II. UNE DÉMOCRATISATION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR A RELATIVISER
S'il
convient de se féliciter que l'université ne soit pas
restée à l'écart de l'explosion démographique des
années 80, force est cependant de s'interroger sur les conditions
d'accueil des nouveaux étudiants, notamment dans les premiers cycles, et
au regard de la stagnation des effectifs qui devraient en théorie
permettre d'améliorer l'encadrement sur le plan qualitatif.
Il conviendra également de se demander si le système d'aides aux
étudiants, alors que le plan social étudiant est arrivé
à son terme, reste pertinent et comment les filières les plus
sélectives pourraient davantage s'ouvrir aux bacheliers et
étudiants méritants.
A. L'ÉVOLUTION DES EFFECTIFS ÉTUDIANTS : UNE DÉCROISSANCE DES FLUX D'ENTRÉE, UNE STABILISATION DU « STOCK »
ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES EFFECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
(en milliers)
Année universitaire |
1992-1993 |
1993-1994 |
1994-1995 |
1995-1996 |
1996-1997 |
1997-1998 |
1998-1999 |
1999-2000 |
2000-2001 |
2001-2002 |
2002-2003 |
Effectifs
dépendants du budget de l'enseignement supérieur
|
1 387
|
1 504
|
1 554
|
1 591
|
1 575
|
1 547
|
1 526
|
1 523
|
1 529
|
1 538
|
1 544
|
Nombre total d'étudiants |
1 957 |
2 080 |
2 134 |
2 169 |
2 155 |
2 132 |
2 119 |
2 128 |
2 143 |
2 160 |
nc |
Source : ministère de l'éducation nationale
(prévisions pour les années universitaires 2001-2002 et
2002-2003)
1. Une légère augmentation des effectifs en 2001 et 2002
En
raison d'une progression générale des effectifs de 0,4 %
dans les principales filières de l'enseignement supérieur
à la rentrée 2000, le nombre d'étudiants en
université (dont les IUT), IUFM, écoles d'ingénieurs, STS
et CPGE s'élevait à 1 885 100.
Le nombre global d'inscriptions devrait encore légèrement
augmenter (+ 10 000 en 2001 et + 8 000 en 2002). Le
fléchissement du nombre de bacheliers, lié à
l'évolution démographique, leur permettrait d'être mieux
accueillis dans les filières sélectives (IUT, STS et CPGE) et
leur taux de poursuite d'études progresserait. Grâce au
développement des licences professionnelles, le deuxième cycle
universitaire accueillerait plus d'étudiants et les effectifs du
troisième cycle se maintiendraient à court terme.
2. Des prévisions contrastées selon les filières
En 2001
et 2002, le nombre de bacheliers devrait baisser et, dans le même temps,
le nombre de places offertes en IUT, CPGE et STS devrait progresser. La
« concurrence » serait moins importante dans ces
filières sélectives et les bacheliers seraient relativement plus
nombreux à pouvoir s'y inscrire.
Les bacheliers généraux seraient ainsi relativement plus nombreux
à entrer en IUT (+ 0,5 point en 2001 après + 0,3 en
2000) et en CPGE (+ 0,5 point après une stabilité en
2000), tandis que les STS accueilleraient relativement plus de bacheliers
technologiques (+ 1,7 point en 2001 et + 0,7 point en 2002
après une baisse de 0,4 point en 2000).
A l'université, hors IUT, la baisse des taux de poursuite des bacheliers
généraux et technologiques se prolongerait en 2001 et 2002, mais
serait moins prononcée (- 1,2 puis - 0,4 point après
une baisse de 1,9 point en 2000). Pour les bacheliers
généraux, la baisse du taux de poursuite d'études
proviendrait du moindre attrait des sciences pour les bacheliers scientifiques
(- 1 point en 2001), et des disciplines littéraires pour les
bacheliers L (- 0,2 point en 2001). Les nouveaux bacheliers
technologiques seraient, eux aussi, moins attirés par les disciplines
littéraires.
Ces hypothèses d'orientation après le baccalauréat
conduisent, sur le court terme, à une diminution sensible du nombre
d'entrants dans les principales filières du supérieur en 2001 et
2002 (successivement - 8 600 puis - 2 000
étudiants), conséquence de la baisse importante du nombre de
bacheliers. Cependant, c'est essentiellement à l'université, hors
IUT, qu'ils seraient moins nombreux.
3. Une évolution diverse selon les cycles de formation
La
baisse globale du nombre d'inscrits en premier cycle des principales
filières du supérieur s'accentuerait en 2001 et 2002 (- 0,6
% puis - 0,8 %). Les tendances observées en 2000 se
retrouveraient : baisse en université hors IUT, stabilité en
CPGE et STS et progression en IUT.
Après trois années de baisse, le nombre d'étudiants en
deuxième cycle a légèrement progressé en 2000
(+ 0,7 %), particulièrement en Sciences économiques et
Administration Economique et Sociale -AES- (+ 5,9 %). Cette hausse
est la conséquence d'une croissance de 19,7 % des entrants directs
(première inscription à l'université en deuxième
cycle), soit + 4 800 étudiants, et des arrivées d'IUT
(+ 2 200 étudiants). Ces progressions s'expliquent
vraisemblablement par la mise en place des licences professionnelles
(4 400 étudiants s'y sont inscrits à la rentrée
2000). En revanche, le taux d'accès global en deuxième cycle
diminue de 1,7 point.
Quant aux effectifs de troisième cycle, ils progressent pour la
3ème année consécutive, et encore plus fortement qu'en
1999 (+ 3,9 %).
Ces tendances, sur les deuxième et troisième cycles, ont
été prolongées pour les deux rentrées à
venir. Grâce au développement des licences professionnelles, les
effectifs du deuxième cycle progresseraient successivement de 1,4 %
puis 1,9 %. La croissance du nombre d'étudiants en troisième
cycle devrait légèrement s'atténuer pour atteindre
2 % en 2002.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS PAR FILIÈRES ET PAR CYCLES DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
FILIERES DE FORMATION |
CONSTAT |
PRÉVISION |
||||||
1995-1996 |
1996-1997 |
1997-1998 |
1998-1999 |
1999-2000 |
2000-2001 |
2001-2002 |
2002-2003 |
|
IUT |
103 092 |
108 587 |
112 857 |
114 587 |
117 407 |
119 246 |
122 200 |
123 300 |
1er cycle |
686 353 |
656 052 |
631 282 |
616 493 |
606 320 |
600 223 |
590 700 |
581 700 |
2ème cycle |
490 090 |
496 029 |
494 423 |
487 621 |
484 243 |
487 583 |
494 500 |
504 000 |
3ème cycle |
206 049 |
208 755 |
205 477 |
205 694 |
211 665 |
219 881 |
225 300 |
229 700 |
Formations ing. universitaires |
24 186 |
24 839 |
25 979 |
27 282 |
29 378 |
30 795 |
32 000 |
33 200 |
UNIVERSITES* |
1 382 492 |
1 360 836 |
1 331 182 |
1 309 808 |
1 302 228 |
1 307 687 |
1 310 500 |
1 315 400 |
Instituts ou écoles d'ingénieurs indépendantes |
19 650 |
19 807 |
20 239 |
21 260 |
20 962 |
21 742 |
22 500 |
23 200 |
Sous-total Ens. Sup.** |
1 505 234 |
1 489 230 |
1 464 278 |
1 445 655 |
1 440 597 |
1 448 675 |
1 455 200 |
1 461 900 |
IUFM |
86 068 |
85 885 |
83 134 |
81 602 |
82 184 |
80 373 |
82 500 |
82 500 |
TOTAL Ens. Sup |
1 591 302 |
1 575 115 |
1 547 412 |
1 527 257 |
1 522 781 |
1 529 048 |
1 537 700 |
1 544 400 |
Autres formations d'ing. |
31 804 |
32 195 |
32 880 |
34 412 |
35 411 |
36 866 |
38 400 |
40 000 |
CPGE |
70 288 |
72 656 |
73 102 |
71 373 |
70 855 |
70 263 |
70 100 |
70 200 |
STS |
236 426 |
242 094 |
245 325 |
246 595 |
248 877 |
248 889 |
249 300 |
248 900 |
TOTAL GENERAL |
1 929 820 |
1 922 060 |
1 898 719 |
1 879 637 |
1 877 924 |
1 885 066 |
1 895 500 |
1 903 500 |
* hors
IUT y compris ingénieurs universitaires
**UNIVERSITES (y compris ingénieurs universitaires) + IUT+ Instituts ou
Ecoles d'ingénieur indépendantes
PRÉVISIONS D'EFFECTIFS D'ÉTUDIANTS DES UNIVERSITÉS, PAR DISCIPLINE
Disciplines |
Constat |
Prévisions |
|||||||
1995-96 |
1996-97 |
1997-98 |
1998-99 |
1999-2000 |
2000-2001 |
2001-2002 |
2002-2003 |
||
Droit |
197 664 |
191 940 |
186 356 |
183 839 |
184 586 |
182 542 |
181 600 |
180 600 |
|
Sciences Economiques, AES |
161 709 |
156 116 |
153 327 |
153 171 |
158 135 |
165 329 |
173 000 |
180 600 |
|
Lettres et Sciences Humaines |
529 412 |
522 887 |
512 449 |
502 498 |
493 797 |
489 850 |
486 200 |
482 200 |
|
Sciences exactes et naturelles (1) |
320 346 |
315 195 |
302 755 |
289 712 |
283 709 |
284 156 |
284 400 |
285 800 |
|
STAPS |
20 549 |
27 698 |
33 491 |
38 769 |
42 877 |
45 141 |
45 500 |
46 300 |
|
Santé (2) |
152 811 |
147 000 |
142 803 |
141 819 |
139 124 |
140 669 |
139 800 |
139 900 |
|
TOTAL GENERAL |
1 382 492 |
1 360 836 |
1 331 182 |
1 309 808 |
1 302 228 |
1 307 687 |
1 310 500 |
1 315 400 |
(1) Y
compris formations d'ingénieurs.
(2) Médecine, pharmacie, odontologie.
4. Les projections à dix ans des effectifs d'étudiants : une démocratisation universitaire achevée ?
Les
projections à dix ans élaborées par le ministère ne
portent que sur quatre principales filières du supérieur, les
effectifs d'IUFM et d'écoles d'ingénieurs étant exclus de
cet exercice à long terme.
L'évolution de la population étudiante dépend, pour une
grande part, du flux annuel d'arrivée de nouveaux bacheliers et des
orientations choisies. Le nombre de nouveaux bacheliers est estimé
à partir des effectifs des classes de terminales par série et
prend en compte les variations démographiques.
a) Le taux d'accueil des bacheliers généraux et technologiques
Après une baisse de 2,1 points en 2000, le taux
d'accueil des bacheliers généraux et technologiques dans les
principales filières du supérieur augmenterait de 0,5 point
pendant deux ans. En effet, la diminution du nombre de bacheliers et les
ouvertures prévues de classes en IUT, STS et CPGE devraient
réduire la «concurrence» à l'entrée de ces
filières sélectives. Jusqu'en 2005, la tendance à la
baisse des taux de poursuite en université ne serait plus
compensée par des entrées relativement plus nombreuses en
filières sélectives et le taux de poursuite global
fléchirait pour se stabiliser ensuite au niveau de celui de
l'année 2000.
Compte tenu de l'évolution du nombre de bacheliers et des taux d'accueil
sur 10 ans, il y aurait 10 600 jeunes de moins en 2010 qu'en
2000 qui entreraient dans les quatre principales filières du
supérieur. Cette baisse toucherait essentiellement les
universités hors IUT. Elle serait importante les deux premières
années, puis l'augmentation du nombre de bacheliers
généraux et technologiques se traduirait par une progression des
flux d'entrée en 2003 et 2004. Après une période de
stabilité, l'effectif des nouveaux entrants fléchirait à
nouveau à partir de 2008.
b) Les filières sélectives
En termes de nombre total d'étudiants, les filières sélectives, dans leur ensemble, verraient leurs effectifs augmenter de 5 700 étudiants sur 10 ans. C'est essentiellement en IUT et pendant les cinq premières années que les effectifs progresseraient.
c) L'évolution des effectifs universitaires selon les cycles et les disciplines
Le
nombre d'étudiants en université hors IUT progresserait à
peine, en moyenne sur la période de projection et cette filière
accueillerait 1 800 étudiants de plus en 2010 (+0,1%). Au
total, les effectifs universitaires, hors IUT, pourraient s'établir aux
environs de 1 310 000.
Cependant, les effectifs du premier cycle universitaire diminueraient les trois
premières années (- 6 800 étudiants par an, en
moyenne, sur 3 ans). Puis ce cycle connaîtrait 5 années
de stabilité avant de décroître à nouveau, en fin de
période. Au total, il y aurait 22 200 étudiants de
moins en 1er cycle, en 2010 par rapport à 2000.
Ce mouvement à la baisse ne se retrouverait pas dans les deux autres
cycles : en 2010, il y aurait 10 400 jeunes de plus qu'en 2000,
poursuivant des études en deuxième cycle universitaire et le
nombre d'étudiants inscrits en troisième cycle serait plus
élevé de 13 600.
Sous l'angle des disciplines, les effectifs devraient progresser fortement en
sciences économiques et AES (+ 14,6 % sur 10 ans) et,
dans une moindre mesure, en Sciences (+ 1,9 %) et en Staps
(+ 1,3 %). En revanche, les formations littéraires verront
sans doute leurs effectifs totaux diminuer (- 4,9 % sur
10 ans).
Dans l'ensemble, les quatre principales filières de l'enseignement
supérieur compteraient 7 500 étudiants de plus en 2010,
avec des progressions d'effectifs importantes en IUT, en 2ème et
3ème cycles universitaires.
PROJECTIONS D'EFFECTIFS DANS LES PRINCIPALES FILIÈRES DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
|
1990 |
1995 |
2000* |
2001 |
2002 |
2005 |
2010 |
Université (hors IUT et IUFM) |
1 108 456 |
1 382 492 |
1 307 687 |
1 310 500 |
1 315 400 |
1 315 600 |
1 309 500 |
- dont premier cycle |
549 334 |
686 353 |
600 223 |
590 700 |
581 700 |
582 100 |
578 000 |
- dont deuxième cycle |
376 011 |
490 090 |
487 583 |
494 500 |
504 000 |
497 400 |
498 000 |
- dont troisième cycle |
183 111 |
206 049 |
219 881 |
225 300 |
229 700 |
236 100 |
233 500 |
|
|
|
|
|
|
|
|
IUT |
74 328 |
103 092 |
119 246 |
122 200 |
123 300 |
125 100 |
124 500 |
- dont IUT secondaire |
35 504 |
47 256 |
51 917 |
53 200 |
53 800 |
54 600 |
54 300 |
- dont IUT tertiaire |
38 824 |
55 836 |
67 329 |
69 000 |
69 500 |
70 500 |
70 200 |
|
|
|
|
|
|
|
|
CPGE |
64 514 |
70 288 |
70 263 |
70 100 |
70 200 |
71 200 |
70 600 |
|
|
|
|
|
|
|
|
STS |
204 920 |
236 426 |
248 889 |
249 300 |
248 900 |
251 200 |
249 000 |
- dont STS production |
63 809 |
87 049 |
89 686 |
89 700 |
89 800 |
89 900 |
89 000 |
- dont STS services (**) |
141 111 |
149 377 |
159 203 |
159 600 |
159 100 |
161 300 |
160 000 |
Ensemble |
1 452 218 |
1 792 298 |
1 746 085 |
1 752 100 |
1 757 800 |
1 763 100 |
1 753 600 |
EFFECTIFS UNIVERSITAIRES PAR DISCIPLINE
|
1990 |
1995 |
2000* |
2001 |
2002 |
2005 |
2010 |
Droit |
161 004 |
197 664 |
182 542 |
181 600 |
180 600 |
179 400 |
178 600 |
Sc. Eco., AES |
126 907 |
161 709 |
165 329 |
173 000 |
180 600 |
189 600 |
189 500 |
Lettres, Sc. Humaines |
410 739 |
529 412 |
489 850 |
486 200 |
482 300 |
471 500 |
466 000 |
Sciences |
245 025 |
320 346 |
284 156 |
284 400 |
285 800 |
288 600 |
289 700 |
STAPS |
11 716 |
20 549 |
45 141 |
45 500 |
46 300 |
45 900 |
45 700 |
Santé |
153 065 |
152 811 |
140 669 |
139 800 |
139 800 |
140 600 |
140 000 |
Toutes disciplines |
1 108 456 |
1 382 492 |
1 307 687 |
1 310 500 |
1 315 400 |
1 315 600 |
1 309 500 |
B. LES LIMITES DU SYSTÈME D'AIDES AUX ÉTUDIANTS
Après avoir rappelé les derniers développements du plan social étudiant mis en oeuvre depuis 1998, il conviendra de s'interroger sur l'efficacité du système actuel d'aides aux étudiants.
1. Le bilan du plan social étudiant
Le plan social étudiant visait à créer les conditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la société, à leur apporter les bases d'une plus grande indépendance matérielle et morale, tout en leur permettant d'être responsabilisés dans la conduite des politiques et des institutions de la vie étudiante. Sa vocation était d'améliorer significativement, de manière qualitative et quantitative, les conditions de vie étudiante avec l'objectif de parvenir, sur une période de quatre ans (des années universitaires 1998-1999 à 2001-2002), à une proportion de 30 % d'étudiants aidés tout en relevant le montant des bourses de 15 %.
a) Le bilan de la dernière année universitaire
Pour la
dernière année universitaire, le bilan du plan social
étudiant peut être ainsi résumé :
-
le nombre total de boursiers était de 475 502, soit
une augmentation de 16 235 bénéficiaires
(+ 3,41 % par rapport à 1999-2000) ;
- le nombre de boursiers à taux « zéro »
s'élevait à 29 984, soit une augmentation de 147 %. Par
ailleurs 8 347 « bourses de cycle », pour le
redoublement en deuxième cycle, ont été
attribuées ;
- 8 090 allocations d'études ont été
attribuées sur un contingent de 9 000 ;
- 200 bourses de mérite ont été attribuées ce
qui porte le nombre de boursiers de mérite depuis la
rentrée 1998 à 497.
Ces résultats répondent à l'objectif visé pour la
troisième année du plan social étudiant, puisque le
pourcentage d'étudiants aidés était de 28 % en
2000-2001.
b) Les mesures mises en place à la rentrée 2001
Les
mesures prises pour l'année universitaire en cours sont les
suivantes :
- relèvement uniforme de 3 % du plafond des ressources pour
les six échelons ;
- augmentation du taux des bourses de 8,1 % en moyenne (bourses sur
critères sociaux et sur critères universitaires) pour atteindre
l'objectif initial du plan social étudiant qui était de parvenir
à une augmentation de + 15 % du montant des bourses par
rapport à l'année universitaire 1997-1998 ;
- augmentation de 2 000 du nombre d'allocations d'études ;
- augmentation de 200 du nombre de bourses de mérite ;
- augmentation de 10 millions de francs de la participation du
ministère au complément Erasmus ;
- création d'une bourse de mobilité destinée aux
boursiers sur critères sociaux dans la limite d'un contingent annuel
(4 000 bourses), afin de permettre aux étudiants boursiers sur
critères sociaux de réaliser leurs projets de mobilité
européenne et internationale dans le cadre de leurs études. Le
montant mensuel de la bourse de mobilité est de 2 519 francs, ce
qui correspond en année complète à une bourse de
5
ème
échelon (22 670 francs). Ce
montant s'ajoute à celui de la bourse sur critères sociaux
initialement accordée, le dispositif pouvant également
bénéficier aux étudiants bénéficiaires d'une
allocation d'études ou d'une bourse à taux zéro.
En outre, on rappellera que les étudiants inscrits en troisième
cycle pouvaient jusqu'à maintenant bénéficier d'une bourse
de DESS, allouée en priorité aux étudiants les plus
méritants et boursiers sur critères sociaux l'année
précédente. Cependant, du fait du contingentement, tous les
étudiants précédemment boursiers ne pouvaient pas
prétendre à cette aide, alors que c'est à ce niveau
d'études que les étudiants ont plus besoin d'autonomie
financière.
Afin de remédier à cette situation, il a été
proposé pour l'année 2001-2002, à la fois de maintenir le
système actuel en conservant un contingent de bourses sur
critères universitaires pour le DESS réservé aux
étudiants les plus méritants, et en priorité à ceux
qui étaient boursiers l'année précédente, mais
également d'allouer une bourse sur critères sociaux aux
étudiants éligibles à cette aide qui auraient
été exclus du contingent.
c) L'évolution des crédits affectés aux bourses universitaires
Les
crédits relatifs aux bourses d'enseignement supérieur inscrits
sur le chapitre 43-71 article 10 de la section « enseignement
supérieur » du budget du ministère de
l'éducation nationale ont évolué comme suit :
- budget 1998 : 1 milliard d'euros (6,527 milliards de
francs) ;
- budget 1999 : 1,09 milliard d'euros (7,135 milliards de
francs) ;
- budget 2000 : 1,19 milliard d'euros (7,811 milliards de
francs) ;
- budget 2001 : 1,29 milliard d'euros (8,458 milliards de
francs), dont 38,31 millions d'euros (251,3 millions de francs) de mesures
nouvelles pour la rentrée universitaire 2001 ;
- projet de budget 2002 : 1,30 milliard d'euros
(8,54 milliards de francs), dont 23,17 millions d'euros (152 millions
de francs) de mesures nouvelles.
2. Une évolution nécessaire du système d'aides aux étudiants
a) Un ralentissement des dépenses d'action sociale en faveur des étudiants
Votre
commission constate que les dépenses d'action sociale enregistrent une
progression très ralentie (10,37 milliards de francs, soit
1,581 million d'euros) de 1,3 % en 2002, alors que les crédits
correspondants avaient augmenté de 8,2 % en 1999 et en 2000, puis
de 6,8 % en 2001, soit un accroissement total de 25 % au cours de la
période de mise en place du plan social étudiant.
Ce ralentissement vise surtout les aides directes qui ne progresseront que de
1,2 % en 2002, contre près de 30 % pour la période
1999-2001, alors que l'augmentation des aides indirectes (hébergement,
restauration, transport...) en 2002 (1,6 %) est du même ordre que
celle des trois années précédentes.
Le tableau ci-après récapitule les principales dépenses
d'action sociale en faveur des étudiants au titre du seul budget de
l'enseignement supérieur :
(en millions d'euros)
|
LFI 1998 |
LFI 1999 |
LFI 2000 |
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Aides indirectes (fonctionnement du CNOUS et des CROUS) |
253 |
263 |
269 |
265 |
269 |
Evolution en % |
+ 0,2 |
+ 4,0 |
+ 2,1 |
- 1,2 |
+ 1,6 |
Nombre de lits subventionnés (en milliers) 1 |
100,1 |
99,5 |
99,8 |
99,4 |
99,4 |
Nombre de repas subventionnés (en millions) |
63,3 |
62,1 |
60,7 |
|
|
Aides directes (bourses, secours d'étude et contribution de l'Etat aux transports collectifs parisiens) |
1002 |
1094 |
1197 |
1299 |
1315 |
Evolution en % |
+ 0,7 |
+ 9,3 |
+ 9,4 |
+ 8,5 |
+ 1,2 |
Etudiants boursiers (en milliers) |
410 |
454 |
476 |
nc |
|
Taux d'étudiants boursiers |
24,1 % |
27,2 % |
28,2 % |
30,0 % |
|
Total pour l'action sociale |
1255 |
1367 |
1466 |
1564 |
1584 |
Source : ministère de l'éducation nationale
La réalisation des objectifs du plan social étudiants conduit à s'interroger sur une refonte plus profonde du système d'aides sociales.
b) La nécessité de repenser le système d'aides sociales aux étudiants
Comme
elle le signale depuis plusieurs années, votre commission regrette
qu'aucune initiative véritable n'ait été engagée
pour remédier au caractère anti-redistributif du système
d'aide sociale aux étudiants, dénoncé notamment depuis
1997 par le rapport Cieutat, et pour réduire la part trop importante des
aides attribuées sans conditions de ressources.
Elle constate par ailleurs que le système d'aides aux étudiants
(aides au logement majorées, prestations familiales et complément
familial versés aux familles, avantages fiscaux divers au titre du
quotient familial et de revenus perçus à l'occasion d'emplois
occasionnels...) est trop complexe et sans doute moins efficace, comme le
montrent les rapports de l'OCDE, que ceux mis en place chez certains de nos
voisins.
Elle tient par ailleurs à rappeler que si le tiers des étudiants
français bénéficient d'une aide directe, 30 %
d'entre-eux sont obligés de travailler pour financer leurs
études, et ce au détriment de leur réussite universitaire,
comme le note l'Observatoire de la vie étudiante.
Par ailleurs, elle tient à souligner le coût du logement pour les
étudiants, et notamment pour ceux qui ne peuvent se loger en
résidence universitaire : le montant des bourses ne couvre
guère que les dépenses de logement.
Devant votre commission, le ministre a indiqué que la création
d'une allocation d'autonomie pour les étudiants dépassait le seul
cadre universitaire et que sa mise en place éventuelle
entraînerait naturellement une refonte de tous les mécanismes
d'aides dont peuvent bénéficier les jeunes.
Même si elle s'interroge sur le principe d'accorder une aide
systématique à chaque étudiant, votre commission estime
que le dispositif actuel doit impérativement être simplifié
et clarifié. Elle attendra avec intérêt les conclusions de
la commission nationale pour l'autonomie des jeunes qui doit rendre ses
conclusions à la fin de cette année et qui devra se prononcer,
au-delà des seuls étudiants, sur le principe de la
création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 18
à 25 ans accordée en contrepartie d'une formation ou d'une
activité professionnelle, telles que celle-ci avait été
préconisées notamment par le Commissariat général
du Plan et par le Conseil économique et social.
C. DES UNIVERSITÉS OFFRANT DES CHANCES DE RÉUSITE TRÈS INÉGALES DANS LES PREMIERS CYCLES
S'il convient de se féliciter de l'accès massif des lauréats au baccalauréat, premier grade universitaire dans les premiers cycles, force est de constater que la réussite de ces étudiants au DEUG est très inégale et varie du simple au triple selon les établissements universitaires et les filières.
1. Un taux de réussite au DEUG très variable selon les universités
a) Le constat
Alors
que le taux de réussite au DEUG est souvent décrié, il
faut rappeler que parmi les quelque 112 000 étudiants de DEUG,
45,5 % ont obtenu en 1999 leur diplôme en deux ans.
Si le taux de réussite national approche globalement les 80 %,
c'est en prenant en compte les 23,3 % d'étudiants qui obtiennent le
DEUG en trois ans, les 8,7 % l'obtenant en quatre ans et les 2,2 % en
cinq ans... L'enquête par université menée par la direction
de la programmation et du développement (DPD) du ministère de
l'éducation nationale montre que ce taux national varie de 41,8 %
à 100 % selon les établissements, en retenant une
période de cinq ans.
L'enquête comparative de la DPD, publiée le 17 octobre
dernier, et portant sur les chances de réussite des étudiants
à l'issue des deux premières années de DEUG, dessine un
tableau très contrasté de nos 81 universités
3(
*
)
quant à leur efficacité
pour compenser les handicaps sociaux ou scolaires des étudiants inscrits
dans les premiers cycles universitaires.
Les résultats de l'étude montrent d'abord que les bacheliers
scientifiques réussissent mieux que les autres dans toutes les
filières, que les étudiants en retard dans leurs études
échouent plus fréquemment au DEUG, que les bacheliers
généraux réussissent sensiblement mieux que les bacheliers
technologiques, alors que les bacheliers professionnels qui ont accès
comme les autres à l'université, et qui se recrutent davantage
dans les catégories moins favorisées, y connaissent massivement
l'échec.
En retenant les exemples extrêmes, l'université de Paris
X-Dauphine qui pratique une sélection de ses étudiants affiche un
taux de réussite au DEUG en deux ans de 80,7 %, alors que celle de
Paris VIII-Saint-Denis, qui accueille un tiers d'étrangers et un quart
d'étudiants salariés enregistre un taux de 22,9 %.
Pour les autres établissements, alors que le taux de réussite
moyen du DEUG en deux ans est de 45,5 %, la variation est de l'ordre de
5 % autour de ce taux moyen, celui-ci s'élevant à
68,8 % pour les DEUG réussis en trois ans.
Au regard des disciplines, le droit et les sciences sont plus sélectifs
que les sciences économiques, les langues, les sciences humaines, les
STAPS et les lettres. S'agissant des taux de réussite au DEUG
au-delà de deux ans, l'étude constate une réussite
élevée dans les universités à dominante
scientifique (82,4 % en cinq ans), alors que seuls 39,4 % des
étudiants réussissent en deux ans ; pour les études
de droit, la sélection est encore plus forte puisqu'elles enregistrent
35,4 % de réussite en deux ans et 68,8 % en cinq ans.
b) Des résultats prenant en compte la « valeur ajoutée » de chaque université
Si
l'étude de la DPD révèle que tous les premiers cycles
n'offrent pas les mêmes chances aux étudiants, elle s'efforce
aussi de mesurer leur « valeur ajoutée »
c'est-à-dire l'écart entre le taux de réussite réel
et un taux simulé à partir du profil des étudiants
(série du bac, retards scolaires...) afin d'évaluer la
mobilisation et l'efficacité des universités : Perpignan
(+ 23,6), Avignon (+ 22,8), Lyon-II (+ 18,4) arrivent ainsi en
tête alors que Paris VIII (- 28), Paris III (- 21,6), Bordeaux
IV (- 11,7) et Bordeaux III (- 10,3) ferment la marche.
Si les sciences présentent des résultats relativement
homogènes, en droit et en économie, l'écart entre un
bachelier de 19 ans et un bachelier plus âgé est de
26 %, alors qu'en lettres et sciences humaines, les résultats sont
les plus hétérogènes et les écarts négatifs
les plus importants.
2. Des premiers cycles qui restent inchangés pour l'essentiel
Placée par le ministre sous «
le signe de
la
souplesse et de la libération des initiatives
», la
dernière rentrée universitaire n'a comporté aucun
aménagement pédagogique d'importance des premiers cycles
universitaires, à l'exception de quelques mesures prises en application
du rapport Petit.
Certes, le nombre de DEUG expérimentaux bi ou pluridisciplinaires, qui
permettent aux nouveaux étudiants de s'orienter ou de se
réorienter vers des parcours plus diversifiés est passé de
trois à quinze depuis la rentrée 1999 et six nouveaux DEUG
littéraires pluridisciplinaires ont été
créés à ce titre.
En outre, trois filières doivent faire l'objet d'une
rénovation :
- les sciences économiques, où l'importance des
mathématiques serait réduite en s'inspirant des
préconisations du rapport Fitoussi ;
- la première année de médecine qui devrait
être commune dès 2002 à toutes les professions de
santé ;
- les DEUG scientifiques, dont la rénovation engagée dans
six universités (Bordeaux I, Grenoble I, Lille I,
Littoral, Montpellier II et Paris XI) afin d'endiguer la crise des
vocations, commence à porter ses fruits. La diminution des effectifs des
filières scientifiques s'est quelque peu ralentie (- 1,2 %
à la rentrée 2000 contre - 3,2 % à la
rentrée 1999) et grâce aux mesures engagées à titre
expérimental (cours en petits groupes, tronc commun en premier cycle,
place donnée à l'expérimentation...), le taux de
réussite en deux ans a progressé de près de 20 % dans
les établissements concernés.
Il convient par ailleurs de noter que, pour inciter les enseignants à
innover en DEUG, un label « équipe
pédagogique » bénéficiant de crédits
particuliers va être créé sur le modèle du label
« équipe d'accueil » existant en matière de
recherche. Les enseignants-chercheurs pourront faire évoluer leur
participation à cette équipe dans leur dossier de promotion,
comme le préconise le rapport Espéret.
Enfin, le développement du tutorat en premier cycle est à nouveau
présenté comme une innovation, alors que celui-ci constituait
l'un des éléments de la réforme pédagogique mise en
place par M. François Bayrou.
3. Les observations de la commission
Votre
commission constate que ces « mesurettes » ne
répondent pas à la gravité des problèmes
constatés dans les premiers cycles.
Elle regrette notamment que des formules plus ambitieuses, qui coexisteraient
avec les DEUG, de type collèges universitaires
décentralisés à forte composante de remédiation
scolaire, orientés vers des formations plus professionnalisées et
répondant aux besoins d'emploi locaux, n'aient pas été
davantage explorées.
En l'absence de toute réforme d'envergure, les premiers cycles risquent
d'être de plus en plus délaissés par les
enseignants-chercheurs, la recherche universitaire n'y sera plus qu'un souvenir
et l'enseignement supérieur véritable ne commencera qu'à
la licence.
A cet égard, votre commission remarque que l'étude officielle de
la DPD ne fait que confirmer que les premiers cycles ne sont pas en mesure de
compenser les handicaps scolaires ou sociaux de leurs étudiants, ce qui
n'est d'ailleurs pas leur rôle, mais observe qu'elle ne prend en compte
que le profil des étudiants et non pas les caractéristiques de
chaque université en matière de locaux, d'équipements et
surtout d'encadrement. On peut ainsi faire un lien entre la sous-dotation des
universités de lettres, de langues, de sciences humaines et sociales,
notamment en équipements informatiques et leurs résultats
médiocres.
Lors de son audition, le ministre a estimé que les
inégalités constatées par la DPD dans les taux de
réussite au DEUG entre les universités devaient être
appréhendées avec prudence, même si la valeur
ajoutée des établissements permet de prendre en compte la
diversité des populations étudiantes accueillies et a
rappelé que la vocation des premiers cycles était d'offrir une
chance de réussite à tous les bacheliers, quelle que soit leur
origine.
Votre commission considère, pour sa part, dans le droit fil des
réflexions qu'elle a engagées en 1996 sur les premiers cycles
universitaires, qu'un minimum d'orientation et de réorientation des
étudiants est nécessaire, et fait trop souvent défaut et
que l'encadrement pédagogique en DEUG, qui est de moins en moins le fait
des enseignants-chercheurs, doit être renforcé et adapté
aux nouveaux étudiants, sauf à voir ceux-ci se fourvoyer dans des
études sans issue.
L'étude de la DPD a le mérite de souligner les imperfections d'un
système qui conduit trop d'étudiants à passer
jusqu'à cinq ans en DEUG dans des filières ne correspondant ni
à leurs goûts, ni à leurs aptitudes, ainsi que le
caractère hétéroclite de parcours universitaires qui
finissent par mettre en cause la notion même de diplôme national.
En conséquence, il convient de s'interroger sur le maintien d'un moule
unique qui ignore l'hétérogénéité de la
population des bacheliers et d'engager une nécessaire réflexion
sur l'avenir des premiers cycles universitaires afin de remédier aux
inégalités et au gâchis humain constatés.
D. UNE DÉMOCRATISATION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR À APPROFONDIR
1. Le constat : une démocratisation très inégale, y compris à l'université
Si
l'évolution démographique de ces dernières
décennies s'est traduite par une plus grande démocratisation de
l'enseignement supérieur, force est de constater que de grandes
inégalités persistent entre les filières, alors que la
moitié de chaque classe d'âge accède désormais
à cet enseignement.
Comme on le sait, les enfants des catégories sociales moins
favorisées se retrouvent surtout dans les filières universitaires
courtes et techniques tandis que les étudiants plus favorisés sur
le plan culturel ou social ont davantage accès aux filières
longues et générales.
Sur un plan général, on rappellera que les enfants de familles
ouvrières, qui représentent encore 20 % de la population
française, ne constituent que 10 % de la population
étudiante, alors que les enfants d'enseignants, cadres et professions
libérales, qui représentent moins de 10 % de la population
globale constituent aujourd'hui 33 % de la population étudiante.
Dans le même sens, les enfants relevant de ces catégories
« privilégiées » représentent
32,81 % des étudiants des premiers cycles universitaires
et 52,26 % des effectifs des classes préparatoires aux grandes
écoles.
Le tableau ci-après indique l'origine socio-professionnelle des
étudiants dans les principales filières de l'enseignement
supérieur :
(en pourcentage)
|
Total |
Université |
CGPE |
STS |
IUT |
Agriculteurs |
1,87 |
2,14 |
1,97 |
2,81 |
3,27 |
Artisans, commerçants, chefs d'entreprise |
4,60 |
7,04 |
6,93 |
8,38 |
8,16 |
Professions libérales, cadres supérieurs, enseignants |
9,04 |
32,81 |
52,26 |
14,23 |
26,23 |
Professions intermédiaires |
14,35 |
16,53 |
15,69 |
17,31 |
20,20 |
Employés |
21,46 |
12,67 |
8,99 |
16,61 |
15,18 |
Ouvriers |
19,76 |
10,98 |
5,77 |
24,63 |
16,13 |
Retraités, inactifs |
28,93 |
9,77 |
7,03 |
12,63 |
7,33 |
Indéterminé |
- |
8,6 |
1,35 |
3,40 |
3,50 |
Ces
chiffres globaux ne doivent toutefois pas masquer la réalité de
la sélection sociale également opérée dans les
universités : la proportion d'étudiants issus de milieux
moins favorisés diminue au fur et à mesure que le degré
d'études s'élève, ce qui relativise l'écart
constaté entre les grandes écoles et la seule université.
En effet, alors que les enfants d'employés représentent
14,5 % des étudiants de premier cycle, ils ne sont plus que
7,1 % en troisième cycle. De même, les enfants de familles
ouvrières représentent 13,1 % des étudiants en DEUG
mais ne sont plus que 4,9 % après la maîtrise.
A l'inverse, près de 40 % des étudiants de médecine
et 49 % des étudiants de pharmacie sont des enfants de cadres,
alors que ces derniers ne sont que 20 % dans la filière AES.
Le second facteur tient à la réussite scolaire des
étudiants qui varie selon leur origine sociale : le taux de
réussite au DEUG en deux ans est ainsi de 40,7 % pour les
étudiants moins favorisés, de 45 % pour les
catégories moyennes et de plus de 50 % pour les étudiants
issus de milieux favorisés.
Force est donc de constater que la démocratisation de notre enseignement
supérieur, au demeurant relativement satisfaisante sur le plan
quantitatif, n'est qu'apparente au niveau de la réussite et que les
chiffres globaux dissimulent des inégalités persistantes du fait
notamment de la sélectivité des cycles supérieurs de
l'université.
2. Les inégalités sociales dans le recrutement des grandes écoles
L'étude menée par la DEP
4(
*
)
, auprès de l'Ecole
polytechnique, l'ENS, l'ENA et HEC publiée en 1995, montre que la
proportion d'étudiants de familles modestes (père agriculteur,
ouvrier, employé, artisan, commerçant) dans les quatre plus
grandes écoles a diminué de manière importante depuis
40 ans : alors que la proportion de ces élèves
était de 29 % au début des années 50, elle
n'était plus que 9 % au début des années 90.
Ces chiffres doivent évidemment être appréciés au
regard de la diminution de la place de ces catégories sociales dans la
population française, qui s'est très fortement réduite
entre 1950 et 1990.
Il reste qu'un jeune étudiant issu de ces catégories avait
23 fois moins de chances qu'un autre d'intégrer une de ces quatre
grandes écoles en 1990, soit une situation comparable à celle
observée il y a 40 ans.
Il convient aussi de souligner que le recrutement des grandes écoles est
de plus en plus étroit et que le nombre de leurs élèves
par rapport à celui des étudiants est de plus en plus faible.
Selon le rapport Attali, les écoles d'ingénieurs ne
représentent plus que 3,7 % du total des étudiants contre
14 % il y a un siècle ; le nombre de polytechniciens par
promotion est aujourd'hui de l'ordre de 400 élèves,
contre 250 en 1900, alors que si leur proportion dans la population
étudiante était restée la même, il devrait
être de près de 50 000.
Le rapport entre le nombre de diplômes des grandes écoles,
distribués avec parcimonie et le nombre des diplômes
délivrés par les universités, s'est donc
considérablement réduit en un siècle et le problème
du recrutement social dans les grandes écoles, qui n'a pas
évolué depuis les années d'après-guerre, reste donc
d'actualité.
3. Les mesures susceptibles d'améliorer la démocratisation de l'enseignement supérieur
a) Un maillage universitaire du territoire plus serré
On sait
que les formations de proximité sont moins coûteuses pour les
familles que les formations offertes dans les grandes villes universitaires,
les transports et le logement étant les deux sources principales de
dépenses pour un étudiant. Offrir une formation dans un lieu
proche du domicile des parents favorise incontestablement la poursuite
d'études dans l'enseignement supérieur.
A titre d'exemple, la commission rappellera que les sections de techniciens
supérieurs (STS) sont très largement diffusées sur le
territoire : sur un peu plus de 1 800 établissements qui
comportent au moins une STS, près de 150 se situent dans des
communes de moins de 10 000 habitants et près de 400 dans
des communes entre 10 000 et 50 000 habitants. Au total, la
moitié des établissements dans lesquels un étudiant peut
préparer un BTS sont situés dans une commune de moins de
100 000 habitants.
De même, des départements d'IUT sont implantés dans la
quasi-totalité des départements français et
répartis sur plus de 170 sites différents, l'ouverture de
départements nouveaux se faisant en priorité dans des villes
moyennes.
Enfin, les antennes de DEUG, qui ont été très largement
délocalisées dans les villes moyennes au cours des
dernières années, participent du même souci d'offrir des
formations supérieures de proximité.
b) Une plus grande ouverture des grandes écoles
Afin de
faire accéder en classes préparatoires, mais également
dans les grandes écoles, davantage d'enfants de familles sous
représentées, ouvriers, employés, professions
intermédiaires, plusieurs mesures sont susceptibles d'être
proposées, d'une manière combinée :
- promouvoir les relations entre les lycées dits « prestigieux
» et les lycées moins favorisés en permettant aux
élèves de ces derniers qui ne comportent pas de CPGE d'y
être recrutés sans ségrégation ni allongement de la
durée des études. Cet objectif suppose une refonte des
procédures actuelles d'admission en classes préparatoires qui
éliminent du dispositif les élèves mal informés ;
- faciliter des échanges de professeurs, mener en commun des
activités pédagogiques et d'autres activités culturelles
et sportives lorsque ces lycées défavorisés disposent de
CPGE ;
- développer les cycles préparatoires intégrés
aux grandes écoles qui apportent des garanties de poursuite
d'études aux élèves. Une telle mesure suppose de s'assurer
que le recrutement de ces cycles privilégie les élèves de
milieux modestes et que des enseignements complémentaires leur sont
dispensés en tant que de besoin ;
- fournir une meilleure information sur les aides financières
(bourses de mérite et bourses sur critères sociaux) et faire
connaître l'internat comme solution pour l'hébergement. Comme il a
été vu, plus de 450 000 étudiants
bénéficiaient de bourses sur critères sociaux lors de la
dernière année universitaire et 9 000 étudiants
se trouvant dans une situation financière particulièrement
difficile percevaient une allocation d'études. En revanche, moins
de 700 étudiants ont bénéficié
depuis 1998 d'une bourse de mérite, ce qui apparaît
très insuffisant.
Afin de remédier au flou statistique existant concernant l'accès
aux filières sélectives, la Conférence des grandes
écoles a engagé une étude sur l'origine sociale de ses
étudiants.
4. Une mesure symbolique : l'ouverture de l'IEP de Paris à quelques bacheliers méritants des ZEP
Afin de
diversifier et de démocratiser le recrutement de ses étudiants,
l'Institut d'études politiques de Paris a mis en place, à la
rentrée 2002, une nouvelle procédure de sélection
« hors concours », en partenariat avec sept lycées
classés en zone ou réseau d'éducation prioritaire, ou
présentant des caractéristiques socio-culturelles analogues.
L'opération repose sur une collaboration avec un petit nombre
d'établissements volontaires, dont les modalités sont
définies dans le cadre de conventions, celles-ci ayant vocation dans un
second temps à être étendue à d'autres
établissements.
La procédure de sélection retenue suppose de la part des
candidats capacités intellectuelles, motivation et engagement. Elle
comporte une phase d'admissibilité dont la responsabilité est
déléguée aux établissements et une phase
d'admission sous la responsabilité de l'IEP de Paris.
a) La phase d'admissibilité
Les proviseurs et les équipes enseignantes des lycées sélectionnés doivent apprécier les qualités et capacités des candidats et établir collégialement une liste de candidats admissibles sur la base des critères suivants : potentiel personnel, progression observée entre la classe de seconde et la terminale, capacité de travail, maîtrise de l'écrit et d'une langue étrangère, curiosité intellectuelle, capacité d'adaptation, motivation et résultats au bac. Ces choix sont précédés par une épreuve se déroulant dans les lycées consistant en la réalisation d'une revue de presse sur un thème choisi par le candidat. Cette revue de presse est complétée par une note de synthèse et une réflexion personnelle, ce travail étant présenté à l'oral par le candidat devant des enseignants et le proviseur de l'établissement.
b) La phase d'admission et les mesures d'accompagnement
Au terme
de cette procédure d'admissibilité, les candidats
présentent à l'IEP de Paris une épreuve orale d'admission
devant un jury composé d'universitaires, de représentants
d'entreprises et de membres de la direction de l'Institut. Ce jury fonde sa
décision sur le parcours et les résultats scolaires du candidat,
son travail écrit (la revue de presse), les résultats au bac, la
motivation retenue par le jury d'admissibilité dans les lycées.
Des mesures d'accompagnement sont mises en place en amont sous la forme
d'actions d'information et de sensibilisation des lycéens (visites de
l'IEP de Paris, rencontres, diffusion d'informations actualisées et
personnalisées, modules méthodologiques...). Ce dispositif de
soutien spécifique se poursuivra pour les candidats reçus par
l'organisation d'un suivi particulier (tutorat notamment) et la mise en place
d'aides financières (bourse de mérite annuelle de
40 000 F et aide au logement de 20 000 F).
Sept établissements ont été choisis dans les
académies de Créteil, Nancy-Metz et Versailles pour amorcer
l'opération. Ils ont été sélectionnés sur
recommandation des rectorats dans les zones et les quartiers socialement en
difficulté (présence d'un grand nombre de boursiers et taux de
catégories socioprofessionnelles défavorisées
supérieur à la moyenne nationale).
Un autre critère déterminant a été la motivation
des équipes enseignantes et des proviseurs. Ces établissements
ont, en effet, mené des politiques d'innovation pédagogique,
telles que l'ouverture d'une classe préparatoire aux grandes
écoles ou de sections européennes.
c) Une mise au point laborieuse du dispositif
Sans
reprendre les observations qu'elle formulait lors de l'examen pour avis du
projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, éducatif et
culturel, dont l'article 14 avait pour objet de conforter les pouvoirs du
conseil de direction de l'IEP en matière d'admission des
élèves, la commission rappellera brièvement les
étapes et les avatars juridiques de l'adoption du dispositif :
-
26 février 2000
: publication d'un projet de
convention entre sept lycées de ZEP et l'IEP de Paris afin de
pré-sélectionner des candidats ;
-
26 mars
: le projet de convention est adopté par le
conseil de direction à la quasi-unanimité ;
-
3 avril
: une requête en référé
visant à suspendre les conventions ZEP est déposée ;
-
20 avril
: la requête est rejetée par le
tribunal administratif de Paris, alors qu'une requête au fond est
également déposée ;
-
28 juin
: la loi portant DDOSEC est adoptée, et
notamment son article 14 qui conforte les pouvoirs du conseil de direction de
l'IEP en matière d'admission des élèves, compte tenu des
observations de la commission des affaires culturelles du Sénat, et de
son rapporteur pour avis, M. Jacques Valade, qui avait
souligné le caractère discriminatoire d'une telle
convention ;
-
2 juillet
: le Conseil constitutionnel est saisi par 60
sénateurs sur la conformité de plusieurs articles de la loi ;
-
11 juillet
: le Conseil constitutionnel valide l'article 14
de la loi en considérant qu'il est «
loisible au
législateur ... de permettre la diversification de l'accès des
élèves du second degré aux formations dispensées
par l'IEP
... » à condition que «
les
modalités particulières que fixera à cette fin, sous le
contrôle du juge de la légalité, le conseil de direction de
l'Institut, reposent sur des critères objectifs
».
-
3 septembre
: le conseil de direction de l'IEP approuve
à nouveau, à la quasi unanimité, les conventions avec les
lycées situés en ZEP ;
-
13 septembre
: 18 étudiants sont admis à
Science-Po selon la procédure dérogatoire prévue par les
conventions éducation prioritaire.