2. Les annulations prononcées par le Conseil constitutionnel
Dans sa décision n° 2000-437 DC sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Conseil a ainsi estimé qu'une loi de financement de la sécurité sociale peut servir de loi de financement rectificative.
«
Considérant, en troisième
lieu, que le législateur a pu légitimement fixer le montant des
prévisions de recettes du fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale à
7 milliards de francs, compte tenu de la modification de l'assiette de la
taxe générale sur les activités polluantes prévue
par le projet de loi de finances rectificative pour 2000 en cours de discussion
au Parlement ; que, toutefois, dans l'hypothèse où la
promulgation de cette loi conduirait à une baisse significative du
rendement attendu de la taxe et aurait pour effet de diminuer
corrélativement les recettes du fonds prévues lors de l'adoption
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, il
appartiendrait à une loi de financement de la sécurité
sociale ultérieure de prendre en compte les incidences sur les
conditions générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale des mesures en définitive
arrêtées par la loi de finances rectificative pour
2000
»
.
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Cette jurisprudence a trouvé à s'appliquer dès la décision n° 2000-441 DC sur la (seconde) loi de finances rectificative pour 2000, puisque le Conseil constitutionnel a alors annulé le transfert du reliquat de droits sur les tabacs de l'Etat vers le FOREC, ce transfert de 3 milliards de francs n'ayant pas été prévu dans une loi de financement de la sécurité sociale et modifiant donc l'équilibre de cette dernière, ce qu'une loi de finances ne peut faire.
« Considérant que l'article 3 de la loi déférée affecte au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale le reliquat du droit de consommation sur les tabacs manufacturés perçu par l'Etat au titre de l'année 2000 ; Considérant que, selon les sénateurs requérants, l'article 3 ne respecterait pas les dispositions de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dans la mesure où il méconnaîtrait le champ respectif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, « une loi de finances ne pouvant modifier une mesure contenue dans une loi de financement de la sécurité sociale » ; Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale : « Seules les lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1° à 5° du I » ; que cette dernière disposition a pour objet de faire obstacle à ce que les conditions générales de l'équilibre financier, telles qu'elles résultent de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année, modifiée le cas échéant, par des lois de financement rectificatives, ne soient affectées par l'application de textes législatifs ou réglementaires dont les incidences sur les conditions de cet équilibre, dans le cadre de l'année, n'auraient pu au préalable, être appréciées et prises en compte par une des lois de financement susmentionnées ; Considérant que le transfert du reliquat du produit du droit de consommation sur les tabacs du budget de l'Etat vers le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale est évalué à trois milliards de francs ; que ce transfert affecterait les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année 2000, alors qu'aucune loi de financement de la sécurité sociale n'a pris en compte cette incidence et qu'aucune ne pourra plus le faire d'ici à la fin de l'exercice ; qu'il convient à cet égard de relever que le IX de l'article 16 de la loi susvisée du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 rend seulement applicable, dès le 1er janvier 2000, l'affectation des droits sur les boissons au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ;
Considérant, en conséquence, que l'article 3 de
la loi déférée doit être déclaré non
conforme à la Constitution comme contraire aux dispositions de l'article
L.O. 111-3 du code de la sécurité
sociale ».
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A contrario
, dans la même décision,
à propos de la majoration du prélèvement de la C3S
affecté au BAPSA, le Conseil constitutionnel a estimé qu'un tel
transfert de 350 millions de francs n'affectait pas cet équilibre et
n'était donc pas contraire à l'article LO 111-3.
« Considérant que l'article 4 de la loi déférée majore de 350 millions de francs le prélèvement opéré sur le produit de la contribution sociale des sociétés au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2000 ; que cette disposition a pour effet de diminuer du même montant les ressources affectées au fonds de solidarité vieillesse ; Considérant que les sénateurs auteurs de la requête soutiennent que « cette disposition aurait dû être adoptée en loi de financement » et qu'« en modifiant les prévisions de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 », le législateur n'aurait pas respecté l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;
Considérant que la mesure prévue par l'article
critiqué, qui trouve sa place dans une loi de finances, n'a pas sur les
conditions générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale pour l'année 2000 une incidence telle
qu'elle aurait dû, au préalable, être prise en compte par
une loi de financement de la sécurité sociale ; que le grief
tiré du non respect de l'article L.O. 111-3 du code de la
sécurité sociale doit donc être
rejeté ».
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On peut donc considérer que toute décision législative affectant l'équilibre de la sécurité sociale pour un montant significatif, 457 millions d'euros étant considéré comme tel et 53 millions d'euros ne l'étant pas, encourt un risque d'invalidation si elle n'a pas été prise en compte dans une loi de financement de la sécurité sociale.
Pour cette raison, le gouvernement a pris la décision de rectifier, en prévision des dispositions législatives que la prochaine loi de finances rectificative pourrait comprendre, le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Le Sénat demandait depuis longtemps une loi de financement rectificative. Le Conseil constitutionnel a contraint le gouvernement à y consentir.