3. ... à l'utilisation encore incertaine
De nombreux points restent encore à éclaircir s'agissant du fonds de réserve.
Il ne s'agit pas de s'étendre longuement sur l'absence de visibilité financière du fonds. Celui-ci croît doucement, au gré des excédents pas encore ponctionnés pour le 35 heures, des dons plus ou moins librement consentis, des recettes de privatisation qui peuvent se présenter presque par hasard 67 ( * ) . En faisant l'hypothèse d'une affectation totale du produit des licences UMTS au FRR et d'une affectation de 1,24 milliard d'euros de recettes de privatisation - hypothèses dont votre rapporteur pour avis a souligné l'optimisme - et sans compter les frais de gestion du fonds dont on voit mal comment ils seraient inférieurs à 20 millions d'euros par an, alors, le FRR détiendra en réserve au 31 décembre 2002 environ 12 milliards d'euros.
Evolution des recettes et des dépenses du FRR
(en millions d'euros)
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
|
Recettes |
306,4 |
2.867,6 |
3.342,2 |
5.534,9 |
C3S |
304,9 |
- |
- |
- |
FSV |
- |
- |
286,6 |
- |
CNAF |
- |
- |
- |
762,2 |
CNAVTS |
- |
767,4 |
- |
- |
2 % Capital |
-- |
891,6 |
960,4 |
1.308 |
Vente Caisse d'épargne |
718,2 |
718 |
718 |
|
Caisse des dépôts |
- |
457,3 |
- |
- |
UMTS (*) |
- |
- |
1.240 |
1.240 |
Privatisations |
- |
- |
- |
1.240 |
Intérêts |
1,5 |
33,1 |
137,2 |
266,7 |
Dépenses |
0,2 |
3,8 |
13,9 |
0,2 |
Divers |
- |
0,4 |
0,2 |
0,2 |
Fiscalité |
0,2 |
3,4 |
13,7 |
- |
Résultat |
306,2 |
2.863,8 |
3.328,3 |
5.534,7 |
Réserves au 31/12 |
306,2 |
3.170 |
6.498,3 |
12.033 |
(*) hypothèse d'une affectation totale des recettes UMTS au FRR
Outre ces incertitudes financières, le plus grand flou règne sur les futures dépenses du fonds de réserve. Ce dernier est, d'après la loi, destiné à un nombre délimité de régimes de retraite : CNAVTS, ORGANIC, CANCAVA et, par le biais de son intégration financière avec la CNAVTS, le régime des salariés agricoles. Ceci pourrait se justifier si les recettes du fonds ne provenaient que de ces régimes là, par affectation d'excédents, transferts de recettes fiscales initialement affectées à eux, ou prélèvements sur le FSV chargé de leur compenser des charges de solidarité. Or l'analyse des ressources actuelles du fonds et leurs perspectives montrent que la plupart viendront de la solidarité nationale par le biais de recettes non récurrentes liées aux privatisations ou à l'UMTS, ou bien d'une éventuelle imposition de toute nature supplémentaire ou nouvelle affectée uniquement au FRR. Dans ces conditions, il paraît difficile de limiter le bénéfice du fonds aux seuls quatre régimes énumérés précédemment et d'en exclure les autres régimes de retraite, à commencer par celui des professions libérales. Dans la mesure où les recettes du fonds deviennent de plus en plus universelles, il sera normal que ses dépenses le soient aussi.
La troisième source d'incertitude provient des modalités exactes de la gestion des actifs. Si le principe de la délégation de la gestion administrative du fonds à la Caisse des dépôts a été arrêté par l'article 6 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, le plus important, à savoir la politique de placement du fonds et la délégation de la gestion de ses actifs, reste encore à préciser. La mission de la Caisse des dépôts comme gérant administratif est assez facile à discerner. Il s'agira pour elle d'assurer la sécurité des sommes versées dans le fonds en faisant en sorte que les gérants d'actifs ne manipulent jamais directement les sommes mais donnent leurs ordres à la Caisse qui les exécutera (fonction de « back office » et de suivi des gestions déléguées), d'optimiser la politique financière du fonds et d'en organiser le fonctionnement quotidien. Il conviendra pour les organes dirigeants du fonds et pour la Caisse des dépôts de préciser ainsi un certain nombre de ces fonctions.
Les fonctions administratives de gestion du FRR
Fonction |
Rôle de la direction du FRR |
allocation d'actifs |
détermination de l'allocation stratégique optimale |
sélection des gérants |
rédaction des cahiers des charges, organisation de l'appel d'offres, dépouillement des réponses |
suivi des gestions financières déléguées |
contrôle de la performance des gérants, reporting à destination des organes dirigeants |
back office , tenue de compte et conservation |
vérification du respect des obligations contractuelles (dispersion des risques, franchissements de seuil...), contrôle de la bonne exécution des sous-traitances confiées aux services de la CDC |
comptabilité générale et trésorerie |
gestion d'une « poche » de trésorerie nécessaire au règlement (frais généraux, commissions des gérants) |
juridique |
rédaction des appels d'offres rédaction des contrats de gestion déléguée |
suivi de la vie sociale et communication financière |
établissement des comptes relations avec les tutelles |
Source : Caisse des dépôts et consignations
Mais dès aujourd'hui et dans l'attente du décret d'application de la loi, il faut rédiger le cahier des charges, faire les choix informatiques, proposer une stratégie d'allocation des actifs, organiser les procédures d'appel d'offre, mettre en place les dirigeants et les équipes, transférer les actifs, etc. Tout cela reste à déterminer et devra se mettre en place rapidement, d'ici au 1 er juillet 2002.
Au total, votre rapporteur pour avis ne peut que dénoncer la politique du gouvernement à l'égard du Fonds de réserve des retraites. Il s'engage sans tenir ses promesses. Il fait de belles projections en les contredisant par ses actes. Il annonce avoir agi alors que le fonds reste sans organes directeurs, sans politique de placement, sans perspective précise des dépenses à couvrir, sans mode fiable d'alimentation. Cette politique semble à votre rapporteur pour avis illustratrice d'une attitude plus générale au sujet des retraites : attendre en se payant de mots.
* 67 Votre rapporteur pour avis renvoie, pour une analyse des avantages financiers tirés de l'alimentation d'un fonds de réserve par des ressources pérennes, stables et prévues à l'avance à l'avis de notre collègue sénateur Jacques Oudin sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 68, 2000-2001) pages 196 et suivantes.