EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères de la défense et des
forces armées a examiné le présent rapport pour avis lors
de sa réunion du 22 novembre 2001.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Michel
Caldaguès s'est inquiété des conséquences du retard
de livraison du quatrième SNLE-NG, repoussé de 2008 à
2010, compte tenu du calendrier du retrait des SNLE de génération
actuelle.
M. André Dulait a demandé si la présence de
médecins était prévue lors de la journée d'appel de
préparation à la défense.
M. Christian de La Malène s'est interrogé sur les raisons de
l' insuccès du recrutement direct de médecins dans le
secteur civil par le service de santé des armées.
M. Jean-Yves Autexier a demandé des précisions sur le respect des
dotations consacrées au programme de simulation.
M. André Boyer, constatant le départ vers le secteur civil de
nombreux médecins des armées, s'est demandé s'ils
étaient soumis au respect d'une durée minimale d'engagement.
M. Robert Del Picchia a souligné l'impact de la suppression du service
national sur le service de santé des armées, compte tenu du
rôle qu'y jouaient les médecins appelés.
M. Xavier de Villepin, président, a évoqué la
réduction des arsenaux nucléaires annoncée par les
dirigeants américains et russes, en se demandant si elle pouvait avoir
des incidences sur les autres puissances nucléaires. Il a fait allusion,
ainsi que M. Philippe de Gaulle, aux informations selon lesquelles les
Etats-Unis n'avaient pas renoncé définitivement à
réaliser des essais nucléaires.
Il a demandé si, dans le domaine spatial militaire, un accord
était envisagé avec la Russie. Il a souhaité obtenir des
précisions sur les annulations de crédits intervenues en 2001 sur
le budget de la défense. Enfin, il s'est interrogé sur le
rôle de la commission de contrôle des fonds spéciaux
alloués aux services du renseignement dont la création est
envisagée au travers d'un amendement au projet de loi de finances
adopté par l'Assemblée nationale. Il a rappelé, à
ce propos, le souhait exprimé depuis longtemps par la commission de voir
renforcer l'information du Parlement sur l'organisation et le fonctionnement de
ces services.
A la suite de ces interventions, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a
apporté les précisions suivantes :
- la prolongation en service du dernier SNLE de génération
actuelle et l'aménagement des calendriers d'entretien doivent permettre
de faire face aux conséquences du décalage de deux ans de la
livraison du quatrième SNLE-NG ;
- le programme de simulation recevra les dotations prévues, ce qui
permet le respect des échéances de réalisation des
équipements, en particulier le laser mégajoule ;
- le coût du maintien en condition des arsenaux considérables
édifiés par la Russie et les Etats-Unis explique en grande partie
la volonté des deux pays de réduire le volume de leur armement
nucléaire ; une telle réduction n'a pas lieu de remettre en
cause la dimension de la force de dissuasion française, fondée
sur la stricte suffisance ;
- à la différence de la France, qui a testé lors de sa
dernière campagne d'essais nucléaires des charges robustes, les
Etats-Unis possèdent des charges nucléaires soumises à des
variations plus significatives ; c'est sur ce fondement que certains
spécialistes américains préconisent de ne pas renoncer
définitivement aux essais nucléaires en vraie grandeur,
même si le programme de simulation américain n'est pas remis en
cause ;
- aucun bilan médical n'est effectué lors de la journée
d'appel de préparation à la défense ;
- les obligations de mobilité, la participation fréquente aux
opérations extérieures et la relative modicité des
rémunérations sont autant de facteurs qui limitent
l'attractivité de la carrière dans le service de santé des
armées aux yeux de ceux qui se destinent à la
médecine ;
- le départ anticipé de médecins des armées vers le
secteur civil se constate souvent après 25 ans de carrière,
lorsque les intéressés peuvent procéder à la
liquidation de leur pension de retraite ;
- au cours de l'année 2001, le budget de la défense a subi deux
importantes annulations de crédits d'équipement, à hauteur
de 3,3 milliards de francs en octobre et de 2,4 milliards de francs en
novembre ;
- dans le domaine spatial, l'éventualité d'autoriser des
lancements de la fusée russe Soyouz depuis Kourou fait l'objet de
discussions avec nos partenaires au sein de l'Agence spatiale européenne.
*
* *
La
commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du
ministère de la défense pour 2002.
M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le projet de
budget de la défense pour 2002 prend en compte, au titre III et de
façon positive, les exigences de la professionnalisation. Il
prévoit à cet effet un abondement substantiel des crédits
liés à la condition militaire, ainsi qu'à
l'entraînement des forces. Cependant, a-t-il déploré, le
projet n'apporte aucune marge de manoeuvre pour tout ce qui relève des
crédits d'équipement.
La condition militaire, et notamment les mesures catégorielles en faveur
des sous-officiers, sont un des aspects positifs des crédits du titre
III. Ils permettent également d'améliorer les normes
d'entraînement des trois armées, qui constituaient un sujet de
préoccupation depuis plusieurs années.
Le titre V, en revanche, n'est plus à la hauteur des besoins. Si l'on
excepte le nucléaire, judicieusement préservé et
renforcé, ce titre, pour ce qui est des forces classiques, s'inscrit
dans la logique des diverses encoches qui ont affecté plusieurs
annuités de l'actuelle programmation. Il rend par ailleurs
irréaliste la transition avec le niveau de la première
annuité telle que définie dans le projet de loi de programmation
2003-2008.
Enfin, le niveau des crédits de paiement du projet 2002 n'est
guère compatible avec l'état des engagements
réalisés depuis 1998 qui auraient justifié, au contraire,
a souligné M. Xavier de Villepin, président, écarter
l'octroi d'une marge de gestion accrue pour les armées. Les
autorisations de programmes, pour leur part, n'augmentent pas de façon
suffisante. Pour l'armée de terre, notamment, certaines commandes ne
pourront être passées au moment prévu, entraînant de
nouveaux retards.
Concluant une programmation 1997-2002 qui aura, au fil des encoches et des
annulations, manqué de l'équivalent budgétaire d'une
annuité, ce projet de budget de la défense pour 2002, a
estimé M. Xavier de Villepin, président, est d'autant plus
critiquable -en dépit des efforts importants consentis sur le titre III-
qu'il intervient à un moment où la situation internationale
requiert une disponibilité accrue de nos forces dont on sait qu'elles
seront, à moyen terme, confrontées à des lacunes
capacitaires importantes comme, notamment, le transport aérien ou les
hélicoptères de transport de troupe.
Autant de raisons qui, a conclu M. Xavier de Villepin, président, le
conduisaient à émettre un avis défavorable à
l'adoption de ces crédits.
M. Jean-Pierre Masseret n'a pas contesté les préoccupations
exprimées dans le constat formulé par M. Xavier de Villepin,
président. Il a toutefois estimé, d'une part, qu'une
appréciation rigoureuse des crédits devait tenir compte des
conséquences de la décision de professionnaliser nos forces et
que, d'autre part, l'actuelle loi de programmation militaire avait
-après certes une revue de programmes- à peu près atteint
ses objectifs, ce qui ne s'était pas produit souvent dans le
passé.
Pour M. Jean-Pierre Masseret, c'est la décision, qu'il a jugée
improvisée, de professionnaliser les forces qui affectait aujourd'hui
les crédits d'équipement. Chacun savait le surcoût que ne
manquerait pas d'entraîner cette réforme qui a quand même
été menée à bien. Dans un cadre budgétaire
global nécessairement contraint, l'incidence de la professionnalisation
ne pouvait que peser sur le titre V.
Cela étant, a poursuivi M. Jean-Pierre Masseret, ce constat ne devait
pas empêcher d'identifier les difficultés capacitaires qui
pouvaient affecter le rôle de nos forces dans le monde ou dans le cadre
d'une défense européenne que la France, à son avis,
était bien seule à vouloir réellement promouvoir.
Prenant ainsi en compte que les objectifs majeurs de la programmation avaient
été atteints en dépit du coût de la
professionnalisation et rendant hommage aux personnels des forces
armées, M. Jean-Pierre Masseret a indiqué que le groupe
socialiste voterait les crédits de défense pour 2002.
M. Michel Caldaguès s'est élevé contre une forme de
chantage moral selon lequel un rejet des crédits de défense
porterait atteinte au moral des armées. C'était bien
plutôt, selon lui, si le Parlement se montrait aveugle et
négligent dans ses analyses que ce moral pouvait être
légitimement atteint. Pour M. Michel Caldaguès, un mauvais budget
légitimait un vote négatif.
M. Michel Caldaguès s'est déclaré inquiet de ce que la loi
de programmation militaire, en s'assignant un modèle d'armée, au
demeurant cohérent, à l'horizon 2015, avait sacrifié le
moyen terme, renvoyant à plus tard les exigences capacitaires
indispensables à bref délai. Ainsi, à l'horizon 2008, ce
constat capacitaire lui apparaissait consternant et directement lié,
notamment, au non-respect de l'engagement, inclus dans la loi de programmation
militaire, de crédits d'équipement constants, alors même
que la plus grande partie de la période couverte par la loi avait
coïncidé avec une relative embellie budgétaire. M. Michel
Caldaguès a estimé que nos forces se trouvaient cruellement
démunies dans de trop nombreux domaines : risque de non-permanence
de notre composante nucléaire navale, de défaut de permanence
dans le transport stratégique -dont la capacité future
dépendait d'une décision allemande- enfin non-permanence du
groupe aéronaval. Que restait-il sinon une situation dramatique, du fait
du non-respect d'une loi de programmation pourtant votée par la
représentation nationale ?
Enfin, M. Michel Caldaguès a contesté le raisonnement tendant
à faire porter à la professionnalisation la responsabilité
de la situation. Elle était la seule réussite de cette
programmation et ce n'est pas elle qui avait conduit à l'état
actuel des crédits d'équipement.
M. Michel Caldaguès a alors indiqué qu'il se joindrait à
l'avis défavorable proposé par M. Xavier de Villepin,
président.
M. Jean-Yves Autexier a relevé l'effort consenti sur l'espace, la
communication, le renseignement ainsi que la réaffirmation d'une
dissuasion indépendante. Il a cependant souligné les
conséquences négatives de la décision, prise, a-t-il
estimé, dans l'improvisation, de mettre un terme au service national. On
recueillait à présent, a-t-il poursuivi, les fruits amers de la
programmation. Celle-ci avait eu deux objectifs : la professionnalisation
tout d'abord, qui dans un contexte de diminution de la croissance ne pouvait
que peser sur les crédits d'équipement. Ensuite, la configuration
de nos forces en vue de leur projection pour des opérations
extérieures : or, celles-ci ne relevaient pas toujours de
l'intérêt national et s'avéraient par ailleurs
excessivement coûteuses. Relevant cependant que malgré une marge
de manoeuvre réduite les objectifs essentiels avaient été
préservés, M. Jean-Yves Autexier a indiqué que le groupe
communiste républicain et citoyen s'abstiendrait sur les crédits
de la défense pour 2002.
M. Jean-Guy Branger a rappelé qu'il y a plus de vingt ans, les
crédits de défense correspondaient à 3,5 % du PIB. A
l'époque, chacun estimait qu'un taux de 4 % était
nécessaire pour le bon fonctionnement et un équipement
adapté des forces armées. Aujourd'hui la part de la
défense dans le PIB était ramenée à moins de
2 % . Cela illustrait, a estimé M. Jean-Guy Branger, un manque
de volonté politique et il relevait de la responsabilité de la
représentation nationale d'expliquer à l'opinion les
conséquences très négatives de cette insuffisance.
La commission a alors émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits de défense figurant dans le projet de loi
de finances pour 2002.