B. LE RAPPORT MAUROY
La commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par M. Pierre Mauroy, a constaté que les services départementaux d'incendie et de secours fonctionnaient mal, faute d'être placés sous une autorité administrative clairement identifiée , puisqu'ils sont des établissements publics communs aux départements, aux communes et aux structures intercommunales.
Elle a souligné que la question du financement des SDIS était une source de conflits entre collectivités.
La commission Mauroy a envisagé que les services départementaux d'incendie et de secours, compte tenu de leur vocation territoriale " soient au minimum placés sous l'autorité de gestion du président du conseil général ".
La commission Mauroy considère toutefois qu'une telle solution, préférable à la situation actuelle, serait loin d'être optimale , car le président du conseil général serait le gestionnaire alors que l'autorité opérationnelle resterait le préfet.
En effet, note cette commission, " la police et, plus généralement, les principales tâches de sécurité civile restent et doivent rester de la compétence préfectorale. Une telle dichotomie entre une gestion décentralisée et une mission opérationnelle d'État n'est pas saine. La commission estime donc nécessaire de créer un véritable service public de sécurité civile placé sous l'autorité du préfet . "
C. LA MISSION D'INFORMATION DU SÉNAT SUR LA DÉCENTRALISATION
La mission sénatoriale d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, présidée M. Jean-Paul Delevoye et dont le rapporteur était M. Michel Mercier (rapport n° 447 ; 1999-2000), a préconisé un renforcement du rôle des départements dans le fonctionnement des services d'incendie et de secours (proposition n° 37).
D. L'ANALYSE DES ASSOCIATIONS D'ÉLUS
1- Au cours de son congrès des 20 et 21 septembre 2000, l'Association des départements de France (ADF) a adopté une résolution sur la question des services départementaux d'incendie et de secours. Dans ce document, les présidents de conseils généraux réaffirment " leur volonté de s'engager totalement dans la gestion des services départementaux d'incendie et de secours, sous réserve que les conditions d'une maîtrise générale et politique de la compétence incendie et secours au niveau départemental soient remplies. Cette maîtrise doit porter sur la clarification des rôles, des missions et des moyens de chaque partenaire. "
L'Association des départements de France observe que " cette orientation implique nécessairement une réflexion de fond sur le devenir de la compétence incendie et secours en raison de la dualité des pouvoirs et des responsabilités entre les présidents de services départementaux d'incendie et de secours et les préfets ".
Dans le même texte, en réaction au rapport Fleury , les présidents de conseils généraux :
" - demandent que toute évolution fasse l'objet d'une étude d'impact portant non seulement sur les aspects financiers comme le propose la mission Fleury, mais également sur les aspects institutionnels, juridiques et techniques ;
" - constatent que le rapport ne veut pas tirer les conséquences d'un passage à un financement majoritaire des départements , tant au regard du double pouvoir de police des communes et de l'État, du fonctionnement de l'établissement public, qu'en matière de conduite de maîtrise générale de cette compétence ;
" - demandent que l'alternative de financement la plus crédible qu'est la fiscalisation par une " redevance incendie " puisse faire l'objet d'une étude approfondie et préalable avec les élus concernés, dans les meilleurs délais ;
" - demandent à l'État et aux organismes qui en dépendent d'assumer leur juste part des missions que les SDIS assurent pour leur compte. "
2- Le bureau de l'Association des maires de France (AMF) s'est prononcé, le 30 avril 2000, " en faveur d'une fiscalisation spécifique aux SDIS, et ce afin d'assurer la transparence des coûts relatifs aux services d'incendie et de secours, de permettre une meilleure maîtrise de leur évolution et enfin de responsabiliser les citoyens vis-à-vis de ce service public. " Selon l'AMF, " cette solution a le mérite de s'appliquer quelle que soit la structure qui pourrait être en charge du services départemental d'incendie et de secours : établissement public, comme c'est le cas actuellement, conseil général, une des pistes imaginée par M. Fleury, ou pourquoi pas État.
" L'AMF souhaite en effet que l'on fasse apparaître clairement aux citoyens le véritable coût de ces services d'incendie et de secours et prône, avec vigueur, une exigence de transparence en la matière. "
3- L'Association des présidents de services départementaux d'incendie et de secours (APSIS) s'est également prononcée en faveur d'une fiscalisation des dépenses d'incendie et de secours .
Selon son président, M. Noël Dejonghe, " il ne s'agit pas de créer un impôt supplémentaire, mais un impôt de substitution ".
Il estime qu'" on peut envisager de bloquer les contributions municipales à leur niveau actuel, puis de glisser progressivement vers une nouvelle fiscalisation des services de secours et d'incendie. La sécurité civile doit faire l'objet d'un grand débat national, à l'occasion duquel chaque citoyen devra fixer le niveau de sécurité qu'il attend et à quel coût. "
Selon l'APSIS, une telle réforme permettrait aux SDIS de contrôler leur fiscalité, ce qui, actuellement, n'est pas le cas, puisque les budgets sont financés par les contributions (obligatoires) versées par le département, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale gérant un service d'incendie et de secours. " Dans l'état actuel des choses, les présidents de SDIS doivent aller quémander auprès des plus gros financeurs, départements ou grandes communes, des moyens que, selon les cas, ils nous accordent ou pas ", fait valoir M. Noël Dejonghe.
L'APSIS demande que l'État joue son rôle de régulation et de péréquation en participant au financement des SDIS .
L'APSIS estime également que les SDIS devraient pouvoir faire appel à d'autres sources de financement (sociétés d'autoroute, compagnies d'assurances, agences régionales d'hospitalisation, caisses primaires d'assurance maladie, en raison des prestations effectuées aux lieu et place des services médicaux d'urgence, ou entreprises industrielles " à risques ").
Enfin, l'APSIS souhaite une clarification de la répartition des compétences entre les préfets et les présidents de SDIS , précisant toutefois que l'État doit garder la compétence pour la gestion des situations de crise grave.
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M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, a annoncé, le 7 octobre 2000, que les " retours d'expérience des catastrophes naturelles " et les réflexions en cours devraient conduire au dépôt, à l'automne 2001, d'un projet de loi sur la sécurité civile , tandis que " des dispositions notamment plus techniques " pourraient aussi être soumises au Parlement dans des délais plus proches " afin de s'assurer d'un fonctionnement satisfaisant des SDIS ".
Devant votre commission des Lois, le 28 novembre 2000, le ministre de l'Intérieur, confirmant le dépôt de ces projets, a approuvé les suggestions du rapport de M. Fleury concernant le renforcement du rôle du département au sein des services d'incendie et de secours.
Enfin, M. Lionel Jospin, Premier ministre, a considéré, le 22 novembre 2000 devant le congrès de l'Association des maires de France, que la loi de 1996 sur les services d'incendie et de secours n'avait pas atteint ses objectifs et qu'elle était " source de confusions et de litiges ". Il a ajouté que la législation en la matière devait " être révisée dès l'année prochaine, notamment en matière de financement, afin d'approfondir la départementalisation et de donner aux conseils généraux une place pleine et entière ".
Votre commission des Lois demande instamment que les orientations proposées par le Gouvernement soient précédées d'une étude d'impact approfondie ainsi que d'une concertation étroite avec toutes les parties concernées.
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Ces observations ont conduit votre commission des Lois à s'en remettre à la sagesse du Sénat pour la section sécurité civile du budget du ministère de l'Intérieur pour 2001.