II. LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE

La redéfinition de ses priorités opérée par le ministère de la recherche va enfin dans une direction que votre rapporteur et votre commission prônaient depuis de nombreuses années : aussi peut-on se féliciter de la priorité enfin reconnue aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, ainsi que de l'impulsion que la nouvelle loi sur l'innovation et la recherche va donner à la valorisation de la recherche publique, et à la coopération des organismes et des chercheurs publics avec les entreprises innovantes.

A. UNE PRIORITÉ OPPORTUNE EN FAVEUR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

1. Une priorité régulièrement défendue par le Sénat

Depuis longtemps déjà, les travaux du Sénat et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques insistent sur le fait que, dans les années à venir, la croissance économique de la France dépendra du succès de son entrée dans la société de l'information. Il ne s'agit pas, bien entendu, d'affirmer que ce domaine est le seul à mériter un effort de recherche : les recherches dans le domaine des biotechnologies, de la santé, de l'environnement et de l'énergie, qui figurent également parmi les priorités affichées par le ministère sont importantes et à juste titre distinguées. Mais le secteur de l'informatique et de la communication par son caractère transversal, recouvre tous les autres et les progrès y sont à la fois fulgurants et déterminants pour l'avenir.

C'est pourquoi, il importe que notre pays soit pas réduit au statut de consommateur de nouvelles technologies, mais qu'il participe, en tant qu'acteur, à la croissance industrielle qui découlera de la société de l'information.

Votre rapporteur insiste depuis longtemps sur le fait que la maîtrise de ces technologies constitue désormais un enjeu stratégique majeur. Elle déterminera, en effet, pour une large part la compétitivité des économies, la qualité des réseaux de communication, l'efficacité administrative et donc l'attractivité du territoire national pour les investisseurs étrangers. Il s'agit donc de déjouer un risque de sujétion non seulement économique mais également scientifique et culturelle.

Il a toujours insisté sur le potentiel que représente ce secteur comme moteur de la croissance et source de création d'emplois.

2. Les conclusions du conseil européen de Lisbonne

Aussi s'est-il félicité de l'adoption, par le Conseil européen qui s'est tenu à Lisbonne les 23 et 24 mars 2000, d'une déclaration qui fixe à l'Union l'ambition de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive, et incite, à ce titre à promouvoir le développement des technologies de l'information et des réseaux de télécommunications les plus modernes.

3. Une priorité transcrite dans le projet de budget pour 2001

Le Conseil interministériel pour la société de l'information qui s'est tenu le 10 juillet dernier a reconnu le caractère stratégique des sciences et technologies de l'information, et a décidé un effort important pour favoriser la recherche en ce domaine. Il a annoncé, en particulier, son intention d'augmenter de 25 % en cinq ans les effectifs de la recherche publique qui leur sont consacrés, et sa décision d'augmenter de 50 % dès 2001 les crédits que leur consacre le fonds national de la science et le fonds de recherche technologique.

Certaines de ces annonces trouvent un commencement de réalisation dans le projet de budget pour 2001.

a) Le renforcement des moyens et des effectifs de l'INRIA

L'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) est au coeur du dispositif de recherche publique français dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il a pris, au sein de la communauté internationale une place de choix : son excellence scientifique, son rayonnement et le dynamisme de sa politique de transfert de technologies sont unanimement reconnus et appréciés.

C'est lui par exemple qui est chargé, avec le MIT aux Etats-Unis et un centre japonais, de la préparation de l'avenir des structures liées à Internet. Et malgré sa petite taille, il est à la pointe de la recherche mondiale dans certaines thématiques, et en même temps crée de nombreuses entreprises. Celles-ci représentent un potentiel humain supérieur à celui de l'Institut. C'est un modèle à suivre !

La stratégie de développement de l'INRIA repose sur trois convictions fondamentales :

1) " le cercle vertueux " qui relie la recherche de base et les applications impose de raccourcir les délais de transferts de technologie ;

2) il existe des synergies très profondes entre l'informatique, les mathématiques appliquées et les autres sciences (sciences physiques, sciences du vivant, sciences économiques et sociales) ;

3) Les partenariats et les échanges, au niveau national et international sont d'une importance capitale.

Le contrat quadriennal passé entre l'Etat et l'INRIA, signé le 18 juillet dernier, formalise leurs engagements respectifs pour la période 2000-2003. Il prévoit que les effectifs de l'INRIA seront portés de 755 à 1 180 personnes d'ici 2003, et que les crédits accordés à l'Institut lui permettront d'accompagner l'augmentation de ses effectifs.

En contrepartie de l'effort consenti par l'Etat, l'INRIA s'est engagée à réaliser cinq objectifs définis avec précision :

• contribuer, au meilleur niveau mondial, à la résolution des grands défis scientifiques dans le domaine des sciences et technologies de l'information et de la communication, mais également dans les secteurs où elles jouent un rôle clé, comme les sciences du vivant, avec la bio informatique ;

• obtenir des succès de renom international en matière de transfert technologique , que ce soit par la valorisation des résultats de recherche en milieu industriel, par la création de sociétés de technologie, ou par la diffusion de logiciels, en renforçant notamment ses partenariats avec le monde industriel, son implication dans les incubateurs et les fonds d'amorçage, ou dans les Centres nationaux de recherche technologique (CNRT) proches de ses thématiques de recherche, récemment créés ;

• amplifier son effet d'entraînement et renforcer notablement ses partenariats pour favoriser la réussite de l'ensemble du dispositif national de recherche et d'enseignement supérieur dans le domaine des sciences et technologies de l'information et de la communication ; doubler ses partenariats au sein de projets communs de recherche, tripler le nombre de ses projets de recherche localisés en dehors de ses unités de recherche ;

• accroître son rayonnement international et contribuer à renforcer la communauté scientifique européenne dans le domaine des sciences et technologies de l'information et de la communication, ainsi que sa représentation dans les grandes instances internationales.

• mettre en place une politique de ressources humaines dynamique , améliorer le fonctionnement interne de l'Institut et renforcer son attractivité.

b) La création d'un nouveau département au sein du CNRS

La création d'un nouveau département permettra de regrouper les différentes équipes travaillant en matière de sciences et technologies de l'information.

La création de cette entité répond à un besoin fondamental, car les usages des sciences et technologies de l'information touchent à de très nombreux domaines. Le CNRS, de par sa vocation pluridisciplinaire, devra mener une réflexion sur les conséquences de ces nouvelles technologies .

Celles-ci influenceront les sciences de l'organisation, car l'internet oblige à repenser les structures hiérarchiques en privilégiant le développement des structures du réseau. Elles affecteront les sciences de l'éducation, en facilitant le recours au télé-enseignement, et auront des conséquences révolutionnaires sur les politiques éducatives qui pourront être réalisées, par exemple, en direction du pays du Sud, ou au sein de l'espace francophone. Leur apport peut également être considérable en matière de biologie. Le programme de génome humain supposera la constitution de mégabanques de données, bien sûr, mais aussi les neurosciences qui peuvent, elles, apporter des contributions aux structures des ordinateurs du futur et réciproquement. Les géographes devraient être particulièrement concernés par les conséquences prévisibles du développement du télétravail sur l'aménagement du territoire. Les sciences et technologies de l'information devraient, bien sûr, également intéresser les psychologues, les sociologues et les spécialistes de la cognitique.

4. Une ponction excessive sur les opérateurs de licences UMTS

Il est regrettable qu'au moment où le gouvernement entend conférer une priorité à la recherche sur les sciences et technologies de l'information et de la communication, il procède à un prélèvement, que votre rapporteur juge excessif, sur le secteur de la télécommunication mobile, au risque de handicaper son développement en France.

L'UMTS (Universel mobile telecommunication system) ou mobile de 3e génération, est destiné à remplacer, à moyen terme, la génération actuelle des systèmes de téléphonie mobile. Il entraînera un changement très profond de ce marché considérable. Il permettra en particulier une amélioration significative des vitesses de transmission avec des débits d'au moins 384 kb/s et pouvant aller jusqu'à 2 Mb/s en mobilité réduite (à titre de comparaison, le GSM offre aujourd'hui un débit maximal de 9,6 kb/s alors qu'une ligne fixe classique permet un débit maximal de 56 kb/s).

Cette amélioration du débit autorisera la fourniture de nouveaux services : capacités multimédias, accès efficace à l'internet, transmission vocale de grande qualité... Son marché potentiel est donc susceptible d'être considérable.

L'Union européenne a pris très tôt conscience de l'importance de cette technologie et a fixé un calendrier permettant d'harmoniser l'introduction de ce nouveau standard technique.

C'est dans ce cadre que le gouvernement français a pris les décisions suivantes :

- la décision de limiter à quatre le nombre des licences d'exploitation à distribuer ; (alors que l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont choisi d'attribuer cinq autorisations d'exploitation, tandis que l'Allemagne en a vendu six aux enchères en août dernier) ;

- la décision de sélectionner les opérateurs selon une procédure de soumission comparative.

- la décision d'imposer à chacun des quatre opérateurs retenus le paiement d'une redevance d'un montant total cumulé de 32,5 milliards de francs à acquitter suivant un calendrier de paiement qui s'étend du 30 septembre 2001 au 30 juin 2016.

- la décision présentée au Parlement dans l'article 23 du projet de loi de finances, d'affecter à la caisse d'amortissement de la dette publique 14 milliards de francs en 2001 et 2002, et d'affecter le solde, soit 102 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites.

Il est tout à fait regrettable que malgré l'importance pour l'avenir de notre pays de l'attribution des licences du mobile de 3è génération, et malgré l'importance des sommes qui seront perçues à l'occasion de leur attribution le Parlement ne soit invité à se prononcer que de façon incidente sur ce problème par le biais de l'affectation des redevances perçues auprès des opérateurs.

Votre rapporteur regrette que le gouvernement n'ait pas pris l'initiative de consulter le Parlement sur ce sujet, et souhaite qu'un débat parlementaire soit organisé dans les meilleurs délais.

Il juge pour sa part excessive la ponction qui est opérée par l'Etat sur les acquéreurs de licence UMTS, mais surtout leur utilisation ainsi que du cahier des charges qui laisse 20 % des citoyens et 60 % du territoire en dehors du champ obligatoire de l'UMTS. Ceci est contraire à la loi d'aménagement du territoire et de l'avis de votre rapporteur injuste et à la limite de la constitutionnalité de la République.

Il tient à rappeler que l'introduction de l'UMTS en Europe comporte des risques inhérents à la mise en oeuvre de toute technologie nouvelle, et que ces risques sont aggravés par l'importance des investissements que nécessite le développement des nouvelles structures.

Il rappellera pour mémoire les évaluations citées par la Commission des finances du Sénat.

Selon une évaluation de Dresner-Kleinwort Benson citée dans la vie financière, les investissements mondiaux pour l'installation des réseaux UMTS coûteront au moins 55 milliards d'euros dont 15 milliards d'euros pour l'Europe.

Bouygues-Telecom estime, pour sa part, que le déploiement d'infrastructures qui lui soient propres sur le territoire français lui coûterait de 25 à 50 milliards de francs, en fonction des décisions prises concernant la rapidité du passage de GSM à UMTS. Et ceci sans dépasser la surface de 40 % du territoire prévue au cahier des charges.

Quant à la redevance, certes son paiement global sera échelonnée sur 15 ans, mais la moitié devra être versée dans les deux premières années.

L'Allemagne et la Grande-Bretagne, ont procédé à des mises aux enchères qui ont rapporté respectivement 50 et 38 milliards d'euros mais commencent à regretter la façon dont elles ont procédé.

C'est davantage sur les pays scandinaves qu'il aurait fallu prendre exemple. Ceux-ci n'exigent aucun droit d'entrée. L'avantage qu'en tireront leurs industriels leur permettra de concentrer tous leurs efforts financiers sur les investissements nécessaires, et de prendre une avance qui est susceptible de leur rapporteur bien davantage par le biais de la croissance économique, des créations d'emplois, et des rentrées fiscales qu'elles généreront, qu'une recette non renouvelable !

Votre rapporteur juge également contestable l'affectation de ces recettes , qui est soumis au vote du Parlement, à travers l'article 23 du projet de loi de finances pour 2001. Celui-ci crée un compte d'affectation spéciale n° 902-33 institué " Fonds de provisionnement des charges de retraites et de désendettement de l'Etat ". Ce compte doit affecter 28 milliards de francs (à raison de 14 milliards de francs pour chacun des années 2001 et 2002) à la caisse d'amortissement de la dette publique, et le solde, soit 102 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites.

Votre rapporteur juge regrettable qu'une partie des recettes ponctionnées sur le secteur des télécommunications n'ait pas été consacrée à financer les efforts de recherche en ce domaine, et proposera à la commission des affaires culturelles d'adopter un amendement qui :

- complète la dénomination du fonds par la mention de sa vocation à financer la recherche dans le domaine des télécommunications, de l'informatique, et de l'espace ;

- prévoit qu'une partie des recettes de ce fonds abondera le fonds de la recherche technologique en vue de financer la recherche en matière de télécommunications, y compris spatiales, de logiciels et de multimédias.

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