II. LA DIMENSION SOCIALE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
Pour lutter contre les handicaps structurels que connaissent les habitants des quartiers en difficultés (taux de chômage supérieur à la moyenne, illétrisme...), les pouvoirs publics mènent des actions spécifiques les intéressant au sein des politiques globales de l'Etat, à commencer par la politique de l'emploi et par celle de la jeunesse.
A. LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
1. Les actions en faveur des chômeurs qui rencontrent des difficultés spécifiques
Plusieurs programmes ont été lancés afin
de
venir en aide aux chômeurs qui rencontrent des problèmes
spécifiques sur le marché du travail : chômeurs de
longue durée, personnes très faiblement qualifiées
notamment, et celles dont les problèmes sociaux diminuent fortement les
chances de trouver un emploi. Il s'agit d'une part programme
« nouveaux services, nouveaux emplois », et d'autre part
des contrats emploi solidarité et des contrats emploi consolidés,
auxquelles s'ajoutent les actions des entreprises d'insertion.
Le programme « nouveaux services, nouveaux emplois »
Créé par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 le
programme « nouveaux services, nouveaux emplois » est
destiné à soutenir des activités nouvelles
répondant à des besoins non satisfaits par le jeu du
marché. Il permet, en outre, à des jeunes d'avoir une
première expérience professionnelle.
Le 6 juin 2001, la ministre de l'emploi et de la solidarité a
annoncé un ensemble de mesures qui traduisent, selon le
« jaune » budgétaire «
une nouvelle
étape dans l'engagement collectif en faveur des jeunes et des
activités
», formule qui revient, selon votre Commission
des Affaires économiques, à reconnaître que les critiques
formulées par la majorité sénatoriale à l'occasion
du lancement de ce programme (précarisation des emplois,
déconnexion des activités proposées par rapport aux
besoins du marché ...) étaient fondées. Il s'avère
en effet, qu'au vu des résultats de ce programme la ministre se
préoccupe de :
- d'assurer l'avenir professionnel de ces jeunes ;
- de consolider les nouvelles activités qui apportent des services
devenus indispensables, et par conséquent de pérenniser ces
emplois.
Sans méconnaître la nécessité de permettre aux
titulaires d'emplois jeunes de trouver et de conserver un emploi, votre
commission considère que la nécessité de proroger le
dispositif atteste que celui-ci était bel et bien déficient, et
qu'il n'a pas permis créer des emplois durables, sauf pour ceux-ci
à être financés par l'Etat.
En termes quantitatifs, on constate que
230.000 emplois ont
été créés
dont 176.000 dans des associations et
des collectivités locales, -dont on notera de nouveau le rôle
majeur-.
Le pourcentage des jeunes issus des quartiers en difficulté parmi ceux
embauchés dans le cadre de ce programme était de 14 %, ce
qui eu égard aux crédits totaux annuellement destinés au
programme, correspond à un coût de 455 millions d'euros.
Les contrats emploi solidarité et les contrats emploi
consolidés
Les contrats emploi-solidarité
(CES) sont destinés à
favoriser l'insertion professionnelles des personnes qui rencontrent des
difficultés particulières à l'accès à
l'emploi, grâce à l'acquisition de compétences. La
durée hebdomadaire de ces contrats est de 20 heures, leur durée
maximale de 12 mois, susceptible d'être prolongée jusqu'à
24 mois. Ils sont offerts par des collectivités publiques ou des
personnes privées à but non lucratif. La
rémunération est fonction du SMIC horaire, l'Etat en prend en
charge de 65 à 90 %, le taux étant modulé selon le
handicap des personnes employées.
Les contrats emplois
consolidés
(CEC) sont offerts aux titulaires de CES, au terme de
ceux-ci.
Selon une étude publiée en octobre 2000, il s'avère
que
37 % des titulaires de CEC sont embauchés de façon
définitive à l'issue de celui-ci et que plus d'un an après
la fin d'un CEC les titulaires de ces contrats ont conservé leur
emploi
.
En 2001, 298.000 CES seront réellement budgétés, sur les
310.000 prévus par la loi de finances. Pour 2002, 260.000 contrats sont
prévus, correspondants à une charge budgétaire de
1,01 milliard d'euros (6,66 milliards de francs). Le nombre de
nouveaux CEC susceptibles d'être financés en 2002 est, quant
à lui, de 45.000, pour un montant total de 849 millions d'euros
(5,57 milliards de francs) inscrits en loi de finances.
L'insertion par l'économie
Deux types de structures contribuent à l'insertion par
l'économie :
les entreprises d'insertion et les associations
intermédiaires
. Elles
permettent à des personnes dont l'
« employabilité » serait faible sur le marché
du travail de se réinsérer.
Les entreprises d'insertion
produisent des biens et des services
destinés au marché. Toutefois, si leurs ressources proviennent
principalement de leurs vente, les aides que leur accorde l'État
compensent l'effort spécifique qu'elles consentent pour l'embauche de
personnes en difficulté et notamment les surcoûts liés au
fort « taux de rotation » des personnes en
difficulté et à leur plus faible productivité, aux
coûts spécifiques entraînés par leur encadrement et
leur l'accompagnement social.
En 2000, 947 de ces entreprises d'insertion étaient
conventionnées par l'Etat. Elles avaient embauché 25.440
personnes en insertion (correspondant à 9.825 postes équivalents
temps plein), dont environ 21.440 en contrat à durée
déterminée (durée maximale de deux ans) sur des postes
aidés par une subvention forfaitaire et 4000 dans le cadre de contrats
aidés classiques (contrats initiative emploi, contrats d'insertion en
alternance).
Ces entreprises interviennent principalement dans le secteur du bâtiment
et des travaux publics (23 %), de l'industrie (4 %), de
l'environnement et de l'entretien d'espaces verts ou de forêts
(17 %), des activités de déchetterie,
récupération et commerce d'occasion (20 %), des services
culturels et sportifs et des services rendus aux entreprises (11 %), aux
particuliers (4 %).
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis,
les salariés en insertion sont majoritairement des hommes (67 %).
Les jeunes représentent 27,8 %, les personnes dont l'âge est
compris entre 26-49 ans, 64,3 % et les personnes de plus de 50 ans
7,9 %. Ces personnes recherchent un emploi depuis plus d'un an pour
68,4 % d'entre elles, et 18,4 % sont chômeurs de très
longue durée (plus de 3 ans de chômage).
La subvention forfaitaire par poste d'insertion de 50.000 francs pour
un équivalent temps plein a été revalorisée de
8.500 francs dans les entreprises d'insertion qui appliquent un accord
négocié de réduction du temps de travail.
Sur 9.825
postes, 6.790 ont été financés à hauteur de
50.000 francs et 3035 à 58.500 francs.
En 2000, le montant de l'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion, qui
s'élevaient à 484 millions de francs, a permis de financer
9.825 postes d'insertion en entreprise d'insertion. Les dépenses totales
se sont élevées à 559, 2 millions de francs en 2000.
Les crédits inscrits dans la loi de finances initiale 2001 (527,2
millions de francs) étaient destinés à financer
10.000 postes d'insertion et 700 postes d'accompagnement. Les
crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002 (610
millions de francs), permettront de financer 12.000 de ces postes.
Les associations intermédiaires
sont des structures qui
facilitent l'emploi de personnes précarisées ou en voie de
précarisation et assurent un suivi social auprès d'elles. A la
fin 2000, on comptait 954 de ces associations qui assuraient l'emploi de 40.805
salariés (en baisse de 7,19 % par rapport à 1999). Les
salariés des associations intermédiaires sont majoritairement des
femmes (59,3 % du total) et, pour les deux-tiers, de personnes dont
l'âge varie entre 26 et 49 ans. Ces salariés effectuent
principalement des travaux peu qualifiés, qui constituent à eux
seuls près des deux tiers des activités effectuées :
emplois auprès de particuliers (51,9 % des heures
travaillées), emplois en entreprise ou collectivités
(48,1 %) principalement emplois de manutention 8,7 % et emplois
d'entretien ou de nettoyage (16,9 %). La durée moyenne d'un contrat
annuel est de 64 heures chez les particulier contre 247 heures en moyenne
dans les entreprises du secteur marchand et les organismes du secteur non
marchand.
En 2002, une aide de 35,1 millions de francs (5,35 millions
d'Euros) sera destinée à l'accompagnement des publics en
difficulté pris en charge par les associations intermédiaires.
2. La lutte contre le chômage des jeunes
Les
emplois de ville
, créés en 1996, sont destinés au
recrutement de jeunes de niveau IV (titulaires du baccalauréat) qui
résident en zone urbaine sensible. D'une durée de cinq ans, ces
contrats sont rémunérés sur une base allant jusqu'à
120 % du SMIC pour 30 heures hebdomadaires. Ils visent à assurer de
nouveaux services au public afin de satisfaire des besoins collectifs non
satisfaits (emplois d'agents de médiation sociale, services de
proximité notamment). A la fin 1997, 12.300 emplois de ville avaient
été créés.
Les emplois jeunes
, institués en 1997, les ont remplacés.
C'est pourquoi il ne restait plus que 1.700 titulaires d'emplois de ville au 30
juin 2001). Ils sont offerts aux jeunes de 18 à 25 ans, quel que
soit le lieu de leur résidence et leur niveau de qualification et aux
personnes de 26 à 30 ans qui ne peuvent bénéficier des
allocations chômage. En 1999 et 2000, 9.600 jeunes ont été
embauchés au titre de ces programmes, ce qui correspondait à
8,4 % des embauches réalisées dans le cadre de ce
système. Ce pourcentage tend à diminuer au deuxième
semestre 2000 où il atteint 6 %. Selon l'objectif initial
fixé par le gouvernement, ce taux aurait dû atteindre 20 %.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur
pour avis, une forte proportion des jeunes issus des quartiers en
difficulté titulaires d'un emploi jeune, et exerce des fonctions
d'agents de sécurité ou de médiateurs locaux.
Votre
commission des Affaires économiques, s'interroge sur les moyens de
permettre à ces jeunes de suivre un véritable parcours
professionnel à la fin de leur contrat, dans des emplois autres que le
gardiennage ou la sécurité. Elle souhaiterait connaître les
mesures -et spécialement les actions de formation- que le gouvernement
entend prendre à cette fin, pour éviter une
« relégation professionnelle » qui cantonnerait ces
personnes dans des emplois non qualifiés.
B. LA POLITIQUE DE L'EDUCATION
Le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 a souligné la contribution de la politique de l'éducation à la politique de la ville. Cette politique qui est menée dans la continuité depuis plusieurs années passe notamment par un renforcement des moyens du service public de l'éducation nationale dans les quartiers en difficulté.
1. Les résultats en 2000-2001
Le
rétablissement de la mixité sociale, l'ouverture de
l'école sur la société sont les principaux axes de la
politique éducative dans les quartiers sensibles.
L'opération « Ecole ouverte »
Menée depuis près d'une dizaine d'années le mercredi et
pendant les vacances scolaires, l'opération « école
ouverte » tend à permettre l'accueil des enfants et des
jeunes. Initialement réservée aux élèves du second
cycle, elle concerne désormais également les élèves
des écoles élémentaires.
En 2000, 468 établissements et 63.000 élèves y ont
participé.
Cette opération est menée et financée de concert par les
ministères de l'éducation nationale, de l'emploi et de la
solidarité et par le Fonds d'action sociale. La dotation qui lui est
consacrée est de 40 millions de francs.
La prise en charge spécifique des jeunes en difficulté
Le Gouvernement souhaite que les contrats de ville prennent en compte les
besoins des jeunes en voie de marginalisation scolaire qui sont menacés
de quitter le système éducatif sans y avoir reçu une
formation qualifiante.
Des
classes relais
ont été créés à
cette fin. Elles visent à resocialiser et à rescolariser les
collégiens qui sont en voie de rejeter l'institution scolaire ou
d'être rejetés par celle-ci. Leur fonctionnement repose sur une
coopération avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse
et les collectivités territoriales. Ces dispositifs permettent un
accueil temporaire adapté des collégiens dans les classes,
offrent une pédagogie différenciée, des parcours
individualisés, un encadrement pédagogique et éducatif
renforcé combinant les compétences d'enseignants et
d'éducateurs. Durant l'année scolaire 1999/2000, 180 dispositifs
relais ont été ouverts, dont la plus grande majorité sur
les sites concernés par la politique de la ville. A la fin 2001 leur
nombre devrait atteindre 250, permettant l'accueil de 5.500 jeunes.
Les
internats relais
devraient, quant à eux, permettre l'accueil
de jeunes qui connaissent des difficultés sociales ou familiales pouvant
les conduire à la déscolarisation ou à la violence.
2. Les mesures indemnitaires en faveur des enseignants
La
nouvelle carte des zones d'éducation prioritaire (ZEP) établie en
1999 concerne 58.000 enseignants du premier degré et 56.000 du second
degré. L'ensemble de ces personnels perçoivent une
indemnité de sujétion spéciale
de 6.900 francs par
an, ce qui correspond à une dotation budgétaire de près de
700 millions de francs.
En outre, les principaux et les principaux-adjoints de collèges
classés en ZEP bénéficient, depuis la rentrée 1999,
du surclassement de leur établissement. Enfin les personnels
administratifs, techniques, ouvriers et de service (ATOSS) qui accomplissent
l'intégralité de leur service en ZEP perçoivent une
nouvelle bonification indiciaire (NBI).
*
* *
Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à la ville inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.