte épargne temps (CET). Comme l'ont
montrées les auditions auxquelles a procédé votre
rapporteur, une telle évolution nécessiterait également
des contreparties en faveur des salariés que ce soit en termes de
pouvoir d'achat ou de formation tout au long de la vie.
B. ÉVALUER L'ENSEMBLE DES POLITIQUES EN FAVEUR DE L'EMPLOI
1. Le nécessaire réexamen de l'ensemble des dispositifs en faveur de l'emploi
L'examen
des crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le
projet de loi de finances pour 2002 a mis en évidence le manque de
cohérence de ce budget.
La multiplication, comme la superposition, des dispositifs, la
débudgétisation du financement des 35 heures ainsi que l'absence
de priorité clair au développement d'emplois pérennes
enlèvent à ce budget la lisibilité qui lui est pourtant
indispensable. L'IFEC a considéré lors de son audition par votre
rapporteur que
« la politique de l'emploi menée est
systématiquement conjoncturelle et que seuls 22 % des chefs d'entreprise
sont intéressés par ces dispositifs qui leur apparaissent comme
trop compliqués et contraignants »
. Un effort
d'évaluation et de simplification est donc indispensable.
En tout état de cause, il apparaît que des efforts sont encore
nécessaires en termes de réduction du coût du travail comme
le soulignent la CCIP et l'IFEC. Compte tenu de la nécessité de
limiter les dépenses afférentes en particulier au financement des
35 heures, votre rapporteur retient l'idée évoquée par la
CFE-CGC d'allègements plus ciblés qui pourraient concerner par
exemple l'emploi des cadres dans les petites PME et celle proposée par
l'IFEC de soutenir l'effort de recherche et développement.
2. L'indispensable évolution du programme « emplois-jeunes »
Les
propositions de votre commission concernant l'évolution du programme
« emplois-jeunes » sont connues. Elles ont
été développées lors de l'adoption même de
cette loi
46(
*
)
puis reprises, actualisées
et développées l'année dernière pas notre
collègue Alain Gournac
47(
*
)
.
Qu'il s'agisse de la nécessité d'évaluer le dispositif, de
développer le tutorat-référent, d'inciter les employeurs
à contractualiser avec les entreprises, de promouvoir le multisalariat
en temps partagé, d'instaurer une prime dégressive pour favoriser
l'embauche par des entreprises ou encore d'avancer vers la
décentralisation du dispositif, aucune de ces propositions n'a perdu de
son actualité.
C. AUGMENTER LE TAUX D'ACTIVITÉ
1. Encourager l'entrée dans l'emploi
Comme
cela a déjà été souligné, des progrès
ont été réalisés au cours de cette
législature pour ramener vers l'emploi les publics qui en étaient
les plus éloignés (TRACE, contrats de qualification adulte...).
Néanmoins il reste beaucoup à faire, notamment pour favoriser
l'activité des jeunes. A cet égard, il pourrait être utile
de revenir sur l'amoindrissement du CIE. Le succès de ce dispositif,
créé par la précédente majorité, pour
intégrer les jeunes dans le secteur marchand laisse penser qu'il
constitue un outil efficace qui mériterait d'être étendu.
Par ailleurs, l'effort en faveur de la formation, notamment en alternance,
constitue le parent pauvre de cette législature comme l'a montré
dans son avis au nom de notre commission notre collègue, Annick
Bocandé. La formation pourrait utilement devenir une des
priorités de la prochaine législature.
2. Favoriser le maintien dans l'emploi
L'augmentation du taux d'activité des salariés
âgés constitue également un autre axe à
développer conformément aux recommandations européennes
des lignes directrices pour l'emploi. Des solutions nouvelles sont à
imaginer. Le travail à temps partiel et le développement du
tutorat constituent des pistes à ne pas négliger.
A ce stade, votre rapporteur s'interroge sur le maintien de la
« contribution Delalande » qui semble constituer un
obstacle important à l'embauche des salariés âgés,
comme l'ont souligné plusieurs interlocuteurs lors de ses auditions.
*
*
*
En
conclusion, et après avoir, à nouveau rappelé le
caractère inadapté de la politique de l'emploi menée par
le Gouvernement,
votre commission des Affaires sociales a émis un
avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés
au travail et à l'emploi dans le budget pour 2002.
Elle a émis un
avis favorable à l'adoption de l'article 69
rattaché
. Elle a par ailleurs adopté
deux amendements de
suppression, l'un de l'article 68, l'autre de l'article 70 bis
.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Art. 68
(art. L. 322-4-2 et L. 322-4-6 du code du
travail)
Réforme du contrat
initiative-emploi
Objet : cet article réforme la liste des
publics
bénéficiaires et le régime de l'aide financière du
contrat initiative-emploi.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a modifié, à l'initiative du
Gouvernement, le contrat initiative-emploi créé par la
précédente majorité en 1995.
A. Le dispositif juridique du contrat initiative-emploi
En 1995, les pouvoirs publics ont mis en place le contrat initiative-emploi
dans le but de faciliter l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi
durablement exclus du marché du travail ou rencontrant de grandes
difficultés.
Après une première période de mise en oeuvre, le
dispositif a été profondément remanié au cours de
l'année 1996. Une première modification intervenue en mai
(décret du 22 mai 1996) a ouvert l'accès de cette mesure aux
jeunes de faible niveau de qualification. En août (décret du 20
août 1996), les pouvoirs publics ont désiré moduler les
avantages attachés au contrat initiative-emploi en fonction de la
situation des personnes embauchées.
Selon les termes des trois premiers alinéas de
l'article L. 322-4-2, il s'adresse aujourd'hui :
- aux demandeurs d'emploi de longue durée ayant au moins
12 mois d'inscription à l'ANPE dans les 18 mois
précédant l'embauche ;
- aux bénéficiaires du RMI ainsi qu'à leurs conjoints
ou concubins ;
- aux bénéficiaires de l'allocation spécifique de
solidarité ;
- aux travailleurs handicapés et assimilés ;
- aux personnes âgées de plus de 50 ans privées
d'emploi ;
- aux jeunes ayant moins de 26 ans sans emploi (non indemnisés
ou issus d'un contrat d'orientation ou d'un contrat emploi-solidarité)
et sans diplôme (niveau VI ou Vbis) ;
- aux personnes bénéficiant de l'assurance veuvage ;
- aux femmes isolées chargées (ou ayant été
chargées) de famille ;
- aux anciens détenus ;
- aux Français ayant perdu leur emploi à l'étranger.
Il peut également être conclu avec les salariés qui
bénéficient d'un contrat emploi-solidarité, d'un contrat
emploi consolidé ou qui font l'objet d'une mesure d'insertion par
l'économique.
Le contrat initiative-emploi est un contrat à durée
indéterminée ou déterminée de 12 à
24 mois. Il peut être à temps plein ou à temps partiel
(sans pouvoir être inférieur -sauf exception- à
16 heures hebdomadaires pouvant être réparties sur le mois ou
sur l'année).
Il ouvre droit pour l'ensemble des publics à une exonération des
charges patronales de sécurité sociale pour la partie du salaire
n'excédant pas le SMIC et pour une durée de 24 mois maximum.
Cette durée peut être portée jusqu'à l'âge de
la retraite pour les salariés de plus de 50 ans sous certaines
conditions (chômeurs depuis plus de 12 mois,
bénéficiaires du RMI sans emploi depuis 12 mois,
travailleurs handicapés). Par ailleurs, une aide supplémentaire
de l'Etat sous forme de prime mensuelle est accordée pour l'embauche de
certains publics dits prioritaires.
Selon les termes des quatre derniers alinéas de
l'article L. 322-4-2, on distingue trois types de public
d'après les trois types d'aide dont peuvent bénéficier les
entreprises utilisatrices du dispositif (
voir encadré
ci-après
).
Le salarié est rémunéré selon la convention de
l'entreprise, et au minimum pour un salaire égal au SMIC.
Les contrats initiative-emploi peuvent être signés par toutes les
entreprises assujetties à l'UNEDIC, mais ils ne doivent pas
résulter du licenciement d'un salarié sous contrat à
durée indéterminée, ni entraîner un licenciement.
Par ailleurs, les entreprises ayant procédé à un
licenciement économique dans les six mois précédant
l'embauche ne peuvent bénéficier d'un contrat initiative-emploi.
Le cas échéant, les employeurs peuvent percevoir une aide de
l'Etat pour la formation des salariés d'un montant de 50 francs par
heure de formation (dans la limite de 200 à 400 heures), et d'une aide
au tutorat sous la forme d'un forfait de 3.500 francs.
Ce dispositif est incompatible avec toute autre forme d'aide à l'emploi.
Une aide modulée selon les publics
PUBLICS PRIORITAIRES |
|
|
Publics les plus prioritaires |
|
|
Exonération de charges + prime de 2.000 francs |
Exonération de charges + prime à 1.000 francs |
Exonération de charges uniquement |
- Bénéficiaires du
RMI
|
- Chômeurs inscrits à l'ANPE pendant au moins 24 mois durant les 36 derniers mois |
Autres bénéficiaires et notamment les demandeurs d'emploi ayant 12 mois d'inscription à l'ANPE dans les 18 mois précédant l'embauche |
Depuis
janvier 1999 (décret du 8 décembre 1998), l'employeur doit
déposer la demande de convention à l'ANPE préalablement
à l'embauche. Auparavant, il avait la possibilité de la
déposer dans le mois suivant l'embauche.
B. La réforme adoptée par l'Assemblée
nationale
Le paragraphe I du présent article modifie les dispositions de
l'article L. 322-4-2 qui établit la liste des publics
concernés par le dispositif ainsi que la nature des aides
afférentes.
La rédaction en vigueur est très précise dans
l'énumération des publics cibles, comme cela a déjà
été indiqué. La nouvelle rédaction est beaucoup
moins précise puisqu'elle se contente de faire
référence :
- aux demandeurs d'emploi de longue durée ;
- aux bénéficiaires de minima sociaux ;
- et aux personnes qui, du fait de leur âge, de leur handicap, de
leur situation sociale ou familiale, rencontrent des difficultés
particulières d'accès à l'emploi.
De même, il n'est plus fait référence explicitement, parmi
les publics cibles, des bénéficiaires de contrat
emploi-solidarité (
art. L. 322-4-7
), de contrat emploi
consolidé (
art. L. 322-4-8-1
) ou de l'insertion par
l'activité économique (
art. L. 322-4-16
).
Parallèlement, le régime de l'aide est modifié.
Alors que l'article L. 322-4-2 prévoyait une prime et un
allégement de cotisations sociales, la nouvelle rédaction ne
retient que la prime modulable selon la situation du bénéficiaire.
L'exonération spécifique de cotisations sociales est
remplacée par les exonérations prévues par la loi
Aubry II du 19 janvier 2000 relative aux 35 heures. En
conséquence, l'article L. 322-4-6 qui définissait
l'exonération spécifique de cotisations sociales est
abrogé (
paragraphe II
).
Toutefois, le droit en vigueur reste applicable aux contrats initiative-emploi
en cours au 1
er
janvier 2002 (
paragraphe III
).
II - La position de votre commission saisie pour avis
Votre commission s'interroge sur l'utilité qu'il y avait à
rerédiger entièrement l'article L. 322-4-2 du code du
travail relatif au contrat initiative-emploi.
La nouvelle rédaction plus générale devient aussi plus
arbitraire puisque le Gouvernement pourra, par décret, décider
quels sont précisément les publics prioritaires et ainsi faire
évoluer à sa convenance ce dispositif, que ce soit en termes de
publics concernés ou de crédits consacrés à cette
mesure, puisque le deux sont liés.
Par ailleurs, le reprofilage de l'aide, notamment pour sa partie prenant la
forme d'une exonération de charges sociales, apparaît pour le
moins injustifié.
En effet, le lien opéré entre le contrat initiative-emploi et les
35 heures n'a pas été expliqué hormis par une
préoccupation ayant trait à un effort de simplification. Or,
outre que les allégements de cotisations sociales prévus par la
loi Aubry II devraient être moins favorables, puisque le
Gouvernement prévoit une économie en 2002 de 77,6 millions
d'euros sur le chapitre 44-70 du budget de l'emploi, des interrogations
subsistent quant à la situation d'une entreprise qui ne serait pas
passé aux 35 heures au regard des nouvelles conditions
prévues pour recourir au contrat initiative-emploi.
Ces incertitudes concernent en particulier les PME qui
bénéficient de conditions spécifiques pour mettre en place
la RTT (décret du 15 octobre 2001). Auront-elles toujours droit au
bénéfice d'exonérations de charges sociales si elles
décident de recourir au CIE ?
Ces questions sont essentielles. Malheureusement, il n'a pas été
possible d'obtenir de la part du Gouvernement des réponses du fait de
l'annulation par la ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme
Elisabeth Guigou, de son audition par votre commission.
Enfin, à un moment où le chômage remonte et où il
apparaît que la politique de l'emploi n'a pas permis de réduire
significativement le chômage structurel, il semble que c'est plutôt
l'extension du contrat initiative-emploi qui devrait être à
l'ordre du jour, eu égard à ses bons résultats
48(
*
)
.
C'est pourquoi votre commission vous proposera d'adopter un amendement de
suppression de cet article
.
Art. 69
(art. 5 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998
d'orientation relative à la lutte contre les exclusions)
Institution
d'une bourse d'accès à l'emploi pour les jeunes engagés
dans le programme trajet d'accès à l'emploi
(TRACE)
Objet : cet article institue, à titre
expérimental, pour l'année 2002, une bourse d'accès
à l'emploi pour les jeunes engagés dans le programme TRACE.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale, en première lecture, a adopté une
nouvelle rédaction du paragraphe III de l'article 5 de la loi
n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la
lutte contre les exclusions.
Ce paragraphe prévoit actuellement que les jeunes qui rencontrent des
difficultés matérielles, notamment en matière de logement,
pendant les périodes durant lesquelles ils ne bénéficient
pas d'une rémunération au titre d'un stage, d'un contrat de
travail ou d'une autre mesure dans le cadre des actions d'accompagnement
personnalisé, bénéficient de l'accès aux fonds
départementaux d'aide aux jeunes prévus par la loi du
1
er
décembre 1988 relative au RMI.
Le présent article prévoit un nouveau dispositif ayant un objet
similaire qui prendrait la forme d'une bourse d'accès à l'emploi.
Cette disposition est prévue, à titre expérimental, pour
les jeunes entrés dans le programme entre le 1
er
janvier
2002 et le 1
er
janvier 2003.
Les conditions d'attribution, le montant et les conditions de versement de
cette bourse sont déterminés par décret.
Le coût de cette mesure, inscrite au budget de l'emploi au titre IV
relatif aux interventions publiques consacrées aux dispositifs
d'insertion des publics en difficulté (
art. 63 du
chapitre 44-70
) est fixé en 2002 à 76,2 millions
d'euros.
II - La position de votre commission saisie pour avis
La création de ces bourses semble aller dans le bon sens puisqu'elle
devrait permettre, selon le Gouvernement, «
aux jeunes
engagés dans le programme TRACE
de bénéficier d'une
relative sécurité financière pendant toute la durée
de leur parcours d'insertion
» afin de garantir
«
une égalité des chances pour l'accomplissement du
parcours TRACE au profit des jeunes en situation de rupture ou que leur famille
ne peut aider financièrement
. »
49(
*
)
Néanmoins, il aurait été intéressant, avant de
rerédiger partiellement cet article de la loi du 29 juillet 1998,
que le Gouvernement présente un bilan de son application - dans quelle
mesure le dispositif actuellement en vigueur est-il insuffisant ?-. Par
ailleurs, votre commission aurait aimé connaître le coût net
du dispositif proposé -c'est-à-dire une fois déduit le
montant des crédits affectés au dispositif en vigueur- afin de
pouvoir mesurer l'effort réel consenti. Enfin, rien n'est prévu
pour déterminer comment sera évaluée cette
expérimentation avant qu'elle ne devienne caduque l'année
prochaine.
Toutes ces questions auraient mérité des éclaircissements
de la part du Gouvernement afin, en particulier, que votre commission puisse,
le cas échéant, améliorer le dispositif par voie
d'amendements.
Malheureusement, l'annulation par la ministre de l'emploi et de la
solidarité, Mme Elisabeth Guigou, de son audition devant votre
commission, prévue le 20 novembre 2001, n'a pas permis d'apporter
les réponses attendues.
Etant donné la nature de la mesure proposée, votre commission a
néanmoins décidé, et ce malgré ces circonstances
défavorables,
d'adopter cet article sans modification
.
Art. 70 bis
(art. L. 351-10-1 du code du
travail)
Création d'une allocation équivalent
retraite
Objet : Le présent article est le fruit d'un
amendement adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du
Gouvernement. Il propose de substituer à l'allocation spécifique
d'attente (ASA) une nouvelle allocation appelée « allocation
équivalent retraite » afin de permettre aux demandeurs
d'emploi qui ont cotisé au moins 160 trimestres, mais qui n'ont pas
encore 60 ans, de bénéficier d'une garantie de ressources
améliorée.
I- Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le texte adopté par l'Assemblée nationale a pour
conséquence de supprimer l'ASA créée par la loi
n° 98-285 du 17 avril 1998.
A. L'allocation spécifique d'attente (ASA)
L'article L. 351-10-1 en vigueur prévoit que les
bénéficiaires de l'allocation de solidarité
spécifique (ASS) et du RMI peuvent bénéficier d'une
allocation spécifique d'attente à la charge du Fonds de
solidarité lorsqu'ils justifient, avant l'âge de soixante ans,
d'au moins 160 trimestres validés dans les régimes de base
obligatoires d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues
équivalentes. Cet article indique également que «
le
total des ressources des bénéficiaires de l'allocation
spécifique d'attente ne pourra être inférieur à un
montant fixé par décret
50(
*
)
».
Par ailleurs, l'article L. 351-10-1 dispose que le montant de l'ASA
n'est pas pris en compte dans le calcul de l'ASS et du RMI.
Enfin, les modalités d'application de cet article sont renvoyées
à un décret en Conseil d'Etat et le montant de l'allocation
à un décret.
B. L'allocation équivalent retraite (AER)
L'Assemblée nationale a adopté, lors de la première
lecture de ce projet de budget, un amendement présenté par le
Gouvernement qui rerédige l'article L. 351-10-1 et qui
substitue l'allocation équivalent retraite à l'allocation
spécifique d'attente. Cette nouvelle allocation fusionne dans une
allocation spécifique l'ASS majorée et l'ASA.
Selon les déclarations du Gouvernement : «
Un
décret en Conseil d'Etat fixera les plafonds de ressources ouvrant droit
à l'allocation, qui sera versée de façon dégressive
jusqu'à un plafond de 9.000 francs pour une personne seule et de
13.000 francs pour un couple
».
51(
*
)
Cette nouvelle allocation devrait permettre, selon le Gouvernement, à
ses bénéficiaires de disposer d'une garantie de ressources
supérieure au régime antérieur de l'ASA.
II - La position de votre commission saisie pour avis
Votre commission a déjà eu l'occasion d'examiner une disposition
ayant un objet proche lors du débat sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002.
En effet, l'article 26 A, introduit par l'Assemblée nationale
à l'initiative du Gouvernement, prévoyait déjà de
modifier l'ASA afin notamment d'exclure les revenus du conjoint de son calcul
et de modifier son plafond.
Comme le soulignait déjà notre collègue, Alain
Vasselle : «
cet article est le fruit d'une âpre
négociation au sein de la majorité plurielle. Il a le statut de
« lot de compensation » au regard d'un amendement,
initialement adopté par la commission des Affaires culturelles,
familiales et sociales de l'Assemblée nationale, qui attribuait la
retraite à taux plein à toute personne bénéficiant
de quarante années de cotisations
»
52(
*
)
.
Or, le coût d'une telle mesure était estimé à au
moins 25 milliards de francs. C'est pourquoi le Gouvernement a imaginé
de « relooker » un dispositif déjà existant
avant de se livrer, comme l'expliquait lors du débat sur le PLFSS notre
collègue, Alain Vasselle, à une entreprise qui
«
relève d'une désinformation savamment entretenue
et d'une gesticulation sans précédent »
.
53(
*
)
Le Gouvernement a cependant dû reconnaître qu'un tel dispositif
n'avait pas sa place dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale eu égard à la nature du
financement de l'ASA qui relève du Fonds de solidarité,
alimenté par la contribution exceptionnelle de solidarité et par
une subvention de l'Etat.
L'article 26 A a donc été supprimé par le
Sénat avec l'accord du Gouvernement alors que, dans le même temps,
l'Assemblée nationale introduisait l'article 70 bis dans le projet
de loi de finances.
Ce nouvel article adopte une rédaction différente de
l'article 26 A puisqu'il crée un nouveau dispositif,
l'allocation équivalent retraite (AER). A cet égard, on peut
considérer qu'il est plus abouti, puisqu'il va au bout de la
démarche « marketing » retenue par le Gouvernement.
Car sur le fond, il n'y a pas de modification qui justifiait de changer le nom
du dispositif.
Cet article se contente, en effet, d'élargir les plafonds de ressources
de l'ASS, de revenir sur une interprétation discutable - par le
Gouvernement - de la loi du 17 avril 1998 et d'augmenter le montant de
l'ASA.
Or, le Gouvernement pouvait tout à fait apporter ces modifications par
la voie réglementaire, comme le prévoit d'ailleurs le texte de
l'article L. 351-10-1 en vigueur.
Concernant l'interprétation litigieuse de cet article ayant trait au
fait qu'il a été décidé de prendre en compte
l'ensemble des ressources du foyer pour déterminer le montant de l'ASA,
ce qui pouvait avait pour conséquence de priver certaines personnes de
cette allocation. Il convient de préciser que la faute en incombe
à la circulaire CDGEFP n° 98-22 du 24juin 1998. Et donc,
qu'une autre circulaire aurait suffi à lever cet obstacle réel.
Le coût de cette nouvelle allocation est estimé à
45,73 millions d'euros (300 millions de francs) en 2002.
Sur le fond, votre commission ne peut que partager le souci du Gouvernement et
de l'Assemblée nationale d'améliorer la situation de ces
chômeurs en fin de droits ayant quarante années de cotisations
d'assurance vieillesse.
Cette préoccupation, partagée au Parlement, s'inscrit d'ailleurs
dans la logique de ce dispositif -l'ASA- qui est le fruit d'une loi
adoptée dans les mêmes termes par les deux Assemblées.
Néanmoins, la forme retenue par le Gouvernement pour réformer
l'ASA -la création d'un nouveau dispositif- comme les incertitudes qui
peuvent encore entourer cette réforme ne sont pas sans susciter, chez
votre rapporteur pour avis, de légitimes interrogations.
Comme cela a déjà été souligné, l'ensemble
des modifications apportées par le présent article auraient pu
être adoptées
via
des textes infra-législatifs.
Votre commission n'a donc aucune raison,
a priori
, pour accepter de
légiférer inutilement, ce qui revient à confondre
indûment les domaines respectifs de la loi et du règlement, pour
se livrer à une forme de gesticulation législative.
Par ailleurs, de nombreuses incertitudes semblent encore entourer ce
dispositif, qu'il s'agisse du nombre des bénéficiaires attendu
-estimé par le Gouvernement entre 50 et 100.000 personnes- ou du
dispositif lui-même.
Les débats à l'Assemblée nationale n'ont pas
évoqué les conséquences d'un nouveau dispositif qui se
substitue à l'ASS et au RMI. Les bénéficiaires de l'AER
anciennement bénéficiaires de la CMU conserveront-ils le droit
à la CMU, par exemple ?
Ensuite, les débats à l'Assemblée nationale ont
parfaitement illustré les ambiguïtés relatives à la
mention dans le nouvel article L. 351-10-1 d'un décret en
Conseil d'Etat qui fixera les plafonds de ressources (7
ème
alinéa) alors que le 3
ème
alinéa prévoit
déjà un plafond de ressources ne pouvant être
inférieur à 877 euros. Quel sera le montant de ce plafond
« supérieur » ?
Enfin, le Gouvernement a évoqué, lors des débats, une
dégressivité de l'AER
54(
*
)
sans
expliquer en quoi elle consisterait.
Votre commission aurait souhaité obtenir des précisions du
Gouvernement sur ces différentes questions. Malheureusement,
Mme Elisabeth Guigou a annulé l'audition qui était
prévue le 20 novembre dernier devant votre commission saisie pour
avis.
Dans ces conditions et compte tenu des nombreuses incertitudes qui entourent
cet article,
votre commission vous proposera d'adopter un amendement de
suppression de cet article
.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Après avoir entendu l'exposé de votre
rapporteur le
6 novembre 2001 (voir ci-après examen de l'avis), la commission avait
décidé de réserver sa décision sur les
crédits consacrés au travail et à l'emploi ainsi que sur
les articles rattachés à ce fascicule budgétaire
jusqu'après l'audition de Mme Élisabeth Guigou, ministre de
l'emploi et de la solidarité fixée le 20 novembre 2001.
Cette audition ayant dû être annulée en raison de
l'indisponibilité de la ministre, la commission s'est prononcée
définitivement le 21 novembre 2001 sans avoir pu entendre le
Gouvernement (voir ci-après examen de l'avis).
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mardi 6 novembre 2001, la commission a
ensuite
procédé à l'
examen
du rapport pour avis
de
M. Louis Souvet
sur le
projet de loi de
finances pour
2002
(crédits consacrés
au
travail
et à
l'emploi).
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a présenté les grandes
lignes de son rapport pour avis (cf. exposé général du
présent avis).
M. Gilbert Chabroux
a tenu à souligner qu'en dehors des
données chiffrées citées par le rapporteur, il en existait
d'autres qui avaient plutôt tendance à illustrer les bons
résultats de la politique en faveur de l'emploi menée par le
Gouvernement et qui auraient mérité d'être également
mentionnées. Il a considéré que l'examen de ce rapport
arrivait assez tôt dans la discussion du projet de loi de finances et
qu'il serait sans doute utile d'attendre l'audition de la ministre de l'emploi
et de la solidarité, Mme Elisabeth Guigou, afin de se faire une
idée plus précise. Il a rappelé que le taux de
chômage avait fortement baissé depuis 1997, même si l'on
assistait à une légère remontée depuis quelques
mois. Il a souligné qu'il n'en demeurait pas moins que l'on constatait
aujourd'hui une baisse de la durée du chômage pour les demandeurs
d'emploi ainsi qu'une baisse du chômage de longue durée.
Concernant les comparaisons internationales,
M. Gilbert Chabroux
a
remarqué que le rythme de la baisse du chômage était plus
important en France que dans les autres pays européens. Il a
souligné que les 35 heures avaient permis la création de
près de 360.000 emplois auxquels il convenait d'ajouter l'annonce de la
création de 45.000 postes dans les hôpitaux.
M. Alain Gournac
a déclaré partager entièrement les
conclusions du rapporteur pour avis. Il a estimé que la mise en place
des 35 heures dans les petites entreprises occasionnait des difficultés
insurmontables. Il s'est inquiété de la persistance de
pénuries de main-d'oeuvre dans de nombreux secteurs d'activité.
Evoquant la nécessité de préparer l'avenir des
emplois-jeunes,
M. Alain Gournac
a rappelé l'important
travail réalisé par la commission et ses propositions relatives
au tutorat et à la migration des activités vers le secteur
marchand. Enfin, il a estimé que les hypothèses sur lesquelles
était fondé le budget étaient particulièrement
irréalistes.
M. Roland Muzeau
s'est associé aux réserves
exprimées par M. Gilbert Chabroux sur le choix des statistiques
relatives à la situation de l'emploi présentées par le
rapporteur. Il a considéré que l'amélioration de la
situation depuis 1997 était indéniable. Evoquant le coût
des 35 heures, il a remarqué que le montant total des
dépenses, estimé à près de 100 milliards de
francs, reprenait pour une part le coût des allégements de charges
sociales instauré avant 1997.
M. Jean Chérioux
a fait part de son inquiétude devant la
remontée du chômage. Il a observé que les années de
croissance que nous venons de connaître n'avaient pas donné lieu
à une remise en cause du traitement social du chômage, alors
même que ces dispositifs doivent être réservés aux
périodes difficiles. Il a estimé justifiées les craintes
manifestées par la CFTC concernant le coût des 35 heures dans
les années à venir. Il s'est interrogé sur le
caractère transitoire des assouplissements adoptés concernant le
régime des heures supplémentaires dans les petites et moyennes
entreprises (PME).
M. Jean Chérioux
, après avoir observé que les
salariés avaient dû concéder des sacrifices en termes
d'évolution de salaires lors des négociations sur la
réduction du temps de travail, a considéré qu'il fallait
s'attendre à de légitimes revendications à l'avenir. Il a
remarqué que ces demandes pourraient renforcer les difficultés
que rencontrent déjà les entreprises dans l'application des
35 heures.
En réponse aux intervenants,
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a tenu à rappeler que le bilan qu'il avait présenté de
la politique de l'emploi reposait pour une large part sur les analyses qu'en
faisaient les partenaires sociaux. Il a fait part de son pessimisme concernant
l'évolution du chômage dans les mois à venir, eu
égard à la situation que rencontraient les entreprises
industrielles de son département. Il a indiqué que le grand
constructeur automobile de sa région avait déjà
décidé de ne pas reconduire les contrats de plus de 3.000
salariés intérimaires.
Evoquant la hausse prévisible des dépenses en faveur des
salariés qui pourraient perdre leur emploi dans les mois à venir,
M. Louis Souvet
a renouvelé ses doutes quant à la
pertinence des hypothèses sur lesquelles le budget était
construit.
Concernant le coût des 35 heures,
M. Louis Souvet, rapporteur pour
avis,
a tenu à rappeler le changement intervenu depuis 1998. Alors
que les exonérations de charges sociales prévues par la ristourne
Juppé avaient pour objet de réduire le coût du travail, les
100 milliards de francs prévus pour financer les 35 heures
sont destinés à compenser le surcoût qu'engendre, pour les
entreprises, la réduction du temps de travail.
A l'issue de ce débat, sur proposition de M. Nicolas About,
président, la commission a décidé de réserver le
vote sur les crédits du travail et de l'emploi ainsi que sur les
articles rattachés au terme de l'audition de Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité, prévue pour le
20 novembre prochain.
*
* *
Au cours
d'une seconde réunion tenue le 21 novembre 2001, sous la
présidence de M. Nicolas About, président
, la commission
s'est prononcée sur les
crédits relatifs au travail et
à l'emploi
et sur les articles 68, 69 et 70 bis
rattachés qu'elle avait précédemment
réservés.
M. Nicolas About, président,
a rappelé que, lors de sa
réunion du 6 novembre 2001 la commission avait décidé
de réserver sa décision sur les crédits du travail et de
l'emploi et ceux de la formation professionnelle jusqu'après l'audition
de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité,
fixée, de longue date, le mardi 20 novembre.
Il a constaté que l'annulation de cette audition par la ministre en
raison de « contraintes d'agenda incontournables et de
dernière minute », l'impossibilité de se faire
remplacer, de façon impromptue, par un secrétaire d'Etat comme
elle l'avait fait le 7 novembre devant la commission des finances,
conduisait ces deux commissions à délibérer de l'important
projet de budget de l'emploi et de la solidarité sans avoir pu entendre
le Gouvernement.
Il a précisé que cette situation, à sa connaissance sans
guère de précédent, avait été
évoquée lors de la conférence des présidents du
20 novembre, à son initiative et à celle de M. Alain
Lambert, président de la commission des finances.
M. Nicolas About, président
, a indiqué qu'à la
suite probablement de l'intervention de M. le ministre des relations avec le
Parlement, Mme Elisabeth Guigou avait accepté le principe d'une
audition conjointe par les commissions des finances et des affaires sociales
à une date qui restait à déterminer, mais qui allait
nécessairement interférer avec la discussion en séance
publique du projet de loi de finances pour 2002, débutant le jeudi
22 novembre à 10 heures 30.
M. Jean Chérioux
a constaté qu'une audition de
« rattrapage » se déroulerait, à un moment
où la commission des finances saisie au fond du projet de loi de
finances et la commission des affaires sociales auraient déjà
arrêté leur position définitive sur les crédits de
l'emploi et de la solidarité, qu'il ne pouvait pas en être
autrement compte tenu des contraintes de l'ordre du jour et des délais
d'impression des rapports pour la séance publique. Il a observé
que, dans ces conditions, l'audition de la ministre présenterait un
caractère particulièrement « irréel ».
Il a estimé que la seule solution aurait été que la
ministre propose immédiatement une autre date avant la fin de la
présente semaine. Or, telle n'avait pas été son intention
comme en témoigne le dernier paragraphe de sa lettre, jointe à
l'annulation de la réunion de la commission, faisant état des
« débats approfondis et constructifs » que la
ministre se proposait d'avoir avec la commission « lors de l'examen
en séance publique, le vendredi 7 décembre 2001 ».
M. Alain Gournac
a considéré que la date de l'audition de
Mme Elisabeth Guigou, arrêtée depuis début octobre,
s'inscrivait dans la logique des travaux de la commission et de ceux du
Sénat en séance publique. Rappelant que le Gouvernement
était à la disposition du Parlement, il a émis la crainte
d'un précédent fâcheux qui verrait les ministres
déplacer à leur guise la date de leur audition devant les
commissions permanentes du Sénat.
M. Gilbert Chabroux
a rappelé que Mme Elisabeth Guigou avait
souhaité venir en personne devant la commission des affaires sociales et
qu'il lui avait été dès lors impossible de se faire
remplacer au dernier moment par un ministre délégué ou un
secrétaire d'Etat. Il a observé que l'audition de la ministre
avait pour objet de lui permettre de répondre aux questions des
commissaires, mais il a déclaré ne pas se faire d'illusion quant
à l'effet de ces réponses sur la position de la commission sur le
projet de budget qui lui semblait largement prédéterminée.
Mme Nelly Olin
a tenu à rappeler qu'en dépit des
divergences profondes qui la séparait de la majorité de la
commission, Mme Martine Aubry avait, lorsqu'elle était ministre de
l'emploi et de la solidarité, toujours fait preuve d'une parfaite
courtoisie et d'une grande disponibilité.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a souligné que la
réserve demandée sur le vote des crédits consacrés
au travail et à l'emploi avait constitué à la fois une
marque de courtoisie traditionnelle avant l'audition du ministre et une
nécessité compte tenu du rôle de l'audition dans le
déroulement du travail parlementaire.
Il a considéré que l'audition d'un ministre ne s'apparentait pas
à un exercice de style, mais constituait, au contraire, un
élément essentiel au bon déroulement des travaux de la
commission, comme l'avait illustré la réunion de commission du
6 novembre dernier. Il a rappelé, en effet, qu'à cette
occasion, devant les divergences apparues sur le choix des données
chiffrées citées dans le rapport, son collègue Gilbert
Chabroux avait estimé qu'« il était sans doute utile
d'attendre l'audition de la ministre de l'emploi et de la solidarité,
Mme Elisabeth Guigou, avant de se faire une idée » sur le
projet de budget.
M. Louis Souvet
a considéré que,
dans ces conditions, l'absence d'audition de la ministre n'en était que
plus regrettable.
Il a estimé que l'avis défavorable qu'il avait proposé,
à la commission, d'émettre à l'adoption de ces
crédits relatifs au travail et à l'emploi le 6 novembre
dernier était d'autant plus justifié par ces circonstances sans
précédent.
Puis
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a présenté
deux amendements de suppression, l'un de l'article 68 relatif à une
modification du régime financier du contrat initiative-emploi (CIE) et
l'autre de l'article 70 bis introduit par l'Assemblée nationale, qui
prévoit la création d'une allocation équivalent retraite
(AER).
Il a précisé que l'article 68 proposait de modifier les
dispositions relatives au CIE afin de recentrer ce dispositif sur les
demandeurs d'emploi de longue et très longue durée, sur les
bénéficiaires de minima sociaux et certaines catégories de
travailleurs handicapés. Il a ajouté que cet article substituait
également à l'exonération des cotisations sociales
spécifiques au CIE les allégements de charges liés aux 35
heures, ce qui avait pour conséquence une économie de
77,6 millions d'euros.
Il a jugé paradoxale cette restriction apportée au CIE dans un
contexte de remontée du chômage, alors même qu'il s'agit
d'un des rares dispositifs favorisant l'emploi dans le secteur marchand.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a précisé que
l'article 70 bis trouvait son origine dans la discussion du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002 qui avait vu
l'adoption, lors du débat en première lecture à
l'Assemblée nationale, d'un article 26 A ayant pour objet
d'instaurer une garantie de ressources pour les chômeurs de moins de
60 ans totalisant au moins 40 années de cotisations vieillesse.
Il a rappelé que le Sénat avait, sur proposition de sa commission
des affaires sociales, supprimé cet article au motif, notamment, qu'il
s'agissait d'une disposition devant figurer en loi de finances puisqu'elle est
financée par le Fonds de solidarité qui est alimenté par
la contribution exceptionnelle de solidarité et par une subvention de
l'Etat.
Il a expliqué que le présent article proposait une nouvelle
rédaction de l'article L. 351-10-1 du code du travail afin de
créer une « allocation équivalent retraite »
(AER) qui se substituait à l'allocation spécifique d'attente
(ASA), le mode de calcul de cette dernière n'étant pas
considéré comme satisfaisant du fait, en particulier, de la prise
en compte des revenus du conjoint.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
s'est interrogé sur la
nécessité de créer un nouveau dispositif pour
résoudre un problème né à l'occasion de
l'application de l'ASA créée par la loi du 17 avril 1998. Il
a estimé que des précisions apportées à cette
précédente mesure, par la voie réglementaire, auraient
été suffisantes.
Il a observé, par ailleurs, que, si le coût de ce dispositif
était connu pour 2002 (45,73 millions d'euros), le nombre des
bénéficiaires semblait encore osciller du simple au double (50
à 100.000) selon les déclarations mêmes du Gouvernement, ce
qui laissait présumer une certaine précipitation dans la
préparation de ce dispositif.
Il a considéré que ce sentiment était confirmé par
l'analyse du texte proposé : certains droits liés au fait
d'être bénéficiaires du RMI risquant de disparaître,
comme le bénéfice de la CMU ; la référence
à un décret en Conseil d'Etat qui fixe des plafonds de ressources
apparaissant contradictoire avec la référence dans le texte
à un plafond de 877 euros ; et la mention, lors des
débats à l'Assemblée nationale, d'une
dégressivité de l'AER n'ayant pas été
véritablement explicitée.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a proposé, dans ces
conditions, de supprimer cet article qui ne saurait se substituer à une
réforme plus ambitieuse de l'ensemble des dispositifs ayant trait
à la retraite.
M. Claude Domeizel
s'est étonné de la proposition du
rapporteur pour avis tendant à supprimer l'article 70 bis, estimant que
cet article permettrait d'améliorer la situation des chômeurs de
moins de 60 ans ayant cotisé plus de 40 ans à travers
la création d'une garantie de ressources.
De même,
M. Roland Muzeau
, après avoir reconnu que ce
dispositif n'était sans doute pas parfait, a néanmoins
regretté qu'il fasse l'objet d'une proposition de suppression de la part
du rapporteur pour avis. Il a estimé nécessaire, au contraire,
d'adopter ce texte qui lui semblait aller dans le bon sens.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a souligné qu'il ne
s'agissait pas pour lui de refuser d'améliorer la situation des
chômeurs concernés, mais simplement de constater que des
précisions apportées au régime de l'ASA suffisaient
à atteindre le même objectif.
M. Nicolas About, président
, a considéré que la
suppression de l'article 70 bis, proposée par le rapporteur pour
avis, avait pour conséquence de maintenir l'ASA et constituait ainsi une
incitation très forte pour le Gouvernement à apporter les
précisions indispensables par la voie d'une circulaire.
A l'issue de ce débat, la commission a émis un
avis
défavorable à l'adoption des crédits du travail et de
l'emploi pour 2002.
Elle a émis un
avis favorable à
l'adoption de l'article 69
et a
adopté deux amendements de
suppression, l'un de l'article 68 et l'autre de l'article 70 bis
,
rattachés à l'examen de ces crédits.
AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
ARTICLE 68
Supprimer cet article.
ARTICLE 70 BIS
Supprimer cet article.
ANNEXE N° 1
-
QUESTIONNAIRE DU RAPPORTEUR POUR AVIS
AUX
PARTENAIRES SOCIAUX
-
1. Quel bilan faites-vous de la politique de l'emploi menée depuis 1997
? Les actions menées ont-elles, selon vous, permis de diminuer le
chômage structurel ou bien doit-on considérer que la baisse du
chômage s'explique davantage par des facteurs conjoncturels, comme le
laisse penser la récente hausse ? Quelles sont, selon vous, les
perspectives de l'emploi pour 2002 ?
2. Quel bilan faites-vous des 35 heures ? Les modifications annoncées vous semblent-elles adaptées aux problèmes rencontrés par les PME ? Des modifications supplémentaires des lois Aubry, éventuellement d'ordre législatif, vous semblent-elles nécessaires à l'avenir et, si oui, lesquelles ?
3. Le budget de l'emploi pour 2002 est-il, selon vous, adapté à la conjoncture économique ? Que pensez-vous des hypothèses sur lesquelles il est fondé ?
4. Quelles devraient être, selon vous, les priorités de la prochaine législature dans le domaine du travail et de l'emploi ?
-
LISTE DES AUDITIONS
ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
CFDT
M. Jean-Michel MARTIN, secrétaire confédéral,
chargé de la formation
M. Jean-Claude MEYNET, secrétaire confédéral,
chargé de l'emploi
CFE-CGC
M. Jean-Marc ICARD, secrétaire national
MM. Alain LECANU et Nicolas MIJOULE
CFTC
M. Michel COQUILLION, secrétaire général adjoint
chargé des négociations,
Mme Joëlle MORIZETTI, conseiller technique
CGT-FO
M. Jean-Claude QUENTIN, secrétaire confédéral
CGPME
M. Jean-François VEYSSET, vice-président chargé des
affaires sociales
M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales
MEDEF
M. Jean-Pierre PHILIBERT, conseiller politique et directeur des relations avec
les pouvoirs publics
M. Dominique TELLIER, directeur des relations sociales, chargé de
l'application des 35 heures
Mme Catherine MARTIN, chargée de l'emploi
UPA
M. Robert BUGUET, président
M. Pierre BURBAN, secrétaire général
Mme Brigitte LAURENT, chargée des relations avec le Parlement
ANPE
M. Michel BERNARD, directeur général
M. Jean-Louis DAGUERRE, directeur général adjoint
Chambre commerce et d'industrie
Mme Sylviane LAROUSSE, présidente de la commission des affaires sociales
M. Bruno WEBER, chef du département social
Mme Marie-Josée RANNO, conseiller pour les relations avec le Parlement
IFEC
M. André-Paul BAHUON, président national
Mlle Delphine SLANOSKI, directeur des services
UNEDIC
M. Jean-Pierre REVOIL, directeur général adjoint
COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
I. AUDITIONS DU MARDI 16 OCTOBRE 2001
§ AUDITION DE M. ROBERT BUGUET, PRÉSIDENT ET DE M. PIERRE BURBAN, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'UPA
L'UPA
considère que les 250.0000 créations d'emplois
réalisées dans l'artisanat depuis 1998 n'ont rien à voir
avec les 35 heures.
Elle estime que le bilan des 35 heures constitue un échec au regard de
l'objectif de créations d'emplois mais remarque que la démarche
n'a pas été sans aspects positifs en particulier en ce qui
concerne la flexibilité.
L'artisanat ne connaît pas de trou d'air dans les perspectives
d'activité. Par contre, des difficultés demeurent pour trouver de
la main-d'oeuvre. Il faudrait inciter davantage à investir et continuer
à baisser les charges sociales.
L'UPA regrette que le décret du 15 octobre 2001 distingue selon la
taille de l'entreprise. Les petites entreprises n'arrivent plus à
recruter, voire perdent des salariés au profit des grandes entreprises.
Il aurait mieux valu renvoyer aux branches professionnelles la
négociation. Ces assouplissements ne sont pas suffisants.
L'UPA considère que le budget n'est pas réaliste et qu'il faudra
un budget rectificatif au printemps. Elle estime qu'il faudrait redonner du
pouvoir d'achat aux salariés.
L'UPA souhaite également que la prochaine législature soit
l'occasion de remettre à plat le financement de la protection sociale.
§ AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS VEYSSET, VICE-PRÉSIDENT CHARGÉ DES AFFAIRES SOCIALES ET M. GEORGES TISSIÉ, DIRECTEUR DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA CGPME
Pour
la CGPME, les dispositifs de la politique de l'emploi s'accumulent en
dépit du bon sens. Or, le retournement de conjoncture déjà
visible dans le tourisme et le transport, s'il n'est pas encore alarmant, se
traduit déjà par une décélération du nombre
de créations d'emplois, ce qui montre que la politique de l'emploi n'a
pas traité les vraies causes du chômage.
La CGPME estime que ¾ des entreprises de moins de 20 salariés
sont incapables de mettre en place les 35 heures. Le mal-être des
petits entrepreneurs s'accroît du fait que leur activité est
liée à une durée de la « présence
humaine » suffisamment importante (ex. du conjoint dans un petit
commerce). Elles ne peuvent donc pas appliquer une réduction massive de
l'horaire hebdomadaire de travail. Par ailleurs, les cadres ne sont pas
satisfaits, les salariés aspirent à plus d'heures
supplémentaires et de pouvoir d'achat.
La CGPME considère que le nouveau décret sur les heures
supplémentaires est très décevant. Il ne concerne que les
non-cadres et cadres intégrés dans une équipe. Les
aménagements sont temporaires et dégressifs. La CGPME souhaitait
un contingent de 200 heures pour la grande partie des salariés
cadres et non-cadres. Il faudra inéluctablement remanier le
décret du 15 octobre pour qu'il soit significatif, pérenne
et lisible.
La CGPME considère que dans le budget du ministre de l'emploi les
dépenses sont sous-estimées notamment celles concernant l'emploi
public. Elle préconise une baisse de dépenses et une baisse des
charges.
La CGPME considère que la politique de l'emploi devrait cesser
d'être déterminée sur le modèle des grandes
entreprises alors que seules 1.800 entreprises ont plus de
500 salariés.
Elle s'inquiète par ailleurs de la détérioration de
l'attractivité du « site France » et de la
désindustrialisation de notre économie.
II. AUDITIONS DU MERCREDI 17 OCTOBRE 2001
§ MME SYLVIANE LAROUSSE, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES, M. BRUNO WEBER, CHEF DU DÉPARTEMENT SOCIAL ET MME MARIE-JOSÉE RANNO, CONSEILLER POUR LES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT, DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE
La
CCIP considère que les performances françaises en termes de
réduction du chômage ne sont pas extraordinaires que cela
comparées au reste de l'Europe. Il n'y a pas d'exception
française. Le seul vrai levier relatif au coût du travail reste
sous-utilisé. Les entreprises ont cessé d'embaucher depuis le
deuxième semestre 2001 et le redémarrage devrait attendre
mi-2002.
Pour la CCIP, le succès annoncé des 35 heures est loin
d'être établi. Tout particulièrement, pour les entreprises
de moins de 20 salariés, il y a eu surtout un effet d'aubaine, seules
celles qui pouvaient passer aux 35 heures dans de bonnes conditions l'ont
fait. Les assouplissements retenus par le décret du 15 octobre vont dans
le bon sens mais ils pourraient favoriser un attentisme illusoire. De plus, et
contrairement à ce que demandait la CCIP, les mesures prévues ne
sont pas pérennes et ne concernent pas les entreprises de plus de
20 salariés.
La CCIP estime nécessaire de réduire davantage le coût du
travail en s'inspirant de certaines propositions du rapport Charzat. Elle
préconise une plus grande fluidité du marché du travail.
Il faut une véritable politique de lutte contre les difficultés
de recrutement (problème du faible taux d'activité des
salariés âgés). Dans cette perspective, des efforts sont
nécessaires afin d'accroître la mobilité
géographique des travailleurs, notamment dans une dimension
européenne.
§ M. JEAN-CLAUDE QUENTIN, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL DE LA CGT-FO
FO
considère que les trente-cinq heures et les emplois-jeunes ont
joué un rôle important dans la baisse du chômage (environ
650.000 emplois) mais que cette politique à « marche
forcée » montre aujourd'hui ses limites et qu'il s'agit
souvent d'emplois précaires (CDD, temps partiel contraint,
intérim). Ce ne sont pas des emplois
« convenables ». Il y a eu une réduction du
chômage mais elle n'a pas attaqué le noyau dur du chômage de
longue durée et des personnes les plus fragiles. Le nombre de ces
chômeurs baisse aussi par leur exclusion des statistiques à
travers le basculement dans d'autres catégories et notamment vers le
RMI. La nouvelle convention d'assurance chômage renforce le risque de
discrimination entre les chômeurs. FO demande la prolongation de l'ARPE
pour les salariés nés en 1943 et 1944 et rappelle que ce
dispositif a permis à 250.000 personnes de trouver un emploi entre 1996
et 2000.
Le chômage devrait continuer d'augmenter modérément en 2002
de même que les pénuries de main-d'oeuvre liées au manque
de qualification (ex. : infirmières).
FO déplore le « triste bilan » des 35 heures et
s'interroge sur le coût très élevé (environ
100 milliards de francs par an) compte tenu du nombre d'emplois
« créés ou préservés ». Elle
rappelle son engagement ancien pour la réduction du temps de travail
mais réaffirme qu'elle ne l'a jamais envisagée en tant que
dispositif destiné prioritairement à créer des emplois
sous la forme du partage du temps de travail.
FO regrette les effets de la logique de modération salariale sur
l'évaluation de la consommation et constate qu'il n'y aura pas de
créations d'emplois dans les entreprises de moins de
20 salariés du fait des 35 heures.
Le caractère transitoire des dispositions prévues par le
décret du 15 octobre n'est pas adapté. Il faudrait laisser
une place à la négociation collective. Les heures de formation
pourraient, par exemple, ne pas être comptées dans le quota
d'heures supplémentaires.
FO déplore la suppression de l'AFR qui ne permet plus de garantir aux
chômeurs en fin de droits les mêmes conditions de prise en charge
de leur formation.
FO considère que les prochaines années vont être
caractérisées par des tensions sur le marché du travail.
Dans ces conditions, il convient de s'intéresser aux salariés de
plus de 45 ans, notamment en ce qui concerne la formation professionnelle
continue. L'objectif doit être de faire progresser le taux
d'activité de 57 % aujourd'hui à 70 %.
FO n'envisage pas de favoriser le recours à une immigration
sélective alors que le taux de chômage demeure aussi
élevé.
§ M. JEAN-MICHEL MARTIN, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL, CHARGÉ DE LA FORMATION, ET M. JEAN-CLAUDE MEYNET, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL CHARGÉ DE L'EMPLOI, DE LA CFDT
La CFDT
considère que la politique de l'emploi est caractérisée
par le développement des exonérations de charges sociales en
faveur des bas salaires et des basses qualifications (102 milliards de
francs dans le FOREC en 2002 et 25 milliards de francs dans le projet de
loi de finances pour les contrats aidés).
Elle s'inquiète du financement de ces mesures en l'absence de nouvelles
recettes et compte tenu de l'évolution de la conjoncture. Elle
souhaiterait que l'on évalue les effets de cette pratique.
L'alternance elle-même a tendance à devenir un dispositif emploi
à bas salaire. Par ailleurs, évoquant les
rémunérations de substitution (SIFE SAE, CES, emplois-jeunes,
minimaux sociaux...), elle a estimé que tout cela changerait la nature
des revenus des salariés qui ne sont plus uniquement le fruit de leur
travail mais également le produit de la solidarité. Pour 2002, la
CFDT estime qu'il aurait fallu développer davantage les dispositifs
d'accompagnement des restructurations (FNE, congés formation).
La politique de baisse du coût du travail pénalise les bas
salaires et les évolutions de carrière, en contradiction avec la
« société de la connaissance » que nous
devrions promouvoir.
La CFDT est opposée au décret du 15 octobre. Elle considère que, si des adaptations sont nécessaires, elles devraient être négociées au niveau des branches. Elle considère, par ailleurs, que les effets des 35 heures sur l'emploi vont s'amenuiser.
La CFDT préconise une déconcentration de l'action de l'AFPA. Elle considère que la réflexion menée sur la validation des acquis peut faire changer le regard sur la formation.
III. AUDITIONS DU MARDI 23 OCTOBRE 2001
§ AUDITION DE M. JEAN-PIERRE PHILIBERT, CHARGÉ DES RELATIONS EXTÉRIEURES, M. DOMINIQUE TELLIER, CHARGÉ DE L'APPLICATION DES 35 HEURES ET MME CATHERINE MARTIN, CHARGÉE DE L'EMPLOI, AU MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (MEDEF)
Pour le
MEDEF, la politique de l'emploi menée depuis 1997 a donné la
priorité au secteur non marchand aux dépens du secteur marchand
(« emplois-jeunes »), ce qui a pu donner lieu à des
situations de concurrence déloyale. Le risque est par ailleurs grand
pour ces jeunes, au niveau d'éducation souvent élevé, de
se retrouver maintenant sans perspectives professionnelles.
Les perspectives de l'emploi ne sont pas bonnes selon le MEDEF qui observe une
chute très brutale de l'emploi des cadres (- 15 % en septembre) et
de l'intérim. L'industrie recommence à perdre des emplois.
Le MEDEF constate que seule la moitié des entreprises de plus de
20 salariés est passée aux 35 heures et que 93 %
des entreprises n'y sont toujours pas. Il estime que les modifications
apportées par le décret du 15 octobre traduisent
l'échec de la démarche. Ce décret est par ailleurs
insuffisant (il ne s'applique pas aux entreprises de 21 salariés et
plus). Les aménagements devraient être
généralisés à l'ensemble des entreprises. Il aurait
mieux valu renvoyer la détermination du prix et du volume des heures
supplémentaires à la négociation, surtout pour les
salariés dont on ne peut calculer la durée du travail. Il
faudrait supprimer le « double SMIC ». Une modification de
la loi Aubry II est indispensable pour permettre la négociation
dans le cadre de la position commune adoptée le 16 juillet par les
partenaires sociaux.
Le MEDEF considère que le budget de l'emploi retombe dans les errements
des dispositifs favorisant le secteur non marchand (contrats aidés,
emplois jeunes).
Le MEDEF préconise la mise en place d'un abattement forfaitaire à
la base en remplacement de multiples allègements, sous la forme d'une
franchise. Il souhaite une modification de la loi de modernisation sociale et,
en particulier, de son volet relatif aux licenciements économiques. Il
propose de mettre en place de nouveaux contrats de travail qui pourraient
être définis par les branches.
Le MEDEF propose de placer l'ANPE davantage en situation de concurrence afin
d'améliorer le fonctionnement du marché du travail.
Le MEDEF considère enfin nécessaire de maintenir davantage les
seniors dans l'emploi.
§ M. ANDRÉ-PAUL BAHUON, PRÉSIDENT NATIONAL, ET MLLE DELPHINE SLANOSKI, DIRECTEUR DES SERVICES, DE L'IFEC
L'IFEC
attribue les mérites du retour de l'emploi à la conjoncture. Il
constate que des pénuries de main-d'oeuvre importantes subsistent en
dépit de la récente hausse du taux de chômage.
L'IFEC estime que la législation sur les 35 heures a modifié les
équilibres sociaux : on est passé d'une
société de travail à une société de loisirs.
Les décisions de recrutement reconnaissent davantage de place aux
préoccupations relatives à la gestion du temps libre.
L'IFEC préconise également une politique qui renforcerait la
professionnalisation des jeunes dès l'école et une réforme
du droit du travail notamment en ce qui concerne la législation relative
au droit du licenciement. Il appelle de ses voeux une réforme de
l'Inspection du travail qui clarifierait ses missions qui confondent
aujourd'hui le contrôle, le jugement et l'exécution. Il estime
enfin qu'il conviendrait de simplifier la fiche de paye et de réduire
encore le coût du travail.
L'IFEC révèle que, selon une de ses enquêtes, 45 %
de chefs d'entreprise n'ont pas encore envisagé de passer aux
35 heures qui apparaissent dès lors comme l'acte manqué de
l'économie française -on ne veut pas y penser-. Le
caractère transitoire des dispositions prévues par le
décret du 15 octobre est « une erreur totale ».
Dans certains cas, le prix des heures complémentaires peut atteindre
250 % du salaire de base, ce qui n'est pas viable.
L'IFEC estime qu'il faut traiter différemment les PME car elles n'ont
pas de marge de manoeuvre. En 2002, les 35 heures n'auront pas d'effet sur
l'emploi, seules 14 % des entreprises envisagent des embauches du fait des
35 heures.
Par ailleurs, les 35 heures ont renforcé les tensions entre cadres et
non-cadres. Les cadres n'ont pas connu de véritable réduction du
temps de travail du fait des forfaits jours.
L'IFEC considère que la politique menée est
systématiquement conjoncturelle et que seuls 22 % des chefs
d'entreprises sont intéressés par ces dispositifs qui leur
apparaissent trop compliqués et contraignants.
Il faudrait des actions davantage ciblées privilégiant par
exemple la recherche et le développement.
§ M. JEAN-PIERRE REVOIL, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE L'UNEDIC
La
révision à la baisse des prévisions de croissance oblige
l'UNEDIC à refaire ses calculs en envisageant plusieurs scénarios
parmi lesquels une croissance de 2 % en 2001 et de 1,7 % en 2002
(pour une fourchette comprise entre 1,4 et 2 %).
Le PARE devrait accueillir 1,4 million de demandeurs d'emplois en 2001 et
1,1 million en 2002.
Il faut que l'économie crée 160.000 emplois pour stabiliser le
chômage du fait de l'évolution démographique. Si le
chômage repart depuis le printemps, c'est que l'on est passé en
dessous de ce seuil.
Cette situation dégrade mécaniquement les comptes de l'UNEDIC,
sans doute à hauteur de 2 milliards de francs en 2001.
La mise en place du PARE demande plus de temps que prévu du fait, en
particulier, du temps nécessaire pour mettre en place des formations
décentralisées au niveau régional.
La dégradation de la conjoncture n'est pas une bonne nouvelle pour
l'UNEDIC au moment où celle-ci vient de supprimer la
dégressivité des allocations.
Compte tenu du remboursement d'un emprunt d'un montant de 12 milliards de
francs qui arrive à échéance en novembre 2002 et des
versements à l'Etat à hauteur de 15 milliards, ce sont
27 milliards de francs que l'assurance chômage s'apprête
à verser d'ici l'année prochaine ceci alors que ses
réserves s'élevaient à 37,5 milliards de francs au 31
août 2001.
Par ailleurs, un différend financier continue à opposer l'Etat
à l'UNEDIC. Celui-ci s'établit, d'une part, à
250 millions de francs de non-financement de l'inscription des demandeurs
d'emploi, d'autre part, à 500 millions de francs d'indemnisation
des contrats emploi-solidarité, et enfin à 130 millions de
francs de non-financement des conventions de conversion.
IV. AUDITIONS DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2001
§ AUDITION DE M. MICHEL COQUILLION, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT CHARGÉ DES NÉGOCIATIONS, ET MME JOËLLE MORIZETTI, CONSEILLER TECHNIQUE, DE LA CFTC
La CFTC
confirme le rôle très important joué par la conjoncture
depuis 1997 en observant qu'une entreprise n'embauche pas si elle n'a pas
besoin d'un salarié. Elle ne néglige pas toutefois le rôle
que peut jouer une politique de relance sur la croissance. La RTT a sans doute
eu des effets mais il est difficile de les apprécier du fait en
particulier de la notion d'emplois
« préservés ». Par ailleurs elle s'interroge
sur le coût des emplois ainsi créés. Elle aurait
préféré que les aides soient davantage liées
à des engagements plus importants et précis en termes de
créations d'emplois.
La CFTC est assez préoccupée par l'évolution de l'emploi
en 2002 compte tenu du gel des embauches et de la chute de l'intérim.
Les dispositions prévues par le projet de loi de modernisation sociale
ont probablement incité les entreprises à anticiper leurs
décisions de licenciements. La CFTC estime que la situation de l'UNEDIC
pourrait connaître une aggravation sérieuse en 2002 du fait de la
hausse du chômage.
Concernant la réduction du temps de travail, la CFTC avait marqué
sa préférence dès 1995 pour la négociation
collective mais constatant que celle-ci n'a pas abouti, elle considère
qu'il n'y avait peut-être pas d'autre solution que de passer par la loi
RTT.
Elle considère que le décret du 15 octobre est adapté
dans la mesure où il permet de pallier les pénuries de
main-d'oeuvre ou l'impossibilité d'appliquer les 35 heures dans les
entreprises de trop petite taille. Le réalisme nous commande d'accepter
ces aménagements.
La CFTC n'est pas demandeur de remise en cause des lois Aubry qui leur
enlèverait toute portée. Les branches peuvent déjà
adopter la loi sur de nombreux points dans le cadre actuel.
La CFTC considère que les hypothèses sur lesquelles sont
fondées le budget ne sont pas très réalistes et que le
budget n'est pas très lisible. Elle regrette en particulier son manque
de lisibilité, notamment au sujet de l'utilisation que compte faire
l'État des 7 milliards de francs que l'UNEDIC s'est engagée
à lui verser Elle s'inquiète de la « bombe à
retardement » que constitue le financement des 35 heures. Elle
considère que si les lois Aubry devaient toutefois être
modifiées, il conviendrait de mieux préciser le lien entre les
créations d'emplois et les allègements.
La CFTC indique que la priorité devrait consister à favoriser un
contexte économique favorable à la confiance à travers,
par exemple, une politique de relance. Elle considère, par ailleurs, que
la réforme des retraites et la question de la représentation des
salariés dans les PME constituent deux autres priorités pour la
prochaine législature.
§ M. MICHEL BERNARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL, ET M. JEAN-LOUIS DAGUERRE, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE L'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI
Le
marché du travail reste actif avec 270.000 offres d'emploi
confiées en septembre à l'ANPE, mais il ne permet pas, ces
derniers mois, de compenser l'augmentation mécanique du nombre des
actifs que l'on peut estimer de 120.000 à 150.000 par an. Par ailleurs,
il semblerait que la mise en oeuvre du PARE se soit traduite par des
entrées supplémentaires sur le marché du travail. Enfin,
on observe une hausse des inscriptions comme demandeurs d'emploi de
bénéficiaires du RMI.
L'influence de la croissance sur l'évolution du chômage est
maintenant bien évaluée : par ailleurs, le taux de
chômage est sensiblement stable lorsque la croissance est de l'ordre de
2 %, il augmente au-dessous et baisse au-delà.
L'augmentation du nombre des CES (+ 80.000) et des SIFE (+ 20.000) devrait
permettre de ralentir la hausse du chômage mais permettra-t-elle de
l'empêcher compte tenu en particulier de l'arrêt des conventions de
conversion et de la fin de la conscription ?
Avec plus de trois millions d'offres confiées cette année, on
peut estimer que l'ANPE a atteint son objectif et bénéficie d'une
confiance toujours plus importante de la part des entreprises.
L'Agence a pu pourvoir entre 86 et 87 % des offres qu'elle a proposées.
Même si elles sont moindres, des difficultés de recrutement
demeurent dans certains secteurs.
L'Agence s'est mobilisée pour assurer la mise en place du PAP-ND.
Tous les nouveaux inscrits au chômage doivent maintenant souscrire un
PARE. Ce nouveau dispositif a déjà accueilli plus de
1,1 million de bénéficiaires depuis sa mise en place
à fin septembre (700.000 nouveaux inscrits + 420.000 anciens inscrits
qui ont accepté de basculer dans le nouveau dispositif).
La mise en oeuvre du PARE suit son cours en dépit des interrogations qui
ont pu survenir sur la légalité du décret d'application
concernant le rôle de financeur de l'UNEDIC et qui sont aujourd'hui
réglées, ainsi que sur les modalités de financement des
formations dans lesquelles l'UNEDIC s'impliquait.
La mise en oeuvre du PAP a engendré des besoins nouveaux en personnel
pour l'ANPE estimés à 4.650 personnes, répartis sur 2001
et 2002 et financés à la fois par l'Etat et l'UNEDIC. Le budget
de l'Etat pour 2002 prévoit 570 embauches.
Une détérioration accrue et persistante de la conjoncture
pourrait sans doute avoir des conséquences sur la nouvelle convention
d'assurance chômage. Les partenaires sociaux pourraient être dans
ce cas amenés à revoir certains éléments comme la
non-dégressivité des allocations, la baisse des cotisations ou
encore les conditions d'application du PAP.
V. AUDITIONS DU MARDI 6 NOVEMBRE 2001
§ AUDITION DE M. JEAN-MARC ICARD, SECRÉTAIRE NATIONAL, MM. ALAIN LECANU ET NICOLAS MIJOULE DE LA CFE-CGC
La
CFE-CGC considère que la baisse du chômage s'explique d'abord par
la croissance, comme l'illustre
a contrario
la hausse à laquelle
on assiste depuis plusieurs mois. Elle s'interroge sur la politique
menée depuis 5 ans et notamment sur les emplois-jeunes -de
« faux fonctionnaires »- ainsi que le recours aux CES qui
ne créent pas d'emplois dans le secteur marchand.
La CFE-CGC regrette la suppression du contrat de retour à l'emploi (CRE)
et la baisse des crédits pour le CIE, deux dispositifs qui
bénéficiaient particulièrement aux cadres. Elle estime que
les perspectives de l'emploi pour 2002 ne sont pas bonnes : les
entreprises ont gelé leurs embauches, l'effet trente-cinq heures est
terminé et la consommation commence à baisser. Les cadres sont
particulièrement affectés par la hausse du chômage
(+ 7,7 % en un an).
La CFE-CGC considère que les 35 heures se sont traduites pour les
cadres par un supplément de jours de repos (10 à 11) mais aussi
par une charge de travail supérieure. Le recours au
compte-épargne temps dévoie le processus. Il vaudrait mieux
effectuer des baisses de charges sociales ciblées sur un secteur pour ne
pas pénaliser les cadres ou une catégorie (ex. : baisse des
charges pour le recrutement du premier cadre dans les PME). Les baisses de
charges généralisées sur les bas salaires se traduisent
surtout par des effets d'aubaine.
La CFE-CGC considère que le décret du 15 octobre renforce
les inégalités entre les salariés. Son caractère
transitoire et limité aux entreprises de moins de
20 salariés ne correspond pas aux cadres. La CGC aurait
préféré que l'on encourage la négociation de
branche sur le modèle de l'accord national interprofessionnel du
31 octobre 1995.
La CFE-CGC estime que le budget est adapté si l'objectif est de limiter
la hausse du chômage grâce au traitement social mais qu'il ne
répond pas à un objectif de baisse du chômage structurel.
C'est un budget d'urgence dans un contexte marqué par la baisse de CDD
et de l'intérim et la hausse du chômage des plus de 50 ans.
La CFE-CGC estime également que le maintien dans l'emploi des cadres
seniors est une question essentielle. Il est indispensable de faire cesser la
discrimination dont les salariés de plus de 45 ans sont victimes en
termes de formation qui aboutit au fait qu'ils ne sont plus au niveau à
50/55 ans.
La CFE-CGC considère qu'il faut développer les transferts de
compétences à travers le tutorat et que les groupements
d'employeurs et la multiactivité doivent être encouragés.
La CFE-CGC est favorable à la suppression de la « contribution
Delalande » qui limite l'embauche des plus de 50 ans.
Elle propose enfin que l'on encourage la négociation collective à
travers la mise en place de « délégués de bassin
ou de sites ».
Elle évoque également la nécessité de revoir la
politique d'exonérations de charges sociales afin de ne pas
pénaliser les entreprises de main-d'oeuvre.
ANNEXE N° 3
-
CONTRIBUTION ÉCRITE DE LA CGT
Quelles sont les perspectives de l'emploi pour 2002
Depuis plusieurs mois, l'on assiste à une
décélération du rythme des créations d'emplois et
une remontée du chômage. La dégradation de la conjoncture
(nationale et internationale) risque d'intensifier cette tendance. Il est donc
indispensable de prendre des mesures pour dynamiser l'économie. On ne
reviendra pas ici sur l'importance d'une politique monétaire qui devrait
donner la priorité à l'emploi et à la croissance et non
uniquement à la stabilité des prix. D'autres pistes existent
aussi.
-
Il faut dynamiser les salaires et sortir de la
« modération sociale »
qui caractérise
l'évolution salariale depuis déjà plusieurs années.
Le dynamisme salarial est nécessaire au moins pour deux raisons :
1°) L'évolution de la productivité du travail sur le
long terme met en évidence un écart grandissant entre celle-ci et
le salaire réel.
2°) Les salaires augmentent moins vite en France que par rapport
à la moyenne des pays membres de l'Union européenne
(cf. l'enquête de l'Institut de Dublin).
- Le Gouvernement compte relancer la consommation surtout par la baisse
des impôts.
L'amélioration du pouvoir d'achat ne peut s'appuyer
uniquement, ou prioritairement, sur la réduction des impôts.
Et cela au moins pour deux raisons :
1°) La moitié des ménages n'acquitte pas l'impôt
sur le revenu.
2°) La baisse des impôts, alors que le Gouvernement poursuit
l'objectif de la réduction du déficit, conduit
nécessairement à la baisse des dépenses et notamment de
celles qui ont une utilité élevée du point de vue
économique et social, comme par exemple les dépenses en faveur de
l'emploi.
- Compte tenu de la décélération des créations
d'emplois et de la remontée du chômage, il est nécessaire
aussi d'intensifier des mesures qui permettent de créer des emplois. De
ce point de vue, les mesures prises en faveur des entreprises de moins de
20 salariés pour le passage aux 35 heures sont fortement
critiquables.
La politique d'emploi a-t-elle permis de réduire le chômage
structurel ?
Nous sommes très critiques de la notion de « chômage
structurel » et ses variantes, « chômage
naturel », « chômage non accélérateur
de l'inflation » (NAIRU), etc. Lorsque l'on parle du chômage
structurel de 9 %, on admet que 2,5 millions de personnes devraient
rester en permanence au chômage.
Ces notions considèrent qu'un niveau incompressible du chômage est
« naturel ». Selon l'OCDE, pour la France, il s'agirait
d'un taux de chômage de 9 %. Dans la mesure où celui-ci a
atteint de « seuil » et est réparti à la
hausse, certains disent qu'effectivement le taux de chômage de 9 %
serait structurel ou naturel.
Précisons que les chiffres officiels du chômage n'intègrent
pas la totalité des privés d'emplois. Autrement dit, il ne s'agit
pas de créer quelques 2,5 millions d'emplois pour les
chômeurs officiellement recensés. Il faudrait créer au
moins deux fois plus d'emplois pour résorber à la fois le
chômage officiellement recensé, mais aussi pour résorber le
sous-emploi et pour permettre aux nouveaux arrivants sur le marché du
travail de trouver un emploi.
Si aujourd'hui le chômage remonte, ce n'est pas parce que l'on serait
arrivé au « seuil du chômage structurel ».
Le chômage remonte parce que la croissance des années 1997-2000
n'a pas été suffisamment élevée et surtout parce
qu'elle portait des contradictions importantes qui ont affaibli les bases d'une
croissance durable.
Il s'agit surtout des facteurs suivants :
- la progression de la précarité ;
- l'insuffisance des investissements en France, surtout dans les nouvelles
technologies et dans la recherche-développement ;
- l'importance des investissements à l'étranger (en 2000,
pour un franc d'investissement en France, les entreprises françaises ont
investi 60 centimes à l'étranger) ;
- l'insuffisance des efforts de qualification, notamment de la part des
entreprises ;
- un partage de la valeur ajoutée qui reste en défaveur des
salaires.
La dégradation de la conjoncture internationale affecte aussi
l'économie française, mais les causes fondamentales du
ralentissement de la croissance en France se trouvent à
l'intérieur des espaces français et européen.
Le budget de l'emploi pour 2002 est-il adapté à la
conjoncture économique ?
D'une manière générale, les hypothèses du budget
2002 (surtout une croissance de 2,5 %) sont jugées trop optimistes
par la plupart des observateurs.
Ce budget porte aussi les marques des engagements pris dans le cadre du
programme pluriannuel et du pacte de stabilité et de croissance. Le
programme pluriannuel a été élaboré dans une phase
de croissance plus élevée ; la situation a changé et
il est nécessaire que le budget de l'Etat tienne compte de ce
changement. Qui plus est, le pacte de stabilité laisse une marge de
manoeuvre (un déficit budgétaire inférieur à
3 % du PIB) qu'il convient d'utiliser lorsque la croissance se ralentit et
que le chômage remonte.
Ces remarques fournissent une grille de lecture du budget de l'emploi pour
2002. Remarquons au préalable que le ministère de
l'économie et des finances s'est engagé à améliorer
la transparence des statistiques. Or, force est de reconnaître qu'en
l'état, le projet de loi de finances est difficile à
décortiquer. En particulier, des informations manquent en ce qui
concerne le montant et la répartition des aides accordées aux
entreprises au titre de l'emploi.
Le budget global du ministère de l'Emploi et de la solidarité est
de 31,7 milliards d'euros. Les crédits sont stables, ce qui
signifie en fait une baisse en termes réels.
Les crédits au titre de l'emploi sont de 16,8 Milliards d'euros, ce
qui représente à structure constante, une baisse de 1,7 %
sur l'année 2001.
3,2 milliards d'euros sont destinés au programme
« nouveaux services emplois-jeunes » ;
4,5 milliards à l'insertion des chômeurs de longue
durée et autres personnes ayant les plus grandes
difficultés ; 1,65 milliards d'euros à
« l'accompagnement des restructurations », etc.
Compte tenu de la dégradation de la situation de l'emploi et
l'arrivée à terme des premiers emplois-jeunes en 2002, nous
considérons que le budget de l'emploi devrait progresser plus vite.
Notre critique porte aussi et essentiellement sur les crédits
alloués sous forme d'aides et d'allégements de charges
patronales. Nous demandons une mise à plat des aides. La Commission du
contrôle des aides devrait fournir des éléments
d'évaluation de ces aides, notamment en ce qui concerne leur impact sur
les créations d'emplois, car les estimations disponibles varient
considérablement selon les hypothèses retenues.
ANNEXE N° 4
-
POSITION COMMUNE DU 16 JUILLET 2001
SUR LES VOIES
ET MOYENS DE L'APPROFONDISSEMENT
DE LA NÉGOCIATION
COLLECTIVE
Les
organisations syndicales et patronales signataires souhaitent donner un nouvel
élan à la négociation collective au sein d'un
système performant de relations sociales, respectueux des personnes, des
prérogatives du législateur et de l'ordre public social, et
adapté à une économie diversifiée et ouverte sur le
monde.
A cet effet, les parties signataires, conscientes de leurs
responsabilités,
ont, après avoir exploré
les moyens dont elles disposent actuellement dans le cadre de l'exercice de
leur autonomie, adopté la présente position commune. Fruit d'un
long travail d'échanges et de confrontations, elle vise à une
amélioration du système français de relations
professionnelles, au travers d'un développement du dialogue social, de
la représentation et de la négociation collectives.
Source d'un progrès social négocié, elle constitue leur
contribution à la réalisation des trois objectifs suivants
:
-
- Développer la négociation collective
- Renforcer les moyens du dialogue social
- Créer une dynamique de complémentarité entre le rôle de la loi et celui de la négociation collective.
* *
*
I - DÉVELOPPER LA NÉGOCIATION COLLECTIVE
-
1.
Une articulation dynamique et maîtrisée des niveaux de
négociation
Chaque niveau de négociation, national interprofessionnel, de branche et d'entreprise, assure des fonctions différentes dans le cadre d'un système organisé, destiné à conférer une pertinence optimale à la norme négociée tant dans ses effets que dans sa capacité à couvrir l'ensemble des salariés et des entreprises.
Garant du système, le niveau national interprofessionnel doit assurer une cohérence d'ensemble.
La branche joue un rôle structurant de solidarité, d'encadrement et d'impulsion de la négociation d'entreprise à travers l'existence de règles communes à la profession.
La négociation d'entreprise permet de trouver et de mettre en oeuvre des solutions prenant directement en compte les caractéristiques et les besoins de chaque entreprise et de ses salariés.
Dans ce cadre, pour faciliter le développement de la négociation collective à tous les niveaux, chaque niveau de négociation, national interprofessionnel, de branche, et d'entreprise, doit pouvoir négocier de telle sorte que les dispositions conclues à un niveau plus ou moins centralisé (interprofessionnel ou de branche) s'imposent aux niveaux décentralisés (entreprise) en l'absence d'accord portant sur le même objet. Mais chaque niveau doit respecter les dispositions d'ordre public social définies par la loi et les dispositions des accords interprofessionnels ou de branche auxquels leurs signataires ont entendu conférer un caractère normatif et impératif qui peuvent être constitutives de garanties minimales. Cette disposition ne remet pas en cause la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux accords conclus avant son entrée en vigueur.
En outre un certain nombre de limites peuvent tenir à l'objet de la négociation, comme c'est le cas des mécanismes de mutualisation inter-entreprises, des classifications et des minima de branche par exemple, au degré d'homogénéité des entreprises comprises dans le champ de la négociation ou au souci des signataires de garantir l'équilibre des parties à la négociation. Selon les cas, à déterminer par les négociateurs, l'accord national interprofessionnel ou l'accord de branche peut ainsi avoir, en tout ou partie, un rôle supplétif, d'encadrement pour les niveaux décentralisés, ou encore être un accord d'application directe dont les dispositions s'imposent aux entreprises et à leurs salariés de façon impérative ou optionnelle.
Cette articulation encourage le développement de la négociation collective à tous les niveaux, tout en valorisant le rôle d'impulsion et d'encadrement des niveaux centralisés qui reste primordial.
La mise en place d'un tel mode d'articulation des niveaux de négociation, suppose, d'une part, que les branches mettent en place un observatoire paritaire de la négociation collective destiné à en analyser les effets et à en garder la maîtrise et, d'autre part, développent un dialogue économique et social en vue d'intégrer tant les données économiques et sociales propres à la branche que la diversité des situations des entreprises qui la composent.2. Un équilibre des négociations
- • Un mode adapté de conclusion des accords avec les organisations syndicales
A cet effet, pour une période transitoire destinée à permettre les évolutions que les interlocuteurs sociaux jugeraient nécessaires et à s'assurer notamment que le nouveau mode de conclusion des accords constitue une étape positive au regard du double objectif de développer la négociation collective et de renforcer sa légitimité :
-
Un accord national interprofessionnel ou un accord de branche, quel que soit
le nombre d'organisations syndicales représentatives signataires,
n'entrerait en vigueur que dans la mesure où la majorité des
organisations syndicales représentatives n'aurait pas fait usage de leur
droit d'opposition.
S'agissant des accords d'entreprise, leur entrée en vigueur serait subordonnée à l'un ou l'autre des deux modes de conclusion ci-après, adopté par accord de branche :
a) soit la signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives signataires ayant obtenu au moins 50 % des votants lors des dernières élections de CE ou DP dans l'entreprise. A défaut, pour entrer en vigueur, l'accord devrait être soumis à l'approbation de la majorité du personnel de l'entreprise à l'initiative des organisations syndicales signataires.
b) soit l'absence d'opposition d'organisations syndicales non signataires ayant recueilli seule ou ensemble au moins 50 % des votants aux dernières élections professionnelles.
Si l'accord porte sur des dispositions spécifiques pour les salariés relevant d'un collège électoral, l'audience des organisations signataires doit être appréciée au regard du collège concerné par ces dispositions.
En l'absence d'accord de branche, les accords d'entreprise devraient, pour entrer en vigueur, être conclus dans les conditions définies soit au point a), soit au point b) ci-dessus.
Les interlocuteurs sociaux mettront à profit la période ci-dessus pour déterminer les conditions qui leur paraîtraient les mieux adaptées en vue d'atteindre le double objectif précité de développer la négociation collective et de renforcer la légitimité des accords (interprofessionnels, de branche, d'entreprise).
- • Une généralisation de la représentation collective et de la possibilité de négocier
Les conditions de fonctionnement de ce dialogue social peuvent encore être améliorées tant les règles qui le régissent présentent encore des insuffisances et des éléments inadaptés aux PME, TPE et entreprises artisanales.
De ce point de vue, il convient donc de chercher à lever ces obstacles en simplifiant et en améliorant la cohérence des dispositifs existants et en se donnant les moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel, en particulier des petites entreprises en tenant compte des caractéristiques qui leur sont propres, afin d'élargir le nombre de salariés bénéficiant d'une représentation collective.
Une telle recherche incombe en priorité à la négociation de branche à laquelle il appartient de définir des règles adaptées aux spécificités des entreprises qui la composent et aux modes d'organisation du travail qu'elles mettent en oeuvre.
Dans une telle démarche dont l'objectif est de développer et de renforcer le dialogue social dans l'entreprise, les négociateurs de branche doivent s'attacher à fixer des règles qui visent tout autant au développement de la représentation collective du personnel qu'au renforcement du dialogue social et de la négociation collective en privilégiant dans les deux cas le fond et la réalité sur la forme.
2 - Le développement de la négociation collective ne devrait pas être limité , au moins dans l'immédiat, par l'absence d'une section syndicale dans l'entreprise.
Il conviendrait dès lors, de donner aux branches professionnelles qui le souhaitent, la possibilité de négocier pour une période expérimentale de 5 ans la mise en oeuvre du dispositif ci-après :
a) dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux 55( * ) , des accords collectifs pourront être conclus avec les représentants élus du personnel (CE ou à défaut DP). Toutefois, l'accord collectif signé dans ces conditions, ne serait opérationnel qu'après validation par une commission paritaire de branche.
b) dans les entreprises où les élections de représentants du personnel auront conduit à un procès verbal de carence, des accords collectifs pourront être conclus avec un salarié de l'entreprise mandaté par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives en vue d'une négociation déterminée. Toutefois, l'accord collectif signé dans ces conditions ne serait opérationnel qu'après approbation par la majorité du personnel de l'entreprise concernée.
L'accord de branche devra fixer la liste des thèmes de négociation susceptibles d'être menées dans les entreprises dans les conditions précitées, le seuil d'effectifs en deçà duquel ces dispositions seront applicables, les conditions d'exercice du mandat de négociateur, ainsi que leurs modalités de suivi par l'Observatoire paritaire de branche de la négociation collective.
Ces dispositions ne font pas échec à la possibilité pour les négociateurs de branches de recourir à d'autres dispositifs, notamment ceux déjà prévus à cet effet par les dispositions légales actuellement en vigueur, dans le respect des prérogatives des organisations syndicales représentatives.
Un bilan sera effectué au niveau national interprofessionnel au terme d'un délai de trois ans. Les interlocuteurs sociaux en tireront les conséquences sur les suites à donner.
II - RENFORCER LES MOYENS DU DIALOGUE SOCIAL
1. La reconnaissance des interlocuteurs
La négociation de branche devra rechercher des dispositions facilitant le déroulement de carrière et l'exercice de leurs fonctions des salariés exerçant des responsabilités syndicales ainsi que des mesures destinées à renforcer l'effectivité de la représentation collective dans les entreprises. Une telle démarche participe de la cohérence d'ensemble du dispositif. Elle passe en priorité par la mobilisation des dispositifs légaux et conventionnels existants.
Ainsi, la reconnaissance réciproque des interlocuteurs syndicaux et patronaux dans leur identité et leurs responsabilités respectives constituent, par définition, une condition de l'existence d'un véritable dialogue social. Elle se doit d'être actée paritairement et de trouver en outre une traduction concrète dans le renvoi aux branches professionnelles de négociations sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales de façon à s'assurer que l'exercice normal de telles responsabilités ne pénalise pas l'évolution professionnelle des intéressés.
L'objectif de telles négociations est de définir un certain nombre « d'actions positives » destinées à donner une traduction concrète au principe, posé par le code du travail, de non-discrimination en raison de l'exercice d'activités syndicales.
Dans cette perspective, les négociateurs de branche organiseront dans les meilleurs délais leurs réflexions autour de plusieurs thèmes tels que :
-
-
conciliation de l'activité professionnelle et de l'exercice de
mandats représentatifs,
- mise en oeuvre de l'égalité de traitement (en matière de rémunération, d'accès à la formation, de déroulement de carrière...) entre les détenteurs d'un mandat représentatif et les autres salariés de l'entreprise,
- droit, garanties et conditions d'exercice d'un mandat syndical extérieur à l'entreprise au regard du contrat de travail,
- prise en compte de l'expérience acquise dans l'exercice d'un mandat dans le déroulement de carrière de l'intéressé,
- optimisation des conditions d'accès au congé de formation économique, sociale et syndicale en vue de faciliter la formation des négociateurs salariés.
Cette négociation de branche devra être conduite conjointement avec celle relative à la généralisation de la représentation collective et de la possibilité de négocier.
2. La mise en place d'un dialogue social interprofessionnel territorial
La volonté des interlocuteurs sociaux d'élargir le dialogue social doit également trouver une traduction concrète au niveau territorial interprofessionnel. Ce dialogue social interprofessionnel territorial, qui ne saurait avoir de capacité normative, doit être l'occasion, à l'initiative des interlocuteurs concernés, d'échanges et de débats réguliers sur le développement local dans sa dimension sociale et économique. Les COPIRE constituent, dans leur champ de compétence, un lieu de développement de ce dialogue social.
3. Le droit de saisine des organisations syndicales
Ce droit a pour objet d'éviter que des demandes adressées par les organisations syndicales de salariés restent sans réponse et que l'équilibre des parties soit assuré y compris en matière de droit d'initiative.
La négociation de branche fixera les modalités de la saisine tant au niveau de la branche que de l'entreprise, en fonction des pratiques de la profession et des caractéristiques des entreprises qui la composent telle que, par exemple, l'inscription à l'ordre du jour d'une réunion paritaire annuelle des demandes adressées par les organisations syndicales depuis la dernière réunion et qui n'auraient pas reçu de réponse de la partie patronale dans l'intervalle.
Au niveau national interprofessionnel, l'engagement sera pris de donner une réponse toute demande émanant d'une organisation syndicale représentative.
Cette nouvelle obligation de réponse patronale à une saisine syndicale constitue la réponse à d'éventuelles nouvelles obligations légales de négocier sur des thèmes facultatifs.
4. Accès aux NTIC
Les branches s'emploieront paritairement à définir des orientations pour un code de bonne conduite relatif aux modalités d'accès et d'utilisation des NTIC par les organisations syndicales de salariés dans les entreprises, à partir d'un seuil d'effectifs fixé par la branche.
III - CRÉER UNE DYNAMIQUE DE COMPLÉMENTARITÉ ENTRE LE RÔLE DE LA LOI ET CELUI DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE
Les deux démarches qui précédent (I et II) ne pourront valablement produire d'effet que si la loi laisse suffisamment d'espace à la négociation collective, que ses résultats ne sont pas remis en cause et qu'une complémentarité dynamique est créée, redonnant sa pleine force à la loi et reconnaissant la place de la négociation collective dans le système social français.
1. Encourager la négociation collective en élargissant son champ d'action dans le respect de la loi
Pour exister et plus encore pour se développer, la négociation collective doit disposer d'un espace suffisant, au sein duquel les interlocuteurs sociaux peuvent exercer leurs pleines responsabilités pour définir, adapter et améliorer les règles destinées à régir les rapports des salariés et des employeurs dans leur vie professionnelle. A l'inverse, si l'ensemble de ces règles est prédéterminé à l'avance, dans le détail et de façon quasi intangible par la loi et le règlement, la nécessité du compromis disparaît et la négociation collective s'appauvrit progressivement.
Il s'agit donc de clarifier et d'articuler les domaines respectifs de compétences et de responsabilité de l'Etat et des interlocuteurs sociaux en définissant :
- le domaine du législateur, dans lequel il exercerait la souveraineté qu'il tient du suffrage universel, pour fixer, conformément à l'article 34 de la Constitution, les principes généraux destinés, d'une part, à garantir le respect des traités internationaux ratifiés par la France et, d'autre part, à déterminer les règles relevant de l'intérêt général de la nation tels que par exemple les durées maximales du travail, l'âge minimum d'accès au travail, la durée du repos hebdomadaire, le droit aux congés payés, le droit à la représentation collective, l'exercice de la liberté syndicale, le droit de grève, la protection de la maternité, etc.... . Ces principes généraux devraient se voir conférer une valeur d'ordre public social.
- le domaine partagé du législatif et du réglementaire d'une part, et des interlocuteurs sociaux d'autre part, les modalités d'application des principes généraux fixés par la loi seraient négociées, au niveau approprié, par les interlocuteurs sociaux. Un texte législatif ou réglementaire de substitution devrait dans tous les cas avoir été adopté pour garantir l'application de la loi à l'ensemble des entreprises et des salariés en cas d'échec de la négociation, sans faire obstacle pour autant à l'entrée en vigueur de modalités d'application conventionnelles. Dans ce cadre, la transcription en droit interne des directives communautaires pourrait intervenir prioritairement par voie conventionnelle. Ces accords, pour être valables, devraient avoir été conclus dans les conditions prévues au 1 er tiret du point I.2.
- et le domaine des interlocuteurs sociaux, pour l'amélioration des dispositions d'ordre public social relatif et la création de droits nouveaux.
2. Garantir les champs d'action respectifs de la loi et de la négociation collective
La définition d'un domaine commun au législateur et aux interlocuteurs sociaux doit s'accompagner d'un dispositif garantissant que le contenu des accords n'enfreint pas l'ordre public social. A cet effet, différentes solutions sont envisageables. Mais il conviendra que la solution retenue garantisse le respect du principe de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, et que l'instance qui sera chargée de cette mission soit indépendante des parties : pouvoir exécutif, législatif et interlocuteurs sociaux.
La clarification des responsabilités opérée entre les différents acteurs, tout autant que la nécessité de respecter l'équilibre des accords, conduirait à ce que l'instance chargée de procéder à l'extension ou à l'agrément des accords, après consultation de la sous-commission des conventions et accords, s'assure du respect des règles de négociation et des modes de conclusion des accords dont l'extension ou l'agrément est demandé ainsi que de leur conformité à la loi (respect de l'ordre public, conflit de champs...). L'appréciation de l'opportunité des accords resterait de la seule responsabilité des partenaires sociaux.
Les conflits nés de l'application des accords conclus, continueraient de relever de la compétence des tribunaux judiciaires. Cependant, si le conflit soulevait une question d'interprétation de l'accord, le tribunal devrait saisir au préalable une commission paritaire d'interprétation de l'accord, composée des représentants des parties signataires.
3. Donner de nouvelles fonctions à la négociation collective
Il conviendrait de prévoir que :
-
- les interlocuteurs sociaux puissent au niveau national interprofessionnel,
prendre, s'ils le souhaitent, le relais d'une initiative des Pouvoirs Publics
dans leur champ de compétence,
- les accords auxquels ils parviendraient dans une telle hypothèse, ou encore à leur propre initiative dans un domaine qui requiert des modifications législatives, puissent entrer en vigueur dans le respect de leur équilibre.
* *
*
Les mesures proposées dans le présent document correspondent à un équilibre d'ensemble. Les parties signataires engageront les démarches nécessaires auprès des Pouvoirs Publics pour leur demander de prendre en compte les éléments de la présente position et d'adopter les dispositions relevant de leur compétence nécessaires à sa mise en oeuvre dans le respect de l'équilibre auquel elles sont parvenues.
Fait à Paris, le 16 juillet 2001
Pour la
C.F.D.T.
Pour le MEDEF Pour la CFE-CGC
Pour la C.G.P.M.E. Pour la C.F.T.C.
Pour l'U.P.A. Pour la C.G.T. - F.O
Pour la C.G.T
1
CFDT, FO,CGC, CFTC, MEDEF, CGPME,
UPA.
2
Voir les comptes rendus des auditions en annexe n° 2 du
présent avis.
3
Voir la contribution écrite adressée par la CGT
à votre rapporteur pour avis en annexe n° 3 du présent
avis.
4
Le NAIRU (non accelarating inflation rate of unemployment) est le
taux de chômage en dessous duquel il n'est pas possible de descendre,
compte tenu de l'état du marché du travail, sans augmenter le
taux d'inflation.
5
Voir à cet égard le IV B. du présent avis.
6
DARES, Premières synthèses, octobre 2001,
n° 43.1, « La dimension régionale des
difficultés de recrutement ».
7
Rapport d'information du Sénat n° 386
(2001-2001), « Mondialisation : réagir ou subir ? La
France face à l'expatriation des compétences, des capitaux et des
entreprises », M. Denis Badré, président, M.
André Ferrand, rapporteur.
8
Voir p. 1 de ce rapport.
9
Rapport n°60 du Sénat (2001-2002) fait au nom de la
commission des Affaires sociales sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002, tome I, p.21 et suivantes.
10
DARES, Premières synthèses, août 2001,
n°31.2, « L'exonération de cotisations sociales pour le
développement territorial ».
11
L'article 71 du projet de loi de finances, qui proroge le
dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales applicable
en zone franche urbaine est examiné dans l'avis de votre commission
consacré aux crédits relatifs à la ville.
12
DARES, Premières synthèses, novembre 2001, n°
47.2, « Résultats provisoires de l'enquête trimestrielle
sur l'activité et les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre au
3
ème
trimestre 2001 ».
13
Commissariat général du Plan,
« Réduction du temps de travail :les enseignements de
l'observation », Rapport de la commission présidée par
Henri Rouilleault, juin 2001.
14
Idem, p.158.
15
Idem, p161.
16
Plein emploi, rapport n°30 du Conseil d'analyse
économique, septembre 2000, p.30.
17
Voir le compte-rendu de cette audition en annexe n°2 du
présent avis.
18
Centre d'études de l'emploi, Quatre pages, n°48,
novembre 2001.
19
En juillet 2001, les garanties mensuelles ont augmentées
de 2,85 % contre 4,05 % pour le SMIC.
20
DARES, Premières synthèses, mai 2001, n°21.1,
« Les effets de la réduction du temps de travail sur les modes
de vie ».
21
Voir I. C. du présent avis.
22
Voir les comptes rendus des auditions réalisées par
votre rapporteur pour avis, annexe n°2 du présent avis.
23
Le ministère de l'Emploi tient également le compte
des jeunes « embauchés » (328.000 au 30 juin
2001) qui correspond au nombre de jeunes passés dans le dispositif
depuis sa création.
24
Rapport d'information du Sénat n°25 (2000-2001)
présenté par la commission des Affaires sociales sur le bilan
à mi-parcours des emplois-jeunes, M. Alain Gournac, rapporteur.
25
Avis n°96, tome IV, du Sénat (200-2001)
présenté par la commission des Affaires sociales sur le projet de
loi de finances pour 2001, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis.
26
Voir à cet égard le B 1) b) de la présente
partie consacrée à la réforme du CIE.
27
DARES, Premières synthèses, septembre 2001,
n°37.1, « TRACE en 2000 : un dispositif tourné vers
les jeunes en grande difficulté ».
28
Voir l'examen de l'article 69, p. 63.
29
Premières informations, DARES n° 43-3, octobre
2001 : « Un an après la sortie d'un contrat emploi
consolidé : près de six chances sur dix d'avoir un
emploi. »
30
Voir examen des articles du présent avis.
31
DARES, Premières synthèses, n° 33.1,
août 2000.
32
DARES, Premières synthèses, n° 38.2,
septembre 2001.
33
DARES, Premières synthèses, novembre 2001,
n°44.3, « L'emploi et le chômage des personnes
handicapées en 1999 ».
34
DARES, Premières synthèses, octobre 2001, n°
41.2, « Les quinquagénaires entre l'activité et la
retraite ».
35
« maintenir dans l'emploi les travailleurs
expérimentés ».
36
Rapport d'information n° 65 du Sénat (2000-2001)
au nom de la commission des Finances sur la situation, la gestion et les
rémunérations des personnels du ministère de l'emploi, MM.
Joseph Ostermann et Gérard Braun, rapporteurs.
37
A ce sujet voir l'avis sur les crédits de la formation
professionnelle présenté au nom de notre commission par notre
excellent collègue, Mme Annick Bocandé.
38
Voir le compte-rendu de cette audition en annexe n°2.
39
Le tribunal de grande instance de Marseille a confirmé le
9 novembre dernier le caractère obligatoire du PARE pour qui veut
bénéficier des allocations-chômage.
40
Art. 5 : « Les organismes
mentionnés à l'article L. 351-21 du code du travail
sont autorisés à verser à l'Etat 1.067.143.120 euros
en 2001 et 1.219.592.137 euros en 2002. ».
41
Projet de loi de finances rectificative pour 2001, document
de l'Assemblée nationale n° 3384, pages 7 et 84.
42
Voir à cet égard le compte rendu de l'audition de
M. Jean-Pierre Revoil, directeur général adjoint de l'UNEDIC en
annexe n°2.
43
Voir l'annexe n°4 de ce présent avis.
44
Voir à cet égard le rapport n°30 du
Sénat (1999-2000) fait au nom de la commission des Affaires sociales sur
le projet de loi relatif à la réduction négociée du
temps de travail, M. Louis Souvet, rapporteur, p 173 et suivantes.
45
Voir à cet égard le II. du présent avis.
46
Rapport n°433 du Sénat(1996-1997) fait au nom de la
commission des Affaires sociales sur le projet de loi relatif au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes, M. Louis
Souvet rapporteur.
47
Rapport d'information du Sénat n°25 (2000-2001) fait
au nom de la commission des Affaires sociales sur le bilan à mi-parcours
des emplois-jeunes, M. Alain Gournac, rapporteur.
48
Voir p. ???? du présent avis.
49
Projet de loi de finances pour 2002, document de
l'Assemblée nationale n° 3262, p. 132.
50
Le décret n° 98-456 du 12 juin 1998 a
fixé ce montant à 5.000 francs.
51
JO Débats Assemblée nationale -
2
ème
séance du 6 novembre 2001, Mme Nicole
Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la
formation professionnelle, p. 7238.
52
Rapport du Sénat n° 60 (2001-2002) fait au
nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002, M. Alain Vasselle, rapporteur,
Tome IV, p. 152 et suivantes.
53
Rapport du Sénat n° 60 (2001-2002) fait au
nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002, M. Alain Vasselle, rapporteur,
Tome IV, p. 153.
54
JO Débats Assemblée nationale -
2
ème
séance du 6 novembre 2001, p. 7238.
55
Y compris de délégué du personnel faisant
fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins
de 50 salariés