D. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre
commission reconnaît que le plan triennal (2001-2003), annoncé le
25 janvier 2000, n'est pas un effort négligeable sur le plan
financier.
Toutefois, parce qu'il ne s'accompagne pas d'une réforme de fond des
dysfonctionnements, sinon des insuffisances, du dispositif d'aide aux personnes
handicapées, ce plan fait courir le risque de ne masquer que
temporairement la montée des mécontentements.
1. L'absence d'une réforme de fonctionnement des COTOREP
Tout
d'abord, la réforme de fond des COTOREP, constamment
différée, ne s'engage pas de manière favorable.
On se souvient que lorsque le Gouvernement avait, en 1999,
transféré du budget de l'Etat à l'AGEFIPH le financement
de la garantie de ressources pour les personnes en ateliers
protégés, il s'était engagé en contrepartie
à faire un effort sur la modernisation des COTOREP.
Force est de constater que cette modernisation n'a pas beaucoup avancé,
mises à part la mise en place de crédits d'informatisation et la
revalorisation des rémunérations des médecins
coordinateurs.
Le décret qui vise à fusionner les deux sections de COTOREP est
toujours à l'état préparatoire.
Ce décret ne
suscite pas l'unanimité
puisque certaines associations
regrettent
que l'accent soit mis sur la médicalisation des COTOREP
au
détriment de la pluridisciplinarité et de la prise en compte de
la dimension médico-sociale de l'intégration des personnes
handicapées.
Comme le souligne un rapport du Conseil économique et social
(CES)
9(
*
)
de septembre 2000, les
délais de traitement des dossiers sont trop longs. Par ailleurs, on peut
reprocher aux COTOREP d'aggraver l'incapacité en privilégiant
l'assistance plutôt que d'inciter à l'autonomie et à
l'intégration ceux qui en seraient capables avec un accompagnement. Plus
grave encore, les orientations des COTOREP ne sont pas prononcées en
fonction des besoins réels des personnes handicapées mais
plutôt de l'existence d'établissements spécialisés
susceptibles de les accueillir.
Selon le CES, l'existence de deux sections dans les COTOREP a un effet pervers
puisque la possibilité est laissée aux personnes
handicapées de tenter un parcours professionnel en s'adressant à
la première section ou de bénéficier d'un système
d'aide sociale automatique si le taux d'invalidité requis est reconnu
par la deuxième section.
Comme l'indique le rapporteur du Conseil économique et social :
« un tel dispositif conduit à faire entrer une personne
dans un système d'assistance dès l'âge de 20 ans au lieu de
l'aider à bâtir un parcours professionnel au plus près de
ses capacités. Cette démarche revient à lui refuser
l'accès à une citoyenneté pleine et entière,
basée sur l'obtention de ses droits et l'exercice de ses
devoirs.»
10(
*
)
Au demeurant, les COTOREP souffrent de deux défauts
récurrents : tout d'abord,
elles ne peuvent prendre que des
décisions « binaires »,
c'est-à-dire
attribuer une allocation ou une prise en charge, sans favoriser au contraire la
mobilité entre des prises en charge différentes en institution ou
à domicile ; par ailleurs,
les COTOREP ne sont pas
intéressées par les conséquences financières des
décisions qu'elles prennent
.
Il manque en réalité un véritable réseau des
COTOREP, articulé autour d'une Agence ou d'un établissement
public rattaché au Premier ministre pour lui assurer toute
l'autorité nécessaire.
Cette agence serait chargée d'évaluer les besoins au niveau
national et assurerait une synergie entre les domaines de la prise en charge
médicalisée, du soutien à la vie à domicile et de
la formation ou de l'intégration professionnelle
.
2. L'évaluation des besoins en matière d'accueil en institution doit être améliorée
La
plupart des associations estiment que le plan triennal lui-même reste
bien en deçà des besoins à satisfaire. S'agissant des
personnes handicapées mentales, le plan devrait être doublé
pour obtenir des résultats tangibles.
De nombreux enfants handicapés mentaux -près de 20.000- sont en
liste d'attente pour accéder à des instituts
spécialisés ; la situation des polyhandicapés est
toujours très difficile à tous les âges de la vie. Les
traumatisés crâniens accèdent difficilement à des
établissements. Le nombre de places pour les enfants autistes est
cruellement insuffisant, ce qui conduit les parents à placer leurs
enfants dans des établissements spécialisés en Belgique.
Parallèlement, le réseau visant à faciliter l'accès
au travail des personnes handicapées enregistre des difficultés
croissantes. Les ateliers protégés ne disposent pas des
compensations nécessaires pour assurer leur activité à un
niveau concurrentiel. Cette situation les conduit à retenir leurs
meilleurs éléments plutôt que de les orienter vers un
travail en milieu ordinaire.
Les centres d'aide par le travail (CAT), de même, sont de plus en plus
des institutions où les personnes accueillies le demeurent à
titre permanent sans perspective de sortie même si les textes ne le
reconnaissent pas encore clairement.
Face à cet afflux de demandes, un travail d'évaluation est
indispensable avant de créer les structures, votre rapporteur a ainsi
constaté l'échec d'un CAT pour adulte-autiste conçu pour
20 personnes et qui n'en accueille que cinq.
Il importe d'assurer la meilleure adéquation possible entre les
institutions de prise en charge et les demandes des personnes
handicapées pour un travail d'évaluation des besoins de la
personne handicapée
. Les COTOREP ne jouent qu'imparfaitement le
rôle qui devrait être le leur.
3. Les aides à la vie autonome sont à un niveau insuffisant
Tout
d'abord, votre commission regrette que
les sites pour la vie autonome
ne
soient pas développés plus rapidement. Ces sites sont très
appréciés par les personnes handicapées parce qu'ils
permettent de regrouper en un lieu unique, les compétences requises pour
évaluer tous les besoins d'aide, qu'il s'agisse des aides techniques,
humaines ou de l'aménagement du logement. Toutefois, l'effort devrait
être plus énergique pour accélérer la mise en place
de ces structures.
Les personnes handicapées rencontrent depuis plusieurs années de
difficultés pour trouver des infirmières.
Le ministère prépare depuis le printemps 2000 un projet de
décret pour l'extension des services de soins infirmiers à
domicile aux personnes handicapées (SSIAD). Ce décret est
néanmoins toujours en attente.
Il est important que le plan de soins infirmiers soit élaboré
dans le cadre d'une évaluation globale des besoins de la personne. En
effet, pour les personnes les plus dépendantes, les moyens à
mettre en oeuvre pour compenser les situations de handicap et le suivi
médical quotidien sont très liés.
En outre, les moyens de financement du droit à compensation doivent
être pris en compte. Avec la mise en oeuvre du projet de soins
infirmiers, certaines personnes ne pourront plus bénéficier de
l'intervention d'une infirmière pour certains actes de la vie courante.
Ces actes seront réalisés par du personnel qu'elles devront
rémunérer. Cela constituera pour ces personnes des charges
financières importantes supplémentaires.
En tout état de cause, la pénurie d'infirmières, due au
caractère attractif des carrières en hôpital public,
crée une situation de carence préoccupante dans le secteur de
l'aide à domicile -notamment en milieu rural.
4. La question du sort des personnes handicapées vieillissantes est toujours à l'étude
Le plan
triennal du 25 janvier 2000 a prévu 45 millions de francs pour
créer de nouvelles places d'accueil. Mais le problème demeure
puisque les personnes handicapées âgées quittent souvent
l'établissement où elles avaient pourtant leur cadre de vie
habituel. Elles subissent le traumatisme de la séparation avec ce qui
constituait leur milieu de vie ordinaire. Des expériences montrent qu'il
est préférable de maintenir ces personnes dans des structures
situées à proximité des foyers traditionnels où
elles ont vécu.
Cela suppose néanmoins la reconnaissance de la dimension
médico-sociale spécifique de ces nouveaux organismes, notamment
pour faciliter le financement des « activités
occupationnelles » qui doivent être assurées dans ces
structures d'un nouveau type.
Sur toutes ces questions, le Gouvernement prend du retard. Le
mécontentement des handicapés s'accroît et sera d'autant
plus difficile à désamorcer. Il devient particulièrement
urgent de réformer la « première » loi du 30
juin 1975, c'est-à-dire la loi d'orientation relative aux personnes
handicapées.