B. LES GRANDS PROGRAMMES D'AÉRONEFS
Le dispositif déployé par l'Armée de l'air comprend principalement des avions de combat et des appareils de transport. Si les besoins ont évolué depuis une dizaine d'années, le lancement simultané d'un programme majeur pour chacun des deux types d'aéronefs s'avère désormais nécessaire.
Le modèle 2015 prévoyait initialement trois cents avions de combat de type Rafale et cinquante avions de transport. Il est manifeste que la réalisation ce modèle initial ne sera pas réalisé à l'horizon défini et devra faire l'objet d'efforts redoublés dans les années qui viennent, et plus particulièrement durant la loi de programmation 2003-2008, afin de ne pas compromettre la cohérence même du dispositif supposé garantir à notre pays une réelle capacité d'action au sein d'un engagement européen indépendant.
1. Le Rafale
La validité des choix faits pour le Rafale se confirme, et l'étalement du programme ne conduit pas à commander un avion qui serait obsolète dès sa mise en service.
Le Rafale sera un avion dont l'une des principales qualités sera sa polyvalence, qui lui permettra d'effectuer, sans modification particulière préalable, des missions de dissuasion nucléaire, de pénétration et d'attaque au sol par tous les temps, de défense et supériorité aérienne, d'intervention à long rayon d'action, de reconnaissance tactique et stratégique. Il s'agira du premier avion de l'Armée de l'Air à posséder cette capacité.
Le système d'armes est composé principalement du radar Thomson-CSF RBE2, d'un système de contre-mesures SPECTRA et d'un capteur optronique secteur frontal (OSF). Le radar RBE2 est doté d'une antenne fixe à balayage électronique capable de détecter, de poursuivre et d'engager plusieurs cibles aériennes simultanément. Il est également capable d'assurer toutes les fonctions de navigation et de suivi de terrain autonome. Le système SPECTRA est capable de détecter dans un spectre très large les menaces électromagnétiques, infrarouge et laser, et de mettre en oeuvre les contre-mesures (brouilleurs et/ou leurres) adaptées. Les capteurs comprennent aussi un capteur optronique passif, l'OSF, qui, en secteur frontal, travaille dans les bandes infrarouge, visible et laser. Son fonctionnement est identique à celui d'un radar en matière d'identification et de mise en oeuvre des armements, avec toute la robustesse et la discrétion que lui confère sa passivité.
L'intégration très poussée des différents composants et la qualité innovante de l'interface homme machine procurent à l'équipage du Rafale une maîtrise efficace de son environnement de combat. En outre, la totalité des fonctions opérationnelles propre à chaque type de mission étant disponible en permanence, quelque soit sa situation, l'appareil s'avère réellement polyvalent.
Cet effort d'intégration dans tous les domaines a été poursuivi dès la conception de l'appareil. Il permet de réduire les quantités de personnels et de matériels nécessaires à sa mise en oeuvre et d'augmenter corrélativement la disponibilité opérationnelle ainsi que la souplesse d'emploi du système d'armes.
Au titre du développement, de l'industrialisation et des fabrications, en francs courants (part air), ont déjà été consommés 24,871 milliards de francs pour le développement et 11,428 milliards de francs pour la production.
Le projet de budget 2001 prévoit pour le développement 1,48 milliards de francs d'autorisations de paiement et 1,729 milliards de francs de crédits de paiement, alors que pour la production sont inscrits 5,427 milliards de francs d'autorisations de paiement et 2,090 milliards de francs de crédits de paiement.
La livraison du troisième appareil, après les deux premières qui eurent lieu entre 1999 et 2000, devrait intervenir en 2002 et être suivie dès le premier trimestre 2004, afin de constituer un premier escadron air opérationnel au 31 décembre 2005. Le nombre total d'appareils devant être commandés est de 234, mais leur livraison sera très étalée dans le temps, alors que les 232 Eurofighter qui vont équiper la Royal Air Force seront tous livrés à l'horizon 2012.
La configuration actuelle du Rafale correspond aux besoins de l'Armée de l'Air. Cependant, le succès du programme ne sera réellement assuré qu'avec l'exportation de cet appareil.
Dans les débuts du programme, il était prévu que le Rafale soit mis en service dès 1998. Pour améliorer ses chances à l'exportation, les industriels concernés ont accepté de financer 25 % du développement de l'appareil, afin de raccourcir de deux ans le délai de sa conception et d'offrir sur le marché le premier appareil de quatrième génération doté, à ce titre, des équipements les plus compétitifs.
En outre, 137 avions devaient être livrés à l'Armée de l'Air en 2000.
L'accumulation des retards subis par le programme a ainsi fortement limité l'avantage comparatif dont bénéficiait auparavant l'appareil, qui sera livrable à la même période que ses concurrents Eurofighter et F18D/E, sans omettre le " programme d'attente " JSF .
Cependant, un certain nombre de clients potentiels expriment désormais des exigences différentes de celles des armées françaises. La première d'entre elles concerne un réacteur plus puissant que celui de 7,5 tonnes de poussée équipant les versions françaises du Rafale et équivalent à celui de 9 tonnes de l'Eurofighter, il est vrai, d'un poids supérieur.
A cette exigence d'une motorisation plus puissante, procurant une meilleure agilité en combat aérien rapproché et une rejointe plus rapide de la zone d'opérations, s'ajoute celle d'un radar disposant d'une plus longue portée, formulée notamment par des Etats aux forces aériennes dépourvues de système AWACS et de ravitailleurs,
La réponse des industriels consiste à proposer à l'exportation un Rafale Mark 2, qui serait équipé d'un réacteur plus puissant, le M-88-3 de la classe 9 tonnes, et d'un radar doté d'une plus longue portée, afin de préserver la compétitivité du programme.
De telles modifications, envisagées dès l'origine de l'appareil pour permettre son évolution à mi-vie, n'impliquent pas une redéfinition totale de l'appareil. La cellule a été ainsi dimensionnée pour recevoir un réacteur de 9 tonnes de poussée et l'amélioration de la portée du radar sera principalement due au remplacement de l'antenne passive par une antenne à modules actifs. S'il est vrai que ces adaptations ne sauraient remettre en cause le système d'armes du Rafale, elles ont, en revanche, un coût auquel les industriels, déjà contributeurs, à hauteur de 25 % des frais de développement d'une version export à la disponibilité retardée, demandent à l'Etat de participer.
Ces derniers, en cas d'absence d'aide publique, reconsidèreront leur participation au financement prévue à hauteur de 25 %, des standards F2 et F3, qui imposerait alors à l'Etat se prise en charge globale.
Cependant, de telles perspectives de développement ne doivent, en aucun cas, peser sur le budget de l'Armée de l'Air, qui n'est pas actuellement demandeuse de spécifications autres que celles fournies par la version F2. L'Armée de l'Air apporte néanmoins son soutien à l'exportation du Rafale, en participant à toutes ses présentations extérieures mais également aux " Comités Air " qui institutionnalisent les rencontres entre les différents états-majors concernés.
2. L'avion de transport futur (ATF)
Le choix du type d'appareil correspondant au programme ATF par l'ensemble des nations participantes (France, Grande Bretagne, Allemagne, Italie, Belgique, Espagne, Turquie, Luxembourg) aurait dû être arrêté en 1999. Il a finalement eu lieu en 2000 et s'est porté sur l'A400M d'Airbus Military. Les différents pays partenaires ont pris les engagements nécessaires pour garantir à l'industriel une commande minimale d'un volume suffisant (deux-cent-vingt-cinq appareils).
En mars 2001 sera signée la commande de 50 A-400M qui équiperont l'Armée de l'Air. Conformément à la déclaration du Premier Ministre devant l'IHEDN le 22 septembre dernier, vingt milliards de francs d'autorisation de programmes supplémentaires, s'ajoutant aux 5 milliards déjà annoncés, sont inscrits dans le collectif budgétaire de l'automne 2000. Une telle décision constitue par ailleurs un engagement juridique du Ministère de la Défense vis-à-vis du consortium EADS et la première étape d'un calendrier de paiement conjointement élaboré, afin d'éviter les trop courants " reports " qui ont, à maintes reprises, modifié les programmes d'équipement.
Le coût total du programme est estimé à quarante-et-un milliards de francs, pour cinquante appareils. Les livraisons doivent s'échelonner entre 2007 et 2017, ce qui implique de dégager un flux annuel de crédits de paiement de l'ordre de 3,2 milliards de francs dès le début de la prochaine loi de programmation. Le calendrier de livraison, coïncidant avec celui de la fin de vie des Transall, dont vingt-sept au moins seront retirés entre 2006 et 2008, laisse apparaître un déficit de capacité de projection qui atteindrait, durant la période de transition, le plancher de 800 sur les 1.500 tonnes prévues par le modèle 2015. Il sera donc nécessaire de procéder à des affrètements ou des locations pour le transport logistique ; la flotte existante permettra néanmoins d'assurer les missions tactiques.
Cependant, la participation de l'Armée de l'Air, à hauteur de 3,9 milliards, aux vingt milliards dégagés pour financer le programme A-400M, risque d'accroître la tension sur ses stocks d'autorisations de programme.
3. La flotte d'hélicoptères
Les quatre-vingt-six hélicoptères de l'Armée de l'air sont utilisés pour un grand nombre de missions effectués au profit des forces armées mais également de la population civile. Ces moyens sont consacrés aux opérations de recherche et de sauvetage au combat (RESCO), à la mission permanente de recherche et de secours sur le territoire national des appareils civils et militaires (SAR), à l'assistance aux populations en cas de catastrophe naturelle, aux mesures actives de sûreté aérienne, à la protection des points sensibles et au support opérationnel des forces.
La nécessaire poursuite de la mission RESCO, actuellement assurée par sept hélicoptères Puma équipés spécialement, impose une évolution de cette flotte. Un premier appareil Cougar RESCO a été livré en 1999 et employé à diverses fins d'expérimentation et trois autres appareils, commandés en 1999 et 2000, seront livrés en 2003. Il demeurera cependant nécessaire de compléter cette flotte de manière à ce que la France soit capable de remplir cette mission dans le cadre d'une opération interalliée.
4. Ravitaillement en vol et transport logistique
Le modèle 2015, conforté par les enseignements du Kosovo, comporte une flotte de seize ravitailleurs. Il en existe actuellement quatorze, dont trois, achetés d'occasion en 1997 et 1998, doivent être remis au standard commun. Outre trois Airbus A310, la flotte de transport logistique comprend actuellement deux DC8-72 qui seront retirés du service en 2010.
Les plus vieux des ravitailleurs seront retirés du service à partir de 2020. Il est donc envisagé d'acquérir, très progressivement, une flotte d'appareils mixtes multirole tanker transport (MRTT,) constituée à partir d'Airbus d'occasion rénovés et transformés par EADS. L'Armée de l'air pourrait acheter, dès 2005, deux de ces appareils.