Question de Mme PHINERA-HORTH Marie-Laure (Guyane - RDPI) publiée le 03/04/2025
Question posée en séance publique le 02/04/2025
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le ministre de l'intérieur, le 4 février dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité, dans un élan transpartisan, la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. À l'Assemblée nationale, ce texte a fait l'objet de modifications importantes, bien naturelles dans le cadre de la navette parlementaire. Je formule le voeu que la commission mixte paritaire sur ce texte crucial puisse trouver un accord le 10 avril prochain.
Toutefois, les mesures qui seront retenues au terme de la navette resteront, à mes yeux, incomplètes pour ce qui a trait à une problématique précise : je pense bien évidemment au phénomène des mules, qui frappe nos territoires ultramarins, notamment la Guyane, que j'ai l'honneur de représenter dans cet hémicycle.
Vous le savez, une grande partie de la cocaïne consommée en France hexagonale et en Europe transite par ces régions. Chaque vol au départ des Antilles ou de la Guyane transporte des mules qui ont ingéré des ovules de cocaïne, au péril de leur vie.
Les contrôles renforcés dans les aéroports ont certes permis de ralentir le trafic, mais n'ont pas pu le juguler totalement. De plus, ces contrôles mobilisent quotidiennement les forces de l'ordre, obligées de délaisser d'autres missions, tout aussi essentielles.
Pourtant, des solutions existent. Après les Pays-Bas, la Belgique vient à son tour de se doter d'un scanner corporel capable de détecter la cocaïne transportée in corpore. En France, les autorités compétentes en matière de sûreté nucléaire et de santé doivent délivrer un agrément pour autoriser ces installations, mais la situation est trop grave pour ne pas engager cette démarche au plus vite.
Monsieur le ministre, je vous sais préoccupé par ce problème. Je sais que les autorités sont mobilisées et conscientes de l'ampleur du phénomène. Néanmoins, force est de constater que plusieurs pays européens se dotent de moyens efficaces pour interpeller les porteurs de boulettes ingérées ou insérées dans leur corps. Alors, pourquoi, malgré la pertinence de cette mesure, la France tarde-t-elle à emboîter le pas aux Belges et aux Néerlandais, et à installer des scanners corporels dans les aéroports parisiens ? Cette inaction pourrait être interprétée comme une volonté de laisser faire ! (Mme Patricia Schillinger et M. Albéric de Montgolfier applaudissent.)
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 03/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 02/04/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je vous sais très engagée dans le combat contre le narcotrafic, qui est en train de gangrener tous nos territoires métropolitains et ultramarins, mais notamment ultramarins, en raison de leur proximité avec les pays producteurs ; ces territoires, en particulier les Antilles, se trouvent en effet sur les grandes routes de la drogue.
Je vais répondre sans détour à votre question. C'est vrai, les Pays-Bas, la Belgique recourent à des machines permettant de détecter précisément, à l'intérieur du corps des mules, la présence de drogues dures. Je pense que ces pays ont raison.
Qu'est-ce qui empêche de faire de même chez nous ? Le fait que nous considérons qu'il s'agit d'un acte médical, qui dépend des autorités de sûreté nucléaire et de santé. Pour ma part, je suis favorable à un changement de la réglementation applicable, parce que les mules, quand elles ingèrent ces capsules, mettent en jeu leur propre vie ! Qu'est-ce qui est le plus dangereux ? De détecter les capsules ou de mettre en danger la vie de ceux qui les transportent jusqu'en France ?
Cela dit, nous agissons tout de même, madame la sénatrice, puisque nous avons intensifié les contrôles. Ainsi, à Roissy et à Orly, nous avons arrêté, au cours des trois premiers mois de cette année seulement, autant de mules que durant toute l'année 2024 !
Nous procédons aussi à des contrôles au point de départ, avec les douanes, l'Office anti-stupéfiants (Ofast) et la police aux frontières, en resserrant le filet. Nous menons ainsi ce que l'on appelle des opérations « 100 % contrôle », lesquelles ont permis l'arrestation de 738 mules. Le préfet a en outre émis plus de 4 000 refus d'embarquement en cas de faisceau d'indices.
J'appelle donc à une réaction, pour faire ce qu'ont fait nos voisins, comme les autres pays européens.
En outre, puisque vous étiez très engagée lors de l'examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, sachez que celle-ci a connu un grand succès : après avoir été adoptée à l'unanimité par le Sénat, elle a été votée hier à une très forte majorité à l'Assemblée nationale. Or ce texte provient, j'y insiste, du Sénat, c'est-à-dire du Parlement. Donc, bravo ! Croyez-moi, lorsqu'un texte est adopté par une majorité importante à l'Assemblée nationale, c'est qu'il est puissant et pertinent... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. M. Bernard Buis applaudit également.)
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