B. UNE INSUFFISANTE RÉTRIBUTION DES AVOCATS AU TITRE DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE
La dotation budgétaire consacrée à l'aide juridictionnelle étant pour l'essentiel affectée à la rétribution des avocats via les sommes versées aux CARPA, l'effort consenti à ce titre par l'Etat apparaît globalement substantiel, puisqu'il a représenté en 1999 une somme d'environ 30.000 F par avocat.
Cependant, le montant de l'unité de valeur (UV) de référence n'a été que faiblement revalorisé depuis la mise en oeuvre de la réforme de 1991 : fixé à 125 F en 1992, il a été porté à 128 F en 1993, 130 F en 1995, 132 F en 1998 et 134 F en 2000 , aucune revalorisation n'étant à ce jour prévue pour 2001. Ainsi que l'ont fait observer les représentants des avocats entendus par votre rapporteur pour avis, la revalorisation de l'unité de valeur n'a donc été que de 7,2 % depuis 1992, ce qui correspond en réalité à une baisse en francs constants 39 ( * ) .
Compte tenu de la majoration du montant de l'unité de valeur de référence pour chaque barreau en fonction du volume des missions effectuées au titre de l'aide juridictionnelle au cours de l'année précédente au regard du nombre d'avocats inscrits au barreau, le montant prévisionnel moyen de l'unité de valeur est pour 2000 de 144 F.
Les modalités de calcul de la rétribution allouée à l'avocat sur la base de cette unité de valeur apparaissent trop rigides, car elles ne permettent pas de prendre en compte la réalité du travail accompli par l'avocat. Elles résultent en effet de l'application d'un barème fixé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, qui attribue un nombre fixe d'UV à chaque type de procédure, quels que soient le temps effectivement passé par l'avocat et la difficulté de la procédure : par exemple, 24 UV (3.456 F) pour un divorce pour faute, 40 UV (5.760 F) pour l'assistance d'un accusé devant la cour d'assises, 20 UV (2.880 F) pour un divorce sur requête conjointe ou pour une instruction correctionnelle avec détention provisoire, ou encore 4 UV seulement (576 F) pour l'assistance d'un prévenu à l'audience devant le tribunal correctionnel.
Ainsi que l'ont souligné les représentants des avocats entendus par votre rapporteur pour avis, cette rétribution apparaît tout à fait insuffisante, d'autant que compte tenu de la spécialisation des avocats, un tiers de la profession concentre l'aide juridictionnelle, certains avocats exerçant jusqu'à 80 % de leur activité au titre de l'aide juridictionnelle.
Alors qu'ils doivent faire face au renforcement des contraintes qui leur sont imposées pour assurer la défense des plus démunis (notamment lors de la garde à vue, ou lors de la comparution des détenus au prétoire 40 ( * ) ), les avocats dénoncent donc l'inadaptation de ce système et l'insuffisance de leur indemnisation. Aussi ont-ils engagé un mouvement de grève dans l'ensemble de la France pour manifester leur mécontentement et protester contre l'absence de revalorisation de cette indemnisation.
Interrogée sur ce sujet au cours de son audition par votre commission des Lois, Mme Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, ministre de la justice, a reconnu la réalité du problème soulevé par les avocats, soulignant notamment les inégalités du nombre moyen d'unités de valeur par dossier selon les barreaux.
Considérant cependant que même le doublement de l'unité de valeur de référence, réclamé par les avocats, ne permettrait pas de régler ce problème de manière satisfaisante, la ministre s'est déclarée favorable à une réforme globale du système qui, selon elle, ne pourrait être mise en place dans l'urgence dans la mesure où une étude approfondie apparaissait nécessaire pour remédier aux distorsions actuelles de la situation des différents barreaux suivant la nature des affaires et les populations concernées. Elle a précisé qu'elle avait mis en place un groupe de travail ah hoc 41 ( * ) pour effectuer cette étude et procéder à une concertation approfondie, dont les résultats devraient être disponibles pour la préparation du projet de loi de finances pour 2002. Elle a enfin estimé que les modalités de l'indemnisation des avocats au titre de l'aide juridictionnelle devraient être revues, afin notamment de prendre en compte leurs frais de déplacement, mais qu'il conviendrait également de réfléchir à la mise en place d'un système de protection juridique s'adressant aux justiciables dont les revenus dépassent les plafonds fixés pour l'accès à l'aide juridictionnelle mais qui n'ont pas forcément pour autant les moyens nécessaires à la rétribution d'un avocat.
En ce qui concerne les mesures d'urgence demandées par les avocats, notamment à l'occasion d'une journée d'action le 1 er décembre dernier, des négociations sont en cours en vue d'une revalorisation de la rétribution des avocats dans cinq domaines particulièrement importants en matière d'aide juridictionnelle : les audiences correctionnelles, les prud'hommes, le divorce, la reconduite à la frontière et le droit au logement.
* 39 La hausse des prix ayant atteint 10,5 %.
* 40 Ainsi que l'a précisé Mme Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, au cours de son audition par votre commission des Lois, la faculté désormais accordée à un détenu de se faire assister par un avocat lors de son passage devant la commission de discipline est entrée en vigueur le 1 er novembre dernier.
* 41 Qui sera présidé par l'ancien Bâtonnier Paul Bouchet, conseiller d'Etat honoraire, président d'ATM Quart Monde.