V. LA NÉCESSAIRE REDÉFINITION DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
Le
présent avis, comme les différents travaux réalisés
par votre commission au cours de cette législature, met en
évidence le caractère globalement inadapté de la politique
menée dans le domaine de l'emploi depuis 1997.
Certes, certaines actions ont été bénéfiques, c'est
le cas du programme TRACE développé en application de
recommandations établies au niveau de l'Union européenne. Par
ailleurs, le programme « emplois-jeunes », malgré
ses faiblesses et la nécessité de le faire évoluer pour
permettre à chaque jeune de pouvoir accéder à un emploi
pérenne, ne doit pas être condamné eu égard au fait
qu'il a, à un moment, permis de proposer des solutions à de
nombreux jeunes en détresse d'emploi.
Il n'est malheureusement pas possible d'en dire autant des autres initiatives
prises par le Gouvernement, en particulier dans le domaine de la
réglementation du travail. C'est pourquoi, votre commission vous
proposera de rappeler les quelques priorités qui lui semblent devoir
mériter d'être retenues dans le domaine de l'emploi pour la
prochaine législature.
A. RÉTABLIR LA CONFIANCE AVEC LES PARTENAIRES SOCIAUX
Les
auditions des partenaires sociaux, auxquelles procède
régulièrement votre commission des Affaires sociales, ont
laissé apparaître, puis se développer, une véritable
crise de confiance entre le Gouvernement et les forces vives de notre
démocratie sociale.
Dans ces conditions, le rétablissement de la confiance passe, sans aucun
doute, par une redéfinition du rôle respectif de l'Etat et des
partenaires sociaux dans la conduite des relations sociales.
1. Redéfinir le rôle respectif de la loi et du contrat
La
grande confusion qui caractérise le budget de l'emploi et celui de la
sécurité sociale et qui se cristallise dans l'invraisemblable
FOREC illustre aussi le degré inouï de mélange des genres
auquel nous sommes parvenus au terme de cette législature. Sans les 35
heures obligatoires, pas de FOREC. Or les 35 heures sont avant tout le produit
d'une certaine conception des relations sociales qui s'est illustrée
dès la Conférence nationale du 10 octobre 1997 qui a
marqué le début de l'ère de la défiance de la part
de l'Etat vis-à-vis des partenaires sociaux.
La reconstruction de notre démocratie sociale passe donc d'abord par une
redéfinition du rôle respectif de l'Etat et des partenaires
sociaux, de la loi et du contrat. La loi doit certes continuer à fixer
les grands principes fondamentaux du droit du travail (durée maximale du
travail, repos, congés, âge minimum...) mais l'application de ces
grands principes doit maintenant relever prioritairement de la
négociation collective.
Eu égard à la qualité exceptionnelle de ce document, votre
rapporteur a souhaité inclure en annexe du présent avis
43(
*
)
le texte de la position commune
adoptée le 16 juillet dernier par les partenaires sociaux qui
définit
« les voies et moyens de l'approfondissement de la
négociation collective »
. Le document a vocation à
inspirer le débat public. Il constitue à n'en pas douter une
bonne base de travail pour rétablir la confiance entre les partenaires
sociaux et l'Etat.
2. L'indispensable modification de la loi « Aubry II »
La loi
du 19 janvier 2000 dite loi « Aubry II » symbolise,
à elle-seule, ce que peut être une mauvaise gouvernance sociale.
Absence de confiance vis-à-vis des partenaires sociaux, abaissement
autoritaire de la durée légale du temps de travail, mise à
contribution des finances publiques et des finances sociales...
Votre commission ne peut que rappeler
44(
*
)
par ailleurs ses regrets que la
seconde loi Aubry n'ait pas validé intégralement le contenu des
accords signés sur le fondement de la loi du 13 juin 1998. Il en est
ressorti une grande insécurité juridique pour les parties
signataires. Elle considère que le législateur doit être
respectueux des accords existants comme le prévoyait la loi quinquennale
du 20 décembre 1993.
Dans ces conditions, étant donné le caractère insuffisant
des aménagements apportés à cette loi par la voie
réglementaire et compte tenu du « triste bilan » qui
peut en être fait
45(
*
)
,
votre commission est favorable à la révision de la loi du 19
janvier 2000.
Sans revenir nécessairement sur l'abaissement de la durée
légale du temps de travail qui est devenu une réalité, il
lui semble nécessaire de donner aux partenaires sociaux la
possibilité de négocier sur la question du volume et de la
rémunération des heures supplémentaires.
Mais cette nouvelle négociation ne saurait en rester là, elle
pourrait aussi concerner la prise en compte du temps relatif à la
formation -comme le suggère FO- les règles applicables aux cadres
et le rôle du compte épargne temps (CET). Comme l'ont
montrées les auditions auxquelles a procédé votre
rapporteur, une telle évolution nécessiterait également
des contreparties en faveur des salariés que ce soit en termes de
pouvoir d'achat ou de formation tout au long de la vie.